jeudi 29 décembre 2011

Le ras le bol mondial de 2011

Les éditeurs du magazine américain Time ont arrêté leur choix de la « personnalité de l’année 2011 » sur « les protestataires ». Ce choix judicieux montre bien l’importance de l’individu d’aujourd’hui lorsqu’il se regroupe avec ses congénères, même s’il a en main de nouvelles technologies sociales qui l’unissent au monde. Seul, dans ce monde de médias mur-à-mur, il peine à percer. Avec d’autres, il partage ses peines, ses ambitions et devient militant, inspire de la sympathie et se fait entendre.

Cet éclatement public n’est pas le résultat d’une émotion soudaine mais l’aboutissement de frustrations et de complaintes accumulées depuis plusieurs longues années contre les institutions politiques. Le Maghreb en est bien la démonstration. J’ai voyagé souventes fois au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Égypte et depuis longtemps, comme tout visiteur dans ces pays, j’ai ressenti le mécontentement qui y bouillonnait de plus en plus. Je ne comprenais pas pourquoi ça ne sautait pas.

En fait, il me semblait clair que des élections libres auraient vite chassé les dirigeants corrompus qui contrôlaient l’armée et la police de ces pays. L’élection du Front Islamiste du Salut (FIS) en Algérie en 1991 me le confirma, mais le résultat de l’élection fut vite annulé par le régime du FLN qui, en plus, mit les dirigeants du FIS en prison.

Le ras le bol mondial a généré un fervent militantisme en Tunisie, en Égypte, au Yémen, au Maroc, en Lybie, en Algérie, en Russie, en Grèce, à Madrid, à Londres, à Wall Street, à Montréal, au Mexique, en Indes, au Chili, en Iran, en Syrie… Il a pris les noms de « révolution jasmine », « printemps arabe », « indignés » et « occupy ». Il aurait pu être encore plus grand et touché la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord, etc.. si le contrôle des partis communistes et des militaires n’y était pas si omniprésent. Ça viendra !

Les manifestations, les occupations, les insurrections et les révolutions ont apporté plusieurs fruits puisqu’elles ont réussi à créer chez plusieurs individus l’espoir d’un avenir meilleur, plus libre, plus prometteur, plus rose pour eux et leur famille.

Au Canada, nous l’avons aussi ressenti. Particulièrement au Québec, le 2 mai dernier. Un grand nombre d’entre-nous en avions assez de la « salade » que les politiciens fédéraux nous servaient depuis si longtemps. Notre seule stratégie fut de protester et de remplacer les élus, quelque soit le parti, quelque soit le programme. Nous leur avons dit « adieu Bloc, PC, Libéraux, couvée… » et nous avons choisi un homme simple, chaleureux qui semblait compréhensif et prêt à tout changer. Ce n’était pas une question de socialisme, fédéralisme, gauche, droite, centre, séparatisme, souverainisme, non rien de tout cela. Les idéologies ne comptaient plus. Nous ne proposions rien mais nous voulions que ça change et nous avons trouvé l’homme qui nous semblait être en mesure de le faire. Malheureusement, il n’est plus et nous revoilà à nouveau à la recherche de la solution.

C’est le parti conservateur (PC) qui en profita. Il avait reconstitué la « Big Blue Machine ontarienne » des années ‘60-’80 et sa stratégie principale visait à obtenir les votes des différentes ethnies canadiennes. Il a mis-en-place, selon les observateurs avertis, sa « politique de diaspora » par laquelle Harper chercha à obtenir la faveur électorale des néo-canadiens en attaquant durement les politiques et les politiciens des pays qu’ils ont quittés ou en les aidant démesurément, dépendant de la situation. Harper a fait cela à répétition, comme pour Israël avec qui il est devenu l’ami inconditionnel, contrairement à ses prédécesseurs qui étaient neutres en rapport avec le conflit israélo-palestinien et travaillaient à trouver une solution acceptable aux deux parties. Il s’apprête même à signer une entente militaire avec ce pays. Est-ce un risque acceptable pour le Canada ?

Il fit tout pour cajoler ces électeurs particuliers et a gagné sa gageure en remportant, entre autres, plusieurs comtés-clés de la région de Toronto qui lui donnèrent sa majorité nonobstant le mécontentement des Canadiens à son égard qui s’exprima par les 75,9% d’électeurs éligibles qui ne lui accordèrent pas leur confiance en ne votant pas pour lui ou en s’abstenant.

