samedi 19 janvier 2013

Lance Armstrong, l’invincible menteur


C’est en 2000 que j’ai vu Lance Armstrong pour la première fois. C’était lors du départ de l’étape Avignon-Draguignan du Tour de France, près du pont d’Avignon. Il avait gagné un premier Tour en 1999, et en un rien de temps sa réputation était devenue quasi internationale. J’avais pu dénicher une place sur le pont d’Avignon pour bien l’observer. Il portait, à ce moment-là, le maillot jaune et était facilement détectable dans le tableau multicolore des dossards de coureurs et du cirque d’entraîneurs, d’aides et de journalistes qui faisaient partie du Tour. Un moment électrisant et inoubliable. Tous les yeux étaient rivés sur Armstrong.

Il avait un air reposé, calme, souriant et intelligent, et agissait avec affabilité et de façon amicale avec ses compétiteurs, la presse et les amateurs. Son apparence de puissance générait la confiance et la supériorité d’un champion imbattable.

Armstrong gagna le Tour de 2000 et ajouta en plus à son palmarès, cette année-là, une médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Sydney. Ce fut ainsi, d’année en années jusqu’au jour où il prit sa retraite en 2005 après avoir remporté le maillot jaune de sept Tours consécutifs. Du jamais vu. Mais il revint pour arriver 3ième en 2009 à Paris et 23ième en 2010. Et tout cela malgré que ses médecins lui aient découvert un cancer en 1996.

Face à la force et la supériorité d’Armstrong, des soupçons prirent racines. Dès le Tour de 2000, son équipe US Postal est visée et accusée d’être composée d’utilisateurs de drogue. Armstrong nie. Puis, l’année suivante, on les accuse de faire de l'autotransfusion sanguine de micro-doses d'EPO indétectables afin de prolonger les effets de la substance. Armstrong nie avec véhémence et poursuit en justice ses accusateurs. En 2006, il poursuit le London’s Sunday Times et gagne. Une société française lui paye 7,5 millions $ pour l’avoir accusé « faussement ».

En mai 2010, un membre de son équipe, Floyd Landis, avoue s'être dopé durant sa carrière et affirme que Lance Armstrong a fait de même. Ce dernier nie. La Food and Drug Administration (FDA) américaine ouvre une enquête qui mène nulle part et finalement, en 2012, c’est l’Agence américaine antidopage (USADA) qui décide de la poursuivre. Armstrong nie. Certains de ses anciens coéquipiers viennent attester qu'il « avait eu recours au dopage à l'EPO, aux transfusions sanguines, à la testostérone, et à la cortisone durant une période allant d'avant 1998 jusqu'à 2005, et qu'il avait auparavant utilisé de l'EPO, de la testostérone et de l'hormone de croissance en 1996 ». Armstrong nie toujours et assène des attaques virulentes contre celles et ceux qui l’accusent. Mais il est empêché de participer à des triathlons organisés par la World Triathlon Corporation et notamment l'Ironman de Nice en 2012.

Finalement, le 24 août 2012, Armstrong reconnaît indirectement les résultats obtenus par l’USADA qui portent sur « l’usage de substances et méthodes interdites, la possession de substances et méthodes interdites, le trafic, l’administration ou tentative d'administration à d'autres sportifs et assistance, l’incitation, la contribution, la dissimulation ou toute autre forme de complicité impliquant la violation d'une règle antidopage ».

Armstrong est sanctionné le 22 octobre dernier par l'Union cycliste internationale (UCI), qui retire les sept tours de France de son palmarès et le radie à vie. Armstrong nie toujours.

Finalement, avant-hier et hier, Armstrong avoue, lors d'une interview télévisée avec la renommée Oprah Winfrey, avoir eu recours à des pratiques dopantes pour toutes ses victoires au tour de France. Il nie néanmoins avoir forcé ses coéquipiers à se doper. « Oui, j'étais un tyran », concède Armstrong, qui reconnaît avoir fait pression sur ses coéquipiers pour gagner, mais il jure qu'il n'a jamais menacé de virer un coureur qui refusait de se doper ni menacé leur épouse. Il avoue à Oprah que dans le but de tout contrôler, il avait poursuivi des gens qui disaient la vérité. Il n’a pas voulu incriminer qui que ce soit d’autres et explique ses gestes par la « culture » de dopage qui existait au sein du cyclisme professionnel à son arrivée. Tous voulaient améliorer leur performance, dit-il, c’était « comme mettre de l’air dans les pneus ».

