dimanche 29 avril 2012

La surprise Sarkozy

La campagne présidentielle française est très intéressante. Après un premier tour vivement disputé, nous avons vu le candidat-président Nicolas Sarkozy revenir des bas-fonds des sondages pour s’approcher à 1,5 % de son adversaire socialiste François Hollande. Classés au deuxième tour, nous pouvons maintenant mieux comparer les deux hommes afin de déterminer lequel devrait diriger la France sur la mer houleuse où elle se retrouve.

Depuis le premier soir de son élection en 2007, Sarkozy a subi une campagne de dénigrement sans pareil. Les socialistes n’ont cessé de le vilipender sur tout et sur rien. La dernière année a été particulièrement difficile à cause de la primaire socialiste qui fut bien réussie et qui attira les regards d’un très grand nombre de Français. Tous les candidats ont fait campagne sur le dos de Sarkozy et non contre leurs adversaires. Ils n’ont cessé de le salir, de le barbouiller et de le décrire comme le pire des scélérats. Et cela fit bien l’affaire de la presse, surtout de gauche et elle est nombreuse, toujours à la recherche de nouvelles juteuses. Chaque jour, elle montait en épingle, souventes fois à la Une, les accusations infondées, les insinuations mensongères et les propos négatifs qui jaillissaient de cette primaire contre Sarkozy.

De plus, les attaques ne venaient pas seulement de cette direction, mais aussi des autres partis ou mouvements qu’ils soient de la droite de la droite ou marxistes, léninistes, communistes, verts-écologistes, syndicalistes, etc… Pour se mousser et chercher à obtenir une part de l’opinion publique, chacun a utilisé la même tactique : dénigrer Sarkozy.

Puis, il y eut les crises. Elles ont balayé le monde occidental. Ce ne fut pas facile pour aucun pays, s’y trouvant impliqué, de vivre la sévère crise économique de 2008 qui s’est répercutée vivement sur l’industrie, l’agriculture, les petites entreprises, etc… et pour les pays de l’euro de vivre les dangereuses crises monétaires et financières qui les ont presque ruinés. En tout temps, le gouvernement de Sarkozy a agi promptement pour maintenir le pays à flot sans que le peuple n’en subisse trop les conséquences. Aucun dirigeant politique dans aucun de ces pays n’a pu maintenir sa popularité car de tels évènements font peur. L’opposition socialiste s’opposa aux réformes que Sarkozy proposa, comme la « règle d’or », car elle voyait dans les crises l’opportunité d’accentuer l’antisarkozysme. Elle lui mit sur le dos le blâme de ces tragédies mondiales et continentales.

Nonobstant toutes les réformes de Sarkozy et ce qu’il a fait de bon, il était donc normal, tenant compte de ce que j’ai décrit précédemment, que la cote de popularité du président Sarkozy soit basse lors du déclenchement de la période électorale présidentielle.

Heureusement, il a pu rétablir les choses lors du premier tour.

Le deuxième tour est l’occasion pour tous les Français et Françaises d’agir de façon réaliste et responsable.

Pour gagner sa réélection, Nicolas Sarkozy cherche des voix additionnelles chez ceux qui ont voté à droite et au centre, au premier tour.

Les socialistes craignent cela et l’accusent de s’approcher des 6,5 millions de Français qui ont voté pour le Front National (FN). Pourtant ces électeurs ne sont pas des traîtres, des êtres dangereux ou des imbéciles. Que Sarkozy fasse de la politique politicienne pour faire valoir son point et amener de nouvelles voix de son bord, où est le problème ?

J’ai plusieurs amis français qui ont voté pour le FN, dont d’ex-socialistes qui en ont assez de constater que les frontières de l’Europe sont devenues de vraies passoires. Ils ont voté Marine Le Pen puisqu’elle dénonce cette situation depuis longtemps, même s’ils ne partagent pas l’ensemble du programme de son parti. Nous, Canadiens, ne tolérerions pas de telles frontières. Quant aux Américains, ils démontrent ce qu’ils en pensent en construisant de hauts murs le long de la frontière mexicaine pour enrayer l’immigration illégale. Je ne comprends pas pourquoi on accuse de racistes ceux qui veulent corriger cette situation en Europe.

J’ai toujours dénoncé le fascisme, le nazisme, le communisme, le marxisme-léninisme qui ont créé des torts immenses dans le monde avec le résultat de millions de morts.

Pour la gauche française, les Français qui ont voté Front National sont des fascistes et doivent être exclus de la société alors qu’elle tolère dans son groupe : les communistes, les marxistes-léninistes et d’autres du même acabit. Pourtant, il n’y a pas très longtemps, des milliers de personnes animées de ces philosophies politiques d’extrême gauche ont érigé le rideau de fer avec les résultats que l’on connait.

Encore aujourd’hui, au Vietnam, en Corée du Nord et en Chine où règnent les partis communistes, il n’y a pas de liberté de parole, de rassemblement, de choix des dirigeants du pays, etc…, en somme pas de liberté individuelle. Pourtant, François Hollande se concerte avec les partis politiques français qui épousent ouvertement ces philosophies politiques au passé meurtrier et il accueille d’emblée et avec bonheur leurs appuis politiques. Il va même jusqu’à accepter l’idée que ces partis puissent avoir des députés comme l’a annoncé hier le chef du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, suite à une entente avec Hollande qui, pour favoriser leurs élections, fera en sorte que le PS ne présente pas de candidat socialiste contre eux aux prochaines élections législatives qui suivront l’élection présidentielle. Deux poids, deux mesures…

Plus démocrate, Sarkozy ne taxe pas ces mouvements d’extrême-gauche des mêmes épithètes dont la gauche accuse ceux qui ont voté pour Marine Le Pen. Il reconnaît que les choses ont changé et que ce temps est passé.

