vendredi 25 mars 2016

L’affront à Marine Le Pen

Marine Le Pen est venue au Québec. Cette femme députée de France et de l’Union Européenne, cheffe du parti français le Front National (FN) qui est actuellement le premier des partis de France (celui qui obtient le plus de votes), avait pensé venir rencontrer les Québécois pour parler politique française et internationale. Elle s’attendait, comme démocrate, à être reçue poliment et avoir l’opportunité de discuter normalement avec ses homologues québécois et la presse pour mieux faire connaitre le FN qui grandit d’élection en élection, prend de plus en plus de place sur l’échiquier politique de la France puisqu’il dirige maintenant des régions gouvernementales et plusieurs villes dont des grandes. Son influence de plus en plus importante mérite d’être connue et comprise par les citoyens québécois et canadiens et elle avait raison de venir nous rencontrer pour mieux se faire connaître et expliquer ses positions politiques.

Elle a été reçue comme un chien dans un jeu de quilles. Évitée, critiquée, contestée, insultée, elle a été traitée d’une façon inconvenable, comme si elle n’avait pas droit à ses opinions, comme si nous ne vivions pas dans une démocratie, par des personnages politiques qui ont démontré au monde, en quelques jours, la petitesse de la politique québécoise. Du PM québécois Couillard, aux chefs des oppositions Pierre Karl Péladeau (PKP) et François Legault, ce fut honteux de les voir refuser de la rencontrer et de réagir avec politesse ne serait-ce que par respect pour les institutions politiques françaises. Ils semblent ne pas avoir compris que le FN est, en France, de plus en plus considéré comme un parti comme un autre. Que les choses changent ! C’est le journaliste du journal Le Monde, Jean-Yves Camus spécialiste de l’extrême droite, qui a écrit il n’y a pas tellement longtemps « il faut admettre que la formule consacrée selon laquelle le Front National serait un parti antirépublicain, véhiculant le racisme et l’antisémitisme, n’est plus opérante ».
Nos personnages politiques et nos journalistes ont agi par ignorance et ont démontré leur retard sur l’évolution de la politique en France.
La presse locale, française et même mondiale s’est empressée de rapporter, comme il se doit, le déroulement de ces quelques jours de Marine Le Pen au Québec où le tout s’est terminé par une entrevue mal ficelée, d’une trentaine de minutes, à l’émission 24/60 de Radio Canada, animée par la journaliste expérimentée Dussault qui a agressé malhabilement et injustement Marine Le Pen avec des questions et des sous-entendus insensés sans rapport réel avec l’opportunité d’une telle visite chez nous.
Le Front National est un parti de droite. Souventes fois et encore aux dernières élections, pour gagner des votes, ses adversaires politiques n’ont cessé de le qualifier d’extrême droite dans la lignée des partis fascistes de la deuxième guerre mondiale en Italie et en Allemagne, même si ce parti n'est que quelque peu à droite de la droite traditionnelle. Il est moins à droite sur certaines politiques que le parti conservateur du Canada et beaucoup moins à droite que les politiques défendues par le candidat républicain Donald Trump.

