lundi 28 avril 2014

Le Carré St-Laurent à Montréal, un projet à revoir

Le nouveau gouvernement du Québec du premier ministre (PM) Philippe Couillard, aura à revoir, dans un premier temps, la pléiade de projets annoncés par l’ex-PM Marois avant qu’elle ne déclenche prématurément l’élection générale du 7 avril dernier, qui lui a été fatale. Ces projets sont-ils vraiment nécessaires, aideront-il l’économie, sont-ils financièrement solides, essentiels, rentables, utiles… ? Plusieurs partisans libéraux diront qu’ils ont été mis de l’avant pour ajouter aux chances de la PM de gagner une majorité parlementaire pour son parti. C’est possible, mais je ne crois pas que ce fut le cas pour tous les projets. Cependant, quelques-uns m’intriguent car j’y vois une intervention politique démesurée qui ressemble davantage à du patronage politique qu’à une décision bien réfléchie et pesée. Parmi ceux-là, le plus évident me semble être le projet immobilier « Carré Saint-Laurent » (CStL) dans l’est de Montréal.

Le projet est localisé dans un quadrilatère formé par la rue St-Laurent qui le borde à l’est jusqu'au théâtre Monument National au sud, à l’ouest par la rue Clark et au nord par la rue Ste-Catherine est. Il aura 10-12 étages et sera d’occupation multiple dont 3 700 m2 pour un marché d’alimentation et des services de restauration, de brasseries, de cafés…. au R-de-C; 3 200 m2 réservés au domaine culturel au 1er étage; 14 000 m2 d’espaces à bureau répartis sur huit étages où logeront 700 fonctionnaires des ministères des affaires internationales, finances et justice. Le reste de l’espace, 26 550 m2 au nord du bâtiment sur 12 étages, sera occupé par 150 logements en copropriété divise pour une moyenne de 177 m2 par logement alors que la moyenne actuelle à Montréal est de 100 m2 par logement. Il n’y aura aucun logement social.

Les façades devront inclure la reconstruction, en partie, des murs existants de pierres à bossage. Cette incongruité farfelue devient un défi architectural et coûteux. De plus, le Cabaret Café Cléopâtre, club de strip-teaseuses où les habitués, depuis des décennies, prenaient le temps d’admirer des femmes séduisantes offrant des spectacles érotiques, sera maintenu. Ridicule !

Les habitations doivent être livrées en 2016 et les bureaux en 2018.

C’est un projet de 160 000 000$ dans le domaine immobilier qui normalement est du ressort de l’entreprise privée et qui va coûter plus cher au m2 que tout projet de même nature en construction à Montréal. Comme ingénieur qui a passé sa vie professionnelle dans le domaine de la construction de bâtiments, j’en ai le frisson.

Ce projet a été décidé sous l’impulsion de l’ex-ministre Jean-François Lisée avec comme prétexte qu’il « revitalisera le boulevard (rue) St-Laurent de façon significative et durable ». Il sera porteur et attirera d’autres investisseurs » disait-il. Malheureusement, l’optimisme de l’ex-ministre n’est appuyé par aucune expérience ni connaissance de sa part dans le domaine immobilier. Son affirmation à l’effet que ce projet fera boule de neige est au mieux un « rêve en couleurs » et n’est basé que sur ses fantaisies auxquelles il a donné cours.

En 1962, la construction de l’édifice d’Hydro-Québec (HQ) près du boulevard St-Laurent et, en 1969, de la tour Radio-Canada par Ottawa dans l’est de Montréal devait assurer la relance de la ville et de la rue Ste-Catherine dans l’est. Il n’en fut rien puisqu’elle n’a pas eu l’effet d’entraînement que les gouvernements avaient escompté.

Les fonctionnaires qui déménageront au CStL sont actuellement très bien installées dans des locaux de qualité au Centre de Commerce Mondial (CCM), une propriété de la Caisse de dépôts et placements du Québec. Ils quitteront leurs locaux avant la terminaison des baux pour se reloger au CStL. En somme, selon un observateur averti, « le gouvernement pige dans le « bas de laine » des québécois pour payer plus cher de loyer dans un projet instigué par des amis du parti ».

En effet, le gouvernement a conclu un bail de location de 14 000 m2 de bureaux et a accepté de débourser 2 500 000$ de plus par année, une hausse de 45% sur ses frais de loyers futurs. L’engagement gouvernemental durera 25 ans et se chiffre à près de 60 millions $. « Décision politique » de dire Lisée « c’est le prix à payer pour revitaliser la rue St-Laurent » et qui ajoute « il n’aura aucun impact sur les finances publiques ». Faux. Ce n’est que de la respiration artificielle politique qui augmentera davantage le déficit annuel du Québec et son surendettement.

