dimanche 24 août 2014

Conseil de Lucien Bouchard aux séparatistes : soyez réalistes !


S’il y a un homme politique qui connaît bien le Québec et qui sait prendre son pouls, c’est bien l’ex-premier ministre Lucien Bouchard. Nationaliste dans l’âme, il a quitté le parti progressiste-conservateur canadien et le gouvernement de Brian Mulroney, en 1990, sur, ce qui était pour lui, une question de principe. Nous n’étions pas tous en accord avec lui, mais la quasi-majorité des Québécois l’était.
Après sa démission, il fonda un parti politique fédéral dédié à la séparation du Québec, le Bloc Québécois (BQ), et remporta une forte majorité des sièges du Québec. Ce faisant, il se retrouva chef de l’opposition de Sa Majesté à la Chambre des Communes puisque son parti avait fait élire le deuxième plus grand nombre de députés. Impensable, mais vrai !
Sa popularité était grandissante et elle a été bien démontrée lors du référendum sur la séparation du Québec de l’ensemble canadien de 1995. C’est Bouchard qui, par la force des choses, a mené la campagne lancée par le PM québécois Jacques Parizeau. Avec son dynamisme, sa forte personnalité, sa force de caractère et la puissance de ses mots, il a capté, assemblée après assemblée, l’imagination des Québécois qui venaient de plus en plus nombreux le voir, l’entendre, l’apprécier et se laisser convaincre de ses idées. Ce fut une démonstration spectaculaire d’un chef politique charismatique au discours clair, efficace et laconique. Il n’échoua que par quelques déciles puisque sur 4,7 millions de votes exprimés, le « NON » gagna par seulement 54 288 voix.
L’année suivante, Parizeau démissionna et Lucien Bouchard devint premier ministre du Québec et chef du Parti Québécois (PQ).
Cet homme aujourd’hui, suite à son retrait de la politique en 2001, est devenu un personnage important dans le monde légal et des affaires. Ses paroles portent toujours dans l’opinion publique. Ainsi, il y a quelques jours, il a exprimé ses convictions lors d’une interview importante durant laquelle il a démontré, encore une fois, sa sensibilité québécoise, son intelligence stratégique et son savoir politique. Il a résumé clairement ses sentiments sur son histoire politique personnelle, sur celles du PQ, du Québec, du Canada et sur les référendums sur la séparation du Québec de l’ensemble canadien.
Évidemment, les séparatistes actuels n’ont pas aimé ses propos et sont en furie contre Bouchard, surtout lorsqu’il a prédit qu’il n’y aura pas de nouveau « référendum de mon vivant », et que s’il y en avait un, « le « Oui » serait encore rejeté ». Concernant le BQ, il estime qu’il n’a plus sa place sur la scène fédérale car il y va de l’intérêt des Québécois d’être bien représentés dans les partis politiques nationaux capables de prendre le pouvoir.
Ses opposants ne partagent pas ses opinions puisque ses mots sont venus détruire leurs rêves, leurs actions et leurs prédictions sur la séparation du Québec. Depuis, ils le méprisent, le caricaturent et le déprécient tout en cherchant à démontrer qu’il a tort et que l’idée de la séparation est toujours aussi vive et présente dans l’esprit des québécois. Et cela, même si ce qu’a dit Bouchard correspond aux résultats des recherches de tous les sondeurs et au vote cruellement réel des Québécois envers le PQ lors de la dernière élection québécoise.  
Malgré tout, j’ai une certaine admiration pour ces individus en ce qui a trait à la densité de leur ferveur et de leur nationalisme. Le malheur est, qu’aveuglés par leurs ardeurs et leurs espoirs, ils refusent de reconnaître la sagesse de l’un de leurs plus prestigieux chefs du passé et de mettre de côté leur créature de rêve. De plus, en ne se ralliant pas à la pensée de la majorité des Québécois, ils n’aident pas la cause du peuple québécois sur le plan national. Ils ne sont pas des bâtisseurs.
De plus, ils ne respectent pas ceux qui ne partagent pas leurs opinions. Bouchard est un bon exemple. Voilà le chef qui leur a donné le pouvoir au Québec et qui par ses gestes et ses actions leur a presque livré un résultat positif à un référendum sur la séparation du Québec. Aujourd’hui, il le blâme de n’avoir pas déclenché un troisième référendum même si Bouchard savait que les conditions gagnantes n’étaient pas réunies. Ils se tournent contre lui comme s’il était un vulgaire individu en le pointant du doigt. On n’a qu’à les lire pour réaliser que pour beaucoup d’entre eux, Bouchard est un vendu, qu’il a été acheté, qu’il ne travaille que pour l’argent et qu’il est un paria qu’ils méprisent entre eux et sur la place publique. Ils sont intransigeants.
Ces séparatistes sont généralement bien instruits, écrivent très bien, abondamment et savent dénicher et amplifier tout ce qui va mal avec le gouvernement fédéral et celui du Québec pour asseoir les bases de leurs argumentations. Ce qui compte pour eux, c’est de dénigrer, avant tout, les porteurs de l’autre message. Je considère que c’est là leur erreur principale puisqu’elle résulte dans la baisse de leur crédibilité.
Quant à leur programme politique, il ne germe pas car il n’y a pas de terreau politique comme celui qui a prévalu lors des projets avortés de la réforme constitutionnelle au Canada suite aux accords rejetés du Lac Meech et de Charlottetown. 
De plus, ils n’ont pas de chef charismatique, chaleureux, sensible, aimé et convaincu comme René Lévesque qui a mené le premier référendum ni comme Lucien Bouchard qui a mené le second avec Jacques Parizeau. Ils rêvent de trouver un sauveur, sans réaliser que de tels chefs sont normalement issus de moments politiques particuliers où la société traverse des difficultés hors de l’ordinaire à cause de l’environnement politique qui rend alors propice l’impact de discours nationalistes pouvant fouetter l’imagination et ayant figures de solutions aux problèmes. On est loin de cela.
En fait, l’entrevue récente de Bouchard a mis en relief, encore une fois, l’impossibilité pour les séparatistes d’atteindre leur objectif. Il est temps qu’ils réagissent positivement et deviennent réalistes.
Claude Dupras

