samedi 30 octobre 2010

Le vide politique du Québec

Rien ne va plus en politique au Québec.

Le premier ministre libéral Jean Charest et son parti s’accrochent les pieds dans les fleurs du tapis. Depuis que le PM a refusé, à tort, de mettre sur pied une commission d’enquête sur les coûts de la construction, la foudre lui tombe sur la tête. L’opposition parlementaire et les journalistes ne cessent de rendre publiques des décisions et des transactions gouvernementales de toutes sortes dans lesquelles amis, supporteurs ou financiers du parti libéral du Québec ont été favorisés. Ces nombreux scandales qui pour la plupart n’en sont pas, ont un air de vérité. Et c’est çà le problème du PM car, en politique, l’apparence a autant d’importance que la réalité et par conséquent sa popularité en subit le contrecoup et fond dans les sondages.

Pendant ce temps, les dirigeants et députés du parti Québécois, l’opposition officielle, jubilent. Voyant le pouvoir possible de si près, ils ne peuvent s’empêcher de se lécher les babines. Les sites internet dédiés à l’indépendance du Québec font le plein d’articles optimistes, ce qui démontrent bien que la fièvre se répand. Mais il y a un problème. Le parti Québécois et son chef Pauline Marois ne figurent pas bien, eux non plus, dans les sondages. Les Québécois et les Québécoises ne sont pas satisfaits du parti Québécois ni du parti Libéral.

Le parti Libéral et le parti Québécois sont des partis de centre-gauche. Les libéraux flirtent par moment avec la droite. Les péquistes agissent de même avec la gauche. Cette dernière est représentée par le parti Québec-Solidaire qui n’a qu’un député. La droite est le parti Action Démocratique du Québec (ADQ) qui est venu à quelques députés près de prendre le pouvoir à l’avant-dernière élection générale. Après 21 mois comme opposition officielle, où il a fait mauvaise figure, il est retombé à seulement quelques députés et ne pèse plus politiquement. Pourtant, la droite est au pouvoir à Ottawa et croît rapidement aux USA où les élections législatives « mid-term » sont imminentes et pour lesquelles les sondages indiquent que le parti Républicain, parti de droite, fait une remontée impressionnante et enlèvera aux Démocrates la majorité à la Chambre des représentants et possiblement au Sénat. La droite a le vent dans les voiles en Amérique du Nord.

Plusieurs anciens membres du parti Québécois, dont l’ex-ministre démissionnaire François Legault, estiment que l’option indépendance n’est pas dans l’air. Ils rêvent de créer un nouveau parti, Force-Québec, avec des gens d’autres formations politiques pour s’attaquer efficacement aux vrais problèmes. Il y a quelques semaines, les medias ont rapporté que le parti se formait et qu’une annonce était imminente. Le sondage qui suivit, incluait ce nouveau parti comme option et l’a placé à 39% par rapport au parti Québécois qui chutait de 18% pour se retrouver à 22% (les purs et durs), le parti libéral à 21% et l’ADQ 6%. Ensemble, les trois partis traditionnels n’ont obtenu que 49% face à un parti qui n’existe pas. Ce qui démontre bien que les Québécois sont insatisfaits et ont une grande faim de changement.

À Québec, Il y a une semaine, un nouveau groupement, le Réseau-Liberté-Québec, a réuni durant un weekend plus de 450 individus de toutes les régions du Québec autour de chercheurs, de penseurs et d’activistes de droite pour parler politique. La rencontre a eu un impact positif dans les médias. Le Réseau-Liberté-Québec n’est pas et ne sera pas un parti politique. C’est un genre de « think-thank » en devenir, à tendance conservatrice, qui regroupe hommes et femmes politiques, chercheurs, universitaires, syndicalistes, gens d’affaires qui voient des solutions dans la philosophie de Droite. Ces individus veulent influencer les partis politiques en place pour qu’ils adoptent leurs suggestions. Dès l’annonce de la création de Réseau-Liberté-Québec, certains politiciens se sont empressés d’élever l’épouvantail à corneilles pour effrayer sans raison les Québécois et les Québécoises contre la droite qu’ils ont même associée à l’extrême-droite (idéologie contre-révolutionnaire voire fasciste). Cela n’a rien à voir avec le Réseau-Liberté-Québec qui est une bouffée d’air frais pour la politique québécoise.

Je n’aime pas la droite à la GWBush ou à la Stephen Harper : trop d’idéologie, pas suffisamment de sensibilité dans les solutions pour les grands problèmes. J’espère que la droite québécoise ne prendra pas les politiques de ces hommes comme modèles. D’ailleurs, aujourd’hui, le Canada en souffre puisque les Nations Unies viennent de nous refuser un siège au conseil de sécurité parce qu’elles ne digèrent pas les politiques de notre PM Harper : environnement, unilatéralisme pour Israël, etc… (Par contre, sur plusieurs points, il a fait un excellent travail, comme vient justement de l’affirmer la vérificatrice générale du Canada en rapport avec l’important programme de 45 milliards de projets d’infrastructure lancés pour contrer les effets négatifs de la crise économique. Ce fut bien géré et de façon honnête. Bravo).

À cause de l’impopularité grandissante du PM Charest, les séparatistes « purs et durs » du parti Québécois croient que la victoire électorale est, par défaut, inévitable et certaine. Ils réclament un nouveau référendum sur la séparation du Québec du Canada, lors du premier mandat que le parti gagnera. Quant à elle, Mme Marois s’en tient à l’article 1 de la constitution du parti qui stipule «au moment jugé approprié». Elle est une fine politicienne et ne veut pas faire peur à ceux qui ne sont pas indépendantistes et qui auraient le goût de changer de gouvernement, à cause des circonstances, et voter PQ. Électoralement, elle a raison. Dans un premier temps, elle veut être élue premier ministre et gouverner. Ensuite, dans un deuxième temps, suite à une autre élection générale, tenir un référendum. C’est ce qu’elle appelle « le temps opportun ».

Mais c’est un peu d’hypocrisie car le Parti Québécois ne cesse d’affirmer qu’il existe pour faire l’indépendance du Québec. Je suis d’accord avec ceux qui veulent le tenir dans un premier mandat. L’électeur a droit de se prononcer sur la question nationale le plus tôt possible et cette question doit être réglé une fois pour toutes. Ce sera le troisième référendum et probablement le dernier, quelque soit le résultat. S’il n’a pas lieu dans le premier mandat et le parti non réélu, il n’y aura pas de référendum et la discorde sera toujours là.

Les « purs et durs » ont une autre crainte. Ils s’inquiètent de la performance de Mme Marois. Ils croient qu’elle sera un handicap qui pourra les empêcher de gagner la prochaine élection. Malgré qu’elle en ait vu d’autres et ait une longue expérience, elle subira un vote de confiance au congrès du PQ, le 15 avril prochain, qui risque de faire mal !

