samedi 23 juillet 2016

Coluche, c’est ça que ça donne un humoriste !

Coluche, le plus grand humoriste français, était un « philosophe et humaniste » qui dans sa salopette aimait dire ses quatre vérités. Il avait une tête politique capable d’aborder les grands problèmes de la société et démontrait qu’il était en avance sur son temps avec une liberté de ton et d’imagination qui scandalisait déjà à l’époque. Ses amis le voyaient comme « un personnage angoissé, d’une grande intelligence et très généreux, avec une réflexion forte sur la vie ».

Il revendiquait parfois la « grossièreté » mais « sans jamais être vulgaire ». On lui avait demandé si on pouvait tout se permettre, il avait répondu « oui, absolument tout, sauf ne pas faire rire ». Sans vulgarité.
Coluche défendait aussi les plus faibles et, malgré ses immenses succès sur scène, il a créé les « Restos du Cœur » pour leur servir des repas. Aujourd’hui, « 30 ans après sa mort, ils en servent de plus en plus pour subvenir aux 8 millions de français qui vivent sous le seuil de la pauvreté. L’an dernier seulement, ils en ont distribué 128 millions durant l’hiver ». C’est la plus grande œuvre et le vrai héritage de Coluche.

Coluche a même failli être candidat à la présidence française en 1981. Un sondage lui donna 16% d’appuis et a généré des pressions énormes du petit monde de la politique qui ont « fini par ne plus le faire rire ». Il lâcha prise. Mais son influence a persisté. Par exemple, le Parlement a voté à l’unanimité « l’amendement Coluche permettant aux contribuables de déduire de leurs impôts une partie de leurs dons aux associations ».
Il est mort happé sur sa moto en 1986, par un camion, sur une petite route du sud de la France. Les Français venaient de perdre leur amuseur public numéro 1 et ils se souviennent encore de son immense talent. Il conserve la faveur générale puisqu’il n’est pas rare de l’entendre fréquemment, encore aujourd’hui, à l’émission quotidienne de la radio française « Rires et Chansons » où on reprend ses sketchs moqueurs et satiriques, à la demande générale. C’est ainsi que je l’ai découvert depuis quelques années.

Les 30 ans de sa mort ont été marqués par la publication d’une littérature abondante, telle « Le Pavé Coluche », l’Almanach Coluche », « Chez Coluche »…
Il est un modèle pour les humoristes d’aujourd’hui.

Voici quelques phrases qui rappellent son humour tranchant sur les évènements de son pays :
Sur le racisme :

« La France est le seul pays arabe à ne pas être en guerre ».
« Tous ces étrangers seraient bien mieux dans leur pays… La preuve : nous, on y va bien en vacances ».

Sur les LGBT :
« Il était communiste et homosexuel. On l’appelait l’embrayage de gauche. Parce que c’est la pédale de gauche ».

« Les homosexuels ne se reproduisent pas entre eux et pourtant ils sont de plus en plus nombreux ».
Sur le capital et les syndicats :

« Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme ! Le syndicalisme c’est le contraire ».
« Les syndicats, c’est pour donner raison à des gens qui ont tort ».

Sur les associations juives :
« C’est un chanteur israélite, tellement il avait le pantalon moulé : non seulement on lui voyait le sexe, mais aussi on lui voyait la religion ».

« Drôle d’époque où ce sont les Allemands qui font des affaires et les juifs qui font la guerre ».
Sur le tour de France :

« Mettons que les sportifs arrêtent le doping. On aura l’air malin, nous, devant nos téléviseurs à attendre qu’ils battent les records hein ! Et puis le tour de France, pour arriver le 14 juillet, il faudra qu’il parte à Noël ».
Sur le pape :

« Dieu a dit : « Mangez, c’est mon corps ; buvez c’est mon sang ; touchez pas, c’est mon cul ».
C’est l’abbé Pierre qui présida à ses funérailles pour rappeler son aide aux plus dépourvus. Au cimetière de Montrouge à Paris, le gardien des lieux affirme que « la sépulture de Coluche est de loin celle que l’on nous demande, le plus souvent, presque tous les jours ». Le caveau de l’humoriste est constamment fleuri par les visiteurs qui laissent aussi leur message particulier. Et, au centre-ville de Montrouge, la ville a fait ériger une statue en bronze, sur la place de la Libération, qui consiste seulement en une salopette, le vêtement de spectacle de Coluche.