Pour minimiser les faits, il qualifie ses pratiques de dopage de « clairement professionnelles et intelligentes, mais en aucun cas à l’échelle de ce qui se passait en Allemagne de l’Est » dans les années 1980. On n’a qu’à se rappeler les JO de 1976 à Montréal, où les athlètes allemands de ce pays ont démontré leur supériorité dans presque toutes les disciplines.

Armstrong a donc été un tricheur durant toute sa vie de compétiteur cycliste. Fervent admirateur, j’en suis profondément déçu. J’ai toujours cru en lui car je ne pouvais pas m’imaginer qu’il mentait. N’a-t-il pas passé avec succès tous les tests de dopage, que ce soient ceux de l’UCI ou des JO ? Comment se fait-il que ces tests n’aient jamais rien détecté. Les organisateurs des Tours avaient-ils intérêt à garder Armstrong intact puisqu’il leur apportait beaucoup d’attention et de sous ?

Nous savons aussi qu’un très grand nombre d’autres coureurs se sont aussi dopés. Même Alberto Contador, qui a gagné deux Tours après Armstrong, a reconnu avoir pris des produits dopants. Quant aux non-dopés, dont on ne connait pas le pourcentage, ils étaient à la queue du peloton. On peut se demander, si ce n’est pas là qu’étaient, en fait, les vrais champions de tous ces Tours de France puisqu’Armstrong est le champion des dopés.

Avec le succès et l’argent qu’il a gagnés, Lance Armstrong a créé la Fondation Livestrong pour aider des malades du cancer. Aujourd’hui, il a dû quitter sa fondation et il voit ses revenus venant de commanditaires comme Nike s’évaporer. De plus, il est question que le gouvernement américain qui a financé l’équipe US Postal demande à être remboursé. Il est donc probable que d’autres pensent faire de même et Armstrong aura à faire face à de nombreuses poursuites judiciaires. Ajouté à la peine profonde qu’il fait à ses proches, il est un homme défait.

Armstrong a caché la vérité et a trop souvent nié avec véhémence les accusations proférées contre lui. Il s’en prenait méchamment à tous ceux qui affirmaient qu’il trichait, même lorsque les accusations étaient faites sous serment. Il a menti même après que ses coéquipiers eurent avoué.

Lance Armstrong a été façonné par son sport qui en a fait un immense champion. Malheureusement, il l’a déshonoré. Il ne sera pas accusé de parjure criminel, mais son pitoyable mensonge, qui a duré des années, est monumental puisqu’il visait à en faire un homme prestigieux, riche qui devenait une inspiration pour les cancéreux. D’un coup d’éponge, sa célèbre carrière professionnelle a été effacée des pages d’histoire. Ses records de cycliste sont devenus un record de honte.

Ce qui arrive à Lance Armstrong, qui a connu une gloire hors de l’ordinaire, devient une leçon importante pour tous les autres cyclistes et surtout pour tous ses jeunes admirateurs.

Claude Dupras

mercredi 9 janvier 2013

L’hiver indien

Encore une fois, le monde et particulièrement l’Europe se soulèvent contre le Canada pour les supposés mauvais traitements qu’il fait subir à ses amérindiens des Premières Nations. Cette fois, c’est la grève de la faim de la chef de bande Theresa Spence qui attise ces sentiments négatifs envers mon pays.

Il faut se rappeler l’histoire du développement territorial du pays pour mieux comprendre cet évènement. Il est vrai que d’Ottawa aux Rocheuses, le Canada est construit en bonne partie sur les terres ancestrales des Première Nations. Le gouvernement du Canada pour régulariser cette possession a acheté ces terres grâce à de nombreux traités, signés de 1871 à 1921. Ces traités sont différents mais la philosophie qui en découle permettait aux Canadiens de les occuper en retour d’annuités perpétuelles et de bénéfices particuliers payés par le gouvernement canadien aux Premières Nations. De plus, le développement des territoires réservés aux amérindiens (les réserves) doivent respecter la Loi sur les Indiens (Indian Act). Aujourd’hui, les chefs des Premières Nations s’inquiètent qu’avec le temps, les Canadiens oublient ces traités.

