jeudi 28 février 2013

La séparation du Québec, c’est payant ?

Encore une fois, un gouvernement péquiste veut nous embarquer dans un débat pour séparer le Québec du Canada. Au moment où les gouvernements du monde, le Canada et le Québec inclus, vivent des problèmes économiques et fiscaux de plus en plus importants, voilà que la PM du Québec, Pauline Marois, relance le débat sur la séparation avec le slogan « la souveraineté, c’est payant ».

Le Québec, nonobstant le haut montant de péréquation que le gouvernement fédéral lui verse annuellement, ajouté à nos impôts, dont les taux sont les plus hauts du pays, demeure une province « pauvre » du Canada. Mais c’est temporaire car dans quelques années tout va changer, d’après Marois. En effet, nous serons devenus si riches que le Québec ne recevra plus de versement de péréquation annuelle. WOW ! bonne nouvelle ! Tant mieux si cela arrivait. J’ai toujours rêvé à ce moment qui signifierait qu’en tant que membre de la fédération canadienne nous aurions finalement, grâce à tous nos efforts, amélioré notre capacité de production et de services au point de générer des revenus pouvant faire du Québec : une province « riche » du Canada.

« C’est un bon moment pour quitter le Canada » dit Pauline Marois, si nous voulons atteindre et profiter du niveau de richesse qui, selon elle, nous attend à l’horizon.

Pour atteindre cet apex, il faudra que les choses changent radicalement car nous sommes loin d’être riches. Stephen Jarislowsky, gestionnaire et investisseur renommé de Montréal, nous l’a rappelé dans une récente déclaration qui nous ramène vite à la réalité.

Tout le monde connaît les problèmes de la Grèce. C’est en particulier l’endettement découlant de ses dépenses effarantes qui ont tué sa capacité de concurrencer sur les marchés mondiaux et de rembourser sa dette. Or, « le Québec est dans une position similaire », affirme Jarislowsky. Soulignant que 25% de nos travailleurs sont soient syndiqués ou fonctionnaires, gagnent davantage que le secteur privé et ont et auront tous des pensions indexées, il s’écrie « Ça ne peut durer » sinon c’est la catastrophe.

Il faut rappeler que le ministère des finances du Québec, calquant la méthode de calcul de l'OCDE, estime que Québec est la province canadienne la plus endettée du Canada. Et, plus que le Canada dans son ensemble, les USA, la France…

Nos gouvernements passés ont agi trop souvent en fonction de gagner leur réélection. Ils ont généralement évité de poser les gestes nécessaires à la réorientation progressive et solide de l’économie québécoise. « Nous avons besoin d’un gouvernement responsable » de dire Jarislowsky.

Il estime que le prix des matières premières va baisser, que cela affectera négativement le plan Nord et fera en sorte que les revenus additionnels générés par les augmentations des redevances minières imaginées et promises par le gouvernement Marois risquent de devenir des chimères.

Par ailleurs, la diminution actuelle du nombre des transactions immobilières démontre que les propriétés au Québec sont trop chères et que la tendance à la baisse est réelle et risque de s’accentuer. Dans l’ensemble du Canada, elles sont surévaluées de 20%. Plusieurs observateurs avertis craignent que la bulle immobilière éclate. Et, quand le bâtiment ne va pas, peu va...