Les agences immobilières indiquent que de plus en plus, le marché de location de bureaux à Montréal sera favorable aux locataires pour les prochaines années. Les locataires importants, comme le gouvernement du Québec, seront bien placés pour négocier des taux de location très avantageux au renouvellement de leurs baux. En somme, dans deux ans, à la fin du bail au CCM, Québec pourrait obtenir un loyer inférieur à celui prévu aujourd’hui. La différence réelle entre le prix qui sera payé pour 25 ans au CStL et le coût au CCM ou ailleurs sera encore plus grande.

Quant aux condos, le marché montréalais est très actif et de nombreuses tours de plus de 40 étages de condos sont en construction au centre-ville sans compter tous les autres projets dont celui du quartier Griffintown, à proximité du centre-ville. Cette offre d’un grand nombre de nouveaux logements à copropriété divise montre quelques signes d’essoufflement qui favoriseront la baisse des coûts d’achat, selon la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement. C’est contraire aux projections financières du CStL. De plus, qui voudra vivre près de l’ancien « red-light district » alors qu’il aura l’opportunité d’emménager là où la qualité de vie environnante est clairement supérieure.

C’est de toute évidence une très mauvaise affaire qu’a fait le gouvernement québécois. Une affaire qui sent le patronage et le favoritisme à plein nez. Le gouvernement semble n’avoir rien appris de ses politiques erronées lors du développement de la Cité du multimédia. « Il payait à coup de crédits d’impôts (l’argent du gouvernement) le déménagement d’emplois existants ». Le ridicule est vite devenu une erreur magistrale.

C’est la société de développement Angus (SDA), une « entreprise d’économie sociale », selon Lisée, qui a mis la main sur le terrain avec de l’argent public, et qui est le maître d’œuvre. Aujourd’hui, la valeur du terrain est moindre. Comme toujours, SDA mise sur l’apport de fonds publics importants pour réaliser son projet. Christian Yaccarini en est le promoteur. Dans le passé, le syndicat ouvrier CSN a financé la SDA. En 2009, cette dernière avait tenté de réaliser un premier projet de bureaux en collaboration avec HQ. Mais après études sérieuses, l’HQ se retira du dossier.

Sans le contrat de location du Gouvernement québécois, le projet CStL ne pourra probablement pas se réaliser actuellement. Les vrais promoteurs qui s’y connaissent en développement immobilier hésitent, pour le moment, à investir dans ce secteur de Montréal. Mais, avec un généreux bail garanti par le gouvernement pour 25 ans, tel qu’offert à la SDA, ils auraient sauté sur l’occasion. Voilà ce qui est inéquitable.

Ce « deal » n’a pas été accordé suite à une demande de soumissions publiques. Il a été négocié de gré à gré avec Yaccarini. La Presse rapportait que ce dernier a contribué aux partis politiques provinciaux. Depuis 2000, il a donné 21 695 $ au PQ, trois fois plus qu’au parti libéral. Il affirma, le jour de l’annonce du projet, « je suis souverainiste, mais convictions sont connues ». Ce promoteur a aussi souligné qu’il était appuyé fortement par André Lavallée, bras droit de Lisée, adepte du Parti Québécois.

Qu’un individu appuie un parti politique est une bonne chose et j’ai toujours encouragé mes amis et autres à s’engager activement en politique. Mais, de là, à profiter de la situation pour obtenir des avantages qui normalement doivent être alloués suite à des soumissions publiques, c’est inacceptable. Tous les promoteurs ou entrepreneurs du Québec en mesure de réaliser un tel projet auraient dû avoir l’opportunité de soumissionner pour l’obtenir. Avec une telle occasion en « or », les Québécois auraient bénéficié d’une compétition saine et les coûts pour le gouvernement auraient été sûrement plus bas.

Dans les circonstances financières actuelles du Québec, notre gouvernement ne peut imposer une construction de bâtiments d’espaces de locations dans l’espoir qu’elle fera « boule de neige ». Lisée chercha à la justifier au nom du « Quartier des spectacles », malgré que ce dernier n’a pas un besoin criant d’un tel projet. Tout semble bien artificiel. Comme des architectes-urbanistes et des promoteurs qui ont analysé ce projet, je pense que cette initiative politique onéreuse s’infiltre inutilement dans le domaine de l’investissement privé et n’apporte pas beaucoup au développement de Montréal.