Pour un grand nombre de régions et de pays, 2011 aura été une année charnière pour l’avancement de la politique nationale et pour la politique mondiale. On le doit aux protestataires de toutes races, de tous problèmes, qui se sont levés, plus d’une fois, pour affirmer leur rejet du système ou du régime dans lequel ils vivent. La démocratie, la justice et le développement social auront fait un gros bond en avant.

Claude Dupras

lundi 26 décembre 2011

Découverte de 2011 : Le bulldozer Harper

Stephen Harper a été réélu premier ministre du Canada, le 2 mai dernier. Son Parti Conservateur (PC) a obtenu 39,6% des votes des 61,1 % d’électeurs qui ont voté. Grâce au jeu du système parlementaire britannique, Harper a obtenu une majorité de députés à la Chambre des communes malgré que seulement 24,1% des électeurs éligibles ont voté pour le PC. Évidemment, on peut faire le même genre de calcul pour les autres partis politiques mais ils ne sont pas le gouvernement. Contrairement aux chefs de gouvernements majoritaires précédents qui savaient faire la part des choses, Harper agit comme un p’tit dictateur.

Il me semble que dans une telle situation, un gouvernement démocratique majoritaire responsable doit, au minimum, écouter, réfléchir et s’ajuster avant de proposer. Harper, au contraire, relit le programme de son ex-parti de droite de la droite, le Reform Party, l’impose et l’applique à la lettre, sans consultation. Il serait sage qu’il se rappelle que jamais le Reform n’aurait été élu si le Parti Progressiste Conservateur (PPC) n’avait pas accepté de se fusionner avec lui et que c’est grâce aux membres de ce dernier qu’il a pu atteindre le poste important de premier ministre du Canada. Ces membres du PPC, dont j’étais, n’épousaient pas la politique du Reform, mais se situait plutôt au centre-droit. Aujourd’hui, jamais je ne pourrais voter pour le PC actuel car il méprise en grande partie ce que, sous Stanfield, Clark et Mulroney, nous avons proposé pour le pays.

Au lieu d’être un gouvernement majoritaire bon, il est devenu littéralement un bulldozer. Voici quelques exemples :

1. Il a imposé le bâillon sur des projets de loi dont le vote était assuré.

2. Il a forcé certains comités parlementaires à siéger à huis-clos.

3. Il a fait faire une démonstration de la puissance militaire aérienne canadienne au-dessus de la colline parlementaire. Du jamais vu !

4. Il a engagé une firme privée pour nuire politiquement au député libéral de Mont-Royal.

5. Il a démontré un patronage éhonté et coûteux envers les comtés conservateurs lors de l’organisation du G20 au Canada.

6. Il a dû reconnaître, devant l’évidence accumulée, sa culpabilité d’avoir enfreint la loi pour le financement des partis politiques.

7. Il a regroupé, dans une loi omnibus, neuf projets de loi de la justice criminelle sur des sujets aussi variés que le terrorisme, l’exploitation sexuelle infantile et la culture de marijuana. Le vote, suite au bâillon, a été bâclé au point que c’est le sénat non-élu qui doit, aujourd’hui, apporter des amendements jugés maintenant essentiels.

8. Il ajouté de force 30 nouveaux députés sans tenir compte des arguments de la nation québécoise, une des deux fondatrices du pays, qui réclamait que le seuil traditionnel de son poids historique de 25 % des députés à la Chambre des communes soit maintenu. Il est tombé à 23,1 %.

9. Il a modifié le financement des partis en réduisant de 30 millions $ annuellement l’apport du gouvernement à leurs caisses. Le PC a hérité du système de collecte du « Fonds PC du Canada » où j’ai siégé comme vice-président du temps de Joe Clark. Avec le temps, ce système avait amassé une liste imposante de donneurs et était devenu une formidable machine pour ramasser des sous. L’an dernier, le PC a collecté 17 millions $, plus que tous les autres partis combinés. En vue de la prochaine élection, Harper se sert de la loi pour défavoriser ses adversaires politiques qui n’ont pas un tel outil… ni l’appui inconditionnel des pétrolières.

10. Il a retiré la signature du Canada de l’accord de Kyoto sur les changements climatiques, au grand dam de l’ONU, de l’Europe et de l’Asie.