Déjà, depuis le début du deuxième tour, Sarkozy a gagné 2 points dans les sondages. Il est maintenant à 46-46,5 % d’appuis. Avec 4-3,5 % de plus, il sera égal avec Hollande. C’est un scénario possible puisque sa campagne à ce jour se déroule parfaitement. Les foules sont nombreuses partout et très enthousiastes au point que plusieurs observateurs neutres se déclarent surpris. Cela aide Sarkozy à remonter la côte et à grignoter de jour en jour la marge de son adversaire. Mais la clef sera le 2 mai, le débat des chefs. Si Sarkozy performe bien, mieux qu’Hollande, il peut gagner.

Ce sera un moment impensable dont on parlera longtemps dans les annales électorales futures comme de « la surprise Sarkozy » et qui deviendra un point de repère pour juger des pronostics des résultats d’élections futures.

Claude Dupras


mercredi 25 avril 2012

Les Albertains et les Québécois, du pareil au même

L’élection du 23 avril en Alberta, province canadienne, a apporté son panier de surprises et de vérités. Le Parti Progressiste Conservateur (PPC) a été réélu, nonobstant tous les sondages qui plaçaient bon premier son adversaire principal, le Wildrose Alliance. Pour la première fois en Alberta, une femme, Alison Redford, devient premier ministre de cette province riche et importante du Canada. Le parti libéral est déclassé et devient le troisième parti.

Ce sont les progressistes albertains qui ont poussé leur parti au pouvoir avec 52,7% des sièges. Et cela, malgré une campagne intense de la droite de la droite albertaine, très bien financée par les pétrolières qui exploitent les sables bitumineux.

Danielle Smith, cheffe du Wildrose, grande défenseure de ces entreprises a affirmé le plus sérieusement du monde dans un débat public avec les autres chefs de parti, que le réchauffement climatique n’était pas prouvé scientifiquement laissant entendre que c’est une invention des socialistes. C’est le même argument utilisé par les pétrolières et le premier ministre canadien Stephen Harper pour combattre les environnementalistes. Ses mots ont été spontanément couverts d’une vague d’huées des spectateurs. Ils ont réagi comme les Québécois l’auraient fait devant une telle situation. Cet incident et d’autres du même genre ont fait comprendre finalement aux Albertains que Smith et le Wildrose ne représentaient nullement leurs opinions et devenaient inopportuns.

D’ailleurs, Danielle Smith a été qualifiée par plusieurs observateurs "le clone de Stephen Harper, mais avec des talons hauts et une personnalité”. Et c’était mérité puisque certains principaux penseurs et un grand nombre d’organisateurs d’Harper ont aidé Smith et le Wildrose à se préparer et à faire campagne. Pour le premier ministre canadien, qui est demeuré supposément neutre dans cette élection, le PPC est, depuis toujours, trop à gauche. Belle définition pour un parti centre-droit !

Conservatrice sociale, Danielle Smith a défendu durant la campagne les principes de sa position politique. Pro-vie et ne croyant que dans le mariage traditionnel, elle s’opposa, entre autres, à l’avortement, à l’euthanasie, aux mariages gais, à la laïcité, à l’athéisme. Imitant la droite américaine, elle a parlé de Dieu et de la religion comme si elle voulait les imposer à la société. Au lieu de laisser en paix ces sujets déjà bien implantés, elle donna l’impression de vouloir légiférer sur chacun afin de les modifier pour rencontrer sa vision des choses. Libertaire, elle voulait couper les dépenses du gouvernement, assurer plus de liberté individuelle et diminuer la grosseur du gouvernement, mais elle n’a pas su imposer des limites claires et acceptables par la majorité aux actions draconiennes qu’elle voulait prendre. Elle a hésité à reconnaître la séparation de l’Église d’avec l’État comme étant la base de la liberté et de la démocratie.

Quelque peu anti-Québec, elle proposa de revoir la péréquation financière canadienne entre les provinces dites « riches » et celles dites « pauvres » afin de diminuer la charge de l’Alberta et le montant alloué au Québec.

Lorsque ses candidats, très de droite, crurent bon d’intervenir dans la campagne avec des commentaires cruellement bigots, racistes et religieux, Danielle Smith les défendit en affirmant qu’« elle respectait la liberté de parole et de religion ». Sur ce sujet, elle ne suivit pas l’exemple de Stephen Harper qui lui, évite d’agir sur ces sujets parce que politiquement dangereux.

Les perdants agissent comme de vrais teapartyers américains. Ils voient dans le nouveau gouvernement d’Alison Redford une bande de socialistes communisants. Un carton publié par eux, depuis l’élection, démontre bien ce qu’ils pensent du parti progressiste conservateur de l’Alberta.