À mon avis, ce projet doit être annulé. Mais, si le nouveau gouvernement l’estime nécessaire, ce dont je doute puisqu’il n’a aucun besoin d’espaces de locations nouveaux pour y loger ses fonctionnaires, qu’il annule les ententes Lisée-Québec-SDA. Puis, qu’il lance un appel d’offres publiques aux promoteurs immobiliers du Québec, après avoir revu le programme fonctionnel et technique du projet. Qu’il demande à SDA d’offrir le terrain en vente ou en location aux soumissionnaires. Que l’offre de location d’espaces à bureaux gouvernementaux soit offerte à tous et qu’il obtienne un coût de bail des soumissionnaires et leurs solutions pour le développement de ce quadrilatère. SDA, qui a déjà son plan, pourra soumissionner comme les autres. Ainsi les Québécois bénéficieront de la compétition et justice sera rendue à tous ceux qui ont la possibilité de s’impliquer dans un tel projet. Si SDA refuse de collaborer, eh bien que le gouvernement se retire !

Claude Dupras

samedi 19 avril 2014

Un « nerd » pour la réforme électorale canadienne

Il a 34 ans. Il est né en Alberta de parents français. Il a étudié les relations internationales à l’Université de Calgary. Puis, il devint sondeur, consultant politique, assistant de leaders politiques et, en 2004, candidat dans le comté Nepean-Carleton d’Ontario, où, à l’âge de 25 ans il est élu député canadien du Parti Conservateur (PC) en délogeant un ministre libéral de son siège par 4000 voix. Depuis, il a été réélu en 2006, 2008 et 2011 avec des majorités de plus en plus importantes frisant les 19,000 voix de majorité. Le sondage politique annuel du journal The Hill times l’a reconnu un des députés les plus travaillants dans sa circonscription. La politique est sa vie.

Son nom est Pierre Poilievre. Parfaitement bilingue, il est devenu, le 15 juillet 2013, ministre d’état à la Réforme Démocratique du gouvernement Harper. Il est de droite et a des allures d’une personne solitaire, passionnée et obnubilée par une approche politique et intellectuelle genre parti-républicain-américain. En somme, il a des airs de « nerd ». Je ne le connais pas et je n’émets que mon impression après l’avoir écouté et vu débattre à la Chambre des Communes, lu le Hansard, durant les dernières années. Depuis sa venue au parlement, Skippy, comme le surnomme ses collègues, agit en partisan aveugle. Il bondit, attaque et ridiculise les adversaires sur tout et rien. Comme ministre, il se montre petit, mesquin et se fout des questions de l’opposition avec des réponses hors-sujet et trop souvent absurdes. Sûr de lui-même, il est peu porté à écouter les opinions des autres. Malgré tout, on a l’impression qu’un jour il ira loin, peut-être même jusqu’à la tête de son parti et premier ministre du Canada. Mais pour se faire, il devra agir plus démocratiquement, arrondir les coins et comprendre que la politique est l’art du compromis.

Il y a deux mois, Poilievre proposa une réforme importante, le feuilleton C-23 sur l’intégrité électorale. Le projet de loi a été durement contesté depuis et le ministre a systématiquement refusé toute critique et toute modification à son texte.

L’opposition n’est pas venue seulement des partis politiques d’opposition que le ministre a cherché à ridiculiser, mais aussi de mandarins du gouvernement, tels Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada et de Sheila Fraser, ex-vérificatrice générale du gouvernement canadien.

Mayrand, nommé par les conservateurs, a critiqué le projet de loi en exprimant ses nombreuses préoccupations dont, entre autres, les restrictions proposées pour l’identification des électeurs par un répondant. Il estime que 120 000 électeurs actifs ne pourront voter à la prochaine élection si la mesure est votée. Il regrette que ni lui et ni le commissaire aux élections Yves Côté n’aient été consultés pour la préparation du projet de loi et souligne qu’au Royaume-Uni, en Australie, en Inde et aux USA une telle preuve de résidence n’est pas exigée.

En réponse, Poilievre rejette du revers de la main l’argumentation réfléchie de Mayrand et l’attaque personnellement en prétextant qu’elle est « pleine d’allégations et ahurissante ». Il ajoute « qu’en réalité Mayrand ne cherche qu’à accroître son pouvoir de haut-fonctionnaire, d’augmenter ses budgets et de rendre moins de comptes au Parlement ». Accusations totalement gratuites et injustes.

