mardi 17 mai 2016

Les humoristes « qu'ossa donne » ?

Larousse nous définit l’humour comme étant une forme d'esprit qui cherche à mettre en valeur avec drôlerie le caractère ridicule ou insolite de certains aspects de la réalité, de l'absurdité du monde. Et l’humoriste est celui qui a de l’humour.

Au Québec, nous sommes loin des années ‘40 à ‘80 ! Loin des humoristes Olivier Guimond, Jacques Normand, Gilles Pellerin, Paul Berval, Clémence Desrochers, Gilles Latulippe. Claude Blanchard, Yvon Deschamps, Jean Lapointe et de tellement d’autres. Avec eux, on riait de bon cœur et avec joie car ils étaient vraiment drôles tout en respectant les autres et ne blessant personne.
Mais, comme a dit le PM Justin Trudeau, suite à sa victoire surprenante, nous sommes en 2016. Et quel changement !
Contrairement au passé, plusieurs humoristes québécois de nos jours ont établi le principe que l’humour n’a pas de frontières, pas de limite et que tout est permis, sans regard et sans contrôle.   
Et ce qui devait arriver, arriva. Une compagnie d’assurance qui protège les diffuseurs de spectacles contre toute action judiciaire, a jugé bon de faire retirer deux numéros du « Gala des Oliviers », dédié à la reconnaissance du travail des meilleurs humoristes québécois de l’année de toutes catégories et télévisé sur tout le territoire canadien. C’est ainsi aujourd’hui que ça se déroule pour éviter des coûts faramineux aux diffuseurs qui peuvent être engendrés par une poursuite suite à un faux pas d’un interprète ou d’un invité. Rien de plus normal. Mais pas pour ces deux humoristes qui ont soulevé leur fratrie et décidé d’utiliser le gala pour marquer sa frustration.
Pourtant, il est clair et net qu’ils vont trop loin. Ils rejettent toute censure prétextant que c’est de l’humour et que tout est permis. Si nous ne comprenons pas, eh bien, nous sommes des minus habens sans sens de la réalité, ni d’ouverture d’esprit. Et, si cela nous blesse, tant pis !
Par exemple, comment accepter qu’ils cherchent à nous amuser au détriment d'un handicapé. « Ce n’est pas grave parce que sa mère l’aime » se défendent-ils. Et, ils prétendent que toute la société québécoise en est rendu là et que c’est normal au nom de la liberté d’expression, comme si, ensemble, nous voulons mettre de côté notre compassion pour les plus démunis parmi nous pour avant tout rire. Et, tant qu’à y être, pourquoi pas des allusions antisémites et homophobes. Allons-nous devenir une nation de mécréants juste pour rire ?
Ces dérapages ne sont pas exceptionnels puisqu’on les retrouve de plus en plus dans la bouche de trop d’humoristes. C’est comme si leurs scripteurs manquaient de culture ou d’imagination et cherchaient dans la vie des êtres les fragiles ou différents, des situations pour se moquer d’eux, juste pour faire rire. C’est comme s’ils croyaient que le rire trouve son origine dans la vulgarité, dans la raillerie. C’est comme si les sentiments et le manque de respect des orientations sexuelles ou religieuses étaient drôles. Et encore…
Je partage l’indignation d’un grand nombre de Québécois sur l’évolution du rire au Québec. Je me sens humilié par ces individus qui nous rabaissent ainsi. Ce n’est plus drôle ! Ils déshonorent la mémoire de nos humoristes passés qui savaient trouver dans les situations cocasses de la vie de tous les jours, des interprétations pour nous faire rire. C’était simple, vrai, réfléchi et drôle. Très drôle. Charlie Chaplin ne disait pas un mot mais des générations n’ont cessé de rire avec lui.
La génération actuelle s’ennuie-t-elle au point de rire de tout et de rien ? À n’importe quel prix ? Si c’est oui, j’en suis triste. Mais, je ne le crois pas et j’explique cette situation par le fait qu’on ne lui offre rien de mieux ? Sûrement que de plus en plus de spectateurs sont mal-à-l’aise et le mécontentement croît. Sûrement l’heure de vérité doit approcher, celle où les salles seront moins remplies.
Les humoristes d’aujourd’hui s’offusquent lorsque la politique analyse parfois leurs prestations et réagit s’ils dépassent le bon sens. Ils s’y opposent au nom de la séparation des pouvoirs et se disent brimés dans leur liberté d’expression. Bel argument ! En somme, ils veulent définir eux-mêmes ce qu’est une incitation à la haine, et être juge et partie. 
Trop de ces humoristes sont vulgaires et manquent de classe. On a l’impression qu’ils se présentent à l’état brut pour mieux faire rire leurs spectateurs. Par contre, s’ils sont visés personnellement par une remarque désobligeante et inattendue, il s’offusque. Ainsi, on a vu au gala, un récipiendaire de trophée monter sur scène et dire à celui qui lui remettait le trophée « Comme ça, on a appris que tu es gai ». Devant l’hilarité générale des spectateurs, ce dernier a ri jaune et est devenu crispé et perplexe. Lui qui multiplie, à son émission télé, les allusions à l’orientation sexuelle de ses invités, « le prend mal », dixit La Presse. Il a raison car ce qui est personnel, ultra-personnel, pour un individu, est sa propre orientation sexuelle. Les humoristes non pas de problème avec celle des autres car ça fait rire ! Mais, ils n’acceptent pas que l’on se moque de la leur car cela peut leur faire perdre l’amour du public et, par conséquent, des contrats. Ce n’est pas correct mais c’est comme ça. Le problème de l’homophobie dans notre société existe et il faut aussi s’y attaquer, mais les humoristes ne reconnaissent pas que celui qui est impliqué doit décider s’il veut s’afficher ou attendre, que c’est une décision personnelle très pénible à prendre et qu’ils ne doivent pas en rire.
Quand on ne veut pas de censure, qu’on fait mal et qu’on revendique du même souffle le droit de parole ou d’expression, il me semble qu’il manque quelque chose à l’équation. Ce n’est pas ainsi dans notre société, pour personne. Au nom de quoi, ceux qui veulent nous faire rire se croient-ils libres d’agir à leur guise au détriment des autres ?
Je leur suggère de revoir les sketchs du grand humoriste qu’est Yvon Deschamps, dont "Les unions, qu'ossa donne" sur la discrimination et le racisme, pour comprendre la définition et le rôle d’un vrai humoriste qui respecte les membres de sa société.