 

lundi 18 août 2014

Les entreprises sont les nouveaux conscrits de la guerre politique


Depuis la fondation de Québec, il y eut plusieurs guerres pour lesquelles les gouvernements ont appelé les jeunes à joindre l’armée de façon volontaire et lorsqu’ils croyaient que cela ne suffisait pas, ils imposaient la conscription pour le service militaire obligatoire. Après la conquête de la colonie française, plusieurs hommes politiques francophones s’opposèrent à ces mesures en associant impérialisme et conscription dans leurs discours pour dénoncer le fait que le Canada soit entraîné dans ces conflits à cause de ses relations avec le régime britannique.
La conscription fut appliquée particulièrement sévèrement pendant la guerre des Boers et la première guerre mondiale en 1917. Lors de la deuxième guerre mondiale, le gouvernement de Mackenzie King et ses ministres québécois hésitèrent à voter la conscription et ce n’est que dans les derniers moments de la guerre que 2 500 individus furent conscrits et peu de ceux-là moururent sur les champs de bataille.
À chaque guerre, les jeunes joignaient volontairement les rangs pour des raisons personnelles qui les motivaient à le faire. Peu, parmi eux, voulaient sauver la France ou l’Angleterre, mais ils étaient surtout motivés par la possibilité d’échapper au chômage, de quitter leur coin de terre reculé et leur quotidien morose pour aller à l’aventure et « voir du pays ». D’autres y allaient par conviction croyant la guerre juste et choisissaient l’action en vue de former leur destin et de renaître de la guerre. Ou, encore, ils provenaient de familles militaires et y voyaient une façon de montrer leur loyauté à leurs proches en accomplissant ce qu’ils jugeaient être leur devoir.
Lors des conscriptions, plusieurs jeunes résistèrent à l’obligation militaire et ne voulurent pas s’enrôler. Ils n’étaient pas fascistes. Ils choisissaient de devenir des « hors-la-loi ». Ils se cachaient dans les forêts ou les régions lointaines pour vivre une vie de misère et de survie. Ils étaient qualifiés de « déserteurs ». Étaient-il des insoumis, des lâches, des peureux, des « perdants » comme plusieurs disaient à ce moment-là, ou étaient-ils des objecteurs de conscience ? Ils devinrent des coureurs des bois et durent survivre aux hivers difficiles et à la chasse aux déserteurs organisée par le gouvernement. Ils n’eurent pas la vie facile, surtout lors de la première guerre mondiale.
Il en fut de même aux USA, particulièrement pendant la guerre du Vietnam alors que les « draft-dodgers » se sauvèrent de leur pays pour aller dans un autre comme le Canada. Plus de 75 000 jeunes américains ne voulant pas aller au front pour des raisons de conscience, disaient-ils, se réfugièrent chez nous. Après la guerre, le gouvernement américain vota deux amnisties, en 1974 et 1977, et une grande majorité des réfractaires retournèrent aux USA, où plusieurs furent mal accueillis par leurs compatriotes.
Il faut reconnaître que l’enrôlement obligatoire pose aujourd’hui des problèmes d’éthique. Le Canada et les USA reconnaissent maintenant qu’il ne respecte pas les droits des individus. Il est aussi une violation de la famille. Du point de vue moral, plusieurs prêtres affirment que la conscription est condamnable, anti-démocratique et va à l’encontre de la charité chrétienne.
