mercredi 24 août 2016

Le Québec va bien !

Pour le chroniqueur, « intellectuel » et séparatiste, Mathieu Bock-Côté (MBC), le Québec se dissout dans l’époque actuelle et serait en danger de disparaître. Je ne partage pas cette opinion défaitiste.

Depuis les 80 dernières années, le Québec ne cesse de progresser. Ce fut le cas lorsque l’ex PM Duplessis fit voter un impôt personnel pour les Québécois en obtenant du PM canadien Louis Saint-Laurent une déduction équivalente de l’impôt fédéral, lorsque le PM Jean Lesage lança la révolution tranquille, lorsque le PM René Lévesque fit voter la loi 101, lorsque le PM Robert Bourassa développa son électricité, lorsque le PM Jacques Parizeau initia une ère de programmes économiques, etc…  En tout temps, sous tous les gouvernements québécois, l’autonomie politique du Québec s’est accrue quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa.

Certains québécois veulent la séparation du Québec du Canada, comme s’ils ne peuvent tenir compte du développement spectaculaire du Québec dans tous les domaines. MBC est réaliste et leur dit qu’advenant un nouveau référendum « le Oui se ferait écraser ». Il appelle cela de la « lucidité cruelle », je dirais que c’est de « l’évidence criante » constamment niée par les séparatistes. Pour lui, le « Québec va mal ». Pour moi, il va bien. Et j’en suis bien heureux pour mes petits-enfants qui bientôt y contribueront, comme mes ancêtres, moi et mes enfants l’avons fait, et cela toujours en français en respectant nos compatriotes de langue anglaise.
Le passé catholique du Québec nous a laissé une base solide pour se lancer. Nous nous sommes transformés du tout au tout, dans tous les domaines, particulièrement dans ceux de l’éducation, de la culture, du génie et des affaires. Nous avions nos curés, nos intellectuels, nos penseurs, nos défenseurs de la race. Nous avons maintenant tous ceux-là, moins les curés, avec en plus nos leaders, nos chefs d’entreprise, nos banques, nos bâtisseurs, nos artistes, nos succès, nos exemples, nos motivateurs, nos associations.
MBC affirme « l’heure est à la déconstruction ». Pourtant, nous sommes plus que jamais dynamiques, d’avant-garde, progressistes, ouverts à tous les peuples et aux mouvements mondiaux dans lesquels nous nous engageons avec enthousiasme. Nous nous respectons ainsi que les autres. De plus en plus d’entre nous deviennent par leur éducation, leur culture, leur travail, leurs voyages et leurs expériences des citoyens du monde tout en demeurant profondément Québécois. Notre école nous y prépare et ce n’est pas négatif, car nous maintenons notre identité. Nous sommes devenus des gens forts, solides et réalistes qui avons développé une société à notre image. Et nous œuvrons non seulement chez nous mais aussi sur la planète dans plusieurs domaines tels le génie, l’informatique, le commerce, l’enseignement, les affaires, la recherche, la médecine, l’espace et encore… 
En 1955, je fus un des 105 diplômés de Polytechnique, aujourd’hui ils sont plus de 3 500. Ce fut la même progression aux universités McGill et Laval. En plus, nous avons l’ETS, une nouvelle école d’ingénieurs à Montréal, une autre à Sherbrooke, à Chicoutimi... De même pour les MBA (Master Business administration), il n’y eut aucun diplômé de nos universités en 1955, aujourd’hui près de 5 000 par an en sortent. Une telle progression fulgurante est présente aussi dans beaucoup de facultés universitaires, telle les HEC, dans des domaines anciens et nouveaux. 
