mercredi 29 juin 2016

Les « partageurs » de l’économie collaborative bousculent tout, pour le mieux !

Tout change vite. Nous sommes dans une unique période où le monde se transforme littéralement devant nos yeux. Quelle chance de vivre cela !

Même l’économie est en mutation rapide et ce faisant se donne de nouvelles facettes avec de nouveaux noms : Économie participative, économie collaborative, économie contributive.
Je préfère utiliser le nom « économie collaborative » qui regroupe tous. Elle est basée sur un principe simple : le « partage » dans toutes les sphères de la collectivité.   
On vient de vivre les chocs qu’occasionnent dans l’économie du tourisme le site Airbnb (logement privé dans le monde pour un soir ou plus) et les disputes des propriétaires de taxis générées par Uber (par lequel n’importe qui peut devenir un genre de conducteur de taxi à son compte). Et ce n’est que le début. 
Telle une avalanche, une importante masse de nouvelles idées, de nouveaux projets, de nouvelles entreprises dévale des flancs de l’informatique avec le potentiel d’entrainer dans la boue des entreprises que l’on jugeait indéracinables. Elles prennent le nom de Blablacar (co-voiturage), Zilok (objets quotidiens), TashRabbit, (services d’aide à la personne), La Ruche qui dit oui (Alimentation), Fablabs (la production, la réparation ou le recyclage d’objets), Lendopolis (le prêt direct de particulier aux entreprises), Kickstarter et Crowdfunding (le financement entre particuliers), Kijiji ou Leboncoin (petites annonces gratuites pour la vente de n’importe quoi), Troc ton jardin, La Remise (coopérative d’entreposage et de prêts d’outils d’usage commun), L’Accorderie (l’échange de services), Wikipedia (une encyclopédie), Sweech et Monkeyparking (marché de sous-location pour des places de parking), Streetbank (le prêt entre voisins), le Couchsurfing (hébergement gratuit chez l’habitant), etc…  (Note : plusieurs sont françaises avec noms anglais selon l’habitude des Français)
Les « partageurs », c’est le nom que je leur donne, se sont rencontrés pour définir des règles de fonctionnement du « nouveau monde sans marché, sans état ». De l’utopie, non. L’autogestion devient le mode de l’économie collaborative où le marché libre, la planification étatique, la hiérarchie au travail et les notions de profit et de l’entreprise privée n’existent pas. La société de partage s’alimente de la mise en commun de l’usage des biens de consommation et crée une rupture avec la société industrielle dans le sens que le consommateur n’est plus passif mais devient à la fois producteur et consommateur ou co-créateur. Elle a aussi des préoccupations écologiques et sociales. En somme, elle est une réelle alternative économique qui se construit au fur et à mesure qu’elle grandit et elle perturbera éventuellement des secteurs entiers de l’économie actuelle. Déjà des chaînes hôtelières ressentent les effets, et, par exemple, le président de la française Accord a reconnu avoir négligé l’importance de la compétition de ces nouveaux services et se dédie à trouver des solutions pour marier les deux.   
La plateforme Web, les technologies du numérique et la mise en réseau, dopée par internet, permettent en temps réel de mettre en relation les offreurs et les demandeurs et sont la base de lancement de cette économie. On peut ainsi faire du local à grande échelle et rendre rentable une économie de proximité. Quant aux importants aspects de la confiance et de l’évaluation du risque, on y répond par des statistiques émanant de systèmes de notations capables de rassurer les usagers et les prêteurs. On ne loue pas n’importe quoi de tout croche et on ne met pas son logement à la disposition de n’importe qui ! Airbnb propose 800 000 logements sur son site et 20 millions de voyageurs en ont déjà bénéficié. Ça marche ! Sûrement il y a des problèmes mais des services de médiation et d’assistance juridique se forment. Une solution, le site de micro-assurance Peerby.  