Aujourd’hui, notre gouvernement canadien n’est pas en guerre mais il aime se mêler des affaires des autres pays lorsque les politiques appliquées dans ces pays ne respectent pas, selon lui ou pour une raison partisane, les principes et les directives des Nations Unies. Ce faisant, il vient d’inventer une nouvelle catégorie de conscrits.
La population ukrainienne au Canada est fort importante et électoralement stratégique. Le gouvernement Harper le sait et agit en conséquence. Pour s’assurer de son support, il s’oppose fermement à la Russie dans ses démêlés avec les séparatistes de l’Ukraine surtout depuis l’annexion de la Crimée. Pour faire pression sur le gouvernement Poutine, il ne ménage ni ses mots durs ni ses actions dommageables. Il en met trop. Beaucoup trop. Mais qu’importe, cela satisfait les Ukrainiens canadiens et c’est ce qui compte pour lui.
Ainsi, en représailles aux sanctions d’Harper sur les voyages et autres restrictions envers les oligarques russes, et celles d’autres chefs politiques occidentaux, le gouvernement russe a banni, pour un an, les importations vers la Russie de viandes, de poissons, de fruits, de légumes, de lait, de produits laitiers… Cette décision fait financièrement mal aux cultivateurs, fermiers, pêcheurs et producteurs canadiens. Notre gouvernement n’avait pas prévu cette riposte car il avait estimé que Poutine n’adopterait jamais une telle mesure draconienne sachant qu’elle générerait un effet négatif majeur sur l’économie russe puisque la rareté de ces produits créerait une augmentation des coûts qui affecterait les budgets des familles et se reflèterait sur l’économie déjà souffrante. Harper s’est trompé car les producteurs russes qui peinaient à concurrencer les produits importés verront leur part du marché augmenter (ils sont encouragés à le faire) et les importations de l’Amérique latine croîtront appréciablement.  
En plus, cette surproduction canadienne retombant sur notre marché occidental, créera une baisse des prix et par conséquent une diminution des profits des producteurs.
Le Financial Post de cette semaine met en garde le Canada sur le développement des sanctions de toutes sortes contre un autre pays, particulièrement un pays majeur comme la Russie. Il rappelle qu’aujourd’hui l’économie mondiale est intégrée et le blocage d’activités économiques peut créer des risques d’affaires importants et affecter négativement l’économie, deux aspects devenus imprédictibles par rapport au passé.
La loi permet au Canada d’« utiliser les échanges commerciaux et les investissements comme armes de dissuasion s’il y un danger pouvant affecter la paix internationale et la sécurité, pouvant résulter dans une crise internationale ».
Comme l’écrit l’éditeur du journal, Terence Corcoran, « le problème est l’effet sur les entreprises affectées par les sanctions économiques et qui voient leurs affaires diminuées. Pourquoi doivent-elles absorber ces pertes générées par une décision du Canada d’imposer des sanctions économiques envers un autre pays ? ». (traduction CD)
Ces entreprises sont en fait, les nouveaux conscrits. En effet, elles ont été induites à participer à une guerre politique de leur pays sans le vouloir. Pourquoi un individu, un commerce ou une entreprise canadienne devraient-ils ou elle subir des contrecoups d’une guerre politique entre Harper et la Russie ? Et si ses attaques continuent, toujours pour assurer le vote ukrainien à son parti, quel autre flanc de notre commerce canadien sera affecté? Qui doit rembourser les pertes des entreprises touchées ? Nous tous ?   