En 1955, le réseau d’écoles élémentaires devenait répandu enfin partout au Québec. Pour atteindre ce résultat, le gouvernement a construit en moyenne une école par jour pendant 20 ans. Il n’y avait à Montréal que quelques écoles supérieures sans compter la poignée de collèges et de couvents, dirigés par des religieux (prêtres, frères ou sœurs) qui produisaient des diplômés pour entrer à l’université, comme mon collège le Mont-Saint-Louis. Peu de québécois avaient l’opportunité de se rendre jusqu’à l’université. Aujourd’hui, y accède qui veut grâce au gouvernement du Québec qui a mis-sur-pied des écoles secondaires-polyvalentes et des collèges (CEGEPS) dans toutes ses régions, agrandi, modernisé et multiplié les facultés universitaires et créé l’Université du Québec avec ses ramifications aux quatre coins de notre province.
En 1958, la très grande majorité des entreprises de plomberie, chauffage, ventilation, mécanique, électricité et communication (j’en parle parce que j’y œuvrais), pour la construction des premières écoles élémentaires auxquelles j’ai participé en tant qu’ingénieur conseil et qui répondaient aux demandes de soumissions publiques, étaient très majoritairement anglophones. Quelques entrepreneurs francophones importants n’œuvraient que pour les communautés religieuses. Vingt ans plus tard, elles étaient en forte majorité francophones (pour la construction du village olympique, par exemple). Aujourd’hui, elles sont devenues les plus importantes.
Ailleurs, lorsque les nouveaux quartiers industriels ont ouvert autour de Montréal, leurs entreprises-locataires étaient presque toutes anglophones. Aujourd’hui, allez voir, c’est le contraire et elles se sont multipliées fortement.
En 2016, les nouveaux gratte-ciels de Montréal sont désignés et construits en grande proportion par des firmes à majorité francophone, dont celle que j’ai fondée « Dupras Ledoux Ingénieurs ». Pour les constructions, dans les années ’50, de la Place Ville-Marie, de l’édifice de la CIL ou de celui de la Banque Canadienne et Impériale de Commerce, ce ne fut pas le cas. Même les plans et devis pour la construction du siège social de l’Hydro Québec, inauguré en 1962, furent écrits en langue anglaise.
Et cette évolution magistrale dans le monde de l’architecture, du génie, de la construction, des affaires ne nous a pas empêché de demeurer fermement québécois et de parler français, d’ailleurs de mieux en mieux. Tous les plans et devis d’aujourd’hui sont en langue française. (exemple : avant on disait « check valve », aujourd’hui on dit « robinet de retenue avec clapet oscillant »). Ce n’est pas beau ça ?
MBC affirme que « nous sommes devenus canadianisés comme jamais ». Donc moins Québécois, même si nous croyons l’être. Comme s’il fallait être 100% québécois les yeux fermés et oublier le reste du monde, surtout notre pays le Canada. Il prétend que « le régime de 1982 entre dans nos têtes », comme si nous, les francophones, ne sommes plus des Québécois pure laine et que nous avons accepté le fait que la constitution canadienne ne soit pas encore signée par le Québec. Personne parmi celles que je connais, même les plus fédéralistes, acceptent cette anomalie, qui un jour devra et sera corrigée.
Pour MBC notre « culture française devient optionnelle », comme si le fait de vivre, particulièrement à Montréal, au centre de près de 100 cultures différentes, nous nous sommes laissés endormir par elles au point de mettre de côté notre culture française. Il ajoute « le Québec contemporain est tellement fier d’être émancipé qu’il n’est plus capable de penser la domination qu’il subit ». Est-ce que je rêve, car je ne vois pas mes compatriotes dominés ou se sentir dominés par qui que ce soit ?
Et il ajoute : « Et la langue française se laisse dévorer par l’anglais ». Oui, nous utilisons certains anglicismes comme les Français emploient des noms et mots anglais à tour de bras. Dans le monde entier, c’est ainsi car la langue anglaise est dominante. Mais lorsque nous écrivons en français, il est rare que nous en utilisions même si nous ne possédons pas tous notre grammaire comme nous aimerions. Le français parlé à la radio, à la télévision et écrit dans nos journaux est bien et correct. Si MBC se choque d’entendre quelques fois parler la langue anglaise sur la rue Ste-Catherine ou sur le Plateau à Montréal, à cause du tourisme et des montréalais anglophones qui y vont faire leurs achats ou profitent de la bonne restauration, qu’il aille à Paris sur les Champs-Élysées où il entendra parler en plus, le chinois, le japonais, l’espagnol et l’arabe. De même sur Oxford Street à Londres où le son est encore plus fort. C’est ainsi dans toutes les grandes villes qui accueillent des immigrés et qui reçoivent de nombreux touristes.