Cela démontre bien la qualité de ce grand homme et surtout le vide qu’il a laissé. C’est ça que ça peut donner un humoriste !
Claude Dupras

Sources, "Le Dauphin libéré", notes personnelles

dimanche 17 juillet 2016

Puerto Rico et Cuba, les jumelles des Caraïbes.

De longue date, les États-Unis (USA) ont avec Cuba et Puerto Rico des liens géographiques, économiques et historiques étroits.

Puerto Rico, après des années de dépenses exagérées, a accumulé une dette 70 milliards $ qu’elle ne peut rembourser et se retrouve au bord de la faillite, en 2015, incapable de payer ses comptes. Son gouvernement fait appel à celui des USA pour l’aider. Après de longues hésitations au Sénat américain, le président Obama signe, le 30 juin 2016, une nouvelle loi d’aide financière comprenant aussi des mesures très difficiles pour le portoricain moyen dont la création d’un « Comité de Contrôle » qui gèrera, entre autres, les finances de l’île et pourra couper dans les écoles, les services sociaux, les fonds de pensions, les institutions publiques, etc. C’est, selon des observateurs, « un désastre pour le peuple portoricain puisqu’il fait des USA le maître colonial et lui enlève ses droits démocratiques ». Mais il sauve leur peau.   

Cuba, de son côté, bénéficie soudainement d’une décision du président Obama qui a décidé unilatéralement d’assouplir l’embargo américain qui l’étranglait depuis 1962, suite à la venue de Fidel Castro.  

C’est un nouveau départ pour les habitants de ces deux îles caribéennes, ex-espagnoles à l’histoire commune. Où en seront-elles dans 50 ans ?

Le début

Le 28 octobre 1492, Christophe Colomb trouve l’ile de Cuba, après avoir découvert celle de San Salvador, le 12 octobre précédent. L’Amérique nait !

À son deuxième voyage, Colomb arrive à l’île de Puerto Rico, le 19 novembre 1493, après que sa flottille ait été poussée par les vents dominants des alizés et les courants marins. Elle est douze fois plus petite en superficie que Cuba et Colomb la nomme San Juan Bautista. Avec le temps, elle devient un bastion pour l’expansion coloniale espagnole et l’escale des capitaines de navires de toutes les nations européennes qui viennent y chercher de l’eau, de la nourriture, y conclure des ententes commerciales et des échanges de marchandises. Elle est comme la porte d’entrée en Amérique et prend alors le nom de Puerto Rico, « le port riche ».

Les Amérindiens

Cuba et Puerto Rico sont originalement peuplées d’Amérindiens particulièrement les « Tainos » et les « Ciboney ». Les espagnols les exploitent, les réduisent à l’esclavage et en 50 ans, ils sont pratiquement décimés.

L’Esclavage

La monarchie espagnole intègre ces nouvelles îles à son empire et déçue par le peu d’or qu’elle y trouve, crée de nouvelles activités commerciales : le tabac, le café et la canne à sucre. Ces dernières nécessitant une main d’œuvre importante, elle fait appel aux esclaves qui viennent d’Afrique sub-saharienne.  

Pour Puerto Rico, le nombre d’esclaves est limité car l’intérieur de l’île demeure inexploré et sous-développé. Ils sont surtout requis par les commerçants des ports et des villes côtières.

De son côté, en 1762, la capitale cubaine La Havane est conquise par les Anglais qui y règnent pendant neuf mois et l’occupation se règle par le traité de Paris, par lequel Cuba est remise aux Espagnols en échange de la Floride. Jusqu’en 1860, 720 000 nouveaux esclaves sont introduits à Cuba pour assurer le fondement de l'économie coloniale.

En 1886, l’esclavage est entièrement supprimé.