Mes fréquents voyages en Alberta du temps de Joe Clark et de Mulroney m’ont fait réaliser que les Albertains réagissent comme les Québécois. D’ailleurs, jadis, le Québec et l’Alberta se sont souventes fois ligués contre la riche Ontario qui dirigeait en fait le Canada grâce à son argent et ses influences. Ensemble, nos chefs politiques ont combattu pour enfin atteindre la situation où le Québec et l’Alberta pèsent autant que l’Ontario et la Colombie Britannique dans la direction du Canada. Aujourd'hui, même si les Québécois n’ont élu que quelques députés conservateurs et qu’Harper agit souventes fois à l’encontre des désirs des Québécois, le Québec maintient sa place et est une atout important et influent de la fédération canadienne.

Le PPC albertain est un parti qui s’apparente depuis toujours à la politique de l’ex-PM Joe Clark, de l’ex-ministre fédéral Jack Horner, des ex-PM albertains Peter Lougheed et Ralph Klein, etc… qui étaient des progressistes. Leur surnom « red tories » démontre bien la nature des politiques qu’ils ont mises en place.

On a ressenti dans cette élection que les Albertains sont fiers de leur province. Ils en parlent comme de vrais patriotes. Ils se sentent d’abord Albertains puis Canadiens. Ils ont démontré qu’ils veulent que leurs politiciens actuels concentrent sur les services gouvernementaux et l’économie. L’élection albertaine a été une belle démonstration de ce que sera la prochaine élection québécoise.

Claude Dupras

mercredi 18 avril 2012

Les campagnes « anti »

Les campagnes « anti » ne sont pas nouvelles. Selon plusieurs organisateurs politiques, il n’y a rien de mieux pour gagner une élection. Pour réduire son adversaire, on invente, on insinue, on ment, on fabrique des arguments contre sa personne et on les répète sans cesse. Finalement, cela a l’air vrai et de plus en plus de monde y croit, même si en très grande partie c’est faux !

La première campagne de ce genre dont j’ai été témoin fut l’anti-duplessis des années ’50. Pour un très grand nombre de ses adversaires du temps, il n’y avait rien qui avait du sens dans ce que faisait ou disait le premier ministre Maurice Duplessis. Malgré ses nombreuses réalisations, ses grandes victoires fiscales et autonomistes contre le gouvernement fédéral, tout ce qu’il faisait était interprété négativement. Un slogan a même été inventé, « la grande noirceur », pour qualifier cette période de la vie politique québécoise. Cela en était rendu au point que s’il pleuvait, Duplessis en était le responsable. C’est là que j’ai compris que par une campagne « anti », on visait à faire voter les Québécois « contre » l’adversaire et non « pour » leur candidat.

L’élection présidentielle française est un autre bon exemple. Dès le lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, le parti socialiste (PS) a compris ce que devait être sa stratégie pour avoir une chance de gagner la prochaine élection, celle du 22 avril prochain, contre ce candidat hors de l’ordinaire que s’avérait être le nouveau président Sarkozy. Il se devait de le salir de toutes les façons possibles. C’est là qu’est né l’anti-sarkozysme. Et ça a fonctionné.

Le Fouquet’s, le yacht de Bolloré, le supposé favoritisme envers les riches, le « tasse-toi pauv’con », etc… sont devenus les prémisses d’une campagne de « salissage » extraordinaire visant à influencer les Français. Finalement, un très grand nombre d’entre eux y ont cru. Intoxiqués par le négatif vomi sur la personne Sarkozy depuis quatre ans, ils voient dans son rejet la seule vraie façon d’obtenir une France meilleure et cela nonobstant tout ce qu’il a fait pour réformer en profondeur leur pays et l’Europe. Que Hollande soit sans sa couleur et sans saveur importe peu Que son programme ne tienne pas compte de la situation économique actuelle n’est pas important. Il leur faut vitement réagir à la campagne anti-sarkozyste. Voilà pour eux une belle façon d’envisager l’avenir !

Dès le début de la présente campagne, Sarkozy s’est défendu face aux accusations de ses adversaires. Il a fait le point, s’est bien expliqué sur chacune des insinuations portées envers lui et a réussi à calmer les esprits. La presse a rapporté ses propos et ils eurent l’effet espéré sur le public. Le socialiste François Hollande a alors mis de côté son argumentation anti-sarkozyste et décida de « prendre de la hauteur », comme il a dit, dans le but de démontrer qu’il était présidentiable. Ses nouveaux discours tombèrent à plat et en peu de temps, Sarkozy le dépassa dans les sondages. Face à la tournure des évènements, Hollande décida de reprendre ses attaques anti-sarkozystes. Depuis, il a regagné les quelques points de sondage qu’il avait perdu et est redevenu le favori. C’est la plus récente démonstration que les campagnes « anti » payent. « Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque chose » écrivit Beaumarchais dans le Barbier de Séville.

Hier, j’écoutais Mitt Romney, candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, qui lors d’une conférence de presse expliquait sa stratégie pour vaincre Barack Obama. Pour satisfaire la galerie des groupes d’intérêts, il sera très conservateur et sympathisera avec les teapartyers et les détenteurs d’armes. Et, plus important encore, il annonça sans honte qu’il entreprendra une campagne anti-Obama, comme s’il était normal d’agir ainsi. Déjà, ce qu’il dit d’Obama est tout croche, exagéré et faux en très grande partie. On peut imaginer ce qui s’en vient.

