dimanche 29 juillet 2012

Charest sera-t-il réélu ?

Le 6 décembre dernier mon billet s’intitulait : « Et si Jean Charest et Pauline Marois demeuraient en poste ». À ce moment-là, le leadership des deux principaux chefs politiques du Québec était remis en question suite aux sondages négatifs sur leur capacité respective de diriger le Québec. Ils étaient près de la sortie.

C’est l’élection partielle du comté de Bonaventure qui m’a fait comprendre qu’ils n’étaient pas en danger. Le parti libéral a conservé son château-fort mais son pourcentage de votes a baissé appréciablement en faveur du parti Québécois de Pauline Marois. Un bon nombre d’électeurs avaient vu en elle le moyen de s’opposer à Jean Charest. Ce dernier, malgré un taux d’insatisfaction qui frisait les 65%, a réussi quand même à obtenir à nouveau la confiance d’une majorité des électeurs de ce comté.

J’ai eu l’impression alors que les postes de Charest et Marois n’étaient plus en danger et qu’ils dirigeraient leur parti à la prochaine élection générale.

Puis, le phénomène François Legault, chef du nouveau parti Coalition Avenir Québec (CAQ), s’est estompé tel que prévu. Il devait, selon les sondages, balayer les vieux partis de la carte électorale mais il a été victime de son manque de charisme et d’éloquence et son auréole de fascination s’est dissipé aussi vite que sa capacité de séduire et d’impressionner.

Le parti Québec-Solidaire, pour sa part, bénéficiait d’un léger vent dans ses voiles, au moment où il a fait un mauvais « tack » et a ressenti l’air lui échapper lorsqu’il a trop exposé son côté anarcho-communisant. Cet étalage public de sa réelle pensée politique a été fatal pour le parti, malgré qu’Amir Khadir, son demi-chef, soit un politicien intelligent qui souventes fois sait « frapper le clou sur la tête ».

La bataille qui s’annonce pour le début septembre se fera donc entre un Jean Charest confiant, déterminé et une Pauline Marois devenue « la femme de béton » au carré rouge.

Jean Charest est un homme doux, chaleureux, attentif et qui a su séduire des foules, pourtant il est mal aimé d’un très grand nombre de Québécois. Ce sont surtout ceux qui préconisent la séparation du Québec du Canada qui ne lui ont jamais pardonné sa prestation exceptionnelle lors du débat référendaire de 1995 et qui a fait pencher la balance du côté du NON.

Malgré ses deux majorités et son gouvernement minoritaire, Charest a été trop souvent injustement critiqué. On peut se rappeler, entre autres, tout ce qui s’est dit sur son plan de réingénierie du Québec pour réduire radicalement la dimension du gouvernement. Il a dû reculer. Il en fut de même pour la privatisation d’une partie du parc National du Mont Orford et la réalisation du projet du Suroît pour la construction d'une centrale thermique au gaz naturel.

Depuis sa dernière élection, l’intégrité de Jean Charest est attaquée sans cesse sur des questions comme la nomination des juges malgré que le rapport du commissaire Bastarache ait déterminé que les allégations contre lui étaient infondées, l’octroi de certains permis pour les garderies malgré qu’il ait forcé un député à démissionner et les graves problèmes de corruption dans l’industrie de la construction malgré qu’il ait établi une super-commission (la commission Charbonneau) pour l’enquêter.

Nonobstant les pluies d’injures et d’insinuations mensongères, je continue à croire que Jean Charest est un individu foncièrement honnête et intègre, tout comme le sont Pauline Marois et la très grande majorité des députés de l’Assemblée Nationale québécoise.

En réalité, les problèmes du domaine de la construction découlent du manque de contrôle du gouvernement sur ses projets de construction. L’insuffisance criante de personnel technique et qualifié dans les ministères, particulièrement au ministère du Transport, en est la raison première. Ce n’était pas comme cela avant la venue de Lucien Bouchard à la tête du Québec.

