lundi 31 janvier 2011

Cris d'Égypte: La police secrète sème la terreur

Aalam Wassef est Égyptien. Il a 40 ans. Il est plasticien, éditeur, chroniqueur et blogueur sous une dizaine de pseudonymes ou sous son vrai nom quand le contexte le lui permet. Il écrit un blog. via le journal français Libération, sur la situation de la crise qui balaie son pays, jour après jour. Il est un citoyen du Caire et un internaute qui participe activement au développement de la révolte. Comme tous les autres Cairotes, il veut que le président-dictateur de son pays, Hosni Moubarak, démissionne ainsi que son gouvernement. Il voit dans la démocratie, un avenir positif pour ses compatriotes.

Il est toujours plus intéressant d’être informé de l’intérieur d’une crise, par un correspondant natif du pays et qui a vécu depuis toujours à l’endroit où elle évolue, que par les rapports de médias internationaux qui souventes fois sont trop superficiels. Dans le cas de l’importante crise qui balaie actuellement l’Égypte, de telles d’informations nous permettent de mieux saisir les tensions qui accablent les Égyptiens et les Égyptiennes ainsi que leurs opinions, leurs objectifs et la tendance que prend la crise.

Voici le billet de son blog « Cris d’Égypte », paru le 30 janvier 2011 :

La police secrète sème la terreur

Depuis le 28 janvier au soir des événements inquiétants se produisent en marge des manifestations. Des vitrines du Musée du Caire sont brisées et des sculptures millénaires sont jetées au sol. Des banques sont attaquées. Des dizaines, (peut-être des centaines) de criminels dangereux sont libérés des prisons de Tora, Abou Zaabal, Wadi Natrum el Anater.

Les foyers, à l’échelle de la nation, sont attaqués par des bandes armées jusqu’aux dents qui pillent et terrorisent la population.

La tactique est limpide. Terroriser la population qui demandera à genoux le retour des forces de police qu’elle a combattu.

Il suffirait d’un peu de bon sens pour conclure que des criminels prétendument isolés et indépendants ne sont pas à l’origine de ces crimes. Mais le bon sens ne suffit pas, car l’accusation est grave. Il faut des preuves et il y en a. Elles sont irréfutables.

Avant de les fournir, je voudrais vous décrire la ville du Caire en cette nuit du 29 au 30 janvier. Je vais faire l’impasse sur l’attaque du Musée du Caire qui est une machination médiatique burlesque car nous n’avons pas le cœur à rire.

Depuis les affrontements du 28 janvier, le Caire s’est vidé de l’intégralité de ses forces de police et de sécurité publique. Pas un policier en vue, ni même devant les ambassades ou les bâtiments administratifs. La ville est livrée à ses seuls habitants qui assurent désormais leur propre sécurité, ainsi que la circulation.

A l’annonce de ces raids criminels, dès 18 heures, et toute la nuit durant (du 29 au 30 janvier), des hommes gardent tous les accès à leurs quartiers. Derrière des barricades improvisées ou des barrières métalliques, ils se relaient et contrôlent tous les passages. La présence militaire est mince et jugée totalement insuffisante. Les habitants des quartiers s’arment de barres métalliques, de fusils à plomb, de carabines, de battes de baseball, de couteaux de cuisine, d’armes de poing. D’est en ouest, ce service de protection partage un même code diffusé par l’armée qui permet à celle-ci de distinguer les individus pacifiques des hommes de main de la police secrète. Ce code est un brassard blanc à porter sur son bras gauche.

Les militaires, avec lesquels la population a spontanément passé un contrat de confiance et de solidarité, sillonne les quartiers pour décrire le type de véhicules et d’individus dont il faut se méfier. Une Fiat 127 blanche aux vitres fumées, avec à son bord un homme muni d’une arme automatique ; des ambulances ; des hommes à moto qui passent en éclaireurs pour voir si les quartiers sont gardés ou non ; des minibus touristiques. Ces hommes tirent à balles réelles, pillent, cassent et terrorisent.

Ces hommes de main, nous les connaissons aussi bien que nous connaissons Hosni Moubarak, on les appelle les Baltagueyya. Ce sont les mêmes qui sèment la terreur pendant les élections ou qui sèment le trouble lors de manifestations pacifiques. Ils sont payés par la caisse noire du Parti National Démocratique ou par les services de police. Le butin collecté s’ajoute à leur salaire.

Les preuves d’un terrorisme d’état

1. La preuve du quartier d’El Agouza : deux rôdeurs de 19 et 14 ans sont envoyés en éclaireurs dans une rue du quartier. Ils sont repérés par les habitants qui les arrachent et les giflent jusqu’à obtenir des aveux. Il s’avère qui sont envoyés par des hommes de main de la police secrète qui les ont déposés en minibus.

2. La preuve du centre ville : un témoin oculaire –une de mes connaissances directes- a vu entrer et sortir du commissariat de police du Caire, des véhicules comme ceux décrits plus haut : ambulances, voitures banalisées, motos et minibus. A leurs bords, des hommes en civil armés. Pas d’ambulanciers, donc.