Depuis Duplessis, rien n’a changé à ce niveau au Québec. Le plus récent exemple fut la campagne anti-Marois organisée par les « purs et durs » séparatistes. Cheffe démocratiquement élue du Parti Québécois (PQ), cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée Nationale québécoise suite à sa défaite de la dernière élection, Pauline Marois devint la cible des « purs et durs » de son parti malgré le vote de confiance de 93% que lui accorda le congrès du parti. Insatisfaits de sa proposition de « gouvernance souverainiste », qui remet à plus tard un vote sur la séparation du Québec du Canada, les contestataires entreprirent une féroce campagne anti-Marois pour la forcer à démissionner. Il n’y a rien qu’ils n’ont pas dit pour ternir sa réputation. Au point, que dans un billet de mon blogue, moi qui suis loin d’être séparatiste, je me suis sentis la responsabilité de venir à sa défense. Mais, ils avaient oublié que « la Madame » avait foi en elle, qu’elle avait « la couenne dure » et de l’expérience politique. Malgré les démissions de députés qui s’accumulèrent et les prises de positions publiques, dont la plupart démagogiques, contre elle de la part de personnages importants du parti qui se laissèrent prendre au piège de la campagne anti-Marois, elle résista et finalement gagna. Son attitude suscita l’admiration d’un grand nombre de Québécois et Québécoises et depuis les sondages ont tourné en sa faveur au point que sa position s’en retrouve fortement renforcée.

Les campagnes « anti » pullulent. Ainsi, il y a l’anti-Paul-Desmarais, qui devient « le prédateur »; l’anti-Lucien-Bouchard, l’ex-premier ministre (PM) PQ, « le traître »; l’anti-Pierre-Marc-Johnson, l’ex-PM PQ, « le vendu » ; l’anti-André-Boisclair, l’ex-chef PQ, le « schisteux »; l’anti-Jean Charest, le PM actuel, dont on anglicise le nom à « John James » pour des raisons évidentes, etc…

Si un ancien chef politique, un camarade du passé ou un individu défend une position politique qui va à l’encontre de ce qu’on pense, il devient l’ennemi et est, sur-le-champ, sali par des insinuations mensongères et des quolibets honteux. On invente des récits, des scénarios, on les présente comme véridiques. Plusieurs y croient « dur comme fer » alors que ce n’est que de la pure fabulation !

En France, au Québec et aux USA, la nature des campagnes électorales est devenue un problème dans la démocratie d’aujourd’hui, à tous les niveaux.. Trop de personnes ne veulent pas y mettre les pieds de crainte d’être salies injustement. Les membres des partis politiques et particulièrement leurs chefs ont la responsabilité de maintenir un débat politique sain où les citoyens peuvent trouver les bons et vrais arguments pour juger des situations politiques qui se présentent. Jouer sur des faussetés comme le fait François Hollande en insistant pour promouvoir l’anti-sarkozyste est inacceptable parce qu’injuste et calomnieux.

Il faut arrêter de telles bêtises !

Claude Dupras

mardi 10 avril 2012

Deux candidats diamétralement opposés : Romney et Hollande

Mitt Romney deviendra sans aucun doute le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain. François Hollande, candidat du parti socialiste français, fera face au président Nicolas Sarkozy lors du deuxième tour de l’élection présidentielle. Romney et Hollande ont d’excellentes chances de devenir président de leur pays.

Récemment, ils viennent de confirmer leur programme électoral économique et les actions qu’ils proposent prendre dès leur prise de pouvoir. Hollande a expliqué le sien avec force détails, il y a quelques jours, lors d’un long discours à Rennes. Romney vient tout juste de promettre de faire sien le rapport Ryan « The path to prosperity », du comité de la Chambre des Représentants sur le budget, et de le faire adopter dès sa rentrée à la Maison Blanche en janvier prochain.

Les deux programmes sont diamétralement opposés. L’Américain coupe les programmes, les dépenses et les taxes. Le Français les augmente tous. Qui a raison ?

Dans un premier temps, le plan Ryan-Romney annule la loi sur les soins de santé de 2010 du président Obama et du sénateur défunt Ted Kennedy. Surnommée Obamacare, elle a été créée pour fournir une assurance santé à 35 millions d'Américains qui en sont privés et pour réduire le trou de 43 milliards de dollars creusé par les non-assurés.

Romney supprime l’obligation pour tous les citoyens américains d’obtenir une assurance-maladie.

Romney élimine le programme Medicare, le système gouvernemental d'assurance-santé au bénéfice des personnes de plus de 65 ans, pour tous les Américains nés après 1956.

Il remplace le tout par un nouveau programme de coupons, ou bons-d’échanges, avec lesquels chaque Américain pourra négocier et acheter une police d’assurance-santé d’une compagnie privée.

Les paiements des primes seront versés directement aux compagnies par le gouvernement. Elles seront augmentées annuellement selon le taux d’inflation moyen et non selon l’augmentation réelle des coûts des soins de santé. Ils tiendront compte du revenu des bénéficiaires, de leur âge et de leurs besoins de soins grandissants. Le 2% des plus riches (même s’ils gagnent des dizaines de millions $ annuellement) recevra 30% de la prime, le suivant 6% recevra 50%, le 92% restant la prime totale.