11. Il a fermé le registre des armes à l’épaule et s’apprête à en détruire toutes les données même si elles sont réclamées par le Québec, qui veut maintenant créer son propre registre en remplacement de celui du fédéral, malgré le fait que les Québécois ont payé pour.

12. Il n’a proposé aucun nouveau programme national, sauf celui pour la régulation centrale des valeurs mobilières qui vient tout juste d’être déclaré anticonstitutionnel par la cour Suprême du pays qui l’a jugé de juridiction provinciale.

13. Contrairement à ce qui s’est toujours fait, il a refusé toute discussion à la récente réunion fédérale-provinciale des ministres des finances des provinces où son ministre a tout simplement fait part de la contribution canadienne pour les prochaines années au financement des systèmes de santé gérés par les provinces et est reparti sur-le-champ vers Ottawa. D’ailleurs, Harper n’a pas convoqué de rencontre des premiers ministres des provinces comme à l’habitude.

14. Il s’est révélé monarchiste, sans en avoir soufflé mot durant la période électorale, en imposant brusquement et exagérément le symbole de la couronne britannique et en repoussant l’image d’indépendance du pays que les gouvernements précédents depuis Lester B. Pearson ont créée.

15. Il fait fi de l’opinion de tous les environnementalistes du monde, et l’a démontré encore récemment, en faisant pression sur Barack Obama pour qu’il accepte immédiatement la construction du pipeline Keystone entre l’Alberta et le Texas, sans forcer les compagnies pétrolières à produire un pétrole « propre ». Dans mon billet du 21 août dernier « Le pipeline des sables bitumineux : une occasion pour Obama », je me montrais favorable la construction du pipeline, bon économiquement pour le Canada, à la condition cependant que le président impose des mesures pour assurer que les producteurs produiront un pétrole « propre ». Obama a voulu se donner un an pour étudier cette question importante. En désaccord, Harper pousse Obama d’agir. Les Républicains, financés par les pétrolières, menacent aussi le Président de retarder l’approbation de ses politiques s’il n’approuve pas le pipeline d’ici deux mois. C’est le leader du NDP-Alberta, Brian Mason, qui décrit bien le lien malsain entre les politiciens conservateurs et l’industrie pétrolière : “The Conservative party is far too close to the oil industry — they’re way too cosy … They get an enormous amount of money from the oil industry. There’s just a tremendous integration of the Conservative Party and executives of the oil industry in terms of making policy. That is very inappropriate.”

La semaine dernière, l’ex-PM le libéral Jean Chrétien a mis en garde les Canadiennes et les Canadiens. À son avis, les lois sur l’avortement, le mariage gai et la peine capitale sont dans la mire des conservateurs. Il prétend possible qu’ils veuillent revenir sur les décisions prises par les gouvernements passés, libéraux ou PPC, sur ces sujets qui sont de prime importance pour notre société. En somme, ils voudraient restaurer chez nous les politiques de notre voisin du sud, où des médecins sont tués pour avoir fait un avortement, où des innocents sont déclarés coupables et tués en prison et où les gais sont pourchassés. Même si dans certains cas, comme l’avortement, Harper a nié vouloir agir ainsi, je crois qu’il faut se méfier de lui, si on se base sur les dernières années et le programme du Reform Party.

Avec son attitude intransigeante et ses gestes unilatéraux, Stephen Harper ne semble pas préoccupé par le danger que la légitimité du parlement canadien puisse être diminuée dans l’esprit des Canadiens. Il ne semble pas préoccupé par le fait qu’il s’isole de plus en plus des Québécoises et des Québécois. Il n’hésite pas à alimenter les séparatistes d’arguments de taille. Il ne craint pas de tout bousculer sur son passage, convaincu que de tels gestes n’influencent pas le vote des électeurs. Au contraire, il estime que ces derniers y voient un signe de force puisque le Canada n’est pas englué, comme d’autres pays, dans des débats stériles qui nuisent à l’économie.

C’est la nouvelle démocratie canadienne !

Claude Dupras

dimanche 18 décembre 2011

Un Canadien : castor ou ours polaire ?

Ce matin, j’ai lu dans BBC News, le texte d’une journaliste montréalaise, Lorraine Mallinder, sur le symbole canadien qu’est le castor. Avec l’insistance que le gouvernement canadien conservateur met pour répandre les symboles de la couronne britannique au Canada, j’ai été surpris d’apprendre qu’il semble vouloir s’attaquer aussi au castor.