En France, les adversaires du FN trompent l’électorat et cherchent continuellement à créer la peur de la venue au pouvoir d’un tel parti. Malgré les campagnes négatives à outrance, le FN a grandi d’élection en élection et aux dernières élections européennes à maximisé son électorat dès le premier tour pour devenir le premier parti de France au point qu’il peut même l’emporter seul au 2e tour en allant chercher des votes chez les abstentionnistes et dans les autres partis, mettant fin à la formule du passé du « front républicain solide » qui se créait (droite et socialiste) pour le bloquer. La donne politique en France a changé.
Le Parti Socialiste (PS) d’Hollande et le parti Les Républicains (LR) de Sarkozy ont donné, suite à des revers importants, le pouvoir au FN, pour une première fois dans des départements français. Il en a gagné deux plus un grand nombre de villes.
De plus, malgré les évènements tragiques comme la tuerie de Charlie Hebdo, le FN s’est haussé à 30% d’opinions favorables, alors qu’avant il callait dans les sondages lors de telles situations.
Marine Le Pen a changé le Front National depuis qu’elle le dirige. Elle a mis de côté l’antisémitisme du père et récupéré plusieurs éléments du programme de la gauche, comme la laïcité et la défense des emplois industriels contre l’Union européenne. Les milieux populaires sont tentés par Marine Le Pen et le PS a beau crier, il ne répond plus aux motivations de ces lecteurs.  (Journal Le Devoir)
Depuis les 15 dernières années, je vis en France 4 mois par an dans un village de Provence près d’Avignon. Toujours intéressé par la politique, j’ai appris à connaitre mieux la politique française, ses partis, leurs programmes et ses personnages. J’ai suivi chaque élection de près, qu’elles soient présidentielles, départementales, municipales ou cantonales. J’ai vu et entendu sur la télévision française et la radio française, les débats, les grands discours, les commentaires d’analystes politiques chevronnés, les interviews des principaux joueurs, etc.. Je dois admettre que cela n’a rien à voir avec ce qui se passe au Québec ou au Canada. On se retrouve à un autre niveau, supérieur et beaucoup plus complexe.
J’ai suivi la carrière politique de Jean-Marie Le Pen, un homme cultivé et brillant mais surtout un des grands orateurs politiques français. Son problème était qu’il poussait trop à droite et finalement, comme beaucoup de français, j’ai compris qu’il ne pouvait être au pouvoir. Puis vint Marine Le Pen.  
Au début, la nouvelle présidente du Front National, ne m’impressionnait guère. Nonobstant qu’elle projetait une belle image, qu’elle était cultivée, solide, je demeurais avec le souvenir du père et la comparaison atténuait ma curiosité. J’avais l’impression que le parti disparaitrait d’autant plus qu’il y avait une bataille de clans dans les rangs pour la direction du parti.
Mais des élections se déclenchèrent et dans mon village, qui votait en majorité pour le père, j’ai constaté que le vote FN se maintenait et augmentait même. C’était de même dans les villages voisins des départements du Gard et du Vaucluse. Je ne comprenais pas car la presse maintenait une ligne fortement négative sur le FN et ses chefs. Elle en faisait des diables dangereux pour le bien être des français et le futur de la France. La campagne négative était si intense que les supporteurs du FN hésitaient à s’afficher ouvertement et à admettre en privé qu’ils votaient FN.
Avec le temps cela a changé. La diabolisation s’est évaporée au point que plusieurs de mes voisins, amis et connaissances m’apprirent qu’ils votaient FN. Des médecins, des gens d’affaires, des entrepreneurs, des professionnels, des enseignants, des ouvriers, des sportifs qui en ont marre des personnages politiques français actuels et qui veulent de grands changements en économie, en immigration, etc...
Après avoir eu confiance en Sarkozy, puis en Hollande, ils sont désespérés de la situation en France. Ils se sont mis à écouter Marine Le Pen. Et chaque jour, elle a gagné des points et continuent à le faire au point que l’on prédit qu’elle sera au deuxième tour de la prochaine élection présidentielle. Sera-t-elle capable de le gagner ? That is the question !  
Si, à cette élection, Marine Le Pen devient présidente de la France et vient en visite officielle au Québec, nos chefs politiques refuseront-ils encore de la rencontrer? Et si Donald Trump devient président des USA et visite le Québec, vont-ils le boycotter parce qu’il est plus à droite que Marine Le Pen ? Et madame Dussault à Radio-Canada sera-t-elle aussi irrespectueuse ?
Claude Dupras

mercredi 16 mars 2016

La "droite melting pot" des USA

On entend beaucoup parler de la droite et de la gauche en politique. Particulièrement ces temps-ci, avec les élections pour le choix des candidats des deux grands partis américains à la présidence des États-Unis. J’ai pensé faire le point, particulièrement sur la notion de droite, pour aider mes lecteurs dans l’analyse des nombreux discours qui émanent chaque jour sur nos ondes, surtout ceux du parti républicain grâce la préséance qui lui est accordée par les médias à cause de la candidature de Donald J. Trump. Une recherche sur Wikipédia m’a permis de préciser mon texte qui je l’espère sera utile à mes lecteurs.

