vendredi 18 septembre 2009

Et le parti, monsieur Mulroney ?

Brian Mulroney a été un grand premier ministre du Canada. On fêtait, hier soir, le 25ième anniversaire de son éclatante victoire de 1984 alors que le parti Progressiste Conservateur du Canada (PPC) avait remporté la plus grande majorité parlementaire depuis le début de la confédération canadienne. Son bilan de PM est fort impressionnant et va de l’entente avec les USA pour l’accord sur le libre-échange commercial entre les deux pays à son extraordinaire effort pour régler, une fois pour toutes, la question des relations entre les anglophones et les francophones du pays par l’Accord du lac Meech et l’Accord de Charlottetown. Ce sont les réformistes de l’ouest (Manning, Harper et cie) et les séparatistes du Québec (Parizeau et cie) avec l’aide de l’ex-PM Pierre-Elliot Trudeau qui ont finalement bloqué, lors du référendum, cet accord si important pour l’avenir du Canada.

Globalement, le Canada a bien progressé durant les 10 ans que Mulroney fut PM. Le Québec et Montréal furent particulièrement choyés.

Le PPC dont le nom est en fait composé de termes contradictoires était un vrai parti à la mesure de tous les Canadiens. S’il n’avait pas été souvent populaire au Québec, c’était surtout à cause de ses actes passés, générés par les conservateurs du parti, envers les francophones. Mais le temps changea les choses et les progressistes avaient repris le leadership du parti, depuis plusieurs décennies. Ses chefs John Diefenbaker, Robert Stanfield, Joe Clark et Mulroney avaient réussi, petit à petit, à reprendre du poil de la bête au Québec. L’Association Progressiste Conservatrice Fédérale du Québec (APCFQ) était bien vivante, politiquement et financièrement autonome.

Le malheur c’est qu’après deux victoires électorales majoritaires consécutives, tout changea dramatiquement à cause, particulièrement, de la nouvelle taxe sur les biens et services, la TPS (TVA en France), qu’imposa Mulroney. Malgré que ce fut une de ses meilleures décisions, applaudie par les économistes, puisqu’elle rétablissait le pays sur une base financière solide, elle fut très mal comprise et mal acceptée par les électeurs. Ajouté à la sale campagne négative lors du référendum, menée particulièrement dans l’Ouest Canadien par le Reform Party, où le PPC avait son château-fort, le résultat fut désastreux et le parti chuta dramatiquement dans les sondages pour atteindre 14%. Au lieu de reconnaître la situation précaire du parti et laisser son poste à un autre chef qui pourrait ragaillardir le parti, Mulroney resta au pouvoir. Je ne sais vraiment pas pourquoi car il avait clairement affirmé avant sa première victoire qu’il démissionnerait après deux mandats. Donc, malgré que son retrait de la politique fût imminent, il s’agrippa quand même.

Finalement, au bout légal du mandat, Mulroney annonça son départ et, en désespoir de cause, les membres du parti choisirent pour la première fois une femme comme leur chef, Mme Kim Campbell. Elle s’engagea dans une élection perdue d’avance. Le résultat fut plus que lamentable. De 169 députés à la Chambre des Communes, le parti se retrouva avec deux députés et perdit son statut de parti officiel. Le PPC n’était même pas l’opposition officielle au parlement. Au Québec, l’APCFQ, organisation démocratique, avait été abolie au profit des organisateurs politiques du parti. Évaluant qu’il était impossible de se maintenir au pouvoir, ces derniers, en purs opportunistes, disparurent comme des rats. Voilà l’héritage que laissa Brian Mulroney à son parti. Alors qu’il avait été élu pour diriger et protéger son parti, il ne laissa que des ruines dont le parti ne se relèvera jamais malgré que ce dernier ait bien servi le Canada depuis 1867.