Fraser a qualifié le C-23 d’ « une attaque contre notre démocratie » et s’il n’est pas amendé, elle craint que la prochaine élection soit en péril. Elle explique que « notre système est basé sur la justice et l’équité et chaque canadien doit pouvoir voter. Au lieu de faciliter cette approche, le feuilleton c-23 rend cette acte plus difficile ». Elle affirme connaître l’intégrité et l’impartialité de Mayrand et déplore l’attaque contre cet officier du parlement car elle craint que de tels gestes créent l’impression dans le public que les sept hauts-fonctionnaires indépendants du Gouvernement sont biaisés. « Ce qui est loin d’être le cas », assure-t-elle.

Le comité sénatorial à majorité conservateurs s’est penché sur la question et vient unanimement de rendre son premier rapport. Il est très critique et contient des recommandations précises, telles, ne pas empêcher le directeur général des élections de parler aux électeurs, l’obligation de fournir des attestations de noms et d’adresses aux personnes qui le demandent, de ne pas permettre aux partis politiques de dépenser sans limites pour solliciter des fonds d’anciens donateurs (cela favoriserait le PC)... Cependant, il ne s’est pas prononcé sur la question la plus disputée qu’est celle de l’identification d’un électeur par un répondant.

Les conservateurs font tout pour changer la normalité. Ils s’en prennent aux bases même du système tel que défini comme immuable dans le passé, telles, la précision du recensement, l’obligation du gouvernement de répondre au parlement et, aujourd’hui, les élections justes, le droit et le devoir de chaque canadien de voter, l’encouragement aux électeurs à voter, la confiance dans l’intégrité de ceux qui dirigent les élections… Dans le passé, Élections Canada a fait des campagnes de stimulations dans les milieux où le niveau de votation était bas, par exemple, chez les étudiants. Les conservateurs s’y opposent car ils savent que la majorité des étudiants ne sont pas conservateurs. Ils accusent donc Élections Canada de faire de la politique et d’être en « conflits d’intérêts » parce que cet organisme gère les élections et stimule les électeurs à voter puisque c’est son mandat.

Depuis qu’ils sont au pouvoir, les Conservateurs sont comme les républicains américains qui, dans les quartiers noirs et hispaniques, normalement favorables aux démocrates, font tout pour réduire appréciablement le nombre d’électeurs, via le recensement, la diminution du nombre de bureaux de votation... Nous avons été témoins à la dernière élection présidentielle américaine des longues et interminables filées d’électeurs qui attendaient des heures pour voter. Ils étaient blancs, noirs, hispaniques et tous pauvres. Au Canada, nous ne faisons pas cela. Ce n’est pas normal. Tout le monde doit voter et aucune embûche ne doit motiver un électeur à ne pas voter. Les conservateurs, au contraire, par le Bill C-23 cherchent à restreindre le vote étudiant, celui des autochtones et celui de ceux qui doivent utiliser un répondant pour se faire identifier comme électeur, etc. C’est inacceptable.

Le leader de l’opposition Thomas Mulcair, heureux du rapport sénatorial, a décidé de talonné Poilievre et le suit pas à pas au parlement. Ses questions sont pertinentes et, peu à peu, les Canadiens comprennent mieux l’importance de ce débat. La crédibilité du gouvernement est miné jour après jour. Quant au chef libéral, Justin Trudeau, il promet d’annuler le projet de loi s’il est adopté, dès sa prise du pouvoir.

Face à la pression négative montante venant de divers milieux, depuis deux mois, Harper a réagi et a demandé à son ministre de se dire prêt à discuter de changements. C’est un début mais la bataille est loin d’être gagnée même si l’intraitable Poilievre annonce que dorénavant « il a l’esprit ouvert ». Peut-on y croire ? Je ne crois pas, car un tel dossier est complexe, sensible, important et apolitique. Il requiert de l’expérience, de la rigueur et une capacité d’écoute pour être mené à bonne fin. Ce que ce ministre n’a pas démontré avoir à ce jour.

Nous, Canadiens, devons rester sur nos gardes, car la stratégie conservatrice est de faire adopter la loi C-23 le plus vite possible. Des changements de cette importance prennent normalement beaucoup de temps, d’analyses et d’évaluations par tous ceux qui sont engagés et touchés par une telle législation. Ils ne peuvent être brusqués car la démocratie fonctionne bien s’il y a consultation, respect des différentes opinions et consensus. C’est la responsabilité de notre gouvernement fédéral d’agir ainsi.

Claude Dupras

vendredi 11 avril 2014

Le parti Québécois est-il mort ?

Depuis l’écrasante victoire du parti libéral du Québec (PLQ) sur le Parti Québécois (PQ) nous entendons toutes sortes d’affirmations à l’effet que le PQ a perdu de son importance dans la vie politique du Québec et du Canada et qu’il est sur une pente descendante qui l’amènera à sa disparition.