« Le franglais devient la norme ». Il a toujours existé, en tout cas depuis ma jeunesse, et nous l’utilisons de moins en moins. Dire qu’il est devenu la norme est une exagération car la nouvelle norme est que nous le combattons constamment. Il est dû en grande partie à la présence constante du géant américain au sud et à celle des réseaux sociaux. Les anglophones de Montréal n’y sont pour rien. Par contre, il faut reconnaître que de plus en plus de nos compatriotes francophones possèdent davantage leur français, l’écrivent et le parlent mieux que par le passé. Ceux qui ont vécu plusieurs générations le constatent clairement.
« L’immigration massive pèse sur le destin du Québec » s’exclame MBC. Jadis, nous n’avions pas de problèmes avec la croissance démographique. Nos mères nous donnaient des bébés en grande quantité, auxquels venaient se joindre de nouveaux immigrés, en nombre restreint, particulièrement à Montréal.  Aujourd’hui, le taux de naissance ne rencontre pas nos besoins et nous devons faire appel à l’immigration pour les combler si on veut assurer la continuation du développement de notre économie. L’immigration est devenue essentielle. C’est donc à nous de bien intégrer les nouveaux venus dans notre société et du bon travail se fait de ce côté-là par le gouvernement.  
MBC prétend que le contraire arrive à Montréal. « la majorité francophone est appelée à s’intégrer à un nouveau peuple montréalais » qui lui « est moins lié au Québec dans son ensemble ». Je ne le crois pas. Comme dirait un de mes amis anglophones, « It’s far fetched ».
Montréal a toujours été une ville d’immigration. Il y a eu dans ma jeunesse, les Grecs, les Italiens, les Juifs, les Chinois, les Irlandais, les Écossais, les Gallois, les Syriens, les Lithuaniens, les Polonais, et encore... puis les Vietnamiens, les Haïtiens, les Centro et Sud-américains, et d’autres races qui se sont ajoutées au fur et à mesure des drames qui se déroulèrent dans plusieurs pays du monde et qui déversèrent sur nos rives une partie de leurs réfugiés. Ces gens-là, après quelques générations, se sont intégrés à notre société, en bonne partie, et contribuent au développement de Montréal, du Québec et du Canada. Cela est indéniable.
Aujourd’hui, nous priorisons davantage les parlants français comme ceux du Maghreb et d’Afrique et cela malgré les différences de couleur et de religion, et ils s’intègrent relativement bien à notre société.
MBC affirme « Un Québec bilingue et multiculturaliste, ce ne serait pas le Québec ». Pourtant, le Québec par la loi est français et 51.8% de sa population ne parlent que le français, 42,6% sont bilingues (français-anglais) et 4.7% ne parlent que l’anglais, (recensement 2011). Il dit, en somme, que les Québécois de souche et ceux des autres communautés culturelles bien intégrés, ne peuvent faire le Québec ? Vraiment ? Pourtant, tous les francophones que je connais, et leurs enfants, vivent, comme moi, 100% leur vie en français. Toutes leurs entreprises sont françaises et leurs employés francophones ou d’origines différentes sont, en majorité, des parlants français. La langue française est presque de rigueur partout.  Certes, nous écoutons la télé américaine et quelques fois la CBC. Nous lisons des magazines en langues française et anglaise, nous glanons sur internet et regardons des films en anglais. Nous sommes de plus en plus bilingues, plusieurs trilingues, malgré que personne ne veuille rendre le bilinguisme officiel au Québec. Ce fait, je dirais cet avantage, ne diminue pas la qualité de notre français, bien au contraire car elle progresse. Généralement, nos enfants le parlent mieux que nous le parlions à leur âge. Il est faux de dire comme MBC « le français est victime d’un rapport de domination culturelle ». C’est une analyse irréelle.   