Jean Charest et Pauline Marois sont en mauvaise position dans l’opinion publique et dans l’esprit des membres de leur parti. Le parti Libéral est entaché de suppositions de mauvaise gouvernance et le parti Québécois dispute les qualités de son chef et la stratégie en vue d’un nouveau référendum. L’ADQ est faible mais est bien placé pour progresser étant donné sa position à droite de l’échiquier politique québécois. La gauche maintiendra-t-elle son ascendance sur la politique québécoise ? Force-Québec naîtra-t-il et sa popularité sera-t-elle éphémère ? Quelle sera l’influence de Réseau-Liberté-Québec sur l’évolution vers la droite des politiques des partis ? En fait, nous sommes dans un vrai « free for all » où tout peut arriver.

Dans le vide politique actuel du Québec, dans quelle case s’arrêtera la bille sur le panneau tournant de la roulette politique québécoise ? Voilà la question !

Claude Dupras

mardi 26 octobre 2010

Sarkozy tient bon, la France tiendra-t-elle ?

Malgré sa popularité décroissante (29%), malgré les immenses manifestations répétées, malgré les grèves dont celles qui ont fermé les raffineries et créé une disette importante de gasoil et d’essence partout en France, le président Nicolas Sarkozy tient bon et sa réforme des retraites des Français sera adoptée officiellement d’ici quelques jours. Certains le disent délégitimé par l’opinion, comme si le président de la France et son gouvernement devraient gérer les affaires de l’État sur la base des sondages. Ces parlementaires ont été élus démocratiquement avec de grosses majorités, il y a à peine deux ans. Ils ont la responsabilité de diriger la France. Cela ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas, entre les élections, écouter et prendre en considération les demandes du peuple. Mais ils ne doivent pas oublier le programme politique avec lequel ils ont été élus pour ne penser qu’à leur réélection en agissant par opportunisme.

Les syndicats français, les partis d’opposition, les grévistes n’ont pas à menacer le gouvernement. Ils ont fait état de leurs suggestions et le gouvernement en a accepté quelques unes. Si ce dernier ne veut pas s’engager dans les autres, c’est qu’il a ses raisons. Il sait que ce faisant il soulève l’ire des manifestants mais il prend ses responsabilités. Quant aux manifestants, ils constatent qu’ils ont atteint la limite de ce que le gouvernement acceptera et doivent donc arrêter leurs actions et laisser les Français et Françaises reprendre le cours normal de leur vie. Si ces manifestants ne sont pas heureux, qu’ils réagissent lors de la prochaine élection présidentielle. C’est là que le choix des dirigeants et les grandes politiques se décident. C’est la vraie démocratie ! La rue n’est pas la démocratie. Elle n’est qu’un instrument pour chercher à influencer le gouvernement.

Même si plusieurs affirment que Nicolas Sarkozy n’a pas le caractère parfait pour être président puisqu’il est impulsif, un peu agressif et parle trop, je ne suis pas en accord avec cette conclusion. Ces « pseudo mauvaises qualités » font partie du caractère de cet homme actif, dynamique, courageux, travaillant et de vision. Il est comme il est et il doit se montrer comme il est car c’est ainsi qu’il demeurera crédible. Il a été élu pour faire des réformes et il fait des réformes nonobstant les difficultés et le danger électoral pour lui et son équipe lors de la prochaine élection présidentielle. Alors que ses prédécesseurs n’ont pas osé se mouiller dans la rue, Nicolas Sarkozy tient bon. C’est ça être responsable. C’est çà être un chef. C’est peut être la clef de sa réélection.

La France change rapidement. La migration, la compétitivité, la mondialisation, la crise économique et les problèmes financiers qui en découlent font en sorte que tout est bouleversé en France, comme ailleurs. Même si nous sommes en 2010, trop de Français se voient encore en 1990. Alors qu’ils pensaient pouvoir travailler de moins en moins, voilà que la réalité leur demande de travailler plus puisque la vie s’allonge et que les règles du jeu changent. Ce n’est pas une invention de Sarkozy mais l’aboutissement de problèmes qui existent depuis un bon moment et qui ne s’étaient pas encore manifestés. Comme partout dans le monde occidental, les institutions françaises doivent être réajustées, remises en concordance l’une avec l’autre, travailler ensemble à développer une économie forte, compétitive mondialement et à l’avant-garde afin de créer davantage d’emplois solides, satisfaisants et bien rémunérés.

La France est bien placée puisqu’elle a des industries de pointe et manufacture déjà des produits de haute qualité qui sont recherchés partout sur la planète. Alors qu’elle était à l’avant-garde dans le nucléaire, le transport et autres domaines techniques, elle s’est laissée dépasser trop souvent durant les récentes années par des pays émergents. Il n’y pas de raison pour qu’elle ne puisse reprendre son rang en accentuant ses positions… à moins qu’elle ne continue à se tirer dans le pied.

Ce n’est pas par le choc Gauche - Droite que ces objectifs peuvent être atteints, mais par une approche pragmatique, humaine et dynamique qui tient compte de l’effort et de la bonne volonté de chacun. La polarisation des idées et des politiques n’est pas dans l’intérêt de la France. Les batailles rudes, insensées et trop souvent indéfendables entre les partis politiques, dans leur quête du pouvoir, n’aident pas le pays. Il y a des moments où la France semble revenue à la zizanie politique du temps précédant la deuxième guerre mondiale.

Face à l’ampleur des nouveaux défis d’aujourd’hui, se donner de vrais chefs, élire des hommes et des femmes politiques responsables, oublier l’égoïsme et travailler tous ensemble est la vraie solution. Y en a-t-il une autre ? Est-ce possible en France ? Je ne le sais pas mais je l’espère !

Claude Dupras

samedi 23 octobre 2010

Des bondieuseries ?

Au retour de Rome, où j’ai eu le privilège d’assister à la canonisation de Saint Frère André, je raconte mon expérience d’une voix émue.

Tout a commencé la veille par une vigile de prières organisée par la Congrégation des pères et des frères de Sainte-Croix, celle du Saint Frère André, pour aider les pèlerins francophones à se préparer à la canonisation d’un des leurs. Elle se déroula à la cathédrale Sant’ Andrea Della Valle, deuxième plus vaste de Rome. Nous y arrivâmes une heure avant le début de la cérémonie, pour la trouver pleine à craquer. Discours, prières et chants se succédèrent et l’immensité de la structure de la cathédrale réfléchissait leurs échos de façon saisissante.