Afin de balancer le budget québécois, à la demande des seigneurs de l’argent à New York, Bouchard a coupé radicalement dans toutes les dépenses gouvernementales. Non seulement a-t-il mis à la retraite forcée des milliers d’infirmières compétentes, des chirurgiens et des médecins expérimentés, ce qui a embourbé depuis nos services de santé, mais Bouchard a aussi renvoyé chez eux des milliers d’ingénieurs et de techniciens spécialisés en construction qui œuvraient au gouvernement afin d’assurer que la réalisation de ses bâtiments et de ses travaux publics soient conformes aux besoins et aux décisions gouvernementaux. Ces derniers vérifiaient et approuvaient les plans et devis techniques préparés par les architectes et les ingénieurs-conseils du privé, pour assurer leur conformité avec les programmes techniques, les normes, les règlements et les budgets établis par les lois et les ministères.

Le malheur, c’est que le PM Bernard Landry, qui a succédé à Bouchard, n’a rien fait pour corriger cette situation et a continué à réduire le nombre de fonctionnaires. Et, devant les difficultés que ses gouvernements ont eues pour maintenir bas les déficits, Jean Charest a fait de même.

Voilà la source des problèmes du domaine de la construction. Sans contrôle, sans surveillance, sans respect des normes et des budgets, il est devenu un « free for all » où certains intervenants malhonnêtes ont gâché le système.

Jean Charest veut un quatrième mandat. Normalement le pouvoir use mais il y a des moments où la réélection d’un premier ministre devient importante. Peu de premiers ministres ont obtenu quatre mandats des Québécois. Le dernier fut Maurice Duplessis avec la campagne électorale de 1956 dont le thème était « l’autonomie du Québec ». C’était au moment où le gouvernement du Québec réussissait, enfin, à faire accepter par le gouvernement fédéral de Louis St-Laurent la reconnaissance des droits constitutionnels fiscaux du Québec. Duplessis créa l’impôt québécois et obtint une baisse proportionnelle des impôts fédéraux afin que les Québécois ne subissent pas la « double imposition » dont les avait menacés Saint-Laurent. De plus, ce dernier implanta le système de péréquation au Canada qui aidera beaucoup le Québec.

Il y a enfin la question de la hausse des frais de scolarité et tout le brouhaha qu’elle a entraîné et continue de faire. Le mouvement représentant le tiers des étudiants collégiaux et universitaires du Québec est devenu important et a attiré le regard du monde entier. Ce sera, peut être, ce qui sauvera Jean Charest et assurera sa réélection.

J’ai appuyé la position initiale des étudiants, dès les premiers jours, en m’opposant dans mon blog aux augmentations des frais de scolarité. On trouvera ma position dans mon billet du 29 mars 2012. Je n’ai pas changé ma position depuis, sauf que suite aux actes de violence j’ai cessé de les soutenir.

L’élection arrive au moment où le phénomène estudiantin s’est transformé en une rébellion contre la loi et l’ordre.

Malgré que la participation aux manifestations organisées par les syndicats étudiants diminue et que de moins en moins de Québécois les écoute, les ralliements de protestataires continuent. Je crains que les chefs étudiants n’aient pas la perspicacité nécessaire pour arrêter la radicalisation grandissante de leur mouvement et la confrontation avec les autorités.

Ils devraient, au contraire, faciliter le retour en classe de leurs membres, au milieu d’août, pour qu’ils bénéficient des arrangements particuliers que les institutions éducatives ont mis en place pour leur permettre de reprendre leur semestre printanier, perdu à cause des grèves.

Les syndicats étudiants devraient réaliser qu’ils sont capables d’organiser une participation massive des étudiants contre le parti libéral. C’est ce que ce dernier craint. En décidant de continuer les manifestations, en pleine campagne électorale, ils joueront, au contraire, dans la main de Charest et l’aideront à consolider son support dans l’opinion publique.