Claude Dupras  

vendredi 15 août 2014

Un politique positive pour le Québec

Rien ne va plus pour les séparatistes québécois. Après la défaite surprenante et dévastatrice du gouvernement du Parti Québécois (PQ) et les déboires de ce qui reste du parti Bloc Québécois (BQ) sur la scène fédérale, on peut facilement conclure que le temps est dur pour eux. Peu de Québécois s’identifient de nos jours à ces partis.

Hier, un des quatre députés bloquistes à Ottawa, Jean-François Fortin, a démissionné, contestant ainsi le leadership du nouveau chef Mario Beaulieu. Il n’aime pas le diktat rigide et radical de ce dernier ni ses idées qui ne correspondent pas, pour lui, aux orientations du parti établies depuis sa création par l’ex-ministre progressiste-conservateur-démissionnaire Lucien Bouchard.

Beaulieu est un dur-à-cuir. Il l’a toujours démontré dans ses discours passés en tant que président de la Société St-Jean-Baptiste de Montréal et particulièrement depuis son accès à la tête du BQ. Il a blâmé les insuccès récents des séparatistes sur les chefs passés de sa formation politique et les a accusés d’avoir utilisé une approche camouflée pour atteindre l’objectif qui est la séparation du Québec de l’ensemble Canadien.
Pour lui, les séparatistes doivent afficher clairement leur ambition politique et ne pas jouer avec les mots pour gagner la faveur majoritaire des Québécois, en cachant l’option séparatiste. Ce faisant, il a accusé René Lévesque et ses successeurs à la tête du PQ, Lucien Bouchard et ses successeurs, dont Gilles Duceppe, à la tête du BQ, de ne pas avoir agi ainsi.  
Ce qui est surprenant de nos jours, c’est que Beaulieu n’est pas seul. Depuis la défaite du PQ, plusieurs membres éminents dont un ex-premier ministre, des ex-ministres, des chroniqueurs, des blogueurs et autres expliquent l’abandon de leur option politique par les électeurs et, par conséquence, de leur parti, pour les mêmes raisons.
Ils critiquent toutes les nuances faites par ces leaders passés pour ménager la chèvre et le chou. Ils citent, en exemple, les questions référendaires de 1980 et 1995 qui étaient on ne peut plus ambiguës. Ils veulent une question claire comme celle qui est posée actuellement aux Écossais pour le référendum sur la séparation de leur territoire de l’ensemble britannique.
Je suis tout-à-fait d’accord avec eux et je l’ai toujours été. Mais les chefs péquistes ont tous contourné une « question claire » de crainte que l’électorat ait peur d’une telle clarté. Les fédéralistes ont toujours voulu et réclamé une question nette et précise. Ils ont dénoncé celles du PQ et ont clairement indiqué leur position par une réponse claire et percutante: NON, MERCI! Le peuple québécois a compris, chaque fois, la vraie signification des questions référendaires tordues des séparatistes. 
Aujourd’hui, les séparatistes sont pris dans une souricière. Lors de la récente élection générale, déclenchée par la PM péquiste Pauline Marois, les sondages favorisaient leur parti. La PM a voulu joué la campagne sur ses réalisations politiques et son programme en évitant de parler de la séparation du Québec. La campagne allait relativement bien. Mais Marois a fait une erreur magistrale, incompréhensible et de nature fatale, à la surprise de ceux qui connaissent la politique québécoise.
Elle a introduit un candidat, dit de prestige, le milliardaire Pierre-Karl Péladeau (PKP), comme l’alternative à l’équipe d’économistes que présentait le parti libéral pour sortir le Québec du gouffre économique dans lequel il s’enlise depuis quelques années. Au lieu de jouer le jeu et de confirmer qu’il entrait en politique pour se consacrer à relancer le Québec économiquement, Péladeau a affirmé « je veux un pays, je suis là pour faire du Québec un pays » et, pour montrer sa conviction, il a levé le bras droit comme pour s’associer aux grands révolutionnaires mondiaux du passé. Les Québécois ont vite réalisé qu’il était un séparatiste et le but de son engagement politique. La PM Marois, à ses côtés, ne chercha pas à corriger l’impression créée. D’un coup, tout devenait clair. À partir de ce jour-là, le PQ n’a cessé de descendre aux enfers des sondages jusqu’à l’élection où il a connu sa pire défaite électorale depuis sa fondation. Donc position claire, jugement clair des Québécois.
Quand les ex-élus et les leaders actuels des séparatistes réclament que leur parti se prononce clairement et ouvertement pour la séparation du Québec comme solution à son impopularité actuelle; quand ils affirment admirer la vision ouverte d’un chef politique comme Beaulieu qui veut aller à Ottawa pour ne parler que de la séparation du Québec; quand un candidat à la prochaine course à la chefferie du PQ, l’ex-ministre de la charte Bernard Drainville, affirme que le mot « souveraineté », utilisé depuis plus de 50 ans par les séparatistes, doit être rayé du vocabulaire péquiste et remplacé par le mot « indépendance »; quand PKP se prépare en coulisses pour devenir aussi candidat et que ses organisateurs se retrouvent parmi les « purs et durs » séparatistes : tous ces gens-là se tirent une balle dans le pied et ne semblent pas avoir compris les leçons du passé. Les Québécois ne veulent pas de la séparation du Québec! Les sondages l'indiquent chaque fois. 
Notre pays, le Canada, est un pays rempli de richesses. Il a un grand territoire unique. Il a un potentiel sans égal sur la planète et nous avons l’avantage d’y être né et d’y vivre. Notre objectif comme Québécois doit être de s’assurer que nous et nos descendants puissions en profiter pleinement. On ne peut oublier que ce sont nos ancêtres qui l’ont découvert, qui l’ont créé politiquement avec les Anglais, que notre Histoire démontre que nous avons traversé des moments difficiles, critiques mêmes, et que chaque fois, grâce à notre sa capacité de solidarité, nous avons su nous imposer.
Une vrai parti « nationaliste », comme le PQ, se doit d’oublier ses idées séparatistes qui mènent nulle part et de travailler avec les autres partis politiques pour améliorer le pouvoir, la capacité d’agir, l’influence de nos compatriotes et, ce faisant, de tous les francophones canadiens, afin que nous puissions prendre toute notre place dans l’ensemble canadien. Voilà une politique positive qui pourrait rallier un très grand nombre de québécois.
Claude Dupras