3. La première preuve de l’armée. Des militaires debout sur des chars s’adressent à la population de Suez pour les prévenir des méthodes utilisées par les Baltagueyya de la police. Ouvertement, l’armée pointe du doigt les responsables et rassure la population qu’elle n’est pas dupe des coups bas de la police secrète et qu’elle saura faire la différence.

4. La seconde preuve de l’armée : Monsieur Y est un acteur célèbre de cinéma et de télévision qui a préféré garder l’anonymat. Monsieur Y a appelé le numéro vert mis en place par l’armée pour signaler le pillage et la destruction d’une bibliothèque de quartier, la Bibliothèque Moubarak. Au téléphone, le sergent qui a reconnu le nom et la voix célèbre de son interlocuteur lui répond : « la Bibliothèque… Moubarak, dites-vous ? Laissez les faire et rassurez vous, Monsieur Y. Dès qu’il s’en ira, nous nous occuperons des Baltagueyya. Vous savez de qui je parle en disant « Il » ? « oui », répond Monsieur Y

5. La preuve d’Alexandrie. Le 29 janvier, deux individus armés qui s’attaquaient à une banque sont pris à partie par des manifestants. Ceux-ci les immobilisent, les fouillent et s’emparent de leurs « carnets ». En Egypte, les carnets sont des cartes professionnelles que chacun porte sur soi, comme une carte d’identité. Les deux individus sont des policiers.

La télévision égyptienne diffuse sans interruption les cris de panique des mères de famille.

Aalam Wassef


Je vous recommande de suivre quotidiennement l’évolution de cet important blog égyptien.

En voici l’adresse : http://crisdegypte.blogs.liberation.fr/cairote/. Vous trouverez ce lien dans la liste des blogs que je recommande sur mon blog, colonne de droite.

Claude Dupras

jeudi 27 janvier 2011

Les jeunes arabes au pouvoir

Mon ami Berbère a du flair. Sa longue expérience dans la vie politique de son pays et du Maghreb lui sert bien lorsque vient le temps d’analyser les remous anti-gouvernementaux qui déboulent dans le monde arabe. Il prédisait dans un billet en date du 16 janvier 2011, de mon blog, que « Je crois que le monde arabe vient de commencer une nouvelle page de son histoire présente et future. De plus, je suis convaincu que tous les régimes politiques arabes n'arrivent plus à dormir tranquillement après ce qui est arrivé au président tunisien ».

J’ai cru en sa prédiction et la tournure des évènements est la démonstration de la justesse de son appréciation de l’état de la vie politique des pays arabes. Il a vu les chambardements qui s’annoncent dans ces pays.

Et ce ne sont pas les islamistes fondamentalistes qui sont à la base de ces révoltes, mais les jeunes qui sont en colère parce sans emploi et sans avenir. Il y a longtemps qu’il broute du noir. Mais maintenant, ils ont enfin à leur disposition l’arme capable de renverser leur gouvernement respectif : les réseaux sociaux d’internet (Facebook, Twitter…), et ils les utilisent à fond.

Voici, à la suite, un nouveau texte de mon ami que je m’empresse de présenter à mes lecteurs.

Claude Dupras


Cher ami,

Je vais peut être te surprendre en te demandant pourquoi le monde occidental s'inquiète du renforcement des mouvements islamistes à travers le monde arabe en particulier chaque fois qu'une société arabe se révolte contre le régime politique qui l'a opprimé depuis des décennies.

Tout d'abord, je ne crois pas qu'il y a une idéologie islamiste unique et qui explique les mouvements comme les islamistes égyptiens (les frères musulmans) ou les islamistes tunisiens ou les islamistes algériens, sans parler des islamistes de tout bord de la péninsule arabique. Ces mouvements islamistes se révoltent tout d'abord contre les régimes politiques arabes qui ne font qu'imiter les valeurs culturelles occidentales sans pour autant les mettre en application. La publication des fameux papiers palestiniens par El Djazeera (voir note à la fin) nous donnent les raisons pour lesquelles l'islamisme politique ne fera que se renforcer à travers tout le monde arabe, même durant cette période de révolte tunisienne, égyptienne, yéménite ou algérienne.
Ceci étant dit, je ne crois pas que les islamistes fondamentalistes finiront par vraiment prendre le pouvoir dans un pays arabe ou un autre. Les jeunes « révolutionnaires » les en empêcheront.

Mon plus grand souhait aujourd'hui est de voir l'avenir de la Tunisie défini non pas par les partis politiques de ce pays mais plutôt par tout d'abord l'UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) et les associations de tous genres représentant cette société où les jeunes sont impliqués.

L'avenir de tout le monde arabe dépendra énormément de l'évolution de la transformation politique de la Tunisie. S’il y a une société arabe capable de vraiment construire un système politique capable de servir toute la société, c'est bien la Tunisie. Aucun autre pays arabe n'a une classe moyenne aussi importante que la Tunisie. Et cette classe moyenne n'a rien à envier aux classes moyennes européennes et surtout françaises.

Ceci étant dit, nous ne devons pas oublier qu'il y a tout de même en Tunisie, un régime basé sur l'armée et surtout les services de sécurité. La révolution tunisienne devra trouver un moyen de démanteler cet appareil politico-militaire.