L’indépendance

En 1809, la Cour Suprême espagnole reconnait Puerto Rico comme une province d’outre-mer de l’Espagne avec représentants au parlement espagnol. La monarchie revient en 1823 et le décret est annulé.   

Alors que les colonies espagnoles des Amériques deviennent indépendantes, Puerto Rico et Cuba grandissent en importance stratégique pour la Couronne espagnole qui, pour maintenir son emprise sur ses deux dernières colonies du Nouveau Monde, offre des terres libres à titre d'incitation à l'immigration et la colonisation. Cette campagne s’avère très fructueuse

Les luttes pour l'indépendance de Cuba commencent en 1868 avec un mouvement anti-pauvreté. Elles durent 10 ans et résultent en 200 000 morts, soit 1/8 de la population. José Martí, philosophe et homme politique mène le combat avec son Parti Révolutionnaire Cubain. Âgé de 42 ans, il est tué le 19 mai 1895, à la Bataille de Dos Rios, et devient le héros national.

En 1897, le gouvernement libéral espagnol accepte des chartes d'autonomie pour Cuba et Puerto Rico et elles deviennent « provinces outre-mer » de l'Espagne.

La guerre hispano-américaine

Le capitaine de navires américains Mahan déclare au ministère de la Guerre : « N’ayant pas d’installations à l’étranger, coloniale ou militaire, les navires de guerre des États-Unis sont comme des oiseaux terrestres incapables de voler loin de leurs côtes. Nous avons besoin de lieux de repos pour eux et pour les entretenir ».

En plus, en 1898, les américains veulent protéger les investissements des entreprises américaines à Cuba et ailleurs dans le Pacifique. Ils entrent en guerre avec l’Espagne. La guerre est courte et ne dure que 23 jours. Avec le traité de Paris qui suit, l'Espagne reconnait l'indépendance de Cuba, tout en cédant les Philippines, Puerto Rico, et Guam aux USA en échange d'un versement de 20 millions de $ US.

Cuba est maintenant indépendant et Puerto Rico fait partie des USA sans être un Etat.

Les années 1898 - 1940

Nonobstant le traité, les USA occupent Cuba jusqu’en 1909 et poursuivent une ingérence marquée jusqu'en 1934. Après, ils placent au pouvoir une junte militaire dont l’éminence grise est le général Fulgencio Batista.

De leur côté, les Portoricains deviennent des citoyens américains en 1917 et commencent le 20e siècle sous le régime militaire et légal des USA qui décrète que la langue utilisée au sein du gouvernement doit être l’anglais. Les enseignants sont des Américains du Nord afin que les Portoricains apprennent l'anglais. Américains, de nombreux Portoricains se voient enrôlés dans l’armée américaine.

Exaspérés, certains dirigeants politiques de l’île demandent un changement de structure politique et, le 21 mars 1937, une assemblée est organisée dans la ville de Ponce par le Parti nationaliste de Puerto Rico. Un conflit sanglant éclate, 9 morts 200 blessés. C’est le massacre de Ponce.

Les années 1940 – 1960

Batista devient président de la république de Cuba, de 1940 à 1952, suite à des élections truquées. En 1954, il est élu sans opposition.

La capitale du pays, La Havane, connait alors une période d’expansion économique. Les gangsters américains sous la direction de leur penseur Meyer Lansky, ami de Batista, développent le jeu, le marché de la drogue et la prostitution (la ville est devenue un grand lupanar avec plus de 13,000 jeunes filles qui pratiquent le vieux métier). Lansky a des plans pour faire de La Havane un nouveau Las Vegas. Elle reçoit annuellement 300,000 touristes américains riches. La vie nocturne est frénétique. Les truands s’enrichissent. L’industrie sucrière est en plein essor. Les investissements de capitaux américains sont nombreux. La construction va !

Malheureusement, cette activité augmente les inégalités entre les habitants de la capitale et la disparité entre les villes et la campagne. La Havane a un taux d’analphabétisme de 10% contre 43% à la campagne. L’activité culturelle y est intense, ailleurs peu. Il y a un lit d’hôpital par 300 habitants de l’île, mais 65% sont dans la capitale alors que celle-ci n’a que 22% de la population. Il y a les riches et les pauvres. C’est Cuba!