Le Canada a respecté ses ententes et versé des milliards de $ depuis ces signatures. Et ça en prend beaucoup et de plus en plus car le Canada est immensément grand et froid et il en coûte de plus en plus cher pour subvenir aux besoins des peuples des Première Nations afin qu’ils aient une vie décente. Il faut assurer leur éducation, leurs soins médicaux, leurs loisirs et tout ce dont ils ont besoin dont la réalisation et l’entretien de projets domiciliaires, d’écoles, de chemins, d’aéroports, de réseaux d’éclairage, de chauffage, de transport, etc…

Le conflit actuel a deux visages. D’un côté, il y a la grève de la faim de Theresa Spence et de l’autre il y a le mouvement « Idle, no more » (Indolent, plus jamais).

La création du mouvement a été stimulée par deux lois omnibus que le gouvernement conservateur de Stephen Harper a fait voter par sa majorité parlementaire. Plusieurs sections de ces lois ont été conçues pour répondre aux demandes passées des Premières Nations, mais Harper n’a pas rencontré les chefs amérindiens pour en discuter. Par exemple, de nouvelles lois leur permettent de louer des parties de leurs réserves; aujourd’hui, elles les dénoncent en affirmant qu’elles résulteront dans une lente érosion de leur culture, leur langue et leur souveraineté. La définition des voies navigables a été changée pour aider les municipalités installées près de ces voies et les Premières Nations qui voulaient réaliser des projets le long des rives; aujourd’hui, elles disent craindre l’impact découlant de l’augmentation du développement sur leur mode de vie. L’accélération de la fin de la « Loi sur les Indiens » ; aujourd’hui, elles prétendent que cela risque d’effacer leur statut spécial.

La constitution canadienne accorde un statut particulier aux Premières Nations. Cela leur donne le droit d’être consultées adéquatement pour toute législation qui pourrait modifier leurs droits. Cela n’a pas été fait par le premier ministre Harper. De plus, ce dernier a rejeté l’entente faite par son prédécesseur Paul Martin qui avait entrepris 18 mois de discussions, en bonne et due forme, avec les chefs des Premières Nations pour conclure l’Accord Kelowna. Elle s’attaquait au faible taux d’éducation, à la piètre qualité de vie, aux épidémies, au taux élevé de suicides, aux enlèvements et aux meurtres d’amérindiennes, en somme au mauvais sort des peuples de ces nations.

Les chefs n’ont jamais accepté de changements unilatéraux aux traités et à leurs ententes particulières. Ils pensent toujours de même. Et, c’est là l’erreur d’Harper. Majoritaire, il donne l’impression de se croire permis de tout faire et impose des changements importants à des lois n’ayant aucun rapport l’une avec l’autre et bien cachés dans des lois omnibus. Pour le premier ministre, le problème des Premières Nations n’est pas financier mais vient de leur impuissance à se prendre en mains.

Theresa Spence a entrepris sa grève de la faim pour appuyer le mouvement « Idle, no more ». C’est un geste spectaculaire qui fait beaucoup de bruit. Cependant, on peut se demander si elle est la bonne personne pour vraiment aider les Premières Nations à atteindre leurs objectifs. En effet, après examen, on découvre que son travail comme cheffe de la réserve nord-ontarienne Attawapiskat est loin d’être efficace. Sa bande de Cris a reçu du gouvernement canadien, durant un peu plus de six ans, un total de 104 millions de $ pour ses besoins. Elle administre cela avec son amoureux sans que les 3 000 membres de sa bande soient vraiment au courant de ses faits et gestes.

Les auditeurs du gouvernement exigent, comme il se doit et comme ils le font pour toutes les bandes, les raisons de leurs demandes de fonds et, lorsque ceux-ci sont accordés et dépensés, la présentation de pièces justificatives avec les rapports comptables afin de faire les vérifications déterminées par la loi. Theresa Spence a toujours refusé de se plier à ces exigences. Elle ne prépare pas de budget, ne peut produire de minutes montrant les résolutions adoptées par la bande, a engagé des dépenses sans fonds, a fait des dons forts importants à des individus, etc… C’est un fouillis total.