Le lendemain, sur la place Saint-Pierre, 62 000 personnes se préparaient à vivre la canonisation de six nouveaux saints, dont notre Saint Frère André. Le début de la cérémonie était fixé pour 10h. Nous arrivâmes à 8h pour trouver une foule immense qui attendait de passer les contrôles de sécurité (instaurés depuis l’attentat contre Jean-Paul II) où seuls les pèlerins munis d’un laissez-passer émis par le Vatican eurent accès. Nous y découvrîmes une tapisserie géante à l’effigie du Frère André accrochée sous l’une des fenêtres de façade de la Cathédrale. Benoit XVI fut accueilli dans sa papemobile par un silence respectueux. Finalement, tout ce beau monde se retrouva devant le podium d’où le pape présida la canonisation. La cérémonie de deux heures fut simple, belle et impressionnante.

Quelques jours plus tard, retour à la Cathédrale Sant’ Andrea Della Valle pour une messe d’action de grâce présidée par l’archevêque de Montréal. Encore une fois la basilique débordait.

Puis ce fut l’audience papale du mercredi, toujours sur la place Saint-Pierre. 22 000 personnes de toutes religions, de tous pays étaient là. Plusieurs par curiosité, sans doute. Le pape fut accueilli par des cris de joies, des bravos, des drapeaux et des foulards aux couleurs de pays. Des milliers de caméras numériques marquèrent l’évènement. Le beau temps était de la partie. Lentement, Benoit XVI, debout sur la papemobile, fit un long trajet dans la foule pour se rendre sous un immense canapé blanc surélevé et situé devant la porte de la Cathédrale. Suite à un discours relatant la vie d’une sainte et aux présentations des différents groupes réunis devant lui, le pape donna sa bénédiction apostolique. Pratiquants ou non, ceux qui étaient là, dont mon voisin un communiste chinois, ne pouvaient qu’être touchés par la magnificence de cette rencontre.

Malgré le décor somptueux, toutes les cérémonies religieuses que je viens de vivre à Rome étaient empreintes de simplicité et de réalité. Les prières étaient vraies et belles. Les mots, bons.

Durant toutes ces cérémonies, les hymnes religieux furent chantés en latin. Ils ravivèrent mes souvenirs de jeunesse, lorsque membre d’une chorale je les avais appris tous par cœur. Je revis l’évolution de l’église catholique québécoise depuis. Je pensai aux critiques d’alors et d’aujourd’hui, aux contenus d’articles de journaux, de blogs ou de commentaires d’amis et d’autres qui louent ou critiquent l’Église. Je revis les accusations de bondieuseries souventes fois répétées pour qualifier et ridiculiser les cérémonies religieuses de l’église catholique.

Comme pour les autres Québécois de mon âge, la religion catholique était omniprésente dans ma vie du matin au soir, tous les jours. Ma grand-mère paternelle était sûrement comme la maman du Frère André. Elle priait toujours, le chapelet à la main, et vivait dans l’amour et la crainte de Dieu. Sa vie était orientée par les dires et je dirais même les caprices du curé de la paroisse. Quant à moi, je pensais que c’était ça la vie. Même si nous maugréions contre l’intensité religieuse qu’on nous faisait subir, cela ne changeait
rien puisqu’il nous fallait être soumis, tout comme Jésus à 13 ans, nous disait-on.

L’ensemble des communautés religieuses catholiques de notre province ont aidé considérablement les Québécoises et les Québécois. Les hôpitaux, sous la direction des bonnes sœurs, étaient de première qualité. Les collèges et les couvents ont prodigué une bonne éducation à des milliers d’entre nous. Les écoles publiques étaient aussi influencées par leurs actions pédagogiques. La majorité de nos livres d’écoles ont été écrits par ces religieux. Il y a d’innombrables autres exemples de leur bon travail.

Bien avant, suite à la conquête, ce sont les religieux qui ont maintenu notre peuple ensemble et lui ont enseigné le français tout en lui inculquant un sentiment profond de solidarité. Ils ont tout fait pour que perdure la langue française. Nous leur devons reconnaissance pour ne pas avoir été assimilés à la langue et à la culture des conquérants anglais.

Le malheur c’est qu’avec le temps, les évêques et les curés québécois sont devenus trop autoritaires, intransigeants et se mêlaient de choses qui n’étaient pas de leur ressort, comme la politique. De plus, ils appliquaient de façon irrationnelle les préceptes de l’église, toujours au nom du bon Dieu, en prêchant aux femmes, par exemple, l’obligation d’enfanter nonobstant la qualité de leur santé. Ils les menaçaient même de ne pas les absoudre de leurs « péchés » si elles ne les écoutaient pas, de ne pouvoir « faire leurs Pâques ». Combien d’entre elles ont eu de 10 à 16 enfants ? Il faut faire de la généalogie pour constater le grand nombre de mariages en deuxième, troisième et même quatrième noces pour les hommes au Québec. Ces noces signifiaient trop souvent qu’une femme était morte à cause d’accouchements répétés pour satisfaire les pressions du curé. Oui, nous avons eu la revanche des berceaux mais au prix de combien d’innocentes victimes mortes prématurément. Les bondieuseries d’alors n’étaient pas seulement des dévotions superficielles ni un étalage d’objets de piété de mauvais goût mais aussi des sermons et des exigences irréalistes du clergé au nom de principes religieux souventes fois et volontairement mal définis.

Puis Jean XXIII est venu. Il devait être un pape de transition. Il a changé l’église. Avec le concile, il a effacé d’un coup un grand nombre de ces bondieuseries. Il a fait un changement si profond que plusieurs catholiques ont cessé sur le champ de pratiquer quotidiennement leur religion, frustrés d’avoir été imposés, durant toutes les années précédentes, d’obligations religieuses que le nouveau pape rejetait maintenant du revers de la main.

L’autre sujet qui me vint à l’esprit, fut les révélations actuelles en rapport avec la pédophilie dans le milieu religieux d’hier. On le vit principalement de nos jours avec les reportages des médias sur le collège Notre-Dame, celui où le Saint Frère André fut portier durant 40 années. J’ai été étudiant et pensionnaire dans ce collège et témoin de quelques moments difficiles. Par la suite, comme étudiant-externe durant six ans au collège Mont-Saint-Louis, dirigé par les frères des Écoles Chrétiennes, je n’ai jamais vu ou su quoi que ce soit en rapport avec la pédophilie. Cela n’existait pas dans ce collège.

Il faut bien situer ce grave problème car certaines statistiques démontrent que moins de 1% des élèves ont été affectés par ces problèmes. C’est quand même beaucoup trop et totalement inacceptable. Mais de là à accuser et salir l’ensemble des religieux et religieuses du Québec, comme beaucoup cherchent à le faire, il y a une marge.