Certains de ses membres parmi les plus connus, comme l’ex-ministre Louise Beaudoin et le sociologue Gérard Bouchard, n’hésitent pas à affirmer : « l’ampleur de la sanction populaire signifie la mort d’un rêve, porté par une génération qui a échoué à transmettre aux plus jeunes son projet de pays ». Eux qui, il y a à peine un mois, annonçaient avec grande confiance la victoire de leur parti et rêvaient d’un référendum gagnant, aujourd’hui déblatèrent contre le PQ en le condamnant à un avenir noir.

Si on oublie les deux référendums qui ont brassé un peu trop et inutilement la cage et que nous nous rappelons les nombreuses lois qui ont été votées par les gouvernements qui ont suivi la révolution tranquille, beaucoup de progrès a été accompli. Parmi elles, il y avait celles des chefs péquistes René Lévesque, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard. Chacun a livré la marchandise : loi 101 sur la langue, lois sociales, assurance-auto, loi anti-scab, zonage agricole, programme Épargne-actions, etc… Malgré que j’aimais plusieurs de leurs décisions, je les ai combattus aux élections parce qu’ils voulaient tenir un référendum pour séparer le Québec du Canada, sauf en une occasion, en 1981, lorsque René Lévesque a gagné l’élection avec sa proposition « un bon gouvernement, sans référendum ».

À l’élection de lundi dernier, le PQ a perdu 24 députés et n’a récolté que 25,4% des votes, son deuxième plus bas score depuis sa création, tout en laissant filer le pouvoir qu’il avait acquis, par chance, en 2012 avec 31,95% du vote. Une vraie catastrophe !

Aujourd’hui, les commentateurs, chroniqueurs, blogueurs, politiciens fédéraux et autres affirment que 70%-75% des Québécois s’opposent à la tenue d’un référendum et, par conséquent, le PQ risque de disparaître. Est-ce la réalité ? Je ne le crois pas.

Durant les dernières années, jusqu’au lancement de la récente élection, les sondeurs affirmaient que 40% des Québécoises et Québécois favorisaient la séparation du Québec. Ce score a été constant de sondages en sondages. Je l’ai d’ailleurs utilisé maintes fois dans mes blogs pour souligner le danger possible qu’un référendum nous réservait. Il ressemble d’ailleurs étrangement à celui obtenu par René Lévesque lors du référendum de 1980, lorsque le OUI avait obtenu 40,6% des suffrages. J’ai la conviction que dans quelques mois, nous retrouverons le même score de 40% dans les sondages.

C’est donc dire que pour gagner un référendum, le OUI doit recueillir 10% de plus de votes. Il l’a presque fait en 1995. Mais dans la situation actuelle, cela semble impossible malgré que ce soit une relative petite marche à monter.

Pauline Marois a perdu l’élection à cause de son utilisation malencontreuse de la charte des valeurs et la tenue d’un référendum qu’elle cherchait à cacher. Trop de sources sérieuses, venues contredire ce qu’elle affirmait pour le démontrer, ont miné sa crédibilité. Sa décision d’aller en élection pour profiter de l’appui majoritaire qu’exprimaient les francophones à la loi 60, celle de la charte, ne s’est pas matérialisée en une victoire à cause de la mauvaise campagne électorale qu’elle a menée. Ajoutée aux votes négatifs presqu’unanimes des non-francophones à cause de la charte, ce fut fatal.

Jusqu’à un certain point, la PM Pauline Marois a dirigé un bon gouvernement comme je l’ai souligné dans quelques blogues, à ce moment-là. Les astres étaient bien alignés pour elle et son parti, au point que si elle avait mené une vraie bonne campagne et avait confirmé, dès l’annonce de l’élection, qu’il n’y aurait pas référendum durant son prochain mandat, il est raisonnable de penser qu’elle aurait pu maintenir son parti au pouvoir. Elle est donc directement responsable.

Mais rien ne dit que dans le futur, un nouveau chef ne pourra pas réussir là où elle a failli. Le problème est que le PQ n’a pas actuellement dans ses rangs un tel chef ou, s’il est là, il est bien caché, Parmi la panoplie de ses candidats possibles, aucun ne démontre être capable de gagner une élection. Les trois vedettes actuelles du parti, Drainville, Lisée et PKPéladeau, ont agi en bouffons sur scène le soir de l’élection. Alors que tout le Québec attendait, devant la télé, Pauline Marois qui devait accepter la défaite, chacun des trois mousquetaires mandatés pour préparer sa venue, a démontré un manque de jugement politique en prononçant, à tour de rôle, un discours pro-référendum alors qu’elle avait refusé d’en parler durant toute la campagne et que c’était la cause principale de sa défaite.