En 1943, un sénateur américain présente un projet de loi au Congrès appelant à l'indépendance totale de Puerto Rico. Il est rejeté. En 1946, un premier gouverneur né dans l’île, Luis Munoz Marin, est nommé et l’année suivante les USA accordent le droit aux Portoricains d’élire démocratiquement leur gouverneur. Marin est élu.

Après plusieurs conflits, la constitution de Puerto Rico est approuvée le 6 février 1952. Puerto Rico devient un état libre associé avec les USA, un Commonwealth. Cependant, le congrès américain continue à légiférer sur la citoyenneté, la monnaie, les services postaux, les relation de travail, l’environnement, le commerce, la finance, la santé, le bien-être, etc..

Depuis le début du XXe siècle, Puerto Rico compte sur l'agriculture et, sa principale culture, le sucre. Il y a aussi le tabac, toujours important. Durant les années 1950, Puerto Rico connait une industrialisation rapide, due au « New Deal » du président Franklin Delano Roosevelt, qui favorise la fabrication industrielle par le biais d'exonérations fiscales pour les compagnies. Puerto Rico est classée par la Banque mondiale comme un « pays à revenu élevé" car elle est devenue un centre mondial de fabrication de produits pharmaceutiques.

Face au maintien des salaires malgré l’augmentation du coût de la vie, les syndicats deviennent agressifs et réussissent à faire grimper le coût des salaires au point que le tourisme est réservé surtout aux plus riches visiteurs de catégorie supérieure ou de luxe, Puerto Rico ne pouvant plus concurrencer Cuba et d’autres îles des Caraïbes pour le touriste économique. Le niveau de l’emploi diminue.

De plus, avec le temps, plusieurs usines sont déplacées vers des pays à salaires plus bas en Amérique latine et en Asie. Le chômage revient. C’est depuis ce moment que débute une forte émigration de Portoricains, en quête de meilleures conditions économiques, sur le continent américain, notamment à New York. D’une moyenne annuelle de 1 800 émigrants pour les années 1930-1940, il passe à un pic de 75 000 en 1953 au point qu’en 2003, il y a plus de portoricains de naissance ou d’ascendance qui vivent aux États-Unis qu'à Puerto Rico.

Et ce ne sont pas seulement les ouvriers qui partent mais aussi des jeunes hauts diplômés en commerce, en génie, en droit, en médecine et autres professions. Des gens de talents, intelligents, entreprenants…créateurs d’emplois. Pour arrêter le mouvement, la langue espagnole devient la langue officielle de Puerto Rico en 1991. Mais, le mouvement migratoire des plus âgés ne s’arrête pas et, avec le temps, la presque totalité de la jeunesse ne parle plus que l’espagnol.

Le pouvoir à Fidel Castro

Fidel Castro prend la tête d'une armée rebelle et c'est le 15 novembre 1956 qu'il annonce que le temps est venu de se rendre à Cuba. Il y parvient le 1er janvier 1959 et renverse Batista.

Le gouvernement américain reconnait le nouveau gouvernement, mais les rapports entre les deux pays se gâtent dès le mois de mai, de la même année, lors de la nationalisation des avoirs étrangers à Cuba, dont ceux de la compagnie américaine United Fruit.


Cette décision découle de la nouvelle politique socialisante que propose Fidel Castro.  

La baie des Cochons

Du 17 au 19 avril 1961, les USA veulent renverser Castro et organisent, via la CIA, un débarquement de mercenaires à la baie des Cochons de Cuba qui se solde par un échec retentissant. Ils mettent alors en place un embargo économique en 1962 et renoncent à toute invasion future. 