Durant les cérémonies mentionnées précédemment où cardinaux, archevêques, évêques, prêtres et religieuses étaient réunis autour du pape sur le podium, je ne pouvais faire autrement que réfléchir à cette question en regardant ces hommes et ces femmes instruits, concentrés dans leur prière. J’ai compris qu’il fallait faire la part des choses. Oui, nous devons, sans merci, pourchasser ceux qui ont blessé nos enfants, mais aussi comprendre que la très grande majorité des individus qui ont donné leur vie à la religion, respectent leurs vœux dont celui de chasteté. Les mettre tous dans le même panier que les plus faibles d’entre eux, est une injustice flagrante.

Plusieurs personnes se déclarent athées et nient l’existence de toute divinité. C’est leur affaire. D’autres croient en un être suprême et en une religion pour prier. À chacun sa liberté religieuse.

À ceux, dont je suis, qui choisissent de demeurer catholique, on peut poser la question : pourquoi ? Ils s’y sentent bien ! C’est une partie de leurs racines. Ils voient dans cette religion, le raisonnable, la justice, la charité, l’amour. Ils oublient son passé trompe-l’œil, ses exagérations, ses immenses cathédrales et ses grandes églises et ses membres délinquants. Ils regrettent sa persistance à fermer la prêtrise aux femmes, ses positions sur l’avortement, etc. Pour eux, l’importance de ses fondements et de son enseignement priment sur tous les autres aspects. Ils ne seront plus jamais les pratiquants inlassables qu’ils ont été, mais ils se confieront toujours à elle pour retrouver leur chemin spirituel.

Merci, Saint Frère André.

Claude Dupras

ps. Le seul religieux notable québécois absent à toutes les cérémonies fut le Cardinal Marc Ouellet.

jeudi 14 octobre 2010

Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres (2)

Voici la partie 2 de mon texte sur la vie du frère André. La partie 1 peut être retrouvée ci-bas ou dans les archives de mon blog. Merci. CD

Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres (2)

En 1913, des laïques réclament la construction d’une basilique et Mgr Bruchési accepte. Les services des architectes Alphonse Venne et Dalbé Viau sont retenus. La crypte est inaugurée le 16 décembre 1917. Elle contient mille personnes. Un an plus tard, c’est trop petit. Durant les années ’20, le sanctuaire devient le centre des activités religieuses de l’archidiocèse. Les pèlerinages de mouvements, d’associations, de syndicats, de congrégations sont innombrables. Les paroisses organisent des visites annuelles. Et ça vient de partout : Ontario, Nouveau-Brunswick, Ouest canadien, USA.

Pendant ce temps-là, le frère André reçoit à son bureau des malades, des pauvres et des malheureux de 9h à 17h et le soir, avec des amis, ils visitent les malades qui ne peuvent se déplacer. En fait, il met tellement d’entrain et de bonne humeur dans ses sorties quotidiennes, que certains le taquinent d’être « un vieux courailleux », mais il les assure que ce n’est pas une sinécure et que le soir venu, il est fourbu. Son courrier augmente tellement qu’un secrétariat est mis sur pied pour l’aider.

En 1915, les supérieurs du frère André lui permettent de prendre des vacances, deux fois par an. Il en profite pour visiter les villages de son enfance et se rend aussi en Nouvelle-Angleterre, à Toronto, Sudbury et Ottawa. Mais sa réputation de thaumaturge le précède, et il est accueilli par des foules pressantes. Les journaux locaux relatent des guérisons et le frère André revient chaque fois avec beaucoup d’offrandes de la part de ceux qui le remercient. Son expérience de sa vie de jeunesse difficile et de son travail à l’étranger, l’aident à comprendre les besoins de chacun, où qu’il soit.

En 1927, Mgr Gauthier autorise la suite de la construction de la basilique. En 1937, le moine dominicain français dom Bellot, architecte religieux mondialement renommé s’implique dans le projet. Ce dernier meurt à Montréal en 1944 et le projet de l’Oratoire tombe alors entre les mains d’un de ses disciples dom Claude-Marie Côté, Canadien français, diplômé en architecture des Beaux-arts avant sa vie religieuse qui termine le projet.

C’est à cause de la sincérité du frère André, de sa simplicité et de ses convictions que ses supérieurs acceptent, dès le début, son projet. Sa dévotion à Saint-Joseph le guide. Il aime Dieu. Il prie avec émotion et ceux qui l’entendent raconter la Passion du Christ et le voient faire le chemin de la croix en reviennent bouleversés. Il demande toujours aux gens de prier et garde toujours l’humilité de son enfance. Il ne prend jamais crédit pour son œuvre, au contraire, il se cache derrière le chœur pour prier en solitaire lors des grandes célébrations.

En 1931, la grande crise économique force l’arrêt des travaux de la basilique. Les autorités de la congrégation Sainte-Croix se voient obligées d’arrêter le projet et de l’abandonner. Le provincial convoque le frère André pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Il répond : « Ce n’est pas mon œuvre, c’est l’œuvre de Saint Joseph. Mettez donc une de ses statues au milieu de l’édifice en construction. S’il veut se couvrir, il y veillera ». Deux mois plus tard, la congrégation a en main l’argent nécessaire pour reprendre les travaux.

Ma famille est comme les autres de Montréal. La foi de mon père en St-Joseph et sa vénération pour le frère André sont sincères et profondes. Il nous entraîne souvent, mon frère et moi et plus tard avec notre soeur, à l’Oratoire, pour demander des faveurs et achète des lampions qu’il fait brûler en témoignage de sa dévotion. Le nombre de ceux-ci est directement proportionnel à l’importance de la faveur demandée. Il gravit à genoux le grand escalier de bois en avant de l’Oratoire, en récitant à chaque marche une prière à St Joseph. Sa foi semble récompensée, car il s’exclame souvent : « Merci, Saint-Joseph ». De plus, il achète des statuettes miniatures en métal à l’effigie de St-Joseph, d’à peine deux pouces de hauteur, qu’il place ici et là dans la maison pour protéger sa famille, de même que des bouteilles de l’huile de Saint-Joseph, la même qu’utilise le frère André pour frictionner ses visiteurs, pour traiter ses rhumatismes et pour les besoins de sa famille.

Pour financer la construction de la Basilique, les autorités de l’Oratoire ont imaginé toutes sortes de stratagèmes, entre autres, d’identifier chaque immense pierre d’un numéro et de les mettre en vente. Mon père qui a peu de sous en achète deux, dûment numérotées et localisées et c’est avec beaucoup de fierté qu’il appose au mur de sa « barbershop » le certificat attestant qu’il les a payées et qu’elles ont bien servi à la construction de l’Oratoire. À mon frère, il remet un grand cahier à colorier dans lequel sont reproduits en croquis tous les plans de l’Oratoire, y compris ceux de la future basilique et du dôme. À ma sœur, un magnifique chapelet. Pour moi, c’est un ensemble de petits panneaux en carton qui, montés et collés, représentent en trois dimensions tous les bâtiments de l’Oratoire, sur une hauteur de plus de seize pouces. Mon père est bien loin d’imaginer que son fils, un jour, travaillera au bureau d’ingénieurs responsable des plans de chauffage de la basilique dont le grand panneau radiant incorporé dans le plancher pour le confort des pèlerins.