Il y a deux mois, la journaliste Adrienne Arsenault a visité Attawapiskat, et a préparé un documentaire qui a été présenté à la télévision de la CBC. On y voit des maisons terminées sans occupants alors que plusieurs familles amérindiennes du village vivent dans des maisons insalubres. La pénurie de logements est grave au point que la Croix-Rouge a dû venir au secours de la population, il y a un an. On voit Mme Arsenault entrer dans une salle où elle découvre d’innombrables grosses boîtes scellées. Elle en ouvre une pour découvrir que ce sont des donations de linge, de victuailles et de jouets par les Canadiens, pour les enfants et les femmes de la bande. Ils n’ont pas été distribués car au dire de la cheffe Spence, elle n’a pas d’aide pour faire ce travail. On la voit dans sa salle de conférence avec des sièges modernes en cuir, des murs de bois de qualité. Interrogés, des pères de famille affirment ne rien savoir de ce qui se passe et veulent quitter avec leurs enfants car il n’y a rien là-bas pour les former et les aider à bien grandir.

Ce documentaire démontre que dans le cas de cette réserve, on ne peut vraiment pas blâmer le gouvernement canadien. C’est plutôt l’incapacité de Theresa Spence de bien faire le travail et la négligence de la bande de prendre ses responsabilités qui sont les fautifs. Il y a aussi le phénomène découlant du fait que les Amérindiens étant toujours soutenus par le gouvernement fédéral démontrent généralement à la longue un manque d’initiative et de solidarité civique. Ils savent que mal pris, le gouvernement sera toujours là pour les aider.

En 1953, j’étais en Abitibi pour un travail d’été come étudiant-ingénieur. Je décris cette période dans mon livre « Et dire que j’étais là » qui est reproduit sur mon site internet. Voici ce que je raconte sur une rencontre, à l’orée du bois près de la ville d’Amos, avec une tribu d’Algonquins : « Claude profite de l’occasion pour parler au jeune Algonquin de la vie de sa tribu. Il apprend qu’elle vit comme toujours de pêche et de chasse et que c’est la forêt et les lacs qui lui fournissent ce dont elle a besoin. Le jeune Algonquin admet qu’elle achète de plus en plus de produits des blancs, particulièrement les vêtements, mais ses membres qui vivent neuf mois par an dans la forêt doivent se fier à leur habileté personnelle pour y survivre. Claude a remarqué à l’arrière du campement, vers la forêt, une quinzaine de jolies petites maisons de bois. D’après lui, ce sont de bonnes maisons bien construites. Elles sont vides, quelques carreaux de vitre sont brisés et quelques-unes n’ont plus de rampe de bois pour les balcons et même le plancher de bois de ces balcons est disparu. Le jeune Algonquin explique que ce sont des maisons construites pour sa tribu par le ministère des Affaires Indiennes du Canada afin de les loger convenablement. Ces maisons ont été construites sans consultation avec sa tribu qui les refuse car elle veut continuer à vivre selon ses habitudes ancestrales. Sa tribu a installé ses tentes près des maisons puisqu’elles ont été placées à l’endroit où elle campe depuis des années. Quant aux parties de maisons qui manquent, elles ont été utilisées par les Algonquins pour faire des feux. Claude est renversé d’apprendre cette histoire ». Encore là, on ne pouvait blâmer le gouvernement fédéral.

À l’ouest de Montréal, les iroquois de Kahnawake étaient là avant l’arrivée de Champlain, fondateur de Québec. Le pont Mercier venant de Montréal saute le Saint-Laurent pour rejoindre, dans la réserve, les artères routières du Québec qui la traversent. La section du pont Mercier du côté de la réserve appartient aux Iroquois et les gouvernements les paient pour le réparer et l’entretenir. Chaque jour des centaines de milliers de Québécois y passent. Les Iroquois qui ne payent pas de taxes fédérale et provinciale y font le marché du tabac. On peut arrêter à une des cinquante petites cabanes construites par les Iroquois et bien identifiées pour la vente de cigarettes à prix d’aubaine. De plus, dans chaque village du Québec, on retrouve un revendeur qui est relié à un réseau clandestin de vente de cigarettes sans taxes qui viennent de cette réserve ou d’une autre. La police intervient, mais le réseau est toujours là. Il y a aussi des stations d’essence. Sans oublier les mini-casinos ouverts à tous les Québécois. Tout cela démontre bien que ces Iroquois ne sont pas pauvres. D’autant plus qu’ils sont des ouvriers experts en installation de construction métallique pour bâtiments en hauteur et on les retrouve sur tous les grands chantiers de la ville de New York où ils font de gros salaires. Pourtant, le village de Kahnawake est composé de petites maisons, pour la plupart mal entretenues, et l’ensemble donne une image de pauvreté. Un autre exemple où on ne peut juger par les apparences et blâmer le gouvernement canadien.