Claude Dupras

 
 

dimanche 1 mai 2016

La trudeaumanie à la Justin

Le Canada connaît une nouvelle vague de trudeaumanie.

Après son célèbre père, l’ex-PM du Canada Pierre Elliot Trudeau (PET), Justin Trudeau est devenu le nouveau premier ministre du Canada suite à l’élection qui a duré un record de 78 jours et qu’il a gagnée de façon surprenante avec son parti Libéral fortement majoritaire.
Depuis, il est omniprésent dans les médias qui n’ont cessé de transmettre son image, ses actions, ses politiques d’avant-garde, ses agissements et mettre en évidence sa personnalité. Beau gosse, charismatique, enthousiaste, il a un discours de son temps comme sur l’avortement, l’euthanasie, la légalisation de la marijuana… Il pratique la boxe et a un tatoo sur l’épaule gauche. Il emprunte les médias sociaux, fait des montages multimédias, tient des séances de questions sur Twitter, utilise Instagram pour ses centaines de photos prises depuis qu'il est tout petit à aujourd’hui, etc... Avec son épouse Sophie et leurs enfants, ils reflètent le bonheur, sont heureux et sourient. Quoi de mieux pour le commerce d’images et d’illusions qu’est la politique !  

De plus, en remplaçant un premier ministre, Stephen Harper, qui s’est avéré fade et peu intéressant pour les Canadiens et le reste du monde, il a engagé le Canada dans une cure de jouvence qui en fait un pays d’avant-garde pour plusieurs. Tout comme son père, il a transformé sa victoire électorale en trudeaumanie. Et, cela a vite fait le tour de la planète où Justin Trudeau est devenu l'objet d'un engouement général comme nous en avons été témoins lors de son passage récent aux Philippines.
C’est un phénomène unique en politique canadienne qui se répète. Il transforme un politicien en icône de la culture populaire même si il y a quelques mois, avant l’élection, tous les médias le qualifiaient de chef politique soit naïf, incompétent, inexpérimenté, incohérent et immature. Personne ne voyait en lui la stature d’un véritable chef qui pourrait diriger le « plus meilleur pays du monde », comme disait Jean Chrétien et rapporté par Le Devoir.