L’autre problème, est le niveau d’économie chez les Québécois et Québécoises. Les taux d’intérêt étant presque nuls, ces derniers ne sont pas motivés à épargner. On vit avec sa ligne et sa carte de crédit et, comme un funambule, on jongle à chaque fin de mois pour assurer son équilibre. Sur ce sujet, Jarislowsky rappelle « la relance de l’économie va se faire avec l’argent épargné et non l’endettement ». Il craint que la continuation de l’augmentation de l’endettement nous mène vers une période de « 20 ans sans essor économique ». On le voit déjà dans les pays du sud de l’Europe et même en France. Hollande parle de croissance mais en fait sa gouvernance l’empêche et il ne peut faire autrement. Au Québec, nous profitons depuis les récentes années de la réalisation de nombreux programmes de constructions et de rénovations des infrastructures. C’est suite à une initiative du gouvernement du Canada que le Québec a décidé d’y participer activement. Sans ces projets où serions-nous ? Le taux de chômage serait sûrement beaucoup plus élevé que le 7,1% actuel ? Malheureusement, le fédéral et le Québec annoncent vouloir réduire leurs efforts dans ces domaines vitaux, pour maintenir la relance, à cause de leurs problèmes budgétaires. Ça risque de faire mal…

Depuis toujours, Montréal est le moteur économique du Québec. « Cependant on constate que l’argent normalement dévolu à la métropole prend maintenant, plus souvent qu’autrement, la direction des régions », explique Jarislowsky. Et cela pour des raisons de pouvoir politique. Ce n’est pas le bien être économique du Québec qui est la priorité mais la capacité des gouvernements de rester au pouvoir. « Un vote de Montréal vaut moins qu’ailleurs », souligne Jarislowsky avec raison. Les régions deviennent plus puissantes et accaparent des fonds.

Il qualifie Charest de « fainéant » pour n’avoir pas été plus productif, Maintenant, un gouvernement minoritaire rejette l’exploration des gaz de schiste et laisse les élus municipaux (ils pensent aussi à leur réélection) décider de l’exploitation de cette ressource naturelle pouvant bénéficier à tous. On ne veut pas en produire chez nous mais on en importe des USA. Drôle de logique économique que celle de ces idéologues, devenus ministres, qui gèrent les questions importantes touchant les ressources naturelles et l’environnement selon leurs objectifs personnels, tout en ignorant la réalité et l’intérêt général.

Un autre problème, souligné par Jarislowsky et qui n’est pas seulement celui du Québec, est l’âge fixé pour la retraite. La vie se prolonge à 82 ans, une augmentation de 12 ans depuis les 25 dernières années, alors que l’on travaille toujours de 30 à 40 ans. En plus, les baby-boomers accèdent à cette tranche de la vie. Cela fera en sorte que les régimes de pensions vont de toute évidence manquer de fonds. Il devient incontournable que l’âge de la retraite passe à 70 ans au lieu de 67 ans. Si elle veut que le Québec soit riche, la PM Marois devra agir sans hésitation, sinon notre futur économique ne sera pas aussi rose qu’elle le pense et cela n’a rien à voir avec la séparation.

Depuis son élection, Pauline Marois a agi en personne sage, expérimentée et n’a pas voulu trop bousculer la cage. Elle a démontré qu’elle sait que le temps est au travail et à l’investissement et non pas nécessairement au placotage séparatiste. Mais elle est chef d’un parti dans lequel bouille une nouvelle ferveur indépendantiste activée par une nouvelle génération poussée par l’ancienne. Pour le chef d’un tel parti rien n’est facile. Alors pour rallier les résistants à son gouvernement, elle donne le signal à ses troupes de « retrousser les manches » et d’affirmer partout que la séparation du Québec est pertinente, alors qu’elle ne l’est pas. Et elle le sait, puisque les sondages de Léger Marketing et CROP (et sûrement ceux de son parti) démontrent que le nombre de Québécois et Québécoises qui la favorise est graduellement à la baisse et frise actuellement 30%, nonobstant le fait que le gouvernement Harper fasse tout pour déplaire aux Québécois.

Pour chercher à démontrer la justesse de sa prévision de richesse future, Marois fustige le gouvernement fédéral qui investit 20 milliards $ dans la construction de navires militaires canadiens dans les provinces maritimes au lieu d’au Québec. « C’est notre argent aussi » déclare-t-elle, laissant entendre que cet argent serait dépensé au Québec, si celui-ci ne faisait pas partie du Canada. Elle néglige de souligner qu’un très grand nombre de fournisseurs, de sous-traitants et de travailleurs québécois participeront à la réalisation de ce projet.