Ton ami

Note de C.D. : La chaîne Al-Jazeera a révélé des centaines de «documents confidentiels» relatifs aux négociations israélo-palestiniennes, montrant selon elle que les négociateurs palestiniens étaient prêts à d’importantes concessions sur Jérusalem et le sort des réfugiés.

dimanche 23 janvier 2011

Harper : cinq ans déjà !

Stephen Harper, premier ministre du Canada, est au pouvoir avec son parti conservateur (PC) depuis cinq années. C’est pas mal pour un gouvernement minoritaire. C’est même très bien puisque c’est un nouveau record. Il faut quand même lever notre chapeau devant l’habilité de cet homme politique.

J’ai écrit plusieurs billets de mon blog traitant des politiques de Harper. Plus souvent qu’autrement j’étais en désaccord avec lui. J’en étais moi-même surpris puisque j’ai toujours été membre actif du parti progressiste conservateur du Canada (PPC). J’ai vite compris que le PC n’est pas le PPC. Plusieurs de mes lecteurs m’ont fait remarquer que je n’étais pas tendre avec notre PM. Ce n’est pas exact car je respecte l’homme mais je ne suis pas en accord avec un grand nombre de ses politiques.

Comment être avec lui sur les questions environnementales alors qu’il a boycotté l’accord de Kyoto et refusé de contrôler le développement des sables bitumineux d’Alberta ? Comment l’être sur sa politique d’abolir le registre des armes alors que ce dernier est appuyé par toutes les forces policières du Canada; sur sa décision d’éliminer les subventions annuelles aux partis politiques avec lesquelles ceux-ci financent leurs activités et les libèrent en grande partie des influences des donneurs de fonds; sur sa position unilatérale favorable à l’État hébreu dans ses conflits avec les Palestiniens et les Libanais, alors que le Canada a toujours été neutre afin d’aider au règlement de ces disputes.

Comment être avec lui lorsqu’il se campe sur son idéologie de droite et veut transformer nos institutions; lorsqu’il cherche à implanter au Canada les politiques du parti républicain des USA en rapport avec la sécurité policière à outrance, la construction de nouveaux pénitenciers, le durcissement des pénalités alors que la criminalité baisse au Canada ; lorsqu’il a lancé nos soldats dans la guerre ingagnable de l’Afghanistan, dépensé des sommes mirobolantes pour des équipements et des armes militaires alors que le Canada ne s’était même pas engagé dans la guerre d’Irak malgré les fortes pressions de GWBush; lorsqu’il a montré une insensibilité incompréhensible pour le jeune Omar Kadhr toujours prisonnier à Guantanamo; lorsqu’il autorise son parti à faire des campagnes publicitaires ouvertement démagogiques contre ses adversaires dans le but de mousser sa popularité; lorsqu’il se durcit contre le Québec parce que le PM Charest défend les intérêts des Québécois en matière de langue, de culture et défend sur les tribunes internationales une politique pro-environnementale qui est à l’opposé de la sienne; lorsqu’il insiste pour créer une commission pancanadienne des valeurs mobilières alors que ce domaine est de juridiction provinciale ? Je m’arrête là car c’est déjà beaucoup trop.

Que doit faire notre PM pour vraiment gagner le Québec et obtenir la majorité dont il rêve à la Chambre des communes ? Il doit recentrer sa politique. Oublier les idéologues réformistes de son passé et comprendre que les Canadiens sont généralement centristes. Et, s’il décide de bouger sur l’échiquier politique, il devra faire la preuve qu’il est sérieux puisque les Canadiens craignent qu’il profitera d’un pouvoir majoritaire pour implanter ses politiques trop à droite.

Il semble qu’une élection fédérale peut être déclenchée bientôt. Ce sera le temps pour le PM Harper de se ressaisir, de se réaligner, de proposer de grandes politiques et de s’identifier à des projets d’envergure. Il veut changer le sénat et le rendre électif. J’en suis. Mais ce n’est qu’une façade pour démontrer qu’il est un démocrate. Je lui suggère plutôt de transformer le Canada en une vraie république. Voilà un grand projet à la hauteur de ceux de ses prédécesseurs.

Claude Dupras

jeudi 20 janvier 2011

Bravo juge Bastarache

Marc Bellemare est avocat. Il a été ministre de la justice du gouvernement du Québec. Sept ans après avoir quitté la politique, il a lancé des accusations graves de trafic d’influence contre le premier ministre Jean Charest et le parti libéral du Québec en rapport avec les nominations de nouveaux juges. Le malheur, c’est qu’il n’avait pas de preuve. Il n’est donc pas surprenant qu’il vienne d’être débouté par le rapport de la commission Bastarache chargée par le gouvernement d’enquêter sur ses allégations.

Un autre malheur, c’est que Bellemare a du charisme, de la facilité à s’exprimer et à montrer de la conviction. Et lors de son témoignage, qui était télévisé, il a su par ses mots, son allure et sa démarche convaincre une majorité de Québécois et de Québécoises qu’il disait la vérité. Il avait l’air vrai.