Le plan fédéral Medicaid, qui fournit l’assurance maladie aux individus et aux familles à faibles revenu et ressources, sera aussi annulé et la responsabilité sera transférée aux États. A partir de 2013, la part du fédéral sera versée en bloc aux États. Le montant sera augmenté annuellement pour tenir compte de la croissance de la population, de l’inflation moyenne et non de l’augmentation réelle des coûts des soins de santé.

En rapport avec la taxation, Romney propose des taux d’impôt réduits et l’élimination d’exemptions et de subsides existants. Il veut diminuer les taux de taxes des corporations de 35 % à 25% et éliminer les taxes des compagnies sur les profits à l’étranger. Il veut rendre permanentes les coupures temporaires d’impôt, mis en place par GWBush, pour tous les payeurs de taxe même si cela augmentera la dette nationale de 3,3 trillions $ durant les 10 prochaines années. Il vient ainsi à l’encontre de ce qu’il dit être son objectif principal, la diminution de la dette.

De son côté, François Hollande propose la réduction de 30% des rémunérations des ministres et du chef de l'Etat, ce qui ne représente rien sur le total des dépenses gouvernementales. Il veut augmenter de 25% l'allocation de rentrée scolaire, bloquer pour trois mois les prix du carburant, créer une caution solidaire pour permettre aux jeunes d'accéder à la location, réinstaurer le départ à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler à 18 ans et négocier avec les syndicats pour changer la décision difficile et importante qu’a prise Sarkozy sur le financement des retraites.

Quant à la taxation, Hollande y va gaiement. Il veut élever le niveau d’impôt à 75% pour la tranche d’un million d’euros et plus pour ceux qui gagnent de tels revenus, réappliquer le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, celle de la taxation des revenus du capital comme ceux du travail, annuler la nouvelle TVA sociale qui vise à diminuer le coût du travail (mesure importante pour faciliter l’emploi par les petits entrepreneurs et les artisans).

Il veut créer 60 000 postes dans l'Education nationale et 5 000 postes pour la sécurité et la justice. Il veut lancer 150 000 "emplois d'avenir" par des exonération de charge pour les entreprises embauchant un jeune tout en gardant un senior dans le cadre d'une loi pour l'emploi et la cohésion sociale. Il veut encadrer les loyers et modifier « la tarification progressive de l'eau, de l'électricité et du gaz ».

Et pour payer pour tout cela, Eh bien ! C’est facile ! On taxe les riches et on élimine les niches fiscales mêmes si plusieurs d’entre-elles ont été créées depuis des années dans le but de stimuler l’économie et rétablir une certaine justice sociale. L’argent est là, selon Hollande qui agit comme si la crise monétaire qui fait des ravages en Europe et la situation économique dangereuse qui n’attend que son moment pour ressauter sur sa proie, n’existent pas.

Les politiques de Mitt Romney sont ridicules et « sans cœur » parce qu’il propose d’importantes coupures d’impôt pour les riches et des diminutions des aides aux pauvres et à la classe moyenne. L’élimination d’Obamacare va créer des torts énormes aux Américains et rendra plus difficile la bataille contre la croissance des coûts de soins de santé. Romney ne peut prouver que ses propositions réduisent ces coûts. La valeur des coupons pour l’achat de primes d’assurance basée sur les coûts d’inflation deviendra vite insuffisante car les taux d’augmentations des services de santé sont beaucoup plus importants que les taux de croissance de l’inflation.

Je remarque que le programme de Romney n’inclut aucune coupure de dépenses militaires ni de garantie que les taxes du citoyen moyen n’augmenteront pas. De son côté, le Centre de Recherches Économiques et Politiques prévoit que sa proposition ajoutera des trillions de $ aux dépenses pour les aux soins de santé à cause de l’inefficacité de l’assurance privée comparée au programme actuel du gouvernement.

Quant aux propositions d’Hollande, on ne peut savoir ce qu’il en adviendra car il a démontré être un adepte du lissage. Par exemple, suite aux critiques de la communauté du football sur la taxation à 75%, il a laissé entendre qu’il est prêt à considérer à « mettre en place des mécanismes pour compenser les dommages au football français ». Que fera-t-il devant les demandes des artistes ? Et des autres ? Et du nombre d’exilés fiscaux qui augmentera ? Ce changement de cap met en doute sa sincérité et démontre que ses propositions sont purement idéologiques, sans consistance et vides de réalisme.

Pour la création de nouveaux emplois, Hollande affirme que le gouvernement en est capable, alors que Romney dit que seules les entreprises privées et les riches le sont.

Nous sommes témoins de deux campagnes électorales de candidats qui se situent de chaque côté de l’échiquier politique. A mon avis, ni un ni l’autre n’a raison car les deux proposent des politiques idéologiques et opportunistes. La gérance du pays, les nouvelles taxes, les coupures de dépenses, les programmes de stimulation de l’économie et ceux d’aide aux citoyens doivent viser en tout temps à assurer la solidité financière de l’État, son développement et le bien-être de ses citoyens, dans l’immédiat et le futur.

A mon avis, le meilleur exemple d’une politique bien équilibrée est celle du président Obama ou encore celui du Canada du temps du premier ministre Jean Chrétien et de son ministre des finances Paul Martin lorsqu’ils mirent de l’ordre dans nos finances publiques.

Claude Dupras

jeudi 5 avril 2012

Le conflit des frais de scolarité : les prêts-bourses la solution ?

