lundi 22 février 2016

 
Note : mon dernier blog date du 3 octobre 2015, moment où j’ai dû, pour des raisons personnelles, arrêter d’écrire mes textes. Les choses s’étant améliorées, il me fait plaisir de reprendre mes écritures. Merci à mes fidèles lecteurs et de commenter. Claude Dupras 
 
Le 22 février 2016
Le phénomène Trump
La politique américaine actuelle devient, jour après jour, de plus en plus intéressante. Elle se situe aujourd'hui dans la course pour le choix des candidats républicains ou démocrates pour la présidence du pays. Et celui qui ajoute davantage de piment dans ce brouhaha quotidien est le constructeur newyorkais Donald J. Trump qui vise à devenir président des États-Unis sous l’étiquette républicaine.   
C’est au début des années 80 que j’ai entendu parler, une première fois, de Trump. Il avait 36 ans et venait de construire le « Trump Tower » à New York. La réputation de la qualité architecturale et des caractéristiques de ce projet était devenue un sujet de conversation dans le milieu de la construction, particulièrement à Montréal où j’œuvrais. J’étais surpris de ce qu’avait pu réussir ce jeune entrepreneur dans la « Big Apple ».  
Pour construire sa tour, Trump avait dû démolir un édifice art deco, sur la 5e avenue, qu’il avait acheté à la surprise de plusieurs. Faisant fi des exigences municipales de conserver les anciennes façades sculptées du bâtiment existant, il voulait donner une allure contemporaine à son nouveau bâtiment qu’il imagina de 57 étages, une vingtaine de plus que ne le permettait le règlement sur un site si petit.
Trump proposa son plan mais les autorités le refusèrent. Pour les convaincre, il imagina l’idée, révolutionnaire pour l’époque, d’un bâtiment à multiples occupations. Il en dédia une partie pour des grands magasins et boutiques de détail, une autre pour des bureaux d’affaires et une dernière pour des résidences de haute qualité. Il convainquit IBM, propriétaire de l’édifice voisin à l’est, de relier leur bâtiment au sien par une arcade et fusionna ses étages inférieurs aux leurs. Il acheta les droits aériens de l’autre édifice voisin, propriété de Tiffany’s, imagina construire un immense atrium et en fit un espace public respectant les codes municipaux du temps. L’accès aux bureaux supérieurs s’y fera aussi. Cet ensemble plut à la ville et Trump obtint son permis. Mais, il n’avait pas fini car il voulait que la construction soit de très grande qualité afin d’attirer le plus grand nombre possible de personnes du public à son bâtiment. Ainsi, il recouvrit l’espace public de marbre blanc avec veines, de miroirs et de laiton avec sa couleur cuivre-jaune-or dominante. Il ajouta une attraction d’envergure, soit une chute d’eau de cinq étages sur une des parois du hall, visible des boutiques, des cafés, du pont qui traverse l’étang au bas des chutes et des escaliers mobiles. Le tout couronné d’une immense verrière. Dans les années ’80, c’était époustouflant pour un bâtiment commercial privé.
Trump réussit son pari et la « Trump Tower » devint dès son ouverture, un arrêt obligatoire pour les touristes newyorkais. Ce que mon épouse et moi firent, dès l’ouverture du complexe, et nous ne l’avons pas oublié.  
Trump continua sa carrière de promoteur et de constructeur et prêta son nom à des projets de qualité partout dans le monde, incluant Toronto et Vancouver. Il devint aussi une vedette de la télévision américaine avec l’émission The apprentice. Il est très connu et estime valoir aujourd’hui huit milliards $. C’est un success story hors de l’ordinaire qui démontre le talent de cet individu et ses qualités d’administrateur et de promoteur imaginatif et persuasif.
Cette année, Trump a décidé de plonger dans les « primaires présidentielles américaines » pour le Parti Républicain. À ce jour, il mène la course et les pronostics sont très bons pour lui, au grand désespoir de l’establishment du parti qui juge qu’il mine la crédibilité de leur parti et qui cherche par tous les moyens à dérailler sa campagne qui progresse trop positivement, à leur grand souci.
Trump arrive au moment où une grande majorité de républicains est choquée de ce qu’elle qualifie du peu de progrès de leur pays. Pour elle, le gouvernement gruge continuellement dans sa vie personnelle, la dette nationale dépasse toute proportion raisonnable, la politique étrangère est inquiétante, la pauvreté s’étend, les manufacturiers quittent pour d’autres cieux… 
Elle reproche à Obama d’avoir fait des ententes cordiales avec Cuba et l’Iran, le blâme de la poussée islamiste de Daech qui devient menaçante dans le monde entier, craint la modernisation de l’armée russe de Poutine et sa politique étrangère qui prend de plus en plus de place et d’importance sur l’échiquier mondial. 
 