Je garderai longtemps cette ferveur au point qu’au début de ma pratique d’ingénieur-conseil, dans les années ’50, j’allais à l’Oratoire prier et faire des promesses de neuvaines si j’obtenais tel ou tel mandat. Souvent mes demandes se réalisaient et à mes collègues-compétiteurs qui me demandaient comment j’avais pu obtenir ces contrats, je leur répondais : « Ah! si seulement tu savais… ». Évidemment, j'y croyais mais je n'avais pris aucune chance puisque je sollicitais quand même et intensément mes clients potentiels pour leur acceptation de mes propositions de services professionnels.

Comment expliquer le mouvement extraordinaire vers l’Oratoire Saint-Joseph et la conviction profonde d’un si grand nombre de personnes que le frère André était un guérisseur, un thaumaturge ? La première guerre mondiale où tant d’innocents Québécois sont morts, la grippe espagnole qui a ravagé notre société et le « crash » économique qui a engendré un chômage général et accentué la pauvreté des familles, sont tous des phénomènes des années ’20 et ‘30 qui poussaient les gens à se retourner vers le frère André et l’Oratoire Saint-Joseph pour y chercher consolation, espoir et espérance dans la prière. Ils étaient une réponse aux besoins spirituels du temps.

Le frère André est mort le 6 janvier 1937. Un ami qui l’accompagnait dans ses visites dira : « Il a passé sa vie à parler des autres au bon Dieu et du bon Dieu aux autres ».

Près d’un million de personnes lui ont rendu hommage aux différentes cérémonies religieuses et cela malgré le temps frigide qui balayait Montréal ces jours-là. Les autorités ont permis que les gens puissent le toucher dans sa tombe durant les 6 jours et nuits pendant lesquels il a été exposé à l’Oratoire. Un premier service funèbre a eu lieu à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde et un second à l’oratoire Saint-Joseph. Il est inhumé à l’Oratoire et depuis, des milliers de personnes annuellement s’agenouillent devant la pierre de granit qui couvre sa tombe, la touchent et prient. De même devant son cœur qui a été extrait de son corps et déposé dans une boite vitrée.

Le 23 mai 1982, le pape Jean-Paul II l’a déclaré bienheureux lors d’une cérémonie sur la place de la cathédrale St-Pierre de Rome et a fait un long discours en français pour rendre hommage au frère André rappelant son humilité, sa piété et son œuvre. Ce fut très émouvant à écouter.

Le 17 octobre 2010, le pape Benoit XVI le canonisera sur la même place et il deviendra un saint connu sous le nom de Saint Frère André. Il sera le deuxième québécois, après Marguerite d’Youville, à être canonisé. Ce jour en est un de joie et de fierté pour le Québec. J’aurai le plaisir d’y assister avec mon épouse.

En terminant, je veux rappeler la phrase du frère André : « Quand je serai mort, je vais être rendu au ciel, je vais être bien plus près du bon Dieu que je ne le suis actuellement, j’aurai plus de pouvoir pour vous aider ».

Il a été un homme de chez-nous, enraciné dans notre sol et dans nos cœurs.

Claude Dupras

mardi 12 octobre 2010

Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres (1)

Le frère André sera canonisé le 17 octobre prochain à Rome par le pape Benoit XVI. J’aurai l’honneur d’accompagner mon épouse qui fait partie de la délégation de l’Oratoire Saint-Joseph à cet évènement rare et important pour nous tous. J’en suis fort heureux car le frère André a marqué ma famille, comme tant d’autres au Québec. De plus, j’ai été, pendant quelques années, étudiant au collège Notre Dame qui demeurait alors encore profondément marqué par le passage du frère André dans ses murs. J’ai pensé écrire un blog sur la vie de ce frère unique. Aux informations que j’ai relevées durant mes recherches sur sa vie et sur internet, j’ai ajouté les impressions que j’ai ressenties et le récit de quelques expériences vécues au sein de ma famille en rapport avec ce saint homme et l’Oratoire Saint-Joseph.

Suite à cette expérience, j'écrirai un blog relatant ce que j'aurai vécu.

Je présente mon long texte en deux parties. Une première aujourd’hui et la deuxième jeudi prochain le 14 octobre.

J’espère qu’il saura vous intéresser.

Claude Dupras

Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres

Alfred Bessette eut un itinéraire de vie incroyable. Il sera canonisé Saint Frère André de l’église catholique romaine par Benoit XVI, le 17 octobre 2010 à la Cathédrale Saint-Pierre de Rome.

Lorsque je raconte son histoire à des amis français qui ne le connaissent pas, ils demeurent bouche bée devant le récit de la vie de ce frêle individu au caractère humble et bon.

Alfred est né en 1845 au Québec, en la paroisse Saint-Grégoire du comté d’Iberville en Montérégie, dans la modeste maison familiale qui ne comprenait qu’une pièce. À sa naissance, sa mère Clothilde (Foisy) le voyant si petit et si faible pensa le perdre. Avec son mari Isaac, ils décidèrent de l’ondoyer sur-le-champ de crainte que son âme se retrouve aux limbes, séjour de félicité des enfants morts sans baptême. Il était son sixième enfant des douze qu’elle mettra au monde. Les préceptes religieux de l’église catholique sont omniprésents à ce moment-là dans la vie des Québécois et Québécoises.

Lorsqu’il atteint ses quatre ans, la famille déménage à Farhnam. Alfred grandit mais sa santé est toujours précaire. Il ne fréquente pas la petite école. Il devient pieux grâce à sa mère qui lui enseigne la récitation du chapelet. Il aime bien prier avec elle ou seul dans l’étable, à l’église et où il peut.

À dix ans le malheur le frappe. Son père qui est un homme pauvre à divers métiers : menuisier, charpentier, tonnelier, charron et bûcheron; est tué pendant son travail par un arbre qui lui tombe dessus.

Puis, un plus grand malheur l’assomme, sa mère meurt de la tuberculose alors qu’il n’a que douze ans. Il se retrouve orphelin avec ses neufs frères et sœurs vivants. La famille est dispersée. Le voilà, sans instruction, sans métier, frêle physiquement, sans travail, sans argent, sans espoir, sans bagage. Il est recueilli par sa tante maternelle Marie-Rosalie et son mari Timothée Nadeau à Saint-Césaire.

Alfred cherche du travail. Il commence sa vie errante qui durera treize ans. Il devient garçon de ferme, cordonnier, forgeron, barbier, manœuvre sur les chantiers de construction, ferblantier, boulanger, cocher et encore. Il est un perpétuel apprenti, un ouvrier non spécialisé, un canadien errant à peine capable de signer son nom. Il a aussi des comportements différents de ses amis car malgré sa santé fragile et son jeune âge, il se prive de dessert et prie longuement et intensément.