Les idées ne manquent pas : louer une auto lorsque non utilisée ; louer une partie de terrain non occupée à un individu qui recherche un endroit pour un jardin ; louer des espaces de storage au garage ou dans sa maison, partager des cuisines pour la préparation de mets ; créer des bibliothèques virtuelles pour les échanges, la vente, l’achat ou l’emprunt de livres des membres ; faciliter les prêts locaux, les dons, le partage ou le troc de biens ou de services entre individus ; créer un atelier d’outils communautaires bien équipés pour les bricoleurs, un atelier collaboratif où des travailleurs informatiques autonomes peuvent travailler ensemble et créer des prototypes d’objets fabriqués à partir d’équipement informatique, etc… Ainsi, ces économies génèrent des diminutions de coûts sur l’achat d’équipement coûteux, la réduction du transport, des frais d’énergie moindres, etc. Bref, l’important n’est plus de posséder quelque chose mais d’avoir la garantie de pouvoir y accéder n’importe où et n’importe quand.
Ces jeunes qui bousculent le statu quo, se demandent s’ils doivent toujours posséder des avoirs et les accumuler dans une économie où la seule constance est le changement ? Ils rappellent que de tout temps des communautés locales dans le monde se sont auto-organisées pour mettre en partage les ressources, les gérer de façon collective et coopérative et inventer des règles pour les protéger. En fait, rien de neuf ! Est-ce que l’économie collaborative peut déboucher sur des entreprises en biens communs, « sans profit » ?
Ces partageurs comprennent qu’une foule de gens recherchent les mêmes choses et qu’il est possible de leur permettre de les obtenir à de meilleurs coûts, à des prix abordables en agissant en groupe, rapidement, plus facilement et de reprendre le contrôle sur leur consommation de façon indépendante des grandes institutions et de secteurs où les prix sont trop élevés et parfois exorbitants. L’économie collaborative rapproche le producteur du consommateur comme le site La Ruche qui dit oui ! qui met en contact des individus et des producteurs alimentaires locaux ayant des pratiques bio ou artisanales. Ils comprennent ainsi ce qu’ils consomment et en font le choix en toute connaissance de cause.
Et pour coordonner la génération des idées, des solutions, des moyens et encore, il existe une communauté mondiale nommé OuiShare, créée en France, pour favoriser l’économie de partage en impliquant des gens de tous les milieux et démontrer que l’informatique peut servir la communauté et être utile à tout le monde.  Aujourd’hui, elle regroupe des milliers d’adeptes dans plus de 20 pays dont le Canada au Québec à Montréal. Ouishare Québec a comptabilisé plus de 170 programmes très variés (voir lien à la fin pour liste) initiés par beaucoup d’individus qui travaillent généralement indépendamment l’un de l’autre. L’important, c’est de les amener à œuvrer ensemble en réseau afin que leurs solutions soient disponibles au plus grand nombre de personnes possibles et d’organismes locaux.
Il y a aussi le partage des connaissances favorisé par un programme informatique de rencontres entre individus de différentes expériences de vie pour élargir le potentiel de connaissances de chacun. Comme on peut le constater, rien n’est laissé au hasard.  
Actuellement tout cela existe en partie et est en pleine formation, mais les lois et les systèmes de taxation existants ne tiennent pas compte de l’action des partageurs. On a vu le chaos créé par ce manque pour Uber et Airbnb. C’est une étape prochaine et essentielle au Québec et au Canada car, comme en France, l’État et les dirigeants des grandes entreprises solliciteront sûrement éventuellement les services des partageurs en lançant des appels d’offres auprès des réseaux de leurs ateliers collaboratifs que sont les Fab Labs. Plusieurs collectivités sont actuellement de plus en plus impliquées dans de tels réseaux qui fabriquent autrement et à moins cher, telle la ville de Barcelone. L’exemple actuel de la réussite la plus symbolique est la création de la Wikispeed, une voiture à basse consommation, construite en dehors de l’industrie automobile par 44 personnes issues de 4 pays différents et financée par le crowdfunding.
La chroniqueuse française du monde numérique Chrystèle Bazin explique que  « l’économie collaborative est une économie horizontale, non hiérarchique dans laquelle le nombre d’intermédiaires entre les parties est réduit au minimum. Sa structure est une forme d’auto-organisation spontanée, sans gouvernance centrale. Elle remplace autant que possible l’emploi rémunéré par l’automatisation et la participation gratuite de ses utilisateurs ou des indépendants précaires ». La conséquence peut être la destruction massive d’emplois et la libéralisation du travail. L’économie collaborative qui est progressiste peut créer à moyen terme des problèmes à notre société qui devra s’adapter pour suivre l’évolution du nouveau monde.
Claude Dupras