mardi 5 août 2014

La vraie erreur de Bolduc

Un article récent du journaliste Gilbert Lavoie dans La Presse de Montréal met en relief les qualités professionnelles du docteur Yves Bolduc, aujourd’hui ministre de l’éducation du Québec. Ceux et celles qui connaissent ce dernier ne sont pas surpris. Ils le savent compétent, dévoué, bon, sensible et généreux. Il est député du comté Jean Talon qui compte la population la plus riche de la ville de Québec et où le parti libéral a toujours été favori pour gagner à toutes les élections.  

Malheureusement pour lui et sa carrière politique future, Bolduc est pris dans une situation embarrassante qui mine sa réputation. 

Député du Québec à l’Assemblée nationale n’est pas un emploi à plein temps. Surtout, si on est député d’un comté relativement petit et où les besoins de la population sont minimes par rapport aux autres comtés. C’était le cas de Bolduc en 2012, suite à la victoire du Parti Québécois de Pauline Marois qui remporta la palme à l’élection générale en délogeant le gouvernement du PM Jean Charest.  

Après avoir été ministre de la santé du Québec, Bolduc se retrouve député de l’opposition, avec du temps libre. Homme d’action et travaillant de nature, il n’aime pas « tourner en rond ». Il décide alors qu’en plus de son poste de député, il peut servir ses concitoyens comme médecin de famille.  

C’est alors qu’il était ministre de Charest qu’il avait trouvé une solution à ce problème important au Québec : le manque de médecins de familles. Il s’agissait de motiver les médecins à faire un effort supplémentaire pour prendre à leur charge un plus grand nombre de ces familles. Et pour les motiver, le gouvernement décida de leur offrir un boni financier important par chaque nouvelle famille qu’ils accepteraient. À ce moment-là, le parti libéral était populaire et Bolduc ne pouvait s’imaginer qu’un jour prochain il serait un de ces médecins, étant donné la réélection probable du gouvernement dont il faisait partie. Mais cela arriva. 

De retour à la pratique de la médecine, il se voit attribué des familles. Sa réputation de vrai professionnel qui agit pour aider les gens en difficulté est bien connue. Médecins surchargés de patients et autres professionnels de la santé, connaissant ses capacités, lui réfèrent des familles en besoin de médecins, car elles fourmillent.   