Un malheur additionnel, c’est que les adversaires politiques du PM Charest et de son parti n’ont cessé d’agir comme si les avancés de l’avocat-accusateur étaient vrais. Ils n’ont cessé de dénigrer le PM au lieu de laisser la commission faire son travail. Un climat malsain s’est installé au Québec.

Au fur et à mesure de l’évolution de l’enquête, il devenait de plus en plus évident que la preuve n’existait pas. Ne voulant pas perdre le bénéfice politique qu’ils retiraient de toute cette affaire, les adversaires du PM se sont mis à dénigrer la personne du juge Bastarache prétextant qu’il était biaisé et n’était là que pour sauver le PM et son parti. Ces adversaires ont profité de la frénésie médiatique qui, de nos jours, s’empare de chaque scandale ou pseudo-scandale et rapporte n’importe quoi, n’importe quand et de n’importe quelle façon, sans tenir compte si c’est vrai ou faux.

Malheureusement, les opposants du PM ont attaqué la réputation d’un avocat de haute qualité, reconnu par ses pairs, qui a été juge de la Cour Suprême du Canada et un bon. Malgré qu’il était clair que le juge Bastarache était un homme de grande stature et ne s’abaisserait pas à s’impliquer dans de petites intrigues politiques, ils ont continué leur campagne démagogique pour le diminuer dans l’opinion publique et préparer le terrain du jour de la présentation du rapport afin que les Québécois aient l’impression que toute l’ « affaire est arrangée ». Quelle irresponsabilité! Avec ce qu’ils sèment aujourd’hui, ils ne devraient pas être surpris si un jour ce soit leur tour.

Par des billets passés de mon blog, je me suis élevé contre certaines décisions importantes du PM Charest. Comme ingénieur, j’ai compris depuis longtemps que ça ne tournait plus rond dans la construction et j’ai été un des premiers à proposer une commission d’enquête publique sur les coûts de la construction. De plus, dans l’affaire du gaz de schiste, j’ai réclamé un mandat plus étendu pour le BAPE qui tient des audiences sur le sujet. Je me suis rallié à l’idée d’un moratoire sur la question jusqu’à ce que cela soit fait et que le rapport soit produit. On ne pourra sûrement pas m’accuser de partisannerie lorsque je répète, avec conviction, que Jean Charest est un homme honnête et intègre. Le rapport Bastarache vient de le blanchir. Charest a été victime d’attaques personnelles et malhonnêtes. Qu’on attaque ses politiques, j’en suis. Mais que l’on ne cherche qu’à le salir pour gagner des points électoraux, je dis non d’autant plus que c’est toute la classe politique qui en subira éventuellement les conséquences.

La politique est importante dans notre vie et ceux qui nous dirigent doivent pouvoir gouverner sereinement. Les campagnes de dénigrement personnel contre les hommes et femmes politiques doivent cesser afin que nous puissions les juger de façon objective ainsi que les politiques qu’ils proposent.

Le juge Bastarache a produit un bon rapport. L’avocat-accusateur n’a pas réussi à faire la preuve de ses allégations. Mais ce qui est plus important, c’est que le juge a reconnu que même si les procédures du passé pour le choix des juges en aient produits généralement des bons, il est nécessaire aujourd’hui qu’elles soient adaptées à nos mœurs actuelles afin d’assurer que dorénavant nos futurs juges soient choisis en toute transparence, objectivité et sans influence. Bravo juge Bastarache pour vos recommandations et merci pour un travail bien fait.

Enfin, j’espère que nos politiciens fédéraux tiendront compte des échos qui viennent du Québec et qu’ils modifieront sérieusement la méthodologie pour le choix des juges de la cour supérieure car il y a là encore plus à faire.

C’est fini le temps d’un gouvernement bleu, juges bleus ! Gouvernement rouge, juges rouges ! Gouvernement péquiste, juges péquistes !

Claude Dupras

dimanche 16 janvier 2011

La « révolution du jasmin » annonce un nouvel avenir arabe

Face à des conditions économiques difficiles, à la corruption et à la répression policière, les jeunes Tunisiens et Tunisiennes ont réussi à chasser le dictateur de leur pays et à créer un espoir nouveau pour leur avenir.

Suite à ces évènements extraordinaires, j’ai reçu un message d’un ami maghrébin. Berbère, économiste éduqué dans les écoles françaises de son pays, en France et aux USA, ancien haut fonctionnaire, il me donne son appréciation de la révolte tunisienne, « la révolution du jasmin », et de ses implications futures sur l’ensemble des pays arabes.

Étant donné la conjoncture politique internationale en rapport avec l’islamisme, ses propos me donnent confiance que des changements majeurs s’annoncent au Maghreb et au Moyen Orient. Et pour le mieux. Je crois que ce message important devrait être lu par mes lecteurs et je m’empresse d’en faire le billet du jour de mon blog.

Claude Dupras

Cher ami,

Qui aurait pensé, quelques semaines auparavant, qu'un petit peuple arabe, allait donner une leçon au reste du monde arabe. Pour la première fois dans l'histoire moderne du monde arabe, les foules tunisiennes ont réussi l'impossible en chassant le dictateur le plus féroce de tout le monde arabe, sans tirer un seul coup de feu.