La notion de droite et de gauche en politique nous vient de la révolution française de 1789. Elle avait rapport à la situation des sièges des députés au parlement. Ceux qui étaient assis à droite étaient des supporteurs de la monarchie. Les opposants étaient à gauche. C’est surtout après 1815, avec la restauration de la monarchie, que les ultra-royalistes furent qualifiés de l’expression la droite. Puis, avec le temps, les politiciens de droite devinrent ceux qui appuyaient la hiérarchie, la tradition et le cléricalisme en réaction contre les autres qui étaient la gauche. À partir du XXe siècle, les pays anglophones ont utilisé ces termes pour définir les tendances idéologiques de leurs partis politiques.
Puis, avec le développement de l’économie, les classes sociales se formèrent et l’influence de la noblesse et de l’aristocratie diminua pour faire place au capitalisme. La droite devint la réunion des conservateurs, des monarchistes et des réactionnaires. La gauche, de son coté, ralliait les défenseurs des droits du peuple.
Avec le temps la droite se divisa en 5 catégories : réactionnaire, modérée, radicale, extrême et nouvelle. 
La droite réactionnaire regarde vers le passé et est aristocratique, religieuse, autoritaire.
La droite modérée est tolérante au changement s’il est graduel et accepte certains aspects du libéralisme dont la domination de la loi et du capitalisme. Elle considère l’individualisme comme malsain pour la société. Souventes fois, elle fait la promotion du nationalisme et de politiques d’assistance sociale.
La droite radicale est une attitude d'esprit intransigeant et sa doctrine est celle de ceux qui recherchent une rupture complète avec le passé institutionnel et politique.
La droite extrême a quatre traits dominants : antidémocrate, nationaliste, raciste et exige une État fort. Par exemple, les partis communistes en Russie, en Chine et ailleurs, le mouvement fasciste de Mussolini et celui des défenseurs de la suprématie de la race d’Hitler.
La droite nouvelle est composée de conservateurs à tendance libérale qui veulent de petits gouvernements, des marchés libres et le respect des initiatives individuelles.
La distinction entre un parti de centre-droit et un parti d’extrême droite est forte. Le premier appuie la démocratie libérale, le capitalisme, l’économie de marché, les droits à la propriété privée, et une assistance sociale limitée pour l’éducation et les soins de santé. Il supporte le conservatisme et le libéralisme économique mais s’oppose au socialisme et au communisme. L’extrême droite favorise un gouvernement super fort utilisant les pouvoirs de l’état pour appuyer le groupe ethnique dominant et sa religion tout en criminalisant les autres groupes ethniques et leurs religions.
La droite rejette souvent les objectifs d’égalité de la gauche. Cela vient de ses grands penseurs du passé, qui l’ont petit à petit définie. Pour ces derniers, les inégalités sociales et économiques étaient naturelles, inévitables et bénéfiques pour la société qui pour être civilisée nécessite l’ordre (le premier parti de droite français se nommait « le parti de l’ordre ») et des classes sociales. Ils affirmaient : « les hommes sont égaux devant Dieu et les lois, mais inégaux pour le reste; la hiérarchie est naturelle et le privilège est la récompense d’un service honorable » (on se penserait aux USA), ou encore « Les hommes furent créés pour être différents et un gouvernement qui ignore cette loi est injuste car il sacrifie la noblesse pour la médiocrité ». Ils « rejetaient l’égalité des hommes car elle minait le mérite personnel, l’initiative et l’entreprise ». Pour eux, il était « injuste de limiter l’initiative personnelle car cela mènerait à l’uniformité sociale et à la médiocrité ». En somme, ils favorisaient la stratification sociale.   
Aux USA, le parti républicain, c’est la droite melting pot. Contrairement à d’autres pays où plusieurs partis politiques représentent chacun un volet différent de la droite, au États-Unis toute la droite est réunie sous un seul chapiteau et deux courants l’animent : le conservateur et le modéré. Chacun a plusieurs factions.
Le courant conservateur regroupe les conservateurs fiscaux, les conservateurs sociaux, la droite religieuse, les patriotes (les nationalistes), les libertariens (partisans d’un état fédéral réduit au minimum), les state’s right oriented (partisans du transfert des compétences du fédéral aux États), les néo-conservateurs (universitaires et intellectuels qui prêchent l’unilatéralisme américain mondial), les paléo-conservateurs (isolationnistes et protectionnistes).