Dans le présent conflit, Theresa Spence attire tous les médias et la publicité mais le vrai problème se situe partout dans les réserves indiennes du pays où la vie n’est pas facile car l’hiver indien est dur. Mettre tout le blâme sur le dos des Canadiens est injuste. La constitution définit clairement les responsabilités du gouvernement vis-à-vis les Premières Nations. Le PM Harper affirme, depuis les premiers jours de son accès au pouvoir, qu’une de ses priorités est de s’occuper du bien-être des Amérindiens. Le grand nombre de visites qu’il a faites dans le grand Nord pour aller à la rencontre des chefs de tribus et de bandes est insuffisant comme action. Il devrait s’inspirer du sérieux et important Accord de Kelowna pour faire plus, mieux et ouvertement. Le bien-être des Amérindiens en dépend. La réputation du Canada aussi.

Quant aux critiques mondiaux, j’estime important qu’ils fassent la part des choses et cherchent à comprendre ce qui se passe réellement au Canada, au lieu de le salir.

Claude Dupras

vendredi 4 janvier 2013

Le boom pétrolier canadien

La Chine et l’Inde prévoient doubler leurs besoins en pétrole brut d’ici 20 ans et atteindre un total de 18 000 000 de barils par jour (b/j). Il en sera de même pour les autres pays asiatiques en plein développement.

D’autre part, les Américains, pour des raisons de sécurité nationale, veulent se libérer le plus possible de l’alimentation en pétrole du Moyen-Orient et se tournent, entre autres, vers le Canada pour combler leurs immenses besoins pétroliers.

Le Canada est devenu, grâce à ses gisements de sables bitumineux de l’Alberta, une des sources importantes de pétrole brut au monde.

Le Canada aura la capacité de produire 6 000 000 b/j, en 2030, à partir des sables bitumineux. Ce boom pétrolier de l’Ouest canadien pourra rapporter $200 billions de revenus aux Canadiens, si on peut livrer le pétrole brut aux acheteurs.

Il y a aussi le pétrole brut extrait par les plateformes maritimes de Terre-Neuve-et-Labrador où la production qui peut atteindre 500 000 b/j est dédiée à combler une partie de la demande de l’Est canadien et du Nord-Est américain.

De plus, il y a le gisement d'hydrocarbures Old Harry situé dans le golfe du Saint-Laurent à cheval sur la frontière du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador dont les données d’études géologiques sont encourageantes et qui pourrait en 2030 avoir une production profitable aux deux provinces.

Le défi du Canada en 2013 est le transport du pétrole de l’Ouest vers l’Est Canadien, vers le Sud américain et vers le Pacifique. C’est un grand challenge au point de vue infrastructures et économie.

Pour alimenter l’Est canadien et le Nord-Est américain, il est question d’utiliser l’oléoduc de Sarnia qui existe depuis les années ’70. Du fait que dorénavant l’approvisionnement viendrait de l’Ouest, il est proposé d’inverser le sens de la circulation dans l’oléoduc afin de livrer le pétrole brut de l’Alberta aux raffineries de l’Est du pays, dont celles de Montréal. De plus, le pétrole brut pourrait être acheminé par oléoducs aux ports pétroliers donnant sur le Saint-Laurent pour livraison en Europe, via l’Atlantique. Les environnementalistes s’y opposent.

Pour l’alimentation vers les USA, il y a le projet du nouvel oléoduc Keystone XL. Il doit prendre origine au nord de l’Alberta pour se rendre au Nebraska et plus au sud, jusqu’à l’important centre de distribution d’Oklahoma. Il aura une capacité maximale de 500 000 b/j. À ce jour, le projet rencontre des oppositions sérieuses de la part de l’État du Nebraska pour des raisons de protection de nappes aquifères. Le président Obama a refusé le projet initial et demandé un tracé différent, tenant compte des difficultés rencontrées. Les observateurs estiment que le projet modifié sera accepté par le président d’ici un an ou deux. Les environnementalistes demeurent fermement opposés au projet.