Mais réflexion faite la Tunisie était en réalité la seule nation arabe capable d'un fait historique comme celui-là.

Depuis très longtemps, je pensais que le peuple tunisien était complètement « soporisé » depuis la période de Bourguiba et avec bien entendu l'appui sans faille de la France et des USA. Mais j'avais oublié qu'après tout ce même peuple a été la seule force réelle contre même l'empire romain, avec Carthage. Durant l'âge d'or de l'empire musulman, la Tunisie avait aussi créé une des plus grandes universités du monde arabe, la mosquée de la Zitouna. Et, finalement, la Tunisie a tout de même été le premier pays de l'Afrique du nord à se révolter contre le colonialisme français en 1954.

Contrairement à la description médiatique du monde arabe islamiste, la Tunisie a une fois de plus démontré que le monde arabe n'est pas ce que les mass-médias occidentaux veulent nous faire croire mais tout de même un peuple musulman, il est vrai mais qui veut après tout rejoindre le reste de l'humanité dans sa lutte contre l'injustice, la pauvreté et surtout le pouvoir dictatorial de la police et des forces armées.

À mon avis, la Tunisie vient de donner une gifle à tous les régimes politiques arabes de l’Arabie saoudite en passant par l'Egypte, la Lybie et l'Algérie. Je crois que le monde arabe vient de commencer une nouvelle page de son histoire présente et future. De plus, je suis convaincu que tous les régimes politiques arabes n'arrivent plus à dormir tranquillement après ce qui est arrivé au président tunisien. Le prochain régime politique a subir les conséquences de ce tsunami politique tunisien sera sans aucun doute celui de l'Algérie. Ensuite nous verrons la chute du régime égyptien de Moubarak, en passant par les régimes Libyens, Syriens et finalement les régimes saoudiens.

En conclusion, je crois et je souhaite surtout que les événements politiques en Tunisie viennent de lancer en fait une nouvelle renaissance de tout le monde arabe, qui en a drôlement besoin avec l'évolution rapide du reste du monde.

Ton ami….

jeudi 13 janvier 2011

Facebook sauvera-t-il le Viêtnam ?

Tout ne tourne pas rond dans la péninsule vietnamienne au moment où, cette semaine, le parti communiste du pays tient son congrès politique pour planifier les politiques des cinq prochaines années et choisir ses nouveaux dirigeants pour cette période.

Depuis ma visite au Viêtnam, en mai et juin derniers, où j’ai été témoin à Hanoi de l’arrestation de la jeune avocate Lê Thi Công Nhân, porte parole du mouvement indépendantiste, j’ai continué à m’intéresser à ce pays.

Mes informations sont à l’effet que la répression contre ceux qui réclament la liberté de parole dans le pays s’est accentuée avec la tenue du congrès. La police de sécurité est devenue très active et fait brutalement pression sur tous les activistes connus pour qu’ils arrêtent leurs actions contestataires. Seize blogueurs ont été écroués comme de vulgaires malfaiteurs. Trois journalistes demeurent en prison alors que d’autres se disent suivis par des policiers en civil qui scrutent chacun de leurs gestes.

Devant le refus de compagnies de services internet publiques d’installer des logiciels capables de suivre les activités de certains sites et des individus qui les utilisent, les réseaux sociaux sur Internet, dont Facebook, ont été fermés par le gouvernement. Ce dernier veut réduire au silence les jeunes vietnamiens, et les moins jeunes, qui utilisent ces réseaux pour se renseigner et faire part des abus aux droits de la personne dont ils sont témoins, de la corruption qu’ils découvrent et des restrictions constantes sur la liberté de parole qu’ils vivent. Le gouvernement ne réussit que partiellement à faire taire la révolte grandissante car les internautes trouvent d’autres moyens pour partager leurs constatations et leurs misères. Ils utilisent des outils de contournement pour se reconnecter à Facebook.

L’avenir immédiat ne s’annonce pas plus rose pour les Vietnamiens et les Vietnamiennes car les candidats au poste de nouveau secrétaire général (l’homme fort) du parti communiste sont des conservateurs endurcis à la mode chinoise et contre toute réforme politique. Il semble que le premier ministre actuel Nguyen Tan Dung est le favori.

Mais le futur gouvernement n’est pas sorti du bois et on peut compter que les critiques n’iront qu’en augmentant. Ce ne sera pas « business as usual ».

En effet, de nombreuses élites urbaines attaquent les ententes économiques de leur pays avec la Chine qui a toujours été considérée comme leur ennemi naturel. C’est la concession d’une mine de bauxite au centre Vietnam, évaluée à plusieurs billions $ qui a fait débordé le vase. Les activistes pro-démocratie ont réagi vivement contre cette décision tout comme des polytechniciens dont Pham Minh Hoang, toujours en prison à cause de cela, et même l’intouchable et fameux général Giap, héros de l’indépendance et de la guerre contre les USA.

De plus, l’inflation galope. Elle se situe à 11% et affecte disproportionnellement les pauvres qui grognent tout comme le font un très grand nombre de fermiers évincés de leurs terres, durant les dernières années, pour faire place au développement rapide. Le nombre de grèves augmente dans les usines fabricantes de produits dédiés à l’exportation. Les écologistes s’élèvent contre la pollution industrielle.