De plus, Marois semble avoir oublié (on ne peut la blâmer puisqu’aucune personne d’affaires ne fait partie du cabinet des ministres pour lui rappeler) qu’il y a à peine quelques années le gouvernement canadien a favorisé Montréal au lieu de Winnipeg pour l’entretien des chasseurs F-18, confirmant Montréal comme capitale de l’aéronautique canadien. Il aida aussi au renforcement de l’avionnerie Bombardier Aéronautique dans la métropole en facilitant l’achat, par elle, de Canadair et de De Haviland.

Bombardier en plus de ses avions d’affaires et autres, vend de plus en plus les avions régionaux de sa série C, capables de transporter de 100 à 150 personnes. Elle concurrence Airbus, Boeing et l'avionnerie brésilienne Embraer.

La permanence et le développement de notre avionnerie a favorisé la création de centaines d’entreprises de fournisseurs spécialisés, réparties partout au Québec et au Canada. Des dizaines et des dizaines de milliers d’emplois à long terme, de haute technologie et de hauts salaires ont été créés. De nouveaux métiers s’ajoutent sans cesse grâce à de nouvelles technologies comme, par exemple, le nouveau matériel de fuselage « composite ». En plus ces fournisseurs, tels Rolls-Royce pour les moteurs, CAE pour l’électronique et d’autres, d’importance égale ou moindre, vendent maintenant non seulement à Bombardier mais aussi à ses concurrents. Plusieurs signent même des contrats de produits dérivés de l’application Bombardier à des constructeurs de métros et d’équipements de transport dans le monde.

Bombardier Aéronautique engage plus de 70 000 personnes sur la planète. Ça c’est de l’aide gouvernementale qui rapporte à court et long terme et une démonstration que Montréal est le moteur économique du Québec.

Si Jarislowsky a raison, et je le pense, le temps est de faire face à la musique, de prendre les décisions qui s’imposent et de travailler davantage, car des jours difficiles s’annoncent. Et cela s’applique à chacun de nous et à notre gouvernement. Il est facile de jacasser de séparation surtout en brandissant le mythe d’une richesse basée sur des probabilités discutables, mais est-ce réaliste et dans notre intérêt comme nation ? Je ne crois pas que ce soit payant à ce moment-ci !

Claude Dupras

vendredi 22 février 2013

Le nouveau Camilien Houde

Il y a dans la démarche de Denis Coderre des choses qui me font penser à Camilien Houde, l’ex-maire de Montréal.

Et, il y a quelques jours, un autre ex-maire, Jean Doré élu en 1986, plus contemporain, est venu salir Coderre de façon simpliste en le dénigrant méchamment. Doré a dit : Coderre est « bon pour faire son auto-promotion mais comme maire de la ville de Montréal, ce n’est pas le genre de personne que ça prend! ».

Camilien Houde, fils d’ouvrier d’une famille de 10 enfants, perd son père à 9 ans et voit sa mère devenir couturière dans une usine de textiles pour subvenir aux besoins de la famille. Voulant l’aider, il travaille comme livreur pour une boucherie, tout en poursuivant difficilement ses études qui se terminent par le diplôme de cours commercial du collège Lasalle de Longueuil, dirigé par les Frères des écoles chrétiennes. Il a 16 ans et devient caissier de la banque d’Hochelaga et 10 ans plus tard en est le gérant. Il épouse la fille d’Urgel Bourgie, entrepreneur de pompes funèbres, qui décède après avoir mis-au-monde deux enfants. Il se remarie et quitte la banque pour tenter sa chance dans différents commerces, où il n’a pas de succès. Il devient représentant d’une biscuiterie, ça ne va pas et crée un commerce d’importation de charbon. Il échoue lamentablement. Il devient agent d’assurance et connaît encore des déceptions et lâche ce métier. Entretemps, il s’intéresse au parti conservateur du Québec. Son mentor et ancien patron de la biscuiterie, un de 5 députés conservateurs, l’enjoint à devenir candidat du parti dans le comté de Ste-Marie dont le député-sortant est appuyé par la forte machine électorale du maire de Montréal, Médéric Martin. C’est un difficile défi. Durant la campagne, il se dévoile comme un orateur flamboyant, un tribun hors de l’ordinaire qui électrise les foules. À la surprise générale, après plusieurs déboires, Camilien gagne et devient député conservateur. À 33 ans, le plus jeune député provincial est « le p’tit gars de Ste-Marie ». Jean Doré aurait sûrement dit du candidat Camilien Houde, « il n’a pas les qualités pour devenir député ».