Suite à mon récent billet « Une manifestation étudiante pas comme les autres », je veux traiter ici brièvement de la réponse du premier ministre Jean Charest qui demeure inflexible face aux revendications des étudiants. Le PM insiste pour augmenter de 75 %, durant le 5 prochaines années, les frais de scolarité universitaires québécois. Pour lui, la réponse aux critiques de ces hausses importantes est le régime de prêts-bourses du gouvernement qui permet de financer les frais de ceux qui ne peuvent pas payer.

Vous n’avez pas suffisamment d’argent pour faire votre cours universitaire, pas de problème puisque le gouvernement s’assurera que vous en aurez et vous pourrez le rembourser avec intérêts, selon les critères établis, lorsque vous exercerez votre profession. Pour calmer les esprits, Charest se même dit prêt à « rendre meilleur » le régime existant. Ça à l’air bon et simple ! Mais l’est-ce ?

J’ai exprimé mon appui aux étudiants pour les raisons invoquées dans mon texte précédent. Plus les frais de scolarité seront élevés, plus les dettes de plusieurs étudiants seront importantes. Et, je suis convaincu qu’un très grand nombre d’entre eux risquent d’être hantés par cette dette toute leur vie. D’autres, craignant de trop s’endetter auront choisi de ne pas suivre de cours universitaires. Et, il y en a beaucoup plus que l’on pense !

Aux USA, les frais de scolarité sont très élevés, pour ne pas dire excessifs, et les prêts-étudiants privés et publics existent. Le remboursement des dettes devient un problème majeur pour d’innombrables Américains dont beaucoup sont devenus des personnes âgées. Le comité sénatorial responsable de la question en discute vivement et le président Obama est intervenu récemment avec une proposition pour faciliter le remboursement des emprunteurs qui peinent à rencontrer leurs obligations.

Un long article du journaliste Ylan Q. Mui dans le journal The Washington Post, du 1er avril dernier, traite de la question : Senior citizens bear burden of student loans (les citoyens seniors portent le fardeau des prêts-étudiants).

Ce texte explique bien le potentiel de mauvaises répercussions des prêts-étudiants et l’auteur décrit les difficultés vécues par plusieurs Américains en rapport avec les remboursements de leurs emprunts. Il faut éviter que le Québec se rende là.

J’ai traduit cet article en français et je le soumets aujourd’hui à mes lecteurs pour fins de réflexions et commentaires.

Claude Dupras


Senior citizens bear burden of student loans

Le fardeau de payer pour les études collégiales fait des ravages sur les finances des personnes âgées aux USA.

Une nouvelle étude de la Federal Reserve Bank de New York démontre que les Américains de 60 ans et plus doivent encore environ 36 milliards $ en prêts-étudiants. Plus de 10 % de ces prêts sont en souffrance. Les organismes de défense des consommateurs affirment qu’il n'est pas rare pour la Sécurité Sociale d’émettre aux collecteurs de dettes des informations sur les emprunteurs de 80 ans et plus, avec lesquelles ils harcèlent des derniers afin de récupérer des prêts-étudiants vieux de plusieurs décennies.

Face à cette situation, un nombre grandissant de législateurs, d'économistes et d’experts financiers dénoncent ce qui est devenu un conflit important au cœur même du système de l'enseignement supérieur de la nation. Les avantages espérés que devait donner un diplôme d'études collégiales sont dilués par des taux de frais de scolarité en hausse et la longévité de la dette.

Certains de ces Américains âgés sont encore aux prises avec leur premier prêt-étudiant, tandis que d'autres se sont encore plus endettés quand ils sont retournés à l'école, plus tard dans la vie, dans l'espoir de devenir plus compétitifs dans le marché du travail. De plus, plusieurs ont endossé ou cosigné des prêts avec leurs enfants ou petits-enfants pour les aider à faire face à la croisssance rapide des frais de scolarité.

La récente récession a aggravé ce problème rendant plus difficile pour les Américains plus âgés - ou les jeunes qu'ils soutiennent à l'école – de trouver des emplois bien rémunérés. Et, contrairement à d'autres dettes, les prêts-étudiants ne peuvent pas être effacés en cas de faillite. En conséquence, certains Américains plus âgés découvrent à leur stupéfaction qu'un diplôme d'études collégiales qui devait leur garantir une carrière prospère est devenu une vie à l'ombre d’une dette.

«Un prêt-étudiant devient une boule et une chaîne que vous devez tirer jusqu’à votre tombe», a déclaré William E. Brewer, président de l'Association Nationale des Procureurs de la Faillite à la Consommation. "Vous ne pourrez le décrocher qu’au moment où il vous mettront dans le cercueil."

Sandy Barnett, 58 ans, de l'Illinois, pensait qu'elle faisait la bonne chose quand elle a décidé de poursuivre une maîtrise en psychologie clinique à la fin des années ‘80. Elle avait su faire son chemin au collège sans trop de problèmes financiers, mais elle a décidé de contracter un emprunt d'environ $ 21 000 pour payer ses études supérieures afin d’avoir plus de temps pour mieux se consacrer à ses études.

Après avoir obtenu sa maîtrise, Barnett a lutté longtemps pour trouver un emploi qui payait plus de $ 25 000 par an. Elle tomba rapidement en retard sur ses paiements de remboursement. Puis, elle a souffert d'une mise à pied, d’une période de chômage et de la mort de son mari. Durant ce temps, son prêt-étudiant gonfla à environ $ 54 000.