D’origines chinoise-mauricienne-écossaise, Lorraine Mallinder a vécu au Royaume-Uni, à l’île Maurice, en France, au Mexique, en Palestine, en Belgique et vit maintenant au Canada.

Bosseuse, elle a rempli toutes sortes d’emplois manuels pour devenir enfin, après ses études, conférencière, traductrice et professeure au secondaire. C’est le journal anglais The Economist qui lui a donné sa vraie première chance en l’engageant à Bruxelles pour le représenter auprès de l’Union Européenne. Elle se retrouva ainsi près de joueurs politiques et de lobbyistes chevronnés.

Depuis 2008, elle est résidente de Montréal et vit avec sa fille dans l’est de la ville au milieu d’un quartier francophone. Elle est devenue journaliste indépendante et ses articles sont recherchés par les médias anglais et canadiens de langue anglaise.

Lorraine Mallinder indique que les conservateurs sont à la recherche d’une nouvelle identité pour mieux représenter les Canadiens dans le monde. En effet, la sénatrice conservatrice Nicole Eaton vient de proposer de remplacer le castor qu’elle qualifie de « rat aux mauvaises dents » par l’ours polaire blanc. Pour elle, ce dernier reflète mieux l’esprit de la nation. Le débat se résume à ceci :

Le castor, humble et travailleur, représente l’époque coloniale durant laquelle les coureurs de bois le tiraient difficilement des forêts pour satisfaire les goûts et la demande de fourrures de riches européennes.

C’est cette poursuite acharnée des chasseurs qui fut à la base de l’expansion du pays. « Époque révolue » crient les détracteurs, « nous sommes fatigués d’être perçus comme des trappeurs repentants ».

Quant à l’ours polaire, ces derniers le décrivent comme « une créature majestueuse » tout en tenant sous silence que c’est un prédateur impitoyable, un persécuteur de la nature.

Le Canada est depuis la Confédération un pays de gens modérés et travaillants. De vrais castors. Mais, soudainement, le pays change. Il devient, sous la gouverne de Stephen Harper, plus dur. Les dépenses militaires augmentent, la défense de l’exploitation des sables bitumineux est plus forte malgré les torts à l’environnement, les budgets dédiés aux arts sont diminués, de « super prisons » sont sur les planches à dessin suite au bill omnibus sur le crime, la défense et le développement du territoire de l’Arctique sont programmés…

De plus, le ton du reportage politique devient plus radical comme le démontre le fait que trois quarts des journaux canadiens ont endossé les conservateurs lors de l’élection du 2 mai dernier. Un nouveau réseau anglais de télévision « Sun News network » est en ondes avec comme but de combattre les médias « aux cœurs saignants ». Un vrai Fox News canadien. Même Don Cherry, le commentateur no. 1 de hockey à la CBC (réseau anglais de Radio Canada) a traité de dégueulasses les amateurs qui s’opposent à la violence au hockey suite aux nombreuses commotions cérébrales comme celle dont est victime le joueur-vedette Sidney Crosby. Un présentateur télé a traité de « fou de gauchiste » un récipiendaire du prix Pulitzer pour son opinion favorable des « occupants de Wall Street ».

Mais qu’est-ce qu’un Canadien ?

Durant l’ère Trudeau, nous étions favorables à la paix dans le monde et au désarmement nucléaire. John Lennon et Yoko Ono sont venus à Montréal pour leur spectaculaire « bed-in » pour la paix. Fidel Castro a été bien accueilli et le Canada a aidé Cuba. Élizabeth Taylor et Richard Burton se sont mariés à Montréal. Nous étions libres de nos pensées politiques et même opposés souventes fois à celles de notre voisin du sud, ce qui n’était pas de tout repos. Nous étions nous-mêmes.

Aujourd’hui, plusieurs Canadiens, hors Québec, ont adopté la pensée conservatrice républicaine américaine qui les influence. Ils semblent manquer de compassion, de la volonté de s’excuser lorsqu’ils sont bousculés inopinément, d’être passifs devant l’agression. Il n’est pas surprenant que ceux-ci voient en l’ours polaire un symbole pour leur identité actuelle.

Heureusement, tous les Canadiens et Canadiennes ne sont pas comme ça ! La majorité est reconnue pour avoir de bonnes vertus, telles : le fair play, la recherche du compromis, l’ouverture d’esprit, la générosité et le travail.