À dix-huit ans, Alfred, comme des milliers de ses compatriotes québécois, décide de tenter sa chance sur la côte est américaine qui est en pleine expansion industrielle. Il est engagé dans des filatures et plusieurs autres entreprises au Connecticut, au Massachusetts et au Rhode Island. Il peine à bien travailler à cause de sa faiblesse physique mais tient le coup et s’efforce pour que son travail puisse se comparer à celui de ses collègues, mais cela ne rencontre pas toujours la satisfaction de ses patrons. Au même moment, l’économie change. Un très grand nombre de Québécois reviennent au bercail. Alfred désappointé de n’avoir pu trouver un travail à sa convenance, rentre aussi chez lui, après quatre ans. Malgré qu’il se sente un bon à rien qui ne peut réussir, il réalise qu’il a appris plusieurs choses durant cette période. Il parle l’anglais, a l’expérience du travail et possède maintenant une connaissance et un esprit ouverts sur le monde, du moins les USA. Cela l’aidera un jour.

Il vit chez sa sœur Léocadie et son frère Claude à Sutton. Le curé de Farnham l’engage comme homme à tout-faire mais perd sa cure. Alfred revient alors à Saint-Césaire où le curé J. André Provençal, qui deviendra son mentor, est mis au fait de sa piété. Le curé l’interroge pour savoir s’il veut entrer en religion. Alfred est réticent mais le curé l’assure que s’il joignait la congrégation des frères Sainte-Croix, il trouverait le climat de prière qu’il recherche tout en se rendant utile. Un an plus tard, en novembre 1870, il entre au noviciat des frères Sainte-Croix au collège Notre-Dame de Montréal. Le 27 décembre, Alfred Bessette prend l’habit religieux et le nom de frère André en l’honneur du père Provençal qui porte ce prénom.

Il est un frère convers au service de sa congrégation et son supérieur lui confie la fonction de portier du collège. Encore là, il est l’homme à tout faire. Il lui demande aussi de laver les plancher, nettoyer les lampes, faire les courses, rentrer le bois de chauffage, agir comme barbier, infirmier, s’occuper de l’arrivée du courrier et des colis, et tout cela malgré que sa santé soit toujours mauvaise. Mais, à cause de sa condition physique, son supérieur refuse qu’il soit admis à la profession religieuse et ne l’autorise qu’à prononcer des vœux temporaires.

Le frère André a développé durant toute cette période un amour pour Saint-Joseph. Cette vénération instinctive vient du fait qu’il se reconnait dans ce dernier qui fut un travailleur, un homme dans l’ombre, simple, dédié, jovial et responsable. Ces qualités renforcent la spiritualité à tendance familiale avec laquelle le frère André est à l’aise. De plus, en décembre, le pape Pie IX nomme Saint-Joseph patron de l’Église universelle et cette déclaration renforce son attachement à ce dernier. L’archevêque de Montréal, Ignace Bourget, a aussi une grande dévotion pour Saint-Joseph et espère même construire un jour une église qui lui sera dédiée dans son diocèse. La foi du frère André en ce saint l’impressionne et l’archevêque le rassure qu’il pourra prononcer ses vœux permanents. Ce qu’il fait en février 1874. Il a 28 ans et demi.

Parmi les frères au collège, il y a le frère Aldéric qui souffre depuis longtemps de douleurs physiques importantes. Le frère André le console, prie pour lui et lui suggère de prier Saint-Joseph et de se frictionner avec de l’ « huile de Saint-Joseph » (elle vient de l’huile d’olive qui brûle devant la statue du saint dans la chapelle). Quelques jours plus tard, la douleur a disparu et le frère Aldéric ne se gêne pas pour parler de guérison par le frère André. La nouvelle se répand rapidement de bouche à oreille et le petit frère André, homme d’à peine plus grand que 1,51 mètres, se voit soudainement affubler du qualificatif de thaumaturge, l’homme des miracles. Un nombre croissant de visiteurs malades viennent le consulter à sa chambre de portier à l’entrée du collège. Il les reçoit tous, leur dit de prier Saint-Joseph et affirme : « Ce n’est pas moi qui guérit, c’est Saint Joseph ». Le médecin du collège s’offusque et se plaint de voir des malades à proximité des étudiants. D’autres le traitent de charlatan, de « vieux graisseux ». Par contre, les étudiants l’aiment.

Le nombre de visiteurs devient trop important pour les autorités du collège, qui ne partagent pas les critiques du frère André, et ils lui suggèrent de recevoir les « malades » dans un abri, situé de l’autre côté de la rue au bas de la montagne, qui sert à ceux qui attendent le tramway. L’immense terrain face au collège devient la propriété de la congrégation et s’étend du chemin de la Reine-Marie au sommet de montagne. Les pères et les frères Sainte-Croix le nomment Parc-Saint-Joseph. Il sert à l’agriculture et à la récréation des élèves du collège. Le frère André installe, avec des amis, une statue de Saint-Joseph dans une niche construite sur le Mont-Royal et invite ses visiteurs à le suivre le long d’un petit sentier qui mène à ce lieu qui devient un endroit de prières. Plusieurs se disent guéris par lui et laissent des ex-votos pour témoigner de leur guérison. Les visites ne cessent d’augmenter, au point que le frère André veut y ériger une chapelle. L’archevêque et le supérieur du collège acceptent la demande de construction à la condition qu’elle soit payée entièrement par les amis du frère André. En un rien de temps, les dons affluent et la chapelle est construite et tous les accessoires, ornements et statues nécessaires au culte font partie de l’ensemble. Elle est inaugurée le 16 octobre 1904. C’est le départ d’une grande, belle et incroyable aventure.

Des pèlerinages sont organisés durant la saison chaude et motivent un nombre toujours grandissant de pèlerins à y assister.

La chapelle devient vite trop petite et est agrandie quatre fois de 1908 à 1912. Tous les frais sont toujours payés par les malades, les dévots et par ceux qui recherchent de l’aide dans leur vie. En 1910, il quitte sa responsabilité de portier au collège Notre-Dame et dira cette phrase devenue célèbre : « Quand je suis entré en communauté, mes supérieurs m’ont mis à la porte et j’y suis resté quarante ans sans partir… » Ses supérieurs qui gèrent l’ensemble de ce qui se passe du côté de la chapelle le nomment gardien du sanctuaire. Ils lui attribuent un secrétaire pour l’aider dans l’important courrier qu’il reçoit. De son côté, l’archevêque Mgr Bruchési, veut s’assurer que tout se développe bien et crée « la confrérie de Saint-Joseph du Mont-Royal » composée de laïques, d’amis du frère André et de bienfaiteurs pour que les responsables lui rendent compte des affaires de l’Oratoire.

