samedi 3 octobre 2015

Un monde sans race

En France, on est à cheval sur le mot race. Le dernier incident qui met en relief cette affirmation est la conséquence d’une sortie verbale de l’ex-ministre du gouvernement Nicolas Sarkozy, Nadine Morano, qui a lancé dans une interview à la télévision que « la France est un pays judéo-chrétien, le général de Gaulle le disait, de race blanche, qui accueille des personnes étrangères ». Hors, De Gaulle n’a jamais écrit cela. Ce sont des propos qu’il aurait tenus dans une réunion privée et rapportés par une personne qui les aurait entendus.
Morano a aussitôt été attaquée violemment par l’opposition et la presse en général. Nonobstant cette levée de boucliers, Morano a persisté, signé et répété ses propos à Moscou, où elle était invitée, en affirmant « la France est un pays de race blanche avec des noirs, comme le Congo est un pays de race noire avec des blancs ». Elle semble vouloir dire que tous les membres de la population française, plurielle et métissée, ne sont pas égaux. 
Selon le "Trésor de la Langue Française Informatisé", le mot « race » signifie en biologie : « Ensemble de personnes qui présentent des caractères communs dus à l'histoire, à une communauté, actuelle ou passée, de langue, de civilisation sans référence biologique dûment fondée ». Ou encore « Subdivision de l’espèce fondée sur des caractères physiques héréditaires, représentés pas une population.
Nadine Morano avait annoncé qu’elle serait candidate à la primaire pour le choix du candidat à la présidentielle du parti « les Républicains », ex-UMP, aujourd’hui dirigé à nouveau par Sarkozy. Ce dernier, qui veut aussi briguer les suffrages de la primaire, n’a pas aimé ses propos et l’a renié sur le champ malgré le fait qu’elle avait été l’une de ses plus grandes supportrices durant la traversée du désert qu’il a connue, suite à sa défaite aux mains de François Hollande. Dans un premier temps, il a demandé que l’investiture de la candidature de son parti pour Morano en vue des élections régionales pour le comté de Meurthe-et-Moselle soit retirée. Cela me semble une réaction exagérée.
Mais Sarkozy a été encore plus loin. Il a déclaré vouloir enlever le mot « race » de la constitution de la France. Le parti socialiste a emboité le pas pour se dire en accord avec cette proposition. En fait, ils reconnaissent la proposition de loi adoptée le 16 mai 2013 par l’Assemblée nationale française visant à supprimer le terme « race » de la législation française et à modifier la constitution qui mentionne l'égalité de tous devant la loi, « sans distinction d'origine, de race ou de religion ».
Alors quel mot employé ? Population, ethnie, espèce, sous-espèce, famille, genres… ou est-ce que le mot « origine » couvre tout ?
Au Québec, on accepte de dire « race blanche », « race noire », « race jaune » ou « peaux-rouges » tout en oubliant les autres de couleurs métissées. Et, comme dans l'ensemble du Canada, on identifie, de plus en plus, l’origine ethnique. Ce qui signifie, en fait, que le Québécois ou le Néoquébécois non francophone est d’une « race » différente que celle de la majorité, même si sa famille est au pays depuis plusieurs décennies et qu’il soit né au Québec. C’est ainsi que l’on dit : « lui il est un anglais, un italien, un grec, un polonais, un irlandais, un algérien, un haïtien, un congolais.. ». En fait, le mot race est rarement utilisé. Mais on semble y faire allusion en créant une différence entre chaque individu sur la base des définitions mentionnées précédemment du mot « race ». Pour plusieurs, les vrais Québécois sont les francophones, surtout pour ceux qui espèrent la séparation du Québec de l’ensemble Canadien. Souventes fois, ces derniers dénigrent, même ouvertement, « les anglais » du West Island, le quartier particulièrement anglophone de Montréal. … De plus, lorsqu’ils disent « Nous les Québécois… on ressent qu’ils n’incluent pas toujours les autres dans ce « nous ».
Ce qui surprend dans ce débat en France est le préjudice du monde politique face au mot « race ». Il semble que l’idéal serait un monde sans race.
Le Français moyen ne s’exprime pas trop ouvertement sur ce sujet mais on sent que cela le touche car il réagit. On peut en juger par l’accroissement des rangs et de la popularité du parti du Front National, qui ne craint pas de parler de la défense de la race. Les hommes et femmes politiques des autres partis se montrent très sensibles à ce phénomène et s’inquiètent pour des raisons électorales ? On peut penser que Nadine Morano s’est exprimée comme elle l’a fait sur la place publique car elle craint la débandade de son parti de droite aux élections devant le FN qui gruge ses supporteurs et qu’elle voulait ainsi ramener au bercail plusieurs égarés.  
Mais, ce qui est plus important, ce sont les immigrés et migrants en sol de France depuis la guerre d’Algérie, particulièrement ceux des dernières années, qui s’inquiètent que leur pays d’adoption ne soit pas à la hauteur de sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité », si le Front National gagne le pouvoir.  

Claude Dupras