Avec l’embargo et la tendance « communisante » de la politique exprimée par Castro, plusieurs intellectuels, professionnels, entrepreneurs, constructeurs, commerçants… quittent l’île et cherchent à se réfugier aux USA. 62 000 d’entre eux choisissent de s’installer à Puerto Rico où ils investissent, bâtissent, développent l’île et occupent des postes importants dans la fonction publique, les universités, le sport…

Les mouvements créent des difficultés financières à Cuba et Castro accepte l’aide de l'URSS qui lui accorde 4 à 6 milliards de dollars américains par an (jusqu'en 1990) en échange de son alignement sur la politique russe. Castro a sa propre logique tiers-mondiste. À l’automne 1981, les Russes quittent. Pour survivre, il organise des échanges de médecins, instituteurs, etc… avec divers pays, tels, l’Angola, le Venezuela, pour obtenir du pétrole et autres produits. Cuba demeure pauvre mais petit à petit sa position économique s’améliore grâce aux touristes qui affluent. Il peut ainsi continuer à offrir le minimum vital à son peuple.

Cuba, demain ?

La vie des 10 000 000 de cubains sous le régime communiste de Castro est faite de privations, de sacrifices, d'appels à l'héroïsme, etc… 

Ce sont des patriotes qui croient en leur Commandante et ont confiance que leur avenir, un jour, sera meilleur. L’entre-aide fait partie de la vie quotidienne. L’argent est rare.

Dans un premier temps, le capitalisme n’est pas pour eux. Ils le voient comme générateur de chômage saisonnier, d’inégalités entre groupes et secteurs. Pour eux, ces problèmes n’existent pas dans leur société car tout le monde est instruit et ceux qui sont en mesure d’obtenir un diplôme le reçoivent après des études sérieuses, l’Éducation est gratuite, les soins de santé aussi, les coûts du logement et les salaires sont très bas et uniformes. C’est un peuple solidaire. Ceux qui sont nés le jour de la révolution ont maintenant 57 ans. Ils n’ont pas connu autre chose. 

Le parti communiste est unique et est le vrai successeur de Castro. Raoul Castro n’est pas la solution car il est d’une autre génération, celle de Fidel, alors que la majorité des dirigeants actuels sont généralement dans la quarantaine. Plusieurs de ces derniers, respectés pour leurs caractères affirmés, ont exercé des fonctions importantes dans la période Castro. Ce ne sont pas des marxistes-léninistes classiques mais ils sont enracinés dans une histoire et dans une expérience unique. Pour atteindre le pouvoir, ce sera par le biais du parti « communiste » puisqu’il repose sur le principe du « mérite acquis par l’investissement personnel dans une activité sociale ».

Les figures de Marx et de Lénine ont disparu du paysage alors que les citations du héros national José Martí se sont intensifiées.

Le parti demeure en position de force relative. Mais avec l’accroissement important des touristes, l’ouverture à la télévision mondiale, l’internet, les médias sociaux… tout cela affaiblit le régime et on peut prédire qu’un jour, un vrai régime démocratique sera installé et la liberté reviendra.

Ce peuple a un potentiel extraordinaire. Il est instruit, en bonne forme et en santé, solidaire, travaillant, créateur, pas égoïste et il veut améliorer son sort. Il a tout pour devenir un grand peuple et il le sera. Il veut être libre et l’a démontré en réservant une salve d’applaudissements au président Obama en visite récemment à Cuba alors que ce dernier déclara : « Les électeurs devraient pouvoir choisir leur gouvernement dans des élections libres et démocratiques ».  

La société cubaine deviendra une des plus dynamiques des pays espagnols des Amériques.

Puerto Rico, demain ?

Au référendum de 1992 sur l’avenir de Puerto Rico, 61% des portoricains ont voté en faveur que leur île devienne le 51ième état des USA, 33,5% ont opté pour une Association libre et 5,5% ont voté pour l’indépendance totale.

Une chose est devenue évidente, le « statu quo » du Commonwealth actuel ne fonctionne plus, même rehaussé, car il ne peut plus maintenir une saine économie ni modérer le flot d’émigration hors Puerto Rico.

Comparée à Cuba, Puerto Rico est beaucoup plus développée. Elle est moderne et a tous les atouts des meilleurs centres américains. Elle est une île enchanteresse, traversée par la chaine des Andes et limitrophe, au sud, à la mer des Caraïbes et au nord à l’Atlantique. De beaucoup plus petite, elle est un paradis pour les vacanciers. Ses plages sont magnifiques, son industrie hôtelière de grande qualité et elle est située à proximité des îles vierges.