A mon avis, ces qualités nous identifient mieux au castor qu’à l’aigle américain et à l’ours polaire, deux prédateurs majestueux et féroces.

Qu’en pensez-vous ?

Claude Dupras

Ps.
.1 Il me semble que le gouvernement conservateur canadien a beaucoup d’autres choses à faire que de chercher à changer le castor par l’ours polaire pour marquer notre identité.

.2 Merci Lorraine Mallinder, (http://mallinder.wordpress.com), de son texte que j'ai adapté pour ce billet.

mardi 6 décembre 2011

Et si Jean Charest et Pauline Marois demeuraient en place…

Le vote d’hier dans Bonaventure est révélateur, même si le comté est depuis toujours une forteresse du parti libéral. Celui-ci l’a conservé avec un pourcentage de votes qui approche 50% (9% de moins qu’à la dernière élection). De son côté, le score du Parti Québécois (PQ) a augmenté de 14% depuis le scrutin précédent. Jean Charest est sûrement heureux de l’élection de son candidat, car la tempête d’accusations négatives qui lui tombent sur la tête depuis deux ans auraient pu avoir des répercussions dans cette élection complémentaire.

De son côté, Pauline Marois ne peut être que satisfaite. Elle a travaillé fort et nonobstant les dénonciations de plusieurs membres influents de son parti qui réclamaient sa démission, les électeurs de ce coin de la Gaspésie n’en n’ont pas tenu compte et lui ont accordé leur confiance, en plus grand nombre.

Mon récent billet « Bye, bye, Jean Charest, Pauline Marois… » m’a été dicté par mon expérience politique. Je crois dans les enquêtes scientifiques d’opinions populaires sur la politique. Elles sont généralement précises. Leurs résultats évoluent jour après jour puisqu’ils sont en fait une image de l’instant où ils sont captés. Mais lorsqu’une tendance se maintient, durant plusieurs semaines, on peut présumer de la tournure des évènements.

Un bon exemple est l’élection générale fédérale du 2 mai dernier. Au déclenchement, je croyais que le Bloc Québécois (BQ) conserverait ses sièges à la Chambre des Communes. Mais dès les deux premiers sondages, j’ai observé une baisse dans sa cote de popularité. Pas beaucoup, mais assez pour attirer ma curiosité et me pousser à les suivre. Comme le mouvement a continué, j’en suis vite venu à conclure que le BQ se dirigeait vers une débandade. Aux débats des chefs, Gilles Duceppe me l’a confirmé. Il me semblait mal à l’aise et réagissait plus nerveusement et avec moins d’assurance qu’à l’habitude. J’en ai alors déduit qu’il devait être affecté par les sondages internes de son parti qui, sûrement, confirmaient ceux des médias. On sait ce qui est arrivé !

Il en est de même actuellement pour Newt Gingrich, candidat à la nomination présidentielle républicaine. On ne lui attribuait aucune chance d’être le nominé. Le 30 octobre dernier, dans le billet pour mon blog, j’ai décrit le mouvement que je percevais dans les sondages américains : « les arguments de Gingrich touchent positivement la frange droite du parti. Plusieurs électeurs, qui l’avaient classé comme un « has been », commencent maintenant à le voir sous un nouvel angle. Les sondages changent, puisqu’au point de vue national, on l’a vu partir de 4% à 6% à 8% pour se retrouver maintenant à 11%. Petit à petit, Gingrich refait son nid ». Aujourd’hui, en Iowa et en Floride il obtient près de 40% d’appuis (soit + 29% en un mois) et dépasse Mitt Romney, le grand favori depuis le début de la course, qui semble figé à 20-25%. Au New Hampshire, il le talonne. Cela fait croire qu'il est fortement possible qu’une grande surprise soit en voie de préparation. Lorsqu’une tendance s’exprime, même ce qui semble impossible devient possible. Le NPD au Québec !

Pauline Marois, a été victime d’une telle tendance. Alors que sa popularité se fixait dans les 30-35%, tout le monde la donnait gagnante. Puis, suite à la démission de quatre de ses députés, elle a chuté en quelques semaines à 16% et se maintient à ce niveau. Depuis, 40% des péquistes espèrent sa démission. Ils peuvent affirmer et prétendre que c’est à cause de sa politique de gouvernance souverainiste…. mais je crois que cela a plus à voir avec son score constant aux sondages.