Bolduc acceptent volontiers et sa réputation se répand. Un ancien ministre péquiste, dont le parti s’acharne aujourd’hui contre Bolduc, est parmi ceux qui lui réfèrent des patients. Il reconnait que Bolduc est un bon médecin et il n’hésite pas à proclamer, sans gêne, « comme médecin, on l’a adoré ».  

Des pharmaciens, en contact quotidien avec des personnes ayant des besoins médicaux, lui envoient des patients, souventes fois de grands malades qui n’ont pas de médecins. Bolduc acquiesce et s’occupe vraiment d’eux. Il priorise les cas graves et se rend disponible. Il va à l’hôpital pour vérifier l’évolution de leur situation. Plusieurs témoignent aujourd’hui de sa sensibilité envers eux. Il aime être médecin et cela se ressent.   

Durant ce temps, il est toujours député d’opposition et siège au parlement du Québec lorsqu’il est en session. Les sondages indiquent que le gouvernement péquiste est populaire et atteint 42% d’appuis. Les observateurs avertis prédisent un gouvernement majoritaire péquiste si une élection était déclenchée. Bolduc y croit et se voit député de l’opposition pour un long terme. Face à cette perspective, il accepte un plus grand nombre de nouvelles familles pour agir comme leur médecin.  

Mais comme rien n’est certain en politique, la venue de Philippe Couillard à la tête du parti libéral du Québec change les choses. Racé, intelligent, calme, ouvert et chaleureux, Couillard correspond à ce que les Québécois recherchent comme chef politique. Et, petit à petit, les sondages l’indiquent. La PM Marois, ressentant le début d’un vent contraire qui s’élève, décide de déclencher une élection rapide afin que son parti obtienne une majorité au parlement, avant qu’il ne soit trop tard. Mais il l’est et la campagne tourne vite en faveur de Couillard et des libéraux. Le soir des élections, ces derniers se retrouvent avec une victoire écrasante sur les séparatistes et Couillard devient le nouveau premier ministre du Québec.   

Couillard est aussi médecin et a confiance en Bolduc. Il le nomme ministre de l’éducation, un des postes parmi les plus importants du gouvernement. Ce dernier, surpris de la tournure de l’élection, se voit obligé de mettre un terme à son travail de médecin car son emploi de ministre lui demande tout son temps. Il avise les familles pour lesquelles il avait accepté d’agir. Et, c’est à ce moment-là qu’il fait une erreur magistrale qu’il regrettera longtemps.  

Grâce aux 1 500 familles pour lesquelles Bolduc avait accepté d’être le « médecin de famille », le boni gouvernemental a été très important. Et, il l’a perçu. Mais, au moment où il devient ministre, il n’avait répondu qu’aux appels de 400 de ces familles, les autres n’ayant pas encore ressenti le besoin de l’appeler. Il avait donc obtenu un montant pour des familles auxquelles il n’avait rendu aucun service médical et qu’il devait maintenant laissé tomber. Mais comme tout se sait avec le temps, un journaliste a raconté cette histoire. Depuis, Bolduc est gêné et, cherchant à se sortir de cet imbroglio, vient d’affirmer qu’il va rembourser le gouvernement, malgré que l’écriture de la loi ne l’oblige pas, et donner une autre partie à des organismes charitables. 

À mon avis, dès le lendemain de sa nomination comme ministre, il aurait dû agir, calculer le trop-perçu correspondant aux 1 100 familles qu’il n’avait pas traitées à ce jour et le verser au gouvernement. C’était si simple. Pourquoi un homme de son intelligence, de son expérience et, plusieurs qui le connaissent bien et qui disent sans équivoque, de son honnêteté, n’a-t-il pas fait cela au moment où il aurait dû le faire, nonobstant la loi ?  

C’est regrettable et c’est là sa seule erreur.  

Maintenant qu’il l’a reconnue et a agi, que devons-nous penser et faire ? Ce n’est pas une réponse facile à donner.  

Il a été et est un bon député, un bon ministre, un bon médecin. Il a fait une erreur de jugement. Il peut être un bon ministre de l’Éducation.  

Comme disait mon père « une fois n’est pas coutume ». J’en conclus qu’il faut lui donner sa chance. 