Cependant sans industrie majeure, sauf le tourisme qui injecte 7 milliards par an, elle peut difficilement survivre. Avec la levée de l’embargo cubain, il est probable que le niveau du tourisme sera affecté pour quelques années. Si Puerto Rico avait un statut d’indépendance, ce serait le désastre car elle manquerait d’outils pour se soutenir. Actuellement ses citoyens sont américains et bénéficient de services personnels importants à cause de ce fait.

Le paysage linguistique portoricain est espagnol. L'État libre associé de Porto Rico jouit actuellement d'une grande autonomie politique, culturelle et linguistique. Cette situation est accentuée par son caractère insulaire. Porto Rico n'est pas soumise à de fortes doses de bilinguisme institutionnel pour les affaires intérieures, ce qui lui assure des frontières linguistiques assez sécurisantes et quasi imperméables. Devenant un État américain, une nouvelle réalité sociologique s’implanterait. Elle deviendrait bilingue.

Il me semble inévitable que dans quelques années, Puerto Rico deviendra enfin un État américain et Cuba sera toujours un pays vraiment indépendant.

Claude Dupras 

NB. Quatre mois après son entrée à la Havane, le 26 avril 1959, Fidel Castro répond à l'invitation de Claude Dupras, président de la Chambre de Commerce des Jeunes du district de Montréal, à l'occasion de la campagne de jouets pour les enfants de Cuba et vient à Montréal pour deux jours. (Photos et récits de la visite : http://www.claude.dupras.com/fidel_castro_à_montréal.htm).


 
 