Depuis, la presse le recherche, épie ses moindres gestes, analyse tous ses mots et les traduit en images et en textes qui épatent le monde. Tout cela fait en sorte que des gens de tous les pays, particulièrement les plus jeunes, apprécient ce qu’ils voient, en demandent davantage pour mieux le connaître et l’aiment. Ce n’est pas peut dire car si on leur demandait de nommer le PM de l’Australie ou celui de la Nouvelle Zélande ou encore celui des Philippines, peu répondraient à l’une ou l’autre des questions. La trudeaumanie déferle et désormais Justin Trudeau est une vedette internationale connue et le Canada est sur toutes les lèvres. Les vendeurs en ligne en profitent. Des photos signées aux figurines, tous les moyens sont bons pour capitaliser sur le succès du nouveau premier ministre. La demande est forte.
Évidemment, un tel chef ne peut faire l’affaire des séparatistes québécois qui voient subitement apparaître un nouveau chef politique fédéraliste se lever et qui est de plus en plus écouté. Pour eux, il devient une embûche additionnelle et importante à leur démarche de convaincre les Québécois de quitter le Canada. Alors, on se moque de la trudeaumanie, on informe mal et on le dénigre finement et sournoisement tout en cherchant à diminuer son importance à l’étranger, dont en France, lors de rencontres, entre autres, avec la presse ou d'articles de magazine.. Ce qui est, à mon avis, de bien mauvais goût car, comme on dit chez nous, on n’étend pas son linge sale sur la corde à linge du voisin.

D’autant plus, que les Français admirent le Canada. J’y vis quatre mois par ans depuis 15 ans et j'en suis témoin. J’y ai fait un très grand nombre d’amis et de connaissances et constamment j’en rencontre de nouveaux. En général, ils aimeraient venir visiter notre pays, y travailler et même y vivre pour plusieurs. Jamais ai-je rencontré un Français me parler contre le Canada. Certes, on est très sympathique à la défense de la langue et de la culture française au Québec et on favorise le Québec dans les débats sur ce sujet. Ce qui est bien normal. Mais on envie le Canada, ses grand espaces, sa nature, son climat, son économie, sa population, son genre de gouvernement, son mode de vie…
A ce jour, Justin Trudeau va bien. Il a amélioré les relations avec les États-Unis. Il a accueilli 25 000 réfugiés syriens dans l’ordre. Il a signé l’entente globale sur le climat à Paris. Il a rétabli les relations diplomatiques avec l’Iran et a renforcé celle avec le Mexique. Il a promis de signer les ententes de libre–échange avec l’Europe et avec les pays du Pacifique. Il a annulé les missions de bombardement en Irak pour les remplacer par des missions humanitaires et de conseillers auprès des Kurdes. Il a engagé des discussions avec Obama pour la vente du bois d’œuvre canadien et pour d’autres sujets importants mis de côté par le gouvernement conservateur. Il a rencontré les premier-ministres des provinces et les leaders des territoires canadiens. Il travaille en collaboration avec l’ONU et le Commonwealth pour l’aide aux pays africains. Il prépare une entente particulière avec le président Obama sur le climat. Et, encore… Quelle différence d’approche, quelle fraicheur par rapport au gouvernement Harper !

Actuellement, tout est beau et positif pour Justin Trudeau et le sera pour une bonne période de temps, mais on ne peut oublier que la trudeaumanie à une fin. Celle de Pierre Elliot Trudeau s’est terminée dans un « dégoût quasi-universel dans l’Ouest canadien et ce mépris était partagé par beaucoup de québécois » pour d’autres raisons.
Après avoir été porté par la trudeaumanie, PET a été élu PM du Canada. Mais, 14 mois plus tard, il a été humilié et battu à l’élection suivante, par le jeune chef progressiste-conservateur Joe Clark qui dirigea un gouvernement minoritaire. Plus tard, PET revint au pouvoir pour diriger le pays durant cinq autres années...

Justin Trudeau se rappelle sûrement de ces moments de la trudeaumanie de son père. Il doit savoir que la sienne aura une fin. J’espère qu’il ne sera pas tenté de la maintenir au prix de ne pas prendre les décisions qui s’imposent dans l’intérêt du Canada. Son père a été un grand leader. On peut être ou ne pas être en accord avec sa personne ou son leadership, comme moi, mais il faut quand même reconnaître que lorsque l’intérêt général du pays était en péril, il s’est levé et a dirigé le Canada au détriment de sa popularité personnelle, de la trudeaumanie et de sa réélection car son moto était : Nous vivons dans un monde difficile: nous devons être nous-mêmes vigoureux; l'avenir n'est pas aux timides et aux faibles. J’espère que Justin Trudeau sera comme son père, ce jour-là, mais prendra des positions plus réalistes vis-à-vis le Québec !
Il ne lui reste maintenant qu’à tenir ses promesses et de continuer à traduire sa nouvelle trudeaumanie en influence diplomatique. Bonne chance !

Claude Dupras