Claude Dupras

vendredi 1 août 2014

L'omniprésent Jean Jaurès

En tant que Canadien qui aime la France, je suis toujours surpris de la ferveur exprimée par la classe politique française envers Jean Jaurès. Lors de la dernière campagne électorale présidentielle, je me rappelle d’avoir entendu Nicolas Sarkozy accuser François Hollande, Lionel Jospin et Ségolène Royal d’avoir renier Jaurès. Il se disait plus près de lui qu’eux. Pourtant, il est de la droite et les trois occupent ou ont occupé des postes politiques importants dans des gouvernements socialistes. De même, aujourd’hui, plusieurs leaders de gauche se déclarent plus près des idées de Jaurès que leurs collègues, pour requinquer leur image.

Il y a partout dans les villes françaises, des parcs, des rues, des bâtiments, des garages souterrains, comme à Avignon,… portant le nom de Jean Jaurès. Il est donc un personnage important du passé qui a marqué l’imaginaire politique des Français et qui continue à le faire si j’en juge par tout ce qui se raconte actuellement en France à l’occasion du centenaire de son assassinat. Mais qui est-il ?

Fils de petits paysans du Tarn, Jaurès est professeur de philosophie et de psychologie lorsqu’à vingt-cinq ans, il est élu député à Toulouse en 1885. Il est ni socialiste ni marxiste mais du côté des républicains. Quatre ans plus tard, il perd son siège et revient à ses amours d’enseignant, tout en étudiant pour obtenir un doctorat en Lettres.
 
La vie politique l’intéresse de plus en plus, il y participe et écrit ses pensées dans un quotidien de Toulouse de tendance radicale. Hanté par elle, il devient conseiller municipal et maire-adjoint de la ville de Toulouse. A ce moment-là, les ouvriers ont beaucoup de difficultés et Jaurès est marqué par leur solidarité. Puis, une grève de mineurs deviendra un point tournant où il confirmera ses convictions.  
 
Cette grève est déclenchée suite au licenciement d’un ouvrier et leader socialiste, devenu maire de Carmaux. Ce sont les absences de l’ouvrier–maire, nécessaires pour remplir ses obligations politiques, qui sont le prétexte de son congédiement. Les mineurs y voient un refus des droits de la classe ouvrière à être actif en politique. 1 500 soldats sont envoyés par le président de la république pour maintenir l’ordre, indiquant ainsi qu’il prend parti pour le patronat. Jaurès soutient la grève et accuse les capitalistes de ne pas respecter les mineurs. C’est l’occasion pour lui de définir ce qu’est la lutte des classes et le socialisme. Finalement, l’ouvrier-maire gagne sa demande et obtient un congé illimité pour servir ses concitoyens.
 
En 1893, un siège de la Chambre est libéré par un député démissionnaire et Jaurès est élu comme socialiste indépendant grâce au vote ouvrier et malgré une massive opposition de la classe rurale. Il s'affirme comme un tribun remarquable. Il accompagne les luttes sociales très dures face à un patronat brutal.
 
Durant cinq ans, il devient le grand défenseur des mineurs, des ouvriers et des paysans en général, qui sont en lutte contre leurs patrons. Homme de terrain, il va sur place se rendre compte des situations qui affectent les travailleurs. Il s’attaque aux anarchistes, à la brutalité des patrons, à la répression du gouvernement, à la censure des journaux et des députés socialistes, à la police qu’il traite d’agent provocateur… Il défend la paix. Il est courageux.
 
Puis vient l’affaire Alfred Dreyfus. Ce capitaine de l’armée française, juif, est condamné en 1894 au bagne à perpétuité pour avoir livré aux Allemands des documents secrets.  Au début, Jaurès le croit coupable mais en août 1898, il devient son défenseur passionné suite à une nouvelle révélation qui démontre qu’un autre commandant est le vrai traître. Alors que le socialiste et marxiste Jules Guesde juge que le prolétariat n'a pas à défendre un bourgeois, Jean Jaurès s'engage en sa faveur, écrivant : « Nous ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme, de nous enfermer hors de l'humanité ». L’innocence de Dreyfus sera finalement reconnue et il sera libéré pour servir encore dans l’armée. Suite à ses discours, son action et son succès, l’influence politique de Jaurès devient nationale. Malgré tout, les patrons réussissent à le faire battre aux élections de 1898.
 
Intellectuel, il écrit de nombreux ouvrages politiques et historiques, dont « les preuves de l’affaire Dreyfus » et dirige une équipe pour la rédaction de « l’Histoire socialiste de la France contemporaine », incluant la partie qu’il rédige lui-même sur la révolution française. Il soutient le gouvernement républicain qui a nommé un socialiste au commerce et à l’industrie. En 1902, il est un de ceux qui fondent le « Parti socialiste français » et il reconquiert son siège de député et le gardera pour les trois prochains mandats jusqu’à sa mort.
 