PKP semble favori actuellement pour devenir le nouveau chef du PQ. Ce milliardaire en a surpris plusieurs lorsqu’il a décidé de faire de la politique active. Séparatiste ardent, il s’est embarqué dans les circonstances que nous connaissons et, à la surprise générale, a fait déraillé la campagne de la PM Marois. Par la suite, nous l’avons vu plusieurs fois à la télé et entendu à la radio débattre ses positions politiques. Plusieurs électeurs ont été désappointés par ses prestations, surpris de sa difficulté à bien s’exprimer et de se produire en public. Orateur sans éloquence puissante et directe, sans prestance, il ne génère pas la confiance. Il n’est ni un René Lévesque, ni un Lucien Bouchard et ni même un Jacques Parizeau. Ceux-là étaient passionnés, connaissaient bien tous les dossiers et savaient s’exprimer avec ardeur, intelligence et conviction. On ne pouvait que les admirer, même si on ne partageait pas leurs avancés. PKP, pour sa part, a été bien superficiel dans ses discours, pas convaincant et même désappointant. Si je me fie aux nombreux commentaires que j’ai reçus depuis l’élection, il a « manqué son coup », il a manqué son entrée. Et ça c’est difficile à corriger car le mal est fait et ne devient pas orateur qui veut ! Malheureusement pour lui, Dale Carnegie n’est plus là !

En réalité, c’est triste parce que PKP pouvait être le prochain grand chef du PQ. Excellent homme d’affaires, il ne sera pas un grand politicien.

Sans PKP à sa tête, le PQ ne mourra pas car l’idée est encore là. Qu’il s’adapte à la réalité et que le prochain chef se lève !

Claude Dupras

mardi 8 avril 2014

Le « gros bon sens » des Québécois

Quelle élection et quel résultat! Félicitations aux Québécois qui ont dit NON aux « chicanes » et aux divisions. Ce fut une victoire écrasante pour Philippe Couillard et son parti libéral (PLQ), une remontée spectaculaire pour François Legault et son parti Coalition Avenir Québec (CAQ) et une descente aux enfers pour la PM Pauline Marois et son Parti Québécois (PQ).

Le nouveau premier ministre Philippe Couillard a démontré que la sérénité, la transparence, l’intelligence, le savoir-faire et le respect des autres sont ensemble une formule gagnante en politique. Elle lui a permis d’élire 70 députés, alors que la PM Marois a perdu des sièges partout au Québec pour terminer avec 30 députés. De son côté, Legault a fait la démonstration qu’une approche politique non électoraliste peut aussi rapporter des succès si elle est bien articulée. Il a fait élire 22 députés, a gagné en crédibilité, et son parti est dorénavant assis sur une base solide.

Le PQ a récolté ce qu’il a semé. Il a divisé le Québec en refusant d’écouter de grandes franges de la population particulièrement en rapport avec son projet de charte des valeurs. Sa démagogie populiste et son approche du tout ou rien n’ont pas été appréciés. Par ailleurs, il n’a pas tenu compte des sensibilités d’une grande majorité de Québécois en agissant toujours pour briser le Canada. En présentant le nouveau candidat, dit de prestige, Pierre-Karl Péladeau et en sachant que, lors de sa mise en nomination, ce dernier enjoindrait les péquistes à faire un pays le plus vite possible, le PQ a laissé planer la tenue possible d’un troisième référendum sur la séparation du Québec de l’ensemble canadien, alors que près de 70% des Québécois n’ont cessé de dire depuis plusieurs années qu’ils n’en veulent plus. Il a aussi promis des restrictions sur l’enseignement de la langue anglaise. Face à ce manque de réalisme, les Québécois ont rejeté le PQ et l’ont vite démontré par les sondages.

La campagne a été de l’aveu de tous, électeurs comme observateurs, une des plus sales depuis des dizaines d’années. Allégations mensongères et insinuations trompeuses ont été mitraillées par les péquistes et leurs supporteurs, jour après jour, sur Couillard et ses libéraux. Ils cherchaient à les démontrer coupables, par association, des scandales découverts par la Commission Charbonneau. En tout temps, Couillard a maintenu son calme, est demeuré sobre dans ses déclarations, respectueux et a refusé de s’engager dans ces débats sans fin. Il est allé à la rencontre de tous les Québécois dans tous les coins de la province et leur a parlé des vrais problèmes, de ses solutions et de ses engagements. Les Québécois l’ont aimé et l’ont choisi même s’il n’offrait pas une vision nouvelle et excitante pour l’avenir du Québec.