Leurs actions feront revivre celles de Pauline Marois qui n’a jamais dénoncé les actions violentes des étudiants et a accepté, par opportunisme et malgré les concessions importantes du gouvernement, de porter leur symbole, le « carré rouge », à l’Assemblée Nationale. Même, si par stratégie, elle a décidé de ne plus le porter depuis le 24 juin, l’annonce de la candidature péquiste d’un des trois chefs étudiants, Léo Bureau-Blouin, vient consolider dans l’opinion publique les
liens du Parti Québécois avec le mouvement contestataire estudiantin qui n’a pas respecté les injonctions des cours de justice après que le gouvernement se soit vu forcé de faire voter une loi spéciale, la loi 78, pour protéger les droits des citoyens dont ceux des étudiants qui voulaient retourner à leurs cours, souventes fois contre des contestataires masqués.

De plus, les étudiants vont maintenant plus loin que la question des frais de scolarité dans leurs récriminations. Ils s’attaquent à tous les frais payés par les Québécois pour des services publics, au plan du développement du nord du Québec, au traitement des aborigènes, à la discrimination féminine, etc… ; leur but est clair : bousculer suffisamment la société québécoise afin qu’elle se réoriente éventuellement vers leurs objectifs.

Sachant que 56 % des Québécois et Québécoises approuvent ses actions envers les protestataires étudiants, Jean Charest, va rappeler que Pauline Marois s’est associée à ceux qui n’ont pas respecté la loi et l’ordre. Il ajoutera que ses actions démontrent qu’elle veut le pouvoir, à tout prix, en vue d’amener les Québécois et les Québécoises dans un troisième référendum sur la séparation du Québec.

Je crois que le non-respect de la loi et de l’ordre deviendra le débat principal de cette élection pour les électeurs québécois qui voudront avant tout protéger la paix et le respect de leur société.

Oui, Jean Charest peut être réélu !

Claude Dupras

samedi 21 juillet 2012

PSA Peugeot Citroën : Business is business

Le président français François Hollande a renoué avec l’habitude du président Mitterrand de donner une conférence de presse le jour de la fête nationale, le 14 juillet. Le président Sarkozy avait annulé cet évènement afin d’assurer aux Français qu’il n’y aurait pas de politique partisane en ce jour d’unité nationale. Si j’en juge par ce qu’à dit le président actuel, Sarkozy avait amplement raison. En effet, Hollande en a profité pour continuer son discours antisarkosyste démagogique en blâmant l’ex-président de tous les maux de la France et de l’Europe. De plus, il s’en est pris publiquement à la famille Peugeot, actionnaire principal à 25% du fabricant d’automobiles PSA Peugeot et Citroën (PSA). Choqué par le plan de redressement des affaires de la compagnie, qui est en difficulté, le président Hollande a attaqué le président de l’entreprise, Philippe Varin, en l’accusant d’avoir dit un « mensonge » et en qualifiant « de pas acceptable » le plan de la compagnie.

Pour ajouter à l’insulte, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif et responsable du dossier, en a mis encore plus. Grandiloquent, fier, beau, médiatique, ce ministre prend de plus en plus de place dans l’équipe ministérielle mais son panache ne me semble pas à la hauteur du travail à accomplir pour aider la France à devenir industriellement compétitive. Rêveur idéaliste et irraisonné, justicier autoproclamé, certains journalistes français le qualifient, avec raison, de « Don Quichotte de l’emploi industriel ». Face à PSA, il a employé des mots durs pour réclamer des comptes, insinuer qu’elle avait dissimulé des informations, dénigrer sa stratégie d’emploi, son alliance avec General Motors, le « comportement de ses actionnaires » et encore.

Qui est Philippe Varin ? Est-il le diable décrit par Hollande et compagnie ? Ce que j’ai lu sur sa carrière démontre qu’il est un homme remarquable. Marié à une femme-médecin, ils ont quatre enfants. Homme calme, réfléchi, sportif, il est diplômé de Polytechnique (1973), de l'École des Mines (1975) et débute sa carrière chez Pechiney en 1978. En mai 2003, il prend la direction de Corus, groupe sidérurgique britannique alors en difficulté financière. Il le redresse et vend la compagnie en 2007 au groupe indien Tata Steel, à un prix quinze fois supérieur à ce que valait l'entreprise à son arrivée. En 2006, il préside la fédération européenne des sidérurgistes. La famille Peugeot l’approche en 2009 pour lui demander de prendre la direction de PSA pour la sortir des pertes qu’elle subit depuis quelques années. La stratégie de Varin est de transformer PSA en un groupe européen et international tout en demeurant ancré en France. En 2010, les bénéfices sont de retour. Il renoue les liens avec les partenaires (BMW…), échoue une alliance avec Mitsubishi, donne la priorité à la Chine avec deux coentreprises et signe une entente avec General Motors.