Il y a aussi le secteur des entreprises d’état qui attire les reproches. Subventionnées démesurément par le pays, leur performance n’est pas à la hauteur des attentes. Vinishin, constructeur naval, est au bord de la faillite avec une dette de 4,5 billions $. Les activistes affirment que les entreprises de ce secteur ne favorisent financièrement que les gens du parti communiste et ceux qui gravitent autour de lui, alors que les citoyens de classe moyenne et plus pauvres subissent l’augmentation des prix et la diminution des emplois.

Tenant compte des difficultés dans ce secteur, de l’inflation qui s’accélère, d’un risque de crise de la balance des paiements et de l’affaiblissement du secteur bancaire, les agences de notation financière Standard & Poor’s et Moody’s ont baissé, il y a un mois, la note de la dette à long terme du Viêtnam qu’ils soulignent être sous l’effet de très importantes difficultés financières.

Les pronostics sont que l’économie Vietnamienne peut devenir la 14ième plus importante au monde. C’est quand même extraordinaire qu’un pays qui était près de la famine, il y a à peine 25 ans, en soit rendu là. La pauvreté a été réduite par dix. Le parti communiste vietnamien a imité la Chine et décrété la réforme de l’économie de marché. Ce faisant, plusieurs pays comme le Canada l’ont aidé et, grâce au capitalisme, le Viêtnam a connu une évolution économique vertigineuse qui a permis au parti communiste de maintenir son pouvoir suprême.

Mais la réalité nouvelle pointe à l’horizon. Les critiques sont de plus en plus nombreux et traitent de plus en plus de sujets. Les Vietnamiens veulent mieux vivre et améliorer leur qualité de vie, avoir de bonnes écoles, de grandes universités, maintenir leurs emplois, de meilleurs salaires, assurer un meilleur partage des richesses, être libres de parler et de choisir leurs dirigeants politiques, etc. Ils réclament plus de transparence dans les affaires de l’état afin qu’eux et les entreprises de l’extérieur y voient clair. Seule la démocratie peut leur donner cela et les Vietnamiens le ressentent de plus en plus grâce aux réseaux sociaux d’Internet. Ils ont faim d’en savoir plus.

Facebook, tout comme d’autres réseaux similaires, est l’outil par excellence pour répandre les notions de liberté partout. Et le jour où le Viêtnam basculera vers la liberté, il sera intéressant de déterminer la part que les réseaux sociaux d’internet auront jouée.

Claude Dupras

mardi 11 janvier 2011

Qu’attendons-nous pour imposer la tutelle en Haïti ?

Y a-t-il dans le monde d’aujourd’hui une situation aussi choquante et inhumaine que celle d'Haïti ? La télé ne cesse de nous donner, en ce premier anniversaire de la catastrophe, des images choquantes et désespérantes de ce qui se passe là-bas. Depuis le terrible tremblement de terre, suivi des ouragans et maintenant du choléra qui perdure, plus d’un million de personnes vivent toujours dans une situation précaire, insalubre, difficile. Sans compter ceux qui ont un toit mais qui sont sans travail, sans école et qui souffrent. Rien d’important ne se fait pour eux, sauf pour les soins de santé qui sont prodigués par les organismes internationaux et la distribution quotidienne de nourriture.

Les politiciens n’ont pas de plans. Leurs fonctionnaires ne fonctionnent pas. On dit qu’ils sont à la solde des familles riches qui elles vivent dans leurs grandes maisons et qui se foutent éperdument de la populace et de la classe défavorisée. Ces richissimes égoïstes refusent de céder les terres nécessaires pour relocaliser ceux qui n’ont plus de maison et pour reconstruire les écoles.

Cela n’a jamais été facile en Haïti. J’y suis allé plusieurs fois. Lors de ma première visite en 1961, du temps de Papa-doc Duvalier, j’ai été surpris de la pauvreté de ce pays. Mes visites subséquentes m’ont convaincu que l’on ne pouvait compter sur les politiciens haïtiens pour relever le pays. La corruption était évidente et le pauvre était considéré comme une bête.

Dans mon blog du 15 janvier 2010, « Haïti : plus qu’un « plan Marshall », je soulignais que « plusieurs observateurs, journalistes et blogueurs proposent « un plan Marshall » pour aider les Haïtiens dans cet affreux drame qui encore une fois les accable ». J’ajoutais « Je crois que la grande catastrophe est l’opportunité qui peut permettre aux Haïtiens de s’en sortir définitivement. ». Mais je concluais qu’ « une aide financière à la « plan Marshall » n’est pas suffisante car le pays n’a pas les entreprises ni les hommes ni les femmes capables d’entreprendre la reconstruction totale d’Haïti. Il n’a pas, non plus, les politiciens pour gérer une telle entreprise en toute efficacité et probité. Le pays doit être mis en tutelle par l’ONU. Celle-ci pourrait mandater un groupe de pays de former un consortium pour le rebâtir complètement aux standards modernes. Il ne s’agit pas seulement de refaire les bâtiments, les infrastructures et la reforestation mais aussi de fournir les formateurs, les enseignants, le personnel médical et les spécialistes de tous domaines pour appuyer ceux qui existent, pour en entraîner de nouveaux et bien les intégrer dans la société haïtienne ».