Barnett a déposé son bilan en 2005, mais elle ne pouvait pas y inclure la dette de son prêt-étudiant. Elle raconte qu’une agence de recouvrement a commencé à soutirer, depuis un an, une bonne part de son salaire de son emploi à plein temps de représentant de service à la clientèle et, maintenant qu’elle a peu d’argent pour vivre, elle doit choisir entre l'achat du gaz et l'achat de nourriture. Un climatiseur pour son mobil-home est devenu pour elle un luxe inimaginable.

"Je me secoue la tête chaque jour à la pensée que je travaille pour rien," a dit Barnett. "C'est vraiment un trou noir parce qu'il n'y a pas de fin en vue.

Un diplôme d'études collégiales a traditionnellement été considéré comme une garantie virtuelle d'un emploi mieux rémunéré et un niveau de vie élevé. Et dans l'ensemble, cela reste vrai. Le taux de chômage pour les Américains détenant seulement un diplôme d'études secondaires est de 9,2 pour cent - plus du double du taux chez les personnes avec des diplômes collégiaux. L'an dernier, selon les données du gouvernement, les revenus hebdomadaires moyens des diplômés du secondaire étaient de 638 $ comparativement à 1053 $ pour les jeunes diplômés de collège.

Mais à cause de la récente récession qui a créé des mises à pied dans des cabinets d'avocats, des banques d'investissement, des usines d'automobiles et des entreprises de construction, de plus en plus d'Américains se retrouvent sans travail et profondément endettés.

Lors d'une audience du sous-comité sénatorial la semaine dernière, le secrétaire au Trésor Timothy F. Geithner a déclaré que le coût de l'enseignement supérieur devrait refléter la qualité de l'éducation reçue. Beaucoup d'étudiants "n'ont pas été en mesure d'obtenir un rendement qui justifie la dépense" a-t-il dit.

Au cours de la dernière décennie, le coût des études collégiales a augmenté entre 2 et 6 pour cent par an selon le type d'établissement, affirme le College Board.

Entretemps, la Fed de New York estime que les Américains doivent 870 milliards de dollars en prêts-étudiants au cours du troisième trimestre de l'an dernier, dépassant largement la dette des cartes de crédit ou les prêts-auto. Les emprunteurs de 60 ans ont 5 % de la dette. La part des 50 ans et plus est de 17 %.

Dans certains cas, la dette étudiante est aussi un fardeau pour des Américains plus âgés et financièrement responsables.

Maxine Bass, 60 ans, du Minnesota a expliqué que sa petite-fille rêvait d'aller à l'université depuis qu'elle était enfant. Mais sa mère ne pouvait même pas se permettre de lui fournir l'argent du déjeuner et, encore moins, pour les frais de scolarité. Bass, de son côté, avait un bon crédit et un emploi stable.

Alors, lorsque sa petite-fille a été acceptée à l'Université Sainte-Catherine pour étudier la biologie, Bass a accepté de co-signer un prêt $ 38,000 conjointement avec elle. Mais la petite-fille a pris du retard dans ses paiements de remboursements parce qu’elle peinait à trouver un emploi avec un salaire décent et les finances de Bass en ont subi le contrecoup.

«J’ai paniqué ne sachant ce que je pouvais faire?" affirme Bass.

En raison de frais de retard et des paiements non versés, Bass a expliqué qu'elle et sa petite-fille doivent maintenant environ $ 69 000. Ils font une contribution mensuelle, mais Bass est inquiète qu'elle ne sera pas en mesure de rattraper son retard.

«Beaucoup de parents qui rêvaient à l’âge de retraite avec un enfant qui avait fait des études supérieures ont dû continuer à travailler parce qu’il ne peuvent payer complètement la dette étudiante de leur enfant » a déclaré le sénateur Richard J. Durbin (D-Ill.) lors d’une audience la semaine dernière.

Durbin a présenté un projet de loi qui permettrait que la dette étudiante privée puisse être déchargée dans la faillite, mais que les emprunteurs soient tenus quand même de rembourser la partie des prêts fédéraux. Sallie Mae, un des plus grands prêteurs privés de prêts-étudiants, et des groupes de protection des consommateurs soutiennent que tous les prêts-étudiants devraient être effacés dans un cas de faillite. L'année dernière, le président Obama a abordé la question en assouplissant les exigences de remboursement des prêts-étudiants du gouvernement fédéral. Les nouvelles règles permettent aux emprunteurs de payer 10 pour cent de leur revenu pendant 20 ans avant que le prêt soit pardonné.

Pour plusieurs, le projet de loi ne fait que répondre à un aspect de ce problème qui est plus fondamental: le coût des études collégiales. Jusqu'à ce que soit résolu, Suzanne Martindale, une avocate de l'Union des Consommateurs, a déclaré qu'elle prévoit que la part des prêts-étudiants à rembourser par les Américains âgés ne fera qu'augmenter.