Couillard n’a jamais caché ses positions en rapport avec le Canada. Il n’hésite pas à dire qu’il est Canadien, qu’il est Québécois, qu’il veut reconnaître les amendements de 1982 à la constitution canadienne que le gouvernement péquiste du temps n’a pas voulu signer. Il veut que le Québec reprenne sa place dans la fédération canadienne et que les jeunes Québécois voient dans leur pays, qu’est le Canada, ses opportunités nombreuses et qu’ils puissent en profiter. Il a rejeté la séparation, n’a pas insisté sur le statut particulier et a défendu le bilinguisme. Il a souligné les innombrables bénéfices que les Québécois reçoivent comme canadiens et son désir que le Québec devienne aussi riche que l’Ontario et l’Ouest canadien. C’est une approche réaliste et pragmatique. Il a même affirmé « nous sommes heureux dans le Canada ». L’élection n’a pas été un référendum sur ces questions mais son résultat peut démontrer que les Québécois acceptent amplement cette approche.

L’élection d’hier est une bonne leçon pour les jeunes qui veulent s’engager en politique. Ils y ont vu le beau et le laid, le sensé et l’insensé, le raisonnable et le ridicule, le faux et le vrai mais ils ont surtout compris la perspicacité des Québécois qui ne se laissent pas facilement tromper par des mots et des actions allant à l’encontre du « gros bon sens ». Ils ont été témoins de la déconfiture d’un parti politique qui s’est lancé en élection alors qu’il était en avance dans les sondages et avec le vent dans les voiles. Ils ont sûrement compris qu’ils ne doivent jamais minimiser l’appétit des électeurs pour un changement révolutionnaire.

Philippe Couillard hérite d’une province endettée, de problèmes d’infrastructures graves, de la corruption mise-à-jour par la Commission Charbonneau, d’un débat-diviseur sur la charte des valeurs... situations qu’il devra aborder dès ses premiers jours à la tête du Québec. De plus, il veut se mettre immédiatement à l’œuvre pour encourager les investissements privés, développer l’économie, créer des emplois, renforcer le système d’éducation et stimuler le système de la santé en ouvrant, entre autres, les super-cliniques. Il dit aussi vouloir écouter les suggestions de François Legault qui en a de très pragmatiques.

Avec une nouvelle direction, le Québec peut devenir plus prospère, plus riche, plus harmonieux et une terre de tolérance pour assurer le mieux-vivre de chacun de nous.


Claude Dupras

samedi 5 avril 2014

OUI, à Philippe Couillard

La campagne électorale pour l’élection québécoise du 7 avril est particulière si on la compare avec celles du passé. C’est une des plus dures et plus « sales » de toutes celles que j’ai suivies dans ma vie, tout niveau politique confondu.

Déclenchée par opportunisme, le Parti Québécois (PQ) voulant profiter de l’appui majoritaire à la Charte « des valeurs » exprimé par les francophones, elle est devenue un enfer pour la PM Marois. Rien ne s’est déroulé comme elle, ses conseillers et ses faiseurs d’images l’avaient planifié. Un vrai désastre. Cela m’a surpris, puisqu’avant l’élection ils avaient la main heureuse avec leurs tactiques.

Aujourd’hui, le doute s’est emparé de la machine péquiste et elle grinche de partout. Marois est nerveuse, les ministres sont inquiets et tous, à tour de rôle, disent n’importe quoi pour chercher à s’en sortir et rallier plus d’électeurs.

Malgré cela, il est difficile de prédire le gagnant même si le parti libéral (PLQ) obtient ce matin dans le sondage Léger une avance importante : PLQ 38% PQ 29 % ACQ 23% QS 9%.

L’appui des non-francophones au PLQ est de 71%. C’est très fort mais il est, en bonne partie, concentré dans 45 comtés. Quant aux francophones, majoritaires dans 80 comtés, ils sont partagés entre les partis : PLQ 29%, PQ 35%, CAQ 27% et QS 8%.

Cette situation me fait penser à l’élection surprise de Daniel Johnson, père, en 1966, pour lequel j’avais été l’un de ses jeunes organisateurs. Chef de l’Union Nationale (UN), Johnson combattait l’« équipe du tonnerre » de Jean Lesage, celle qui faisait la révolution tranquille depuis 1960. Johnson avait perdu l’élection précédente à cause du « scandale des faux-certificats » mais avait pu, par la suite, démontrer qu’il fut une manigance du parti libéral. À l’élection de 1966, l’Union Nationale obtint 40,82% des votes et les libéraux 47,29%. Mais il avait fait élire 56 députés contre les 50 de Lesage, et Johnson devint premier ministre au Québec. Le vote non-francophone était alors concentré dans l’ouest de Montréal, les Cantons de l’Est et la région de l’Outaouais.