Ce que nous avons vu depuis la dernière année, démontre bien la justesse de cette évaluation. L’ONU a fait l’erreur de se plier devant l’exigence des leaders politiques haïtiens qui, au nom de la souveraineté de leur pays, ont réclamé que la reconstruction de leur pays passe par eux. C’est inimaginable. Ils n’en sont pas capables car ils n’ont pas la compétence requise pour réussir ce grand projet. Ils n’étaient pas capables avant le séisme, ils le sont encore moins depuis. De plus, on ne peut leur confier les dons monétaires promis par tous les pays du monde puisqu’il est de notoriété publique qu’ils n’ont pas la probité nécessaire pour bien administrer et dépenser ces fonds.

L’idée d’un consortium pour la gérance du projet me semble la seule « pratico-pratique » pour arriver aux fins visées. Présidé par l’ex-président américain Bill Clinton, on pourrait y ajouter quelques représentants du président haïtien pour assurer que le gouvernement sache ce qui se passe et collabore afin de faciliter les choses.

Lorsqu’on est démocrate, c’est triste de faire de telles propositions. Mais avons-nous vraiment le choix ? Non ! Peut-on, sans rien dire, laisser ce peuple aller à la dérive et tolérer que la nouvelle jeunesse ne soit pas éduquée pour être capable de prendre la relève un jour et de bien diriger son pays. Non !

Assez, c’est assez ! Agissons !

Claude Dupras

samedi 8 janvier 2011

Les ridicules Républicains américains

Le congrès américain a changé le 1er janvier 2011. Les nouveaux élus de l’élection mi-mandat ont été assermentés et ont pris place à la Chambre des représentants et au Sénat. En très grand nombre, ce sont des Républicains. Dorénavant le parti républicain est majoritaire à la Chambre et a la responsabilité de gouverner. Au Sénat, les Démocrates ont maintenu leur majorité mais leur nombre a baissé. Le président Barack Obama aura donc plus de difficultés dans l’avenir à faire adopter ses réformes.

Les nouveaux représentants ont été élus suite un mouvement anti-déficit et anti-dette qui s’est répandu aux USA, particulièrement dans l’ouest du pays. Immergés par la vague des teapartyers anti-Obama, ces Républicains leur ont promis mer et monde pour se faire élire. Ils doivent maintenant livrer la marchandise.

Dès les premiers jours, deux de leurs propositions m’ont surpris. La première, proposée par les « birthers », est la demande de démission d’Obama sous prétexte qu’il n’est pas né aux USA, comme l’exige la constitution américaine. Ils étaient douze représentants avec plusieurs supporteurs dans les tribunes à faire cette demande. Et cela, malgré que l’endroit de naissance d’Obama ait été clairement établi, qu’il ait produit un certificat précisant qu’il est né en l’état d’Hawaï et que les journaux hawaïens, le jour suivant sa naissance, en aient fait état dans la chronique des nouveau-nés. Ces gens haïssent tellement Obama qu’ils sont prêts à tout pour l’éliminer de la carte politique.

Puis, et là c’est moins drôle, les représentants républicains ont proposé de résilier la loi sur la santé, l’Obamacare, adoptée l’an dernier par le gouvernement et qui ajoutait, enfin, 32 millions de pauvres américains au système de l’assurance-maladie. Les Républicains prétendent que la mise en application de cette loi résultera, à long terme, dans des pertes d’emplois et qu’elle va ruiner les USA en augmentant annuellement le déficit et en faisant croître considérablement la dette. Non seulement leur proposition est indéfendable, mais ils savent qu’elle ne sera jamais adoptée par le Sénat, et que même si elle l’était, le président Obama y opposerait son véto. Donc, cette longue discussion qui s’engage est une perte de temps pure et inutile.

Il en est de même au niveau des états américains où 24 gouverneurs questionnent en cours de justice la constitutionnalité de l’Obamacare.

La proposition républicaine pour l’abolition de l’Obamacare a été examinée par le non-partisan Congressional Budget Office (CBO) qui a remis son rapport jeudi dernier aux représentants, avant le début des débats. Il énonce clairement qu’il en coûterait au gouvernement 230 billions $ pour le 10 prochaines années s’il annule la loi. Les Républicains répliquent et affirment le contraire : la loi coûtera 2,6 trillions $ et ajoutera 701 billions au déficit dans les premiers 10 ans. Leurs projections sont préparées par des lobbyistes du domaine privé de la santé. Qui croire ? Un organisme indépendant nommé par les deux parties ou les données issues d’intérêts privés ?

Questionné, M. Elmendorf, directeur du CBO et économiste respecté, a expliqué que son étude est basée sur la médiane de données techniques, de comportement humain et de facteurs économiques. Les Républicains refusent son approche qui est reconnu dans le monde.