Denis Coderre est un mordu de la politique depuis sa jeune enfance. Il est volontaire et travailleur pour le parti libéral du Canada. Il obtient avec grand succès son baccalauréat en science politique de l'Université de Montréal et, plus tard, une maitrise en administration des affaires pour cadres (Executive MBA) de l'Université d'Ottawa. Né à Joliette, il a 25 ans lorsqu’il convainc son parti et les Joliettains libéraux de le choisir candidat pour l’élection fédérale de 1988. Mais Brian Mulroney est au sommet de sa gloire et Joliette est progressiste-conservateur depuis toujours grâce à l’ex-Ministre Roch Lasalle. Qu’importe la difficulté, Denis y voit un premier pas vers un éventuel siège à la Chambre des Communes. Il perd. En 1990, il y a une élection partielle dans le comté Ste-Marie. Encore-là, la conjoncture n’est pas favorable. Coderre reçoit la bénédiction des libéraux du comté et devient leur candidat contre Gilles Duceppe qui fait sa rentrée en politique. Coderre se lance dans une élection à la Camilien. Il attire et enthousiasme les foules de tous les coins du comté avec des discours flamboyants, en chemise avec ses larges bretelles rouges. Mais ce n’est pas suffisant pour les nombreux séparatistes de ce comté qui endossent solidement Duceppe. Mais qu’importe, c’est l’expérience qui entre et Denis pense déjà à la prochaine élection générale. Elle arrive en 1993, et il choisit sa circonscription électorale de Bourassa pour briguer à nouveau les suffrages. Le Bloc a le vent dans les voiles et son candidat l’emporte sur Denis. Mais qu’à cela ne tienne, il sait maintenant que ce comté l’élira un jour député. Dès le lendemain de sa défaite, il s’attèle pour gagner la prochaine et en 1997, il récolte enfin les efforts des 10 dernières années et devient député fédéral de Bourassa devant le bloquiste tout surpris de sa défaite. Denis Coderre a 33 ans, comme Camilien Houde.

En 1927, quatre ans après avoir été élu, Camilien est battu lors de la nouvelle élection. Doré dirait « Ah, je vous l’avais bien dit ». Le parti conservateur voit sa députation coupée en deux. Mais Camilien sait que le libéral a volé l’élection. Il la conteste en cours. Elle est annulée par le juge et après plusieurs mois doit être reprise. Entretemps, une élection municipale doit se tenir en 1928 à Montréal. Le maire Martin occupe son siège de premier magistrat depuis 15 ans, mais Camilien qui le sait responsable de la fraude qui a occasionné sa défaite, décide de se porter candidat à la mairie et monte une équipe solide pour l’appuyer. Il accuse, entre autres, Martin d’avoir mal négocié l’achat du réseau d’aqueduc de la compagnie Montreal Water and Power. Camilien récolte 60% des suffrages et devient maire de Montréal. La charte de Montréal, à ce moment–là, donne le pouvoir à l’exécutif qui est composé d’amis de Martin. Il ne reste à Camilien que le prestige attaché au titre de maire. A l’élection partielle dans son comté, il décide d’être candidat à nouveau et regagne son siège de député. Il a donc deux tâches politiques et avec la renommée qu’elles lui rapportent, il devient un des politiciens les plus écoutés au Québec. Quelque temps plus tard, le chef du parti conservateur, Arthur Sauvé, démissionne et Camilien est élu nouveau chef. A l’élection municipale qui suit en 1930, l’équipe de Camilien obtient la majorité au conseil municipal et à l’exécutif. Le peuple lui fait de plus en plus confiance.