vendredi 1 juillet 2016

Andrée Gauvin, une championne


Notre amie Andrée Dalcourt Gauvin est décédée. Elle a été l’épouse de feu le Dr Pierre Gauvin.
Cette fille de Louiseville est devenue une femme merveilleuse, agréable, dévouée qui a grandement aidé les québécois. Jeune infirmière diplômée de l’hôpital Notre Dame, elle y travaille deux ans et devient infirmière soignante à l’hôpital de Louiseville. Elle est intriguée par les craintes souventes fois exprimées par des personnes âgées sur leur fin de vie. « Qu’est-ce que je voudrai en fin de vie, et de quoi aurai-je besoin ? Est-ce que j’aurai de la douleur, et aurai-je besoin de médicaments pour soulager mes symptômes ? Mes proches et amis sauront-ils mes volontés ? Quels sont les types d'aide à ma disposition ? Si je tombe malade, vais-je me sentir comme un fardeau pour les autres ? Quelles décisions aurai-je à prendre ? ». Elle décide d’y dédier sa carrière.
Andrée a alors moins de trois ans d’expérience comme infirmière et seulement deux ans comme volontaire aux soins palliatifs de l’hôpital Royal Victoria de Montréal, largement anglophone. Elle affirme : « Il semble y avoir une notion que les mourants sont une menace aux vivants et qu’ils ne méritent pas le même genre d’attention ». 
Presque seule, elle s’attaque à cette perception et réussit à la faire changer au Québec et même en Europe. En 1979, elle convainc, avec un collègue, la direction de l’hôpital Notre Dame de Montréal d’installer une unité de soins palliatifs (USP). À ce moment-là, il n’existe pas de tels services pour les malades en phase terminale au Québec et même ailleurs, dans le monde francophone. Elle participe à l’élaboration des politiques de soutien des malades et à leur diffusion au Québec, au Canada et dans plusieurs pays d’Europe.
Co-fondatrice de l’unité USP, Andrée passe ses jours à former son personnel, à rencontrer les patients et les membres de leurs familles avec toujours un air joyeux, une bonne humeur, son beau sourire, appelant chacun par leur prénom car, explique-t-elle, « cette période finale de la vie ensemble à autant rapport à la vie qu’à la mort ». L’unité connaît un rayonnement tel qu’elle entraîne la création de centres semblables dans tout le Québec et en Europe.
Pour financer la nouvelle unité, elle co-fonde PalliAmi, en 1981, un organisme pour fournir le soutien financier essentiel à l’USP de l’Hôpital Notre Dame.  
Puis, Andrée devient de plus en plus reconnue comme une pionnière et une experte dans ce champ d’action. Tout évolue soudainement très rapidement et elle reçoit régulièrement des invitations pour aller conseiller et instruire du personnel médical en France, en Suisse et en Belgique, tant pour leurs organisations que pour la formation des professionnels de la santé et des bénévoles. Elle accepte et se révèle une consultante hors pair à l’échelle internationale. 
En reconnaissance de ses efforts, le gouvernement français, qui normalement n’honore que ses propres citoyens, lui accorde un de ses grand honneurs, chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur, en 1993.
Entre temps, Andrée communique sa passion pour son œuvre par des publications et par de nombreux colloques, conférences et séances de formation dans le monde. Elle est la co-auteure avec Roger Rénier, d’un livre en 1992 « L’accompagnement au soir de la vie : le rôle des proches et des bénévoles auprès du malade » et elle récidive en 1994 avec « Vouloir vivre : les luttes et les espoirs de malades ».
Elle siège à de nombreux comités scientifiques, à des congrès de soins palliatifs au niveau des provinces et du Canada pour veiller à ce que ces congrès répondent aux besoins des bénévoles en matière de formation.  
Enjouée, mère de trois enfants avec son mari ophtalmologiste, Andrée explique que sa plus grande satisfaction est sa présence à « l’ultime école de la vie ». « Le focus », dit-elle, « n’est pas sur la mort, mais sur la façon de vivre l’expérience finale de la vie. On apprend qu’il y a une richesse et une beauté même dans les plus petits évènements de chaque jour ». Dans ses visites régulières aux patients et à leur famille, elle fait la promotion de la notion que chacun d’eux doit se ressentir le plus possible comme à la maison et qu’elle et son équipe, de plus de 40 volontaires, doivent être considérés comme des membres de la famille. « Ne contrarier jamais ou ne prodiguer pas de faux espoirs à un patient » répète-t'elle.  
Son travail a clairement influencé son attitude face à la vie. Elle a appris à croire fermement que « la vie, jusqu’à la fin, doit être célébrée ». Et c’est ce qu’elle fait dans sa vie personnelle. Elle joue au tennis toute l’année, skie en hiver et se dévoue totalement à son jardin l’été. Elle aime passionnément la danse et votre humble serviteur a le plaisir souventes fois d’être son partenaire. Inoubliable !
Malgré son dynamisme, elle avoue « je dois m’éloigner plusieurs fois par an, mettre mon travail de côté et recharger mon esprit ». Mais chaque fois, Andrée revient pleine d’énergie pour rappeler aux autres qu’au moment où la mort approche, les joies de la vie deviennent plus précieuses.  
En plus de la Légion d’honneur, Andrée Gauvin est inscrite au Honor roll du magazine Maclean’s en 1995 et la même année le journal La Presse la choisit Personnalité de la semaine. En 1996, c’est la revue L’actualité qui la classe parmi les Grands et l’année suivante le gouverneur Général du Canada lui remet l’Ordre du Canada dans une cérémonie à Rideau Hall. En 2003, l’Association canadienne des soins palliatifs reconnaît son grand mérite et lui accorde le Prix d’excellence. Finalement, en 2005, le Québec la nomme Chevalier de son Ordre national.
Nous lui devons en grande partie les progrès faits dans le domaine des soins palliatifs au Québec où elle a toujours été une source constante d’inspiration et d’exemple pour ses collègues et un grand nombre de professionnels de la santé.
Cette femme aimable et rieuse qui aimait la vie a su bien servir le monde. Une femme rare qui a œuvré constamment pour aider les malades. Elle n’a jamais recherché les honneurs mais ses contemporains ont reconnu sa motivation et l’excellence de son œuvre.
Merci Andrée Gauvin, Merci. Tu auras passé près de 30 ans de ta vie à accompagner des gens en fin de vie. Tu as été une grande parmi les grandes. Une championne.

Claude Dupras