La différence avec 1966 réside dans le fait que depuis quelques années les anglophones se sont dispersés dans la région Montréalaise. Ainsi, dans le comté péquiste de Crémazie, les anglophones représentent actuellement 28% de la population, dans les comtés de Laval on en compte jusqu’à 35%. Et, comme ils ont ressenti être particulièrement visés par la Charte, il est fort probable qu’ils réagiront en votant massivement libéral.

Le chef libéral Philippe Couillard est en meilleure posture qu’au début de la campagne. Hier, curieux et voulant mieux le connaître, j’ai assisté à sa réunion de St-Jérôme. Je l’ai trouvé calme, respectueux, racé et dégageant un charisme certain. Il s’est exprimé clairement et a bien énoncé les principaux points de sa plateforme électorale. Il veut maintenir des relations cordiales avec le gouvernement canadien et ceux des autres provinces tout en faisant respecter les droits du Québec. Il a réaffirmé que la base identitaire des Québécois est la langue française et qu’il allait tout faire pour la renforcer et la protéger. Il proposera une charte qui tiendra compte des libertés individuelles et de nos valeurs de justice sociale. Il veut mettre sur pied, partout au Québec, des cliniques médicales avec services de Rayon-X et autres, auxquels les québécois auront accès gratuitement avec leur carte-soleil, pour dégager les urgences qui actuellement imposent une attente interminable aux malades avant de pouvoir être traités par un médecin ou une infirmière. J’ai été impressionné par son positivisme et son réalisme politique.

De l’avis des observateurs avertis, Pauline Marois a perdu le contrôle de sa campagne dès le début et cherche depuis, sans succès, à reprendre la pole. Sa position sur la tenue d’un nouveau référendum n’a pas été convaincante et ses promesses farfelues des derniers jours de baisses d’impôts dont il n’a jamais été question dans le dernier budget, ni dans le programme péquiste, ont nui considérablement à sa crédibilité. Elle est devenue un handicap pour son parti.

François Legault, chef de l’ADQ, a fait une campagne du tonnerre. Il a gagné les débats et n’a cessé d’être positif et d’enthousiasmer son équipe. Ce parti, qui flirtait avec sa disparition, a repris du poil de la bête en récupérant ses appuis de la dernière élection. Sa poussée de fin de campagne, aujourd’hui et demain, peut réserver des surprises.

Le petit parti Québec Solidaire a été vrai avec lui-même et maintiendra ses appuis. On dit même qu’il pourra faire élire un troisième député à Montréal.

Mon blog à la veille de la dernière élection de 2012, s’intitulait « Tout, sauf le parti Québécois ». Et je crois avoir eu raison, puisqu’élu, le PQ n’a fait que diviser les Québécois. Pour accroître sa popularité, il a cherché à profiter du sentiment de crainte de plusieurs Québécois francophones envers les immigrants et particulièrement ceux du Maghreb qui sont devenus le plus important groupe d’immigrés au Québec. Le Parti Québécois, qui avait moussé leur venue chez nous à cause de leur capacité de parler le français, les trahit aujourd’hui à cause de leur religion musulmane. Ils voteront probablement en très grand nombre pour le parti libéral.

Je n’ai jamais été libéral. J’étais un « bleu ». Malgré que je ne sois pas séparatiste ni socialiste, j’ai voté une fois pour le « bon gouvernement » de René Lévesque et une autre fois pour le Nouveau Parti Démocratique du « bon Jack ». Avec le temps, la partisannerie politique m’a quitté et je cherche à voter pour celui ou celle qui peut le mieux répondre, selon moi, aux besoins du moment et du futur.

À cette élection, je voterai pour Philippe Couillard. Il me semble être l’homme du jour. Il a recruté une très bonne équipe de nouveaux candidats bien qualifiés, compétents, particulièrement en économie, en éducation et en santé. Avec lui, je crois que le Québec sera entre bonnes mains et que les Québécois oublieront vite ces divisions malsaines qui ont brouillé notre société, pour aller de l’avant.

Quant au Parti Québécois, j’espère qu’il retournera à sa table de travail et mettra de côté son obsession de tenir un nouveau référendum, pour devenir un parti politique capable de servir l’ensemble des Québécois. Nous avons besoin d’un bon parti nationaliste réaliste qui sait défendre les vraies valeurs.

Claude Dupras