Denis Coderre arrive à Ottawa et s’initie aux travaux parlementaires et à son poste de député fédéral. Deux ans plus tard, le PM Jean Chrétien l’invite à siéger au conseil des ministres comme responsable du sport amateur et il contribue à l’implantation de l’agence internationale anti-dopage à Montréal. Et en 2003, le PM Paul Martin le nomme président du conseil privé et responsable de plusieurs dossiers, comme la création de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, interlocuteur fédéral auprès des Métis et ministre responsable de la Francophonie. Il est réélu député de Bourassa nonobstant les vagues bloquistes ou néo-démocrates en 2004, 2006, 2008, 2011 et toujours avec de grosses majorités. Il est un député qui travaille, qui connait bien les besoins des gens de son comté, qui sait écouter et agir pour le peuple. Et le peuple, comme jadis pour Camillien Houde, lui rend bien sa confiance puisqu’il est député de Bourassa depuis 16 ans.

Camilien Houde a été maire de Montréal pour un total de 18 ans, député provincial de Ste-Marie durant 12 ans et député fédéral de Papineau durant 4 ans. Il a eu le privilège d’obtenir la faveur de ses commettants pour la raison que ces derniers le voyaient comme un des leurs qui les comprenait bien. Certes, Camilien Houde est devenu une très grande idole à cause de sa peine en prison suite à son objection publique à la conscription obligatoire durant la deuxième guerre mondiale. Mais mis à part cet important fait, arrivé à la fin de sa carrière politique, le reste de sa vie politicienne à été remarquable et de longue durée.

Quant à Jean Doré, il aura été maire de Montréal durant 8 ans. Élu en 1986 grâce au Rassemblement des Citoyens et Citoyennes de Montréal (RCM) qui, à ce moment-là, comptait 25 000 membres actifs dédiés à remplacer le Parti Civique au pouvoir depuis 30 ans, il est réélu en 1990 mais le parti n’a plus que 5 000 membres. Par la suite, il renie le RCM qui l’a porté au pouvoir et s’engage dans une dernière campagne électorale en créant un nouveau parti, Équipe Montréal. C’est un désastre. Il est battu à plat de couture n’obtenant que 10,3 % du vote, dépassé même par Michel Prescott, chef du RCM, qui récolte 14,8 %. Il ne fait élire que deux conseillers très connus, Sammy Forcillo et Helen Fotopoulos, sur 51 et son parti finit la campagne avec des dettes de 300 000 $, selon les médias. Il s’est avéré être un piètre maire, loin du peuple et celui-ci l’a sanctionné durement ainsi que ceux qui le suivaient. Jamais un ancien maire n’a été ainsi châtié et humilié depuis Camilien Houde.

De toute évidence, Jean Doré n’a pas de leçon a donné aux Montréalais et Montréalaises en rapport avec les candidats à la prochaine élection municipale. Surtout pas en rapport à Denis Coderre, un gagnant en politique à laquelle il a dédié sa vie et qui fait un très bon travail de député. Il est un populiste comme Camilien Houde l’était et il n’y a rien de mal à ça, car de tels personnages sont près du peuple, le comprenne, le serve bien et la ville devient plus dynamique et mieux connue. Le maire La Beaume de Québec, est un autre bon exemple.

En politique municipale, comme ailleurs, le passé est garant de l’avenir.