Les gens aiment le frère André. Même si de prime abord, il dégage une certaine froideur, il est enjoué, taquin même. Ils voient en lui quelqu’un qui les aime et leur ressemble. Il sait les accueillir, les écouter, les réconforter et les persuader de se fier au bon Dieu. Il donne espoir aux malades avec qui il est gai et tente de communiquer sa joie. Plusieurs affirment : « Le frère André fait partie de nous ». Sa réputation de guérisseur continue de s’accroître malgré qu’il nie posséder tout pouvoir surnaturel. Il dit : « Le monde est bête de penser que le frère André fait des miracles, c’est le bon Dieu et Saint-Joseph qui peuvent guérir, pas moi ». Cet homme déterminé et intransigeant sur les principes est d’une douce bonté et ses yeux expriment une finesse légèrement malicieuse. Très sensible, on le voit pleurer avec les malades et ses visiteurs en écoutant leurs confidences. Il répète sans cesse : « je prierai Saint-Joseph pour vous ».

Comprenant la souffrance des gens qu’il rencontre, il en conclut que « les gens qui souffrent ont quelque chose à offrir au bon Dieu. Et quand ils réussissent à s’endurer, c’est un miracle chaque jour ! ».

Même s’il suggère à ses malades de faire une neuvaine à Saint Joseph, de se frictionner avec de l’huile ou une médaille, actes qu’il qualifie « d’amour, et de foi, de confiance et d’humilité », il les encourage à voir le médecin pour se faire soigner. Son médecin personnel est le Dr. Origène Dufresne, radiologiste reconnu et père de mon épouse. Le docteur est à l’institut du Radium dans l’est de Montréal et le frère André vient le consulter et profite de chaque occasion pour rendre visite aux cancéreux traités à l’étage supérieur de l’institut.


Suite et fin, le 14 octobre 2010.

vendredi 8 octobre 2010

Gaz de schiste : rectifions le tir !

Je m’apprêtais à écrire un texte sur l’exploitation éventuelle des gaz de schiste dont on parle actuellement beaucoup au Québec, lorsque je reçois le « Bulletin aux membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec » qui contient la position de l’Ordre sur cette question importante pour nous tous. J’ai été surpris de voir combien ce document correspond à ce que je pense. Je crois qu’il devrait être lu par tous les Québécois et Québécoises et voilà pourquoi je le republie dans mon blog pour le bénéfice de mes lecteurs, afin d’aider à le répandre. J’encourage chacun à faire de même. C’est une position mesurée, intelligente, non politicienne et essentielle si on veut tous être en mesure de bien comprendre ce dossier complexe et important. J’espère que le PM Charest réagira dans le bon sens !

Claude Dupras, ing.

Gaz de schiste : rectifions le tir !

Le débat sur l’exploitation des gaz de schiste fait rage. Le gouvernement affiche sa volonté d’aller de l’avant. Les riverains des éventuelles zones d’exploitation sont inquiets et se questionnent sur les impacts environnementaux. Les citoyens s’interrogent sur l’intérêt de cette nouvelle filière énergétique. Pendant ce temps, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) se voit confié un mandat très limité et dispose de trop peu de temps pour faire le travail. Le débat risque de déraper sérieusement. Il est temps de rectifier le tir.

Pour quiconque examine le bilan énergétique du Québec, constate notre dépendance envers les hydrocarbures fossiles, voit les cours mondiaux des hydrocarbures et appréhende leur évolution, l’intérêt d’une filière québécoise de gaz naturel apparaît immédiatement. On oublie trop facilement qu’on utilise autant de pétrole que d’électricité au Québec (40 % du bilan énergétique dans les deux cas). Le gaz naturel ne représente quant à lui que 13 % de notre bilan énergétique. S’il était plus disponible, il pourrait se substituer à une partie importante du pétrole que nous consommons.

Le gaz naturel pourrait ainsi s’insérer dans une stratégie visant à réduire nos émissions de GES, notamment dans les transports urbains, les flottes de véhicules, les procédés industriels et pour le chauffage des locaux, là où son efficacité est très élevée. À la clé, moins d’émissions de GES, moins de pollution liée aux hydrocarbures plus lourds et une plus grande indépendance énergétique et économique. De bien belles perspectives !

Les gaz de schiste peuvent-ils assurer au Québec un approvisionnement durable en gaz naturel ? Quels sont les impacts de leur exploitation ? Est-elle soutenable sur les plans environnemental et économique ? En aval, quel est le potentiel de substitution du gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec ? À quelles conditions les Québécois profiteront-ils au maximum des retombées économiques ? Comment cette exploitation s’inscrit-elle dans une stratégie de développement durable ? Pour répondre à ces questions, il faut examiner la filière des gaz de schiste dans son ensemble, de l’extraction du gaz jusqu’à son utilisation.

Ce serait un beau mandat pour le BAPE, qui pourrait demander les études nécessaires, les rendre publiques et consulter les citoyens. Malheureusement, on ne lui donne ni le temps ni les ressources pour le faire, et ce n’est pas ce qu’on lui demande !

Le mandat du BAPE est très limité : proposer un cadre de développement de l’exploration et de l’exploitation, et proposer des orientations pour un encadrement légal et réglementaire. Le BAPE doit présenter un rapport au gouvernement au début de février 2011. Un mandat utile, notamment en ce qui a trait à l’encadrement légal, qui devrait être révisé pour rendre obligatoire la production d’études d’impact sur l’environnement pour tout projet d’exploitation de pétrole ou de gaz et revoir la question des redevances. Mais c’est insuffisant.

Ce n’est certes pas avec ce mandat trop limité ni avec ce délai que le BAPE fera un travail approfondi d’étude de la filière des gaz de schiste susceptible d’éclairer les citoyens et les décideurs et d’orienter la politique énergétique du Québec. Ce que l’Ordre propose, c’est une véritable évaluation environnementale stratégique (EES), qui vise à intégrer les facteurs environnementaux à l’élaboration de politiques, de plans et de programmes publics. Encore peu utilisée au Québec, l’EES est reconnue et bien implantée ailleurs au Canada, en Europe ainsi qu’aux États-Unis. L’EES tient compte des impacts cumulatifs d’un ensemble de projets. Elle est préliminaire et complémentaire aux études d’impact détaillées.

Le manque de temps ne devrait pas être invoqué. La mise en place d’une filière de gaz de schiste ne se fera pas du jour au lendemain. Par ailleurs, l’industrie elle-même a besoin de temps pour évaluer le potentiel des gisements, affiner ses méthodes d’exploitation et produire des études d’impact détaillées, à mes yeux essentielles avant d’autoriser tout projet d’exploitation.