Et si, contrairement à ce que j’ai écrit, Jean Charest et Pauline Marois ne démissionnaient pas et décidaient de faire face aux électeurs lors de la prochaine élection, qu’arriverait-il ? Personnellement, c’est le scénario que je préfère. Ces chefs politiques ont travaillé durement et ont été élus. Pourquoi démissionneraient-ils sur la base de sondages ou suite aux pressions de membres de leur parti influencés par les sondages. Que les électeurs décident et non les lobbys de groupes d’intérêts ou les individus qui visent à exercer le pouvoir ou encore à faire progresser leur option politique. C’est la façon la plus démocratique.

Actuellement, les sondages indiquent un gouvernement majoritaire dirigé par le nouveau parti de François Legault, la Coalition Avenir Québec (CAQ). Mais rien n’est figé dans le béton car la situation demeure très volatile.

Legault est-il capable de maintenir son allure ? A-t-il le charisme pour conserver tout le support qu’il a aujourd’hui ? Lors des débats des chefs, aura-t-il la capacité de bien débattre avec les autres chefs et de persuader les auditeurs de la valeur de ses politiques ? Présentera-t-il une équipe crédible, de qualité et capable d’assurer aux Québécois que voter pour le CAQ ne sera pas un trop grand risque ? Pourra-t-il démontrer que son parti est libre de toutes attaches avec des groupes d’intérêts particuliers et qu’il œuvrera pour l’intérêt général ? Malgré son positionnement à droite, saura-t-il démontrer que ses politiques tout en visant à améliorer la protection sociale des québécois ne détruiront pas l’ensemble de nos programmes sociaux ? Saura-t-il consulter les Québécois et non imposer brusquement ses politiques comme il semble vouloir le faire ? Et …

L’erreur qu’a faite Charest de proposer une commission d’enquête sur la construction sans lui donner tous les pouvoirs énoncés dans la loi, viendra-t-elle le hanter ? Malgré qu’il ait bien dirigé le Québec comme premier ministre, durant un si long pouvoir, les Québécois ne penseront-ils pas que « c’est le temps que ça change » ? Toutes les accusations de corruption, même si non prouvées, vont-elles finalement l’atteindre ? Et …

Pauline Marois aura-t-elle le pouvoir d’amener ses députés à s’émouvoir devant ses problèmes afin qu’ils reviennent au bercail et l’aident à gagner l’élection ? Est-elle suffisamment forte pour arrêter l’hémorragie de ses députés qui pour sauver leur peau, lorgnent vers une alliance politique différente ? Pourra-t-elle rallier les indépendantistes « purs et durs » qui actuellement lui font la vie dure ? Que fera-t-elle pour toucher les séparatistes indignés et accusateurs afin qu’ils cessent de dénoncer sans limite son leadership sur la place publique ? Saura-t-elle convaincre les souverainistes que la porte à leur idéal est un PQ qui gouverne ? Est-elle capable de faire une campagne électorale à la hauteur des difficultés qui s’élèvent devant elle ? A-t-elle le pouvoir de persuasion et le bon sens politique pour présenter un programme politique réaliste qui corresponde aux problèmes actuels des Québécois ? Et …

Quant au chef de l’ADQ, Gérard Deltell, qui veut fusionner son parti avec le CAQ, saura-t-il agir sagement pour convaincre ses ouailles à le suivre afin qu’ils trouvent leur place dans le nouveau parti ?

Et ces Québécois et Québécoises qui montrent une impatience grandissante envers la classe politique en voulant « tout foutre en l’air », sont-ils prêts à retrouver leur objectivité traditionnelle et écouter, analyser et choisir le meilleur programme politique, les meilleurs candidats et le meilleur parti capables de leur redonner confiance dans la politique et dans le gouvernement, nonobstant toute la démagogie des dernières années.

Charest, Marois, Legault, Deltell et Québec Solidaire ont un beau défi devant eux car il est clair que la prochaine élection ne sera pas une élection comme les autres.

Le résultat dépendra beaucoup des chefs, des débats, de la nature et de la qualité de l’organisation électorale de chaque parti, de la motivation des troupes, de l'atmosphère que tout cela va créer et aussi … de qui sera à la ligne de départ ? Les premiers sondages nous indiqueront la tendance. D'ici là tout n'est que spéculation.

Jean Charest et Pauline Marois y seront-ils ?

Claude Dupras