Claude Dupras

Ps. Ce texte laisse peut être entendre que je supporterai Denis Coderre à la prochaine élection municipale. Ce n’est pas le cas car je réserve cette décision pour le jour où tous les candidats seront connus et c’est à ce moment-là que je ferai mon choix, comme tous les Montréalais et Montréalaises. Ma position actuelle n’est que pour faire valoir que la candidature de Denis Coderre est fort acceptable.

mardi 19 février 2013

La bataille Obama vs Harper

D’un côté nous avons le champion des environnementalistes et de l’autre leur pire ennemi. L’enjeu est grand. Entre autres, la construction de l’oléoduc Keystone XL.

Il y a plus d’un an, Obama l’a bloquée suite aux craintes des Nebraskais et de leur gouverneur face aux effets possiblement néfastes sur les nappes aquifères de leur territoire. Obama avait alors affirmé qu’un nouveau tracé devait être trouvé pour qu’il l’autorise. Le nouveau tracé est déterminé et le gouverneur du Nebraska accepte maintenant que l’oléoduc traverse son État.

Mais Obama, depuis sa réélection, a modifié quelque peu ses positions. Il se place définitivement plus à gauche. Ainsi dans ses discours, Inaugural et « State of the Nation », il s’est engagé à combattre les changements climatiques et a expliqué : « Évidemment, plus les efforts seront importants dans le secteur de l'énergie — que ce soit l'industrie des sables bitumineux au Canada, celle de l'énergie aux États-Unis ou ailleurs —, et plus ces industries feront des progrès dans la réduction des gaz à effet de serre, de leur consommation d'eau, mieux nous nous porterons tous ». Et vlan… sur le manque de politiques environnementalistes d’Harper.

Alors que la décision finale d’Obama approche, les américains et canadiens opposés à l’exploitation des sables bitumineux se font valoir. Ils étaient plus de 30 000 manifestants devant le monument de Washington contre la construction de l’oléoduc et contre l’achat au coût de 15,1 milliards $ de Nexen Inc, producteur de pétrole des sables bitumineux, par la société nationale chinoise CN00C. À cette rencontre, les médias ont rapporté une phrase d’un discours qui en dit long sur ce qui motive les manifestants : « Martin Luther King was fighting for equality, we are fighting for existence ».

Harper n’est pas heureux de se faire tasser dans le coin par Obama. Déjà que les relations entre les deux chefs politiques (Harper penchait du côté républicain lors de l’élection de novembre) étaient, au plus…, amicales, plusieurs disent froides, voilà le PM canadien sur la défensive.

Voulant éviter une dispute publique, Harper hésite à user de rétorsions. Par contre, pour accentuer la pression sur son vis-à-vis américain, il cherche non seulement à utiliser la puissance des lobbyistes pétroliers mais aussi à appuyer l’important mouvement ouvrier américain AFL-CIO. Ce dernier, qui a toujours appuyé électoralement Obama, est favorable à la construction du pipeline à cause du potentiel de milliers de nouveaux emplois qui y seront créés.

Harper rappelle aussi les avantages du libre-échange (le Canada est le premier pays commerçant avec les USA), les collaborations militaires (Iran et Afghanistan) et autres. Il souligne les importantes commandes d’équipements militaires américains. Plus souvent qu’autrement, dit-il, le Canada dit « Oui » aux USA, le temps est venu maintenant aux USA de dire « Oui » au Canada. Pour Harper, c’est ça une bonne relation entre voisins.

Le Canada a économiquement besoin de vendre son pétrole et vise à augmenter la production venant des sables bitumineux afin de pouvoir en diminuer le prix de revient. Le billet du 3 janvier 2013 de mon blog « le boom pétrolier canadien » rappelait que « le gouvernement de l’Alberta recherche d’autres moyens pour livrer son pétrole car cela devient important pour lui puisque 25 % de ses revenus découlent des royautés. De plus, les baisses récentes du prix du pétrole brut sur les marchés mondiaux ont plongé le gouvernement albertain dans un déficit de 3 milliards $ pour l’exercice qui se termine. Cela va affecter indirectement les Québécois, puisque les versements de péréquation aux provinces les plus pauvres seront plus bas avec une Alberta moins riche ». Il est donc dans l’intérêt économique de ces provinces canadiennes que l’oléoduc XL soit réalisé.