Les gaz de schiste présentent un intérêt certain. Sont-ils pour autant la solution extraordinaire dont certains nous font miroiter les avantages ? Il faut prendre le temps et les moyens pour le savoir. Ne pas le faire, ou agir trop précipitamment, pourrait avoir l’effet inverse et jeter durablement le discrédit sur cette filière. Il est temps de rectifier le tir et de se donner les moyens de faire un travail sérieux et approfondi. Et ça, ce n’est pas de l’immobilisme. C’est du bon sens.

Maud Cohen, ing.
Présidente, Ordre des ingénieurs du Québec

lundi 4 octobre 2010

Pourquoi tant de haine envers Jean Charest ?

Jamais ai-je vu au Québec autant des commentaires désobligeants, insultants, exagérés, mensongers, cruels, faux et vicieux envers un homme politique. Même le grand Maurice Duplessis qui a été le maître incontesté de la politique québécoise de 1944 à 1959 et attaqué depuis de toutes parts par ses opposants et détracteurs, n’a pas été sali, diminué et dégradé comme l’est Jean Charest, le premier ministre actuel de la province de Québec. Il ne mérite pas cela. On peut ne pas partager ses politiques, sa façon de gouverner mais de là à le vilipender, le mépriser et le dénigrer comme si c’était un bandit et un scélérat n’est pas correct. Si on en croit ses critiques, on peut penser qu'il est rendu responsable de tous les péchés d’Israël. Les Québécois et Québécoises en font-il le bouc émissaire de toutes leurs angoisses et leurs problèmes découlant de la crise économique ? L’opposition indépendantiste est-elle si assoiffée de pouvoir qu’elle est prête à tout pour le reprendre ? Ou est-ce la faute des médias ?

Je suis surpris de la corrélation entre les invectives contre Charest et celles de l’anti-sarkozysme français. Je lisais ce matin dans le Midi Libre, journal de Provence, que l’antisarkozysme est un thème qui fait vendre. Les magazines jouent sur le rejet du président atypique. Les Unes attirent les lecteurs et sont presque toujours négatives. Marianne a vendu 200 000 exemplaires de plus avec son titre « Sarkozy voyou de la république ». Le Point avec des titres comme « Est-il si nul ? » a vu ses ventes hebdomadaires grimpées en moyenne de 100 000 copies. De même pour l’Express « pourquoi il suscite la haine » et le Nouvel Observateur avec « cet homme est-il dangereux » écrit sur une photo pleine page de Nicolas Sarkozy. On nous apprend aussi que c’est de même à l’étranger en raison de la personnalité particulière de ce président français avec des revues comme Newsweek et The Economist. Seul l’Express, malgré son titre, a dénoncé les attaques virulentes contre la personne de Nicolas Sarkozy.

C’est donc ça. Les médias, particulièrement les journalistes, recherchent systématiquement du sensationnel pour augmenter leurs ventes. On le pensait mais voilà que les chiffres publiés en France le démontrent clairement. Je ne m’en prends pas à tous les journalistes, car plusieurs comme André Noël de la Presse, pour ne mentionner que lui, font un travail de recherche important et ne publient leurs articles qu’au moment où ils ont obtenu des confirmations sérieuses sur ce qu’ils ont découvert. Nous en avons été témoins lors de la dernière campagne électorale à la mairie de Montréal. Les « scandales » révélés par Noël furent vite repris par l’ensemble des médias et chacun visait à trouver et inventer des tournures plus juteuses pour réorienter l’affaire afin qu’elle soit plus scabreuse et excitante. Tout pour attirer les lecteurs. Le maire de Montréal a passé plus d’un mauvais quart d’heure et ne cessait de nier, à gauche et à droite, les insinuations mensongères dont il était la cible.

Les sondages récents placent l’étoile de Jean Charest très bas dans l’estime de ses compatriotes. Avec de tels scores, on peut penser qu’il ne sera pas réélu. Cela est dû aux attaques agressives, violentes et mordantes contre lui de la part des députés de l’opposition à l’Assemblée Nationale, où ils ont l’immunité parlementaire, que les journalistes montent en épingle sans vérifier si ces déclarations ou accusations sont fondées. Ensuite, les médias électroniques les répètent en boucle 24h sur 24. Les médias profitent de la situation, on sait pourquoi, et ne se gênent pas pour faire de gros titres. À eux s’ajoutent les internautes, les chroniqueurs privés, les blogueurs, les billettistes, les sites internet d’informations et spécialisés, etc... On écrit partout, sur tout et on ne se prive pas pour se vider le cœur. Comme on dit : « Jean Charest y goûte ! ». L’affaire Bellemare est en plein développement. La Commission d’enquête Bastarache n’a pas fini son travail. Au lieu d’attendre les conclusions de la Commission, on condamne déjà Charest. Certains, et non les moindres, exagèrent tellement qu’ils prédisent qu’il sera en prison d’ici trois mois.

On oublie tout le passé du premier ministre et ses réalisations. On oublie qu’avec lui, le Québec s’est sorti de la crise économique mieux que tout autre gouvernement en Amérique grâce au gigantesque programme de construction d’infrastructures qu’il a été le premier à lancer avant même que la crise nous tombe dessus. Il l’avait bien prévue.

Je suis loin d’être toujours en accord avec le gouvernement Charest. Par exemple, je n’ai pas aimé son dernier budget et je l’ai écrit. Je lui demande toujours de créer une commission d’enquête sur les coûts de la construction. Il croit que la Police est mieux placée pour faire cette enquête. On verra bien… Mais dans l’ensemble, je n’hésite pas à dire que son gouvernement administre bien nos affaires.

L’opposition actuelle à l’Assemblée Nationale est heureuse de l’anti-charestisme. Elle se pourlèche les babines. Pauline Marois, la chef de l’opposition, hait le premier ministre. Elle ferait mieux d’arrêter d’attiser la haine contre Jean Charest, de se préparer à prendre un jour la relève et de présenter un programme politique de gouvernement capable d’obtenir l’aval d’une majorité des électeurs. Elle devrait comprendre que ces derniers se lassent de plus en plus des critiques généralisées contre Jean Charest, tout comme les électeurs français de celles contre Nicolas Sarkozy. Elle devrait savoir que Martine Aubry (qu'elle vient de visiter à Paris), le premier secrétaire du parti socialiste français, a décidé récemment de cesser d’entretenir l’anti-sarkoxysme car elle perçoit que le battage excessif de publicité négative contre le président de la France commence à faire boomerang et à se retourner contre la crédibilité de la gauche.

Ce sont finalement les électeurs qui décideront du sort de Jean Charest et du parti libéral du Québec.

Pauline Marois ne devrait surtout pas oublier ce qui est arrivé à Montréal aux dernières élections municipales. Le maire dont on prédisait la défaite, à cause de « pseudo » scandales, a été réélu.

Claude Dupras