Orateur hors pair, il devient le porte-parole du petit groupe de députés socialistes à l’Assemblée nationale. Il regroupe tous les partis de gauche dont les marxistes, appuie le gouvernement qui est de droite, mais le critique pour son incapacité à appliquer rapidement des réformes sociales. Il défend la liberté de conscience et propose la séparation des Églises et de l’État.
 
Il crée un journal, l’Humanité, auquel participent ses alliés de toujours et des écrivains comme Anatole France et Jules Renard. Son but est l’unité socialiste. Il l’atteint en 1905 grâce à son acceptation d’une direction bicéphale du mouvement (lui et un leader marxiste) et de l’abandon de son appui au gouvernement. Il dialogue avec succès avec les syndicats révolutionnaires qui lui deviennent sympathiques. A l’élection de 1914, son groupe socialiste obtient 17% des voix et 101 députés. Une belle victoire relative.
 
Depuis 10 ans, il discourt contre la venue d’une guerre. Inquiet, il constate la montée du nationalisme dans les pays voisins et les rivalités entre les grandes puissances. Il préconise d’organiser la défense nationale en préparant militairement l’ensemble des Français. Pacifiste, il voit dans une nation armée le moyen d’obtenir la paix. Il s’oppose au service militaire obligatoire dont la loi sera finalement votée, malgré lui. En 1914, il estime que les possibilités de guerre se sont amenuisées puisque celle des Balkans est terminée. Mais ce n’était pas compter sur l’attentat de Sarajevo qui deviendra l’étincelle du déclenchement de la première guerre mondiale à cause de l’accroissement des tensions qu’il crées entre les grandes puissances.
 
Il devient l’ennemi des « nationalistes » qui veulent leur revanche contre l’Allemagne et qui sont favorables à la guerre. Jaurès, pour sa part, veut absolument la paix et se rallie à l’idée d’une grève générale si une guerre est déclenchée. Il organise des manifestations et réclame de l’Internationale socialiste qu’elle intervienne. « Il n'y a plus qu'une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c'est que le prolétariat rassemble toutes ses forces (pour écarter) l'horrible cauchemar».
 
Le 31 juillet 1914, il se lève à la Chambre des députés, puis au ministère des Affaires étrangères pour faire arrêter le début des hostilités. Il se rend à son journal et rédige un article allant dans le même sens. Puis, il s’en va dîner avec ses collaborateurs au « Café du Croissant », rue Montmartre. Il est assis près d’une fenêtre lorsqu’un étudiant nationaliste approche, le voit et tire deux coups de feu de la rue. Il est abattu à bout portant. Une émotion considérable s’empare des Français. Ils ne l’oublieront jamais.
 
Le lendemain, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie alors que la France décrète la mobilisation générale. Puis, le 3 août, la France et l'Allemagne sont en guerre, et les socialistes, n’ayant pas le choix, se rallient au gouvernement d'union nationale pour combattre l’ennemi, respectant ainsi ce que Jean Jaurès avait dit : « Il n'y a aucune contradiction à faire l'effort maximum pour assurer la paix, et si cette guerre éclate malgré nous, à faire l'effort maximum pour assurer l'indépendance et l'intégrité de la nation ».
 
En 1924, Jean Jaurès entre au Panthéon.
 
En terminant, cette courte biographie de Jean Jaurès, voici quelques-unes de ses paroles : « Et vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations ! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence ! Songez donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère : ils se taisaient. Puis un commencement de liberté républicaine est venu. Alors nous parlons pour eux, et tous leurs gémissements étouffés, et toutes les révoltes muettes qui ont crié tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en nous, et éclatent par nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous ne comprimerez pas toujours. »
 
L'historien Michel Winock rappelle : « Ce qui est remarquable, c'est qu'il rend hommage à tous les camps. Ce n'est pas un sectaire. Par exemple, à propos des droits de l’homme et du citoyen, les marxistes disent que ce sont des droits formels, un masque qui rejette dans l'ombre les vraies motivations, c'est-à-dire la défense des intérêts de la bourgeoisie. Ce n'est pas du tout l'avis de Jaurès ».
 
Voilà pourquoi, après cent ans, on parle encore abondamment de cet homme politique remarquable qui a marqué la France.
 
Claude Dupras