Depuis 2007, le niveau des ventes d’autos baisse en Europe et atteint 25 % de diminution en 2012. PSA perd en plus son important marché iranien suite aux boycottages politiques internationaux et voit sa part de marché diminuer en France malgré la présentation de nouveaux modèles. Tout cela se traduit par des pertes de 200 millions d’euros par mois durant les six derniers mois. Pour faire face à cette situation, le plan de réorganisation de la compagnie a été accepté par les actionnaires, dont la mise-à-pied de 8 000 employés et la fermeture d’une grande usine. Tout comme GM et Chrysler durant la crise de 2008, Philippe Varin n’a pas d’autre choix pour relancer l’entreprise et assurer sa pérennité. C’est cet homme de qualité, reconnu comme un humaniste, un industriel responsable, un bon entrepreneur avec une réputation internationale qui a été insulté par la plus haute autorité de la France.

Avec leurs mots irréfléchis, Hollande et Montebourg ont ajouté aux problèmes de Peugeot car leurs attaques ont affecté négativement le cours du marché. À cause de craintes liées à l’interférence politique, une situation difficile s’est transformée en dangereuse puisque la capitalisation boursière est devenue faible et ne correspond plus aux capitaux de l’entreprise. Une offre d’achat publique (OPA), possiblement hostile, devient possible et l’entreprise pourrait tomber dans des mains autres que françaises. Les accusateurs ont démontré leur ignorance et leur irresponsabilité en ne tenant pas compte que PSA a « un potentiel énorme et un vrai savoir-faire » et devait agir pour se sortir de ses difficultés qui pouvaient à plus long terme l’affecter gravement, elle et ses 200 000 travailleurs.

Le président Hollande vient, en quelques semaines, de soutirer plus de 7 milliards d’euros des poches des consommateurs français par de nouvelles taxes et impôts votés à l’Assemblée Nationale. Au moment où l’économie est fragile, où le chômage est élevé, où normalement un gouvernement coupe dans ses dépenses et investit dans des projets créateurs-d’emplois, voilà que la France fait le contraire. Le président Hollande ne semble pas comprendre que ce sont les individus qui font l’économie et non le gouvernement. Que ce sont les créateurs, les entrepreneurs, les professionnels, les artisans, les artistes et beaucoup d’autres qui, par leur efforts personnels et leurs investissements créent des entreprises, des commerces, des activités économiques et des emplois. Pour pouvoir investir, bâtir, grandir et créer, ces individus doivent pouvoir conserver la plus grande part possible de leurs revenus.

Il est vrai que la France a de gros déficits et que son avenir immédiat n’est pas rose. Malheureusement, Hollande prend la route facile : il taxe. N’importe quel politicien peut faire cela. Mais prendre les décisions difficiles et nécessaires pour diminuer le « coût du travail », qui est le plus grand obstacle à une vraie compétitivité française en Europe, demande une bonne compréhension des relations entre les générateurs de l’économie et l’emploi, de la vision et du courage. Abolir les lois votées par le gouvernement précédent, particulièrement celles visant à diminuer le « coût du travail », est une erreur grave et un exercice politicard. Ce n’est que de la « potilique » comme disait mon père.

De PSA aux reniements des lois en passant par la sur-taxation, Hollande a fait reculer la France. Il démontre ne pas vraiment connaître la nature des affaires économiques. Il ne sait pas que pour réussir en affaires, il y a un principe de base bien important : ne pas mêler politique et affaires. « Business is business », comme disent nos compatriotes anglais, et les vaches seront bien gardées…

Claude Dupras