"La génération actuelle d’emprunteurs deviendra une génération de personnes âgées accablées de dettes", a-t-elle prédit.

lundi 2 avril 2012

Le péage ? Oui, mais…

C’est le premier ministre Maurice Duplessis qui inaugura en 1959, à Montréal, l’autoroute des Laurentides. Ce fut la première autoroute au Québec et elle était à péage. Vingt ans plus tard, le péage fut aboli par le premier ministre René Lévesque suite aux demandes pressantes des maires des villes de Laval, Ste-Thérèse, Lorraine, Boisbriand, Blainville et St-Jérôme. Ceux-ci avaient entrepris une campagne de persuasion, dans laquelle ils avaient investi beaucoup de temps et d’argent, afin de convaincre les politiciens d’éliminer le péage qu’ils qualifiaient de trop onéreux pour monsieur et madame Tout-le-monde. Ils soulignaient que ces derniers l’évitaient et empruntaient la seule voie alternative, la vieille 11, qui était toujours bondée et difficilement praticable. Ces bouchons, disaient-ils, affectaient aussi le développement résidentiel et industriel de leurs villes des Basses-Laurentides.

Aujourd’hui, lorsqu’on constate le développement extraordinaire de cet immense territoire qui va maintenant au-delà de St-Jérôme, on doit reconnaître que les maires et les conseils municipaux du temps ont rendu un grand service à leurs concitoyens passés et actuels. Depuis, les villes, sans exception, sont toutes devenues dynamiques, croissantes, belles et des endroits où il fait bon vivre et y élever des enfants. Le budget provincial a amplement été compensé par toutes les taxes qui lui sont venues des investissements nombreux de cette région qualifiée maintenant de « couronne nord de Montréal ». Celle-ci a aussi de plus en plus d’importance dans le schéma politique du Québec. C’est une preuve que le péage était un obstacle majeur.

Dans la région de Montréal, les péages furent supprimés pour les ponts Jacques-Cartier, Victoria et Honoré-Mercier en 1962 et pour le pont Champlain en 1990. Ce fut de même dans la région de la ville de Québec. Depuis, il n’y a plus de points de péage sur les routes du Québec. Les ponts libérés de péage ajoutés au nouveau tunnel Hyppolyte-Lafontaine à circulation gratuite, entre Montréal et la Rive-sud, ont aussi favorisé le développement extraordinaire qu’a connu la Rive-Sud. Comme quoi, la libre circulation est payante pour le Québec.

Mais depuis, l’hydre du péage remontre sa tête. En effet, depuis un an, le péage est réapparu sur le nouveau pont de la route 25 qui enjambe la rivière des Prairies à Laval et le sera aussi, bientôt, sur la route 30 de la rive-Sud sur la section construite en PPP (Partenaires Privés Publics).

De son côté, le ministre du transport du gouvernement du Canada vient d’annoncer son intention d’étudier la possibilité d’imposer à nouveau des péages sur les ponts Jacques Cartier, Honoré Mercier et Champlain. Il veut faire payer par les automobilistes-utilisateurs le nouveau pont Champlain que son gouvernement a promis de construire à Montréal, d’ici dix ans.

Premièrement, ce n’est pas un nouveau pont Champlain dont nous avons besoin pour remplacer l’existant. Pour éliminer, une fois pour toutes, les bouchons interminables qui y gênent la circulation, c’est un nouveau pont pour ajouter au pont Champlain existant remis à neuf qui est nécessaire.

Je suis en accord avec les péages si le principe suivant est respecté : Pour circuler d’un endroit à un autre en auto, le péage est acceptable à la condition qu’existe une autre voie publique gratuite, raisonnablement rapide, pour permettre à un automobiliste de se rendre à destination.

Ainsi, si un nouveau pont Champlain à péage est construit, le pont actuel réparé doit être libre de péage. L’automobiliste aura le choix : rentrer plus vite avec péage ou prendre un peu plus de temps sans péage. Pour la 30, l’alternative est la 132, une bonne route. Que la nouvelle 30 soit à péage est acceptable puisque la 132 est sans péage.

Par contre, si tous les ponts fédéraux redeviennent à péage, seuls le vieux et étroit pont Victoria et le tunnel Hyppolyte-Lafontaine, situé loin à l’est de l’île de Montréal, seront gratuits pour les automobilistes des deux rives du Saint-Laurent. Les Montréalais du centre et de l’ouest de Montréal de même que les citoyens de Brassard jusqu’à Chateauguay, Huntingdon et plus loin, se verront obligés de payer pour se rendre dans l’île de Montréal ou vers le nord car il n’y aura pas de voie alternative gratuite à proximité. Ce n’est pas juste et c’est inacceptable.

Il ne faut pas nuire au développement de Montréal ou des villes de la Rive-sud. Instaurer de nouveaux péages pour les ponts qui les relient sans assurer de voie alternative gratuite affectera économiquement et négativement toutes les villes desservies. Le passé nous l’a bien démontré. En plus, et c’est important, ils ajouteront d’importantes dépenses additionnelles de transport pour plusieurs contribuables et familles qui peinent déjà à rencontrer les deux bouts. Ce n’est pas une saine politique.

Quand les politiciens vont-ils prendre leçon du passé ?

Claude Dupras

Ps. En France, on respecte le principe que j’énonce plus haut par des routes alternatives identifiées « Bis ». Ainsi, d’Avignon à Lyon, il y a l’autoroute A7 à péage et la route identifiée « Bis Lyon ». Cette dernière est gratuite et passe normalement par les routes nationales. À remarquer, que le péage des autoroutes en France est de plus en plus coûteux et qu’une telle situation risque de se retrouver chez nous à la longue. Il vaut mieux y mettre un frein tout de suite.