Parce qu’Obama veut limiter, pour des raisons de sécurité, l‘importation du pétrole du Moyen-Orient et du Venezuela, les USA ont augmenté considérablement leurs importations de pétrole canadien à 2,4 millions de barils/jour de l’Alberta. Le Keystone XL ajoutera de 500 000 à 700 000 b/j. C’est beaucoup. De plus, si l’oléoduc Enbridge Northern Gateway (transmontages-rocheuses) avec une capacité de 850 000 b/j et l’inversion du pipeline Sarnia vers l’est canadien sont réalisés, l’argent rentrera à flots dans les coffres non seulement de l’Alberta, mais aussi du gouvernement du Canada et des provinces.

Si les oléoducs ne sont pas construits, l’exploitation des sables bitumineux sera-t-elle alors arrêtée ? J’en doute, car les compagnies pétrolières ont beaucoup de moyens, de capacité et d’imagination et elles trouveront des solutions pour s’en sortir honorablement. Mais cela sera loin du niveau que permettraient les nouveaux oléoducs.

Nous sommes donc, nous les Canadiens, devant un dilemme. Si le projet va de l’avant, nous serons beaucoup plus riches; s’il est arrêté, l’environnement se portera mieux. Si Keystone est annulé, les chances sont que le Enbridge Northern Gateway le soit aussi, pour les mêmes raisons. Ce sera de gros pas économiques en arrière pour l’économie canadienne. La décision que prendra Obama est donc, par conséquent, très importante pour chacun de nous.

Pour nous convaincre de l’appuyer, Harper a entrepris une campagne publicitaire à même les fonds publics pour expliquer l’importance et l’impact du secteur énergétique canadien. Le but est surtout de motiver les Canadiens tout en faisant appel à leur sens patriotique. Elle les « encourage à mieux s’informer de l’importance de l’énergie sur l’économie canadienne et leur qualité de vie ». Dans un premier temps, faible en faits, ce ne fut pas un succès, mais après quelques ajustements importants, l’analyse de la deuxième campagne démontre que les individus qui l’avaient visualisée se disaient fiers d’être canadiens et que le Canada faisait tous les efforts pour protéger l’environnement.

Dans mes billets, j’ai toujours dénoncé, depuis 2005, le pétrole sale issu des sables bitumineux. Beaucoup d’experts et de personnalités se sont montrés indignés devant cette exploitation. L’Union Européenne refuse d’acheter le pétrole canadien pour cette raison même si avec le temps, des mesures ont été prises et la situation s’est quelque peu améliorée. Mais elle est loin d’être parfaite.

Le gouvernement du Canada et les pétrolières ont un grand besoin de l’oléoduc Keystone XL. La bataille Harper-Obama ne fait que commencer. Obama est en position de force et a une belle occasion de transformer Harper en environnementaliste, du moins momentanément. Ce ne sera pas facile. Mais il peut établir ses conditions, dont l’obtention d’un pétrole plus propre et une lutte sérieuse de la part du gouvernement du Canada pour combattre les changements climatiques sur le continent de l’Amérique du Nord.

De son côté, Harper va vite comprendre que le discours d’Obama peut persuader un plus grand nombre de Canadiens que ne le font ses campagnes publicitaires. En bon politicien, il sait que tout peut arriver suite à cette bataille, dont perdre les prochaines élections fédérales. Il ne peut que céder.

Je crois que l’oléoduc Keystone XL sera réalisé aux conditions d’Obama. Je suis dans son camp et je l’encourage.

Claude Dupras