Pendant ce temps, les néoconservateurs réformistes influencés par les politiques du temps du président Reagan et du PM britannique Mme Thatcher, gagnèrent des députés au point que finalement, après quelques élections, ils se retrouvèrent sur les bancs de l’opposition officielle à la Chambre des communes avec Stephen Harper comme chef de l’Alliance Canadienne (un nom nouveau que se donnèrent les réformistes pour masquer la vérité). Le PPC avait alors reprit un peu de force avec 15 députés. Ne pouvant gagner des élections avec son image de parti de droite-extrême droite, les électeurs progressistes refusant de voter pour lui, le pragmatique Harper imagina une fusion avec le PPC, qui accepta, et proposa de changer le nom du parti en celui de Parti Conservateur du Canada (PC). Tout cela au grand déplaisir des ex-conservateurs progressistes comme moi. Harper fut évidemment choisi chef du parti, car les réformistes contrôlaient plus de 80 % des délégués à la convention. Adieu, passé, histoire, PPC, progressistes…

Le Parti conservateur de Harper fait partie du bilan politique de Brian Mulroney. Ce n’est pas son plus beau fleuron puisque d’un coup le parti est revenu 60 ans en arrière. Stephen Harper et ses réformistes peinent à faire élire un gouvernement majoritaire puisque leur philosophie politique ne colle pas à la réalité canadienne, surtout pas celle des Québécois. J’espère qu’ils ne réussiront pas car je crains les changements irrationnels qu’ils nous imposeront.

Mulroney a beau se dire un ex-PM Conservateur, ce n’est que de la frime pour faire oublier ce qui est arrivé à son parti Progressiste-Conservateur. Ce dernier et le PC sont deux partis différents. L’ex-PM Joe Clark élu sous la bannière du PPC refuse depuis de se joindre au parti conservateur d’Harper et il n’est pas le seul. Il y a aussi plusieurs sénateurs importants qui rejettent l’étiquette conservatrice. Hier, lors de sa fête, Mulroney a exprimé à nouveau sa confiance dans le Parti Conservateur d’Harper. Pour moi, cela ne peut se justifier que par ce que je viens d’écrire car la philosophie politique de Mulroney est aux antipodes de celle d’Harper.

J’ai vécu ces années puisque j’ai été, plus de 30 ans, très actif dans le Parti Progressiste-conservateur du Canada. J’ai connu Brian Mulroney très jeune et je me suis lié d’amitié avec lui. Autant je l’ai admiré pour avoir pu gagner deux majorités importantes pour le PPC, autant je déplore la fin de sa carrière politique et ses prises de positions d’aujourd’hui.

J’ai été surpris de la campagne négative qu’il subit depuis plus de 15 ans. Le livre qui a été écrit contre lui avec un titre flamboyant « On the Take » ne comprenait pas de preuve. J’ai eu l’impression que l’auteur voulait se venger de Mulroney.

Je regrette les actions de la Gendarmerie Royale du Canada qui durant plus de 10 ans s’est acharnée à faire des enquêtes sur Mulroney, en affirmant même, par la bouche de son porte-parole, qu’il était un criminel, alors qu’aucune accusation n’a jamais été portée contre lui.

J’ai été choqué pas la chaine anglaise de Radio-Canada qui s’est acharné contre Mulroney en prenant comme base les extraits de ce livre et de fausses informations émanant de la GRC pour présenter des émissions télévisées visant à prouver qu’il fut un homme politique corrompu. Les mass media canadiens et québécois qui enchaînaient leurs reportages sur la base des infos de la CBC agirent aussi de façon irresponsable.

J’ai été étonné d’apprendre ses relations d’affaires, après avoir quitté son poste de PM mais toujours député, avec l’allemand Karlheinz Schreiber et le fait que ce dernier lui ait remis, en argent comptant, un « retainer » pour ses services d’avocats et que Mulroney l’ait accepté. Ce fut une erreur qu’il reconnaît aujourd’hui et qui laisse de lui une très mauvaise image à cause du fait qu’il n’a payé son impôt sur ce montant que six ans plus tard. Nonobstant cela, j’ai l’impression que l’enquête publique sur ce cas tournera en faveur de Mulroney car je le crois foncièrement honnête.

Il y en a qui diront qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Peut-être mais dans le cas de Mulroney, je veux souligner que malgré toutes les enquêtes faites depuis tant d’années sur sa personne, aucune preuve criminelle n’a jamais été produite contre lui. Quand même !

Assez, c’est assez ! Il est temps qu’on le lâche et qu’on le laisse lécher ses blessures, comme il dit. Il a bien servi le pays comme Premier Ministre. Il a été un grand chef d’État, fier et courageux puisqu’il a prôné des politiques même impopulaires mais nécessaires pour notre pays. Il mérite notre respect et notre reconnaissance.

Il a ses fautes et j’en ai soulignées dans ce texte. Qui n’en a pas ?

Claude Dupras

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