Le courant modéré rassemble les centristes (fiscalement conservateurs), les progressistes (idées politiques et sociales avancées), les républicains de la Nouvelle-Angleterre et ceux de Nelson Rockefeller.
Le parti républicain est surtout proche du monde des affaires et par conséquent compte peu de soutien chez les syndicats. Il considère que seul le Congrès doit légiférer et c’est pourquoi il s’oppose à une interprétation de la constitution par la Cour Suprême, comme ce fut le cas sur le droit à l’avortement. Par contre, il veut que les juges de cette cour protègent les droits des citoyens contre l’abus du pouvoir. Il les choisit suivant leur tendance politique passée afin que leurs jugements soient conformes à la pensée générale du parti.
Le parti républicain est hostile à un système de sécurité sociale universel comme au Canada. Il défend un système de santé individuel, une fiscalité modérée, une intervention minimale de l’état dans l’économie, une sécurité sociale gratuite mais limitée pour les plus âgés et les plus démunis…
Le président Reagan a bien défini ce qu’est le parti républicain dans son discours inaugural de 1981 : « dans les temps de crise, le gouvernement n’est pas la solution à vos problèmes, mais est le problème ».   
Le parti républicain veut de l’ordre, s’oppose à réintégrer des immigrants illégaux, réclame une force militaire forte et le droit de chaque individu à posséder une arme, veut minimaliser les taux d’impôts en diminuant les dépenses gouvernementales et balancer le budget. Pour ce parti, les hommes sont égaux et pour réussir, il faut travailler, sinon « ne vous plaignez pas car votre situation est votre responsabilité et, si vous ne réussissez pas, arrangez-vous avec vos troubles car c’est votre faute ». Il récompense le mérite personnel, l’initiative et l’entreprise. Tout cela, nonobstant les conséquences trop souvent négatives sur les besoins des moins nantis de la population.
Il favorise l’intervention du gouvernement pour voter des lois appuyant les « valeurs religieuses ». Il s’oppose à l’avortement, à la contraception, aux mariages homosexuels... Il rejette les positions scientifiques sur l’évolution, la science si elle est en désaccord avec les enseignements judéo-chrétiens, etc…
La droite melting pot ne reconnait pas les problèmes dus aux changements climatiques et les qualifie d’ « invention socialiste ». Le sénateur Ted Cruz, un des candidats favoris à la présidence au congrès du parti républicain du 8 novembre prochain, a promis de déchirer le document de l’entente sur l’environnement COP21 de Paris, signé par 200 pays, s’il devient président en 2016. Elle rejette une politique d’immigration pour réintégrer les hispaniques entrés illégalement au pays. Elle favorise une politique étrangère unilatéraliste et idéaliste cherchant à imposer la démocratie ailleurs, comme en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Elle craint les musulmans…
Lorsqu’on écoute les discours des candidats républicains actuels à la présidence on réalise qu’ils collent aux principes énoncés précédemment.
Le membership du parti républicain réside principalement chez les riches, les hommes d’affaires, les blancs, les couples mariés avec enfants, les banlieusards, les ruraux et les chrétiens.
Le parti républicain a aussi un establishment fort. C’est un groupe non clairement défini composé de gens puissants (élus, ex-élus, riches contributeurs, penseurs…) qui agissent pour défendre leurs privilèges. Dans la présente course, le candidat Trump attaque, avec raison, ce dernier prétextant qu’il influence l’adoption des lois sur la base de contributions financières des intéressés et non dans l’intérêt du pays. Trump, qui mène une campagne pour gagner, approche de son but. Il se voit soudainement menacé par John Kasich, devenu le candidat de l’establishment, qui vient de remporter sa première victoire dans l’État de l’Ohio où il est gouverneur. Trump craint ainsi ne pas réussir à obtenir une majorité de délégués avant la convention ce qui favorisera le jeu de coulisses par l’establishment pour le battre sur le plancher de la convention, nonobstant le fait qu’il aura obtenu le plus de votes lors des primaires. Belle démocratie !
Qui veut joindre les rangs du parti républicain ?  Moi, NON.

Claude Dupras