De plus, elle veut abolir le nouveau programme de santé d’Obama, l’Obamacare, qui dérape à cause des honoraires des médecins et des prix de médicaments qui s’envolent. Elle est désespérée de constater que la politique libérale d’Obama s’engrange dans le public et que même les élus républicains, majoritaires au Sénat et à la Chambre des représentants, collaborent avec Obama comme ce fut le cas lors de l’adoption du dernier budget. 
 
De son côté, la droite religieuse est choquée de constater que les maisons de planification familiale, où se déroulent des avortements, persistent et prospèrent.

Et encore…   
 
L’avantage de Trump est qu’il a bien saisi l’inquiétude de la droite américaine. Il sait quoi dire et comment le dire. Il est la voix de l’opposition la plus agressive. Il est le seul qui est vraiment écouté. Il s’élève contre la Presse qu’il qualifie de mensongère et odieuse. Il est intéressant à écouter, à regarder et partout, dans les différents états où il réunit les républicains, les arénas débordent. Il aime à dire aux foules qu’il attire « this is fun ». Oui, ses grandes assemblées sont joyeuses et tout le monde s’amuse au dépend d’Obama, de la Presse, des leaders républicains et des autres candidats dans la course. Ses discours sont à teintes racistes, à propositions souventes fois ridicules sans toutefois affecter son image, bien au contraire. 
 
Trump finance sa propre campagne contrairement à ses adversaires qui reçoivent des centaines de millions de $ de compagnies qui se réunissent dans des groupes nommés SuperPac. Jeb Bush, par exemple, fils et frère d’anciens présidents, a dépensé plus de 100 millions de US$ depuis le début de la campagne qu’il a affectés à de la publicité négative contre Trump majoritairement et contre Marco Rubio, le candidat qui suit ce dernier. Résultat : Bush vient de démissionner de la course, faute d’appui.
 
La Presse, que Trump bafoue, transmet ses discours, son image. Il est la vedette de l’heure, celui qui affecte le plus positivement les cotes d’écoutes. Les dirigeants des médias le savent et le réclament. Il est un phénomène rare en politique car finalement, c’est la Presse qui le honnit qui répand son message et fait sa campagne.
 
Trump n’est pas un idiot. Il sait ce qu’il fait et ça marche. Il sait saisir les manchettes, même avec des propositions irréalistes comme la construction d’un mur entre le Mexique et les USA ainsi que l’arrêt total de la venue de tout musulman dans son pays. Il se maintient en tête des sondages et cela va continuer. Après Iowa (où il a terminé presque premier), New Hampshire (premier) et South Carolina (premier), il est en avance dans les sondages au Nevada et dans tous les prochains états qui voteront bientôt.  
 
La mer de ses supporteurs réagit positivement et aveuglement à ses nombreuses attaques contre ceux qui influencent le pouvoir comme l’establishment et les grandes corporations. La réaction de haine que Trump suscite, souventes fois justifiée, contre ces personnes ou ces groupes alimente sa popularité. Mais cela ne veut pas dire que Trump est le meilleur choix. Ce n’est qu’au moment où ses partisans mettront de côté leurs émotions pour penser à bien servir le conservatisme et la cause de leur pays que nous saurons vraiment si Trump a des chances de gagner la mise en candidature. Peuvent-ils lui faire suffisamment confiance pour lui confier les codes nucléaires ? Ses faux pas, ses positions libérales comme l’assurance santé pour tous (il a louangé le système canadien), sont-elles acceptables par les conservateurs du parti républicain ? De plus, comment déporter 11 millions de Mexicains illégaux et les laisser rentrer sans engendrer des dépenses gouvernementales extraordinaires ? Comment faire payer le mur par le Mexique ? Comment empêcher les musulmans d’entrer aux USA sans réactions mondiales coûteuses ? Comment gagner le vote espagnol et le vote arabe avec de telles politiques? Comment décentraliser le pouvoir, comme le réclament les conservateurs, s’il veut tout faire à partir de Washington ? 
 
Actuellement, Trump a mis l’establishment dans sa petite poche. Peut-il continuer ainsi car toutes les questions précédentes demeurent et méritent réponses ? Trump peut-il demeurer le « candidat teflon », qu’aucune de ses affirmations affecte, jusqu’au 18 au 21 juillet prochain lors de la convention républicaine à Cleveland dans l’Ohio ? 
 
La rage des gens de la droite américaine contre la Presse libérale et la direction inefficace du parti républicain est justifiable. Mais une rage incontrôlée alimentée par un candidat flamboyant, erratique, mal renseigné qui parle fort, cru, qui change d’idée et qui émet des idées libérales par moment sera difficile à gober et risque d’éclater avec les républicains en congrès. Est-ce là que les négatifs de Trump l’emporteront sur ses positifs? Ses propositions irréalistes et flagrantes peuvent-elles être oubliées ? Ses partisans en ont fait un héros capable de sauver l’Amérique mais l’establishment du parti le voit comme un candidat à qui on ne peut confier l’immense pouvoir qu’a un président américain, réussira-t-il à l’arrêter ? 
 
Je n’en suis pas certain. 
 
Claude Dupras