Pour la livraison du pétrole brut aux pays asiatiques, le Canada utilise actuellement l’oléoduc Kinder Trans-Mountain qui transporte 300 000 b/j de pétrole en traversant les Rocheuses jusqu’aux ports pétroliers du Pacifique. Notre pays a un grand besoin d’oléoducs de haute capacité pour augmenter la livraison de pétrole brut de l’Alberta aux rives de l’océan Pacifique où de nouveaux ports pétroliers seront construits. À ce jour, il y a deux projets principaux. Le premier consiste à augmenter la capacité du Trans Mountain à 750 000 b/j. Le second est la construction d’un nouvel oléoduc, le Enbridge Northern Gateway, d’une longueur de 1 176 km et d’une capacité de 850 000 b/j.

Le Northern Gateway traversera les montagnes Rocheuses situées dans la province de Colombie Britannique (CB). Il rencontre l’opposition de bandes de Premières Nations, du puissant lobby des environnementalistes, du gouvernement de cette province qui réclame une partie des royautés que reçoit l’Alberta et du Nouveau Parti Démocratique du Canada. Le chef de ce dernier, Thomas Mulcair, veut rétablir au Canada une « économie balancée » comme jadis. Il propose que le pétrole brut soit raffiné au pays et que les produits dérivés comme la gazoline et le fuel pour avions à jet soient vendus et transportés séparément vers les grands marchés. Pour lui, cela créerait de multiples emplois, nouveaux et permanents, au Canada. Les pétrolières réfutent que l’idée est irréaliste parce que le coût des produits deviendraient ainsi trop élevé. Je crois que cela reste à démontrer par des acteurs impartiaux.

La première ministre de la CB s’est alliée les PM des autres provinces dont Pauline Marois du Québec, pour étudier la possibilité que chacune des provinces traversées par un oléoduc reçoive une partie des royautés payées par les compagnies pétrolifères.

Prenant acte de toutes ces oppositions, le gouvernement de l’Alberta recherche d’autres moyens pour livrer son pétrole car cela devient important pour lui puisque 25 % de ses revenus découlent des royautés. De plus, les baisses récentes du prix du pétrole brut sur les marchés mondiaux ont plongé le gouvernement albertain dans un déficit de 3 milliards $ pour l’exercice qui se termine. Cela va affecter indirectement les Québecois, puisque les versements de péréquation aux provinces les plus pauvres seront plus bas avec une Alberta moins riche.

Bloquée au Sud et à l’Ouest, l’Alberta étudie la possibilité de construire un chemin de fer pour y livrer le pétrole brut par des trains-citernes à un port de l’Alaska et de là vers l’Asie. De plus, l’étude analyse le potentiel d’une ligne similaire de trains vers Port Churchill, le seul port arctique du Canada situé sur la côte Ouest de la Baie d’Hudson. Il est actuellement utilisé de mi-juillet au début novembre pour le transfert de grains, de produits manufacturés et forestiers, etc.. vers et en provenance d’Europe, d’Afrique, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Le pétrole brut d’Alberta pourrait être livré de là à certains de ces continents.

Les chercheurs de l’institut Manhattan ont comparé tous ces modes de transport. Ils ont analysé les incidents passés occasionnés par chacun. Ils sont arrivés à la conclusion que les possibilités de fuites de pétrole, de morts ou de blessures sont 34 fois plus grandes par rails que par oléoducs. De plus, « les trains créent des gaz à effets de serre pour l’énergie qu’ils consument et la quantité de pétrole qu’ils peuvent transporter n’est qu’une fraction de ce qu’elle peut être par oléoduc ».

Dans mes billets précédents sur la question des sables bitumineux, j’ai toujours mis l’accent sur l’importance que le pétrole produit en Alberta soit « propre ». Mon opinion se calquait sur celles de critiques du monde entier qui dénonçaient la façon selon laquelle les compagnies pétrolifères exploitent les sables bitumineux. Depuis, beaucoup a été fait pour améliorer la procédure d’exploitation. Mais, même si elle est sur la bonne voie, c’est encore imparfait. Par contre, j’ai confiance que finalement, elle sera acceptable aux observateurs avertis dont ceux de l’Union Européenne qui veulent empêcher que le pétrole issu des sables bitumineux, qu’ils qualifient de « sale », soit vendu en Europe. L’enjeu est d’une très grande importance pour tous les Canadiens.

L’Alberta manque de moyens de livraison pour son pétrole brut et il est clair que l’expansion des réseaux de distribution devient une priorité nationale. C’est aux gouvernements du Canada et des provinces de faire en sorte que cet extraordinaire projet soit mené à bonne fin puisqu’il y va de l’intérêt de chacun des Canadiens. 2013 s’annonce comme étant l’année des décisions.

Claude