Il ajoute, les Québécois « doivent résister à un régime fédéral qui les dépersonnalise », à « une idéologie dominante… d’une mondialisation qui pousse au déracinement des peuples » et pour se faire « les Québécois doivent se sentir d’abord et avant tout des Québécois qui ne se laissent pas digérer par le Canada ». Whew! Pas de Canada, pas de monde. Pour moi, les Québécois se sentent bien comme Québécois où qu’ils soient, au Canada et dans le monde, et ne se laissent pas digérer par personne !
Il continue « le ressort… s’appelle la question identitaire qui redonnera une vitalité politique au Québec ». Pour lui, on doit demeurer ce qu’on était et, en somme, se fermer les yeux sur ce qui se passe ailleurs au risque de se faire contaminer. Pour se faire, il propose « une diminution des seuils d’immigration » et « un renforcement de la loi 101 ». Je partage son opinion sur cette dernière suggestion car elle aidera les francophones à solidifier davantage leur langue et son respect dans le monde multiculturel où nous vivons. Mais diminuer les seuils d’immigration est irréaliste.
Il propose que les Québécois se réconcilient « avec la mémoire d’avant 1960 » et je partage cette opinion car cela va enfin démontrer que « le mythe de la Grande Noirceur » était faux et « toxique » et que cette période a été très positive pour le Québec et le Canada.
MBC critique nos écoles. Il va de soi qu’elles doivent transmettre toujours mieux l’enseignement « de l’histoire, de la géographie, de la langue française, des sciences humaines, de l’autorité … » pour maintenir notre patrimoine de civilisation, mais elles ne doivent pas pour autant diminuer la maitrise des mathématiques, des sciences, de la technologie, de la langue anglaise… Elles se doivent d’être formatrices, dynamiques et d’avant-garde pour préparer nos jeunes à relever les grands défis du monde de demain.
MBC ne dit mot de la situation économique actuelle et future du Québec. Il ne parle pas du domaine de la construction qui va bien… Il n’aborde pas les conséquences des traités passés de libre-échange, du futur du Pacifique, de la perte des emplois du milieu industriel de l’Ontario et de celui du pétrole Albertain depuis la baisse des prix de l’or noir et de leurs effets possiblement négatifs sur le Québec. Il ne semble pas voir les conséquences sur les versements de la péréquation canadienne aux provinces qui seront de toute évidence moindre pour le Québec. De tels sujets ne l’intéressent pas car pour lui ce n’est que la langue et la culture qui comptent.
Il termine son article avec une déclaration surprenante et à mon point de vue irréaliste : « Le Québec est hanté par le fantasme et le désir de sa propre disparition, comme s’il voulait se délivrer d’une culture qui le sépare du reste de l’Amérique ». Il appelle à la « résistance » face à ce supposé déclin. Pour ce faire, il suggère aux nationalistes de se réunir pour prendre le pouvoir, mais seulement ceux qui sont indépendantistes. Pas les autres, comme moi, qui avons été nationalistes et bilingues toute notre vie tout en refusant de séparer le Québec du Canada. Il cherche à copier l’Union Nationale de Maurice Duplessis, mais il le fait à sens unique.
Finalement, il dit : « Pour qu’il y ait un jour un Québec indépendant, il doit y avoir encore un Québec ». Depuis le 3 juillet 1608, le jour où Champlain a débarqué au cap Diamant, il y a toujours eu un Québec et il y aura toujours un Québec. Mais séparé du Canada, le pays que nos ancêtres ont découvert, contribué à créer, à bâtir et où vivent, hors Québec, un peu plus d’un million de nos compatriotes francophones… ce n’est pas pour demain !
Claude Dupras