Ce qui devient évident, c’est que les Républicains veulent faire rembourser les déficits par les moins nantis. Ils ont imposé le renouvellement des baisses d’impôts aux plus riches, enlevant ainsi au gouvernement un revenu de 700 milliards $ sur 10 ans. Et, pour réduire le déficit annuel et la dette grandissante, ils prônent toutes sortes de mesures rétrogrades qui s’attaquent aux lois sociales qui aident les plus infortunés, qui contrecarrent, au niveau des états, les moyens de pression des unions de travailleurs afin de diminuer les salaires et les pensions de ceux-ci, etc… et ceci en refusant carrément de couper dans les dépenses militaires.

C’est la démonstration que les Républicains sont prisonniers du populisme des teapartyers et des conservateurs d’extrême-droite et que chacun d’entre eux craint de perdre son siège. À cause de cette emprise sur le parti, c’est un mauvais temps pour les républicains d’être au pouvoir. Voila pourquoi j’espère que les Démocrates sauront se ressaisir et arrêter la marche vers le pouvoir absolu de ces ridicules politiciens républicains.

Claude Dupras

PS. Au moment où j'émets ce message, CNN annonce qu'une représentante démocrate de l'Arizona, une des rares élues de ce parti dans cet état de l'Ouest américain lors de la campagne mi-mandat, vient d'être tirée à bout portant dans la tête. Elle est en danger de mort suite à l'opération. Six autres personnes sont mortes et onze furent blessées. Est-ce un résultat de la haine envers les Démocrates qu'ont semée les teapartyers ? Peut être.. L'enquête le dira.

Il est temps que les Démocrates et les Républicains se traitent avec respect.

jeudi 6 janvier 2011

Une opportunité en or pour les socialistes français

Le parti socialiste français (PS) tiendra sa «primaire» à l’automne 2011 en vue de la désignation par ses membres de son candidat à l’élection présidentielle. Les mises en candidatures se tiennent en juin et sont ouvertes à toute personne de gauche, une première, si celle-ci rencontre les conditions établies par le parti socialiste.

C’est une chance unique pour la gauche française de prendre toute la place médiatique de juin à novembre 2011 car une telle compétition peut devenir fort intéressante et capter l’imagination de tous les Français. Ce résultat est inévitable, si on en juge par les dernières «primaires» américaines qui ont été suivies par des millions de personnes, non seulement aux USA mais dans le monde entier.

Le PS est le seul grand parti politique français qui tiendra une «primaire» en vue de la prochaine élection présidentielle. Le président Sarkozy étant éligible pour un second mandat, son parti, l’UMP, n’aura pas de «primaire». Sur le plan médiatique, le PS sera donc seul. C’est un avantage important.

Déjà, six candidatures sont déclarées, dont celles du député Arnaud Montebourg qui a présidé le comité du PS pour la mise en forme de cette élection «primaire», Ségolène Royal qui a recueilli plus de 18 millions de votes lors de la dernière élection présidentielle contre Nicolas Sarkozy et le député-maire Manuel Valls. D’autres viendront, dont les plus attendues sont celles de Martine Aubry, premier secrétaire du PS et de Daniel Strauss-Kahn (DSK), président du FMI et défait à la «primaire» de 2006 par Ségolène Royal. À ce jour, le grand favori est DSK.

Les médias français traitent de plus en plus de cette élection «primaire» et dès qu’un candidat fait une déclaration pour le moins sensationnelle, cette dernière capte sur-le-champ la « Une » des médias et son propos est discuté en fond et en large.

Il en est ainsi, actuellement, pour la récente position de Manuel Valls sur la question des 35 heures. Cette loi fut proposée par Martine Aubry et adoptée par l’ex-gouvernement socialiste Jospin pour réduire la semaine de travail des Français à 35 heures. La loi fut opposée férocement par la droite et, dès sa prise de pouvoir, le président Sarkozy la modifia pour permettre aux Français de « travailler plus longtemps pour gagner plus ». Que le socialiste Valls propose aujourd’hui de « déverrouiller les 35 h pour permettre aux entreprises d’augmenter les salaires » devient une grosse nouvelle et tous les médias s’en emparent, même si certains la qualifient de « politiquement inepte ».
Je comprends Valls de chercher à faire du bruit pour se faire remarquer et il réussit. À la guerre comme à la guerre !

Mais le plus révélateur est la position du parti socialiste de Mme Aubry, face à cette proposition de Valls. Pour elle, il est inacceptable qu’un candidat au «primaire» propose des changements aux lois qui ont été adoptées dans le passé par un gouvernement socialiste et surtout sa loi des 35 heures. Elle menace d’expulser Valls du PS et le somme de se conformer à la « ligne officielle » sinon... Au lieu d’argumenter, elle fait peur ! On se penserait en Russie de Staline.

Il y a aussi cette rumeur, bien fondée, d’une entente entre DSK, Royal et Aubry. Si DSK est candidat, elles se désisteraient en sa faveur. Quelle idée farfelue, injuste et indigne pour les membres du parti socialiste ! Au Québec, on appelle cela du « paquetage de convention ». Si une telle chose se produit, tout le suspense qui devait être généré par une vraie compétition pour le choix du candidat présidentiel socialiste disparaîtra ipso facto. La presse ne fera plus qu’une couverture minimale de cet exercice démocratique puisqu’il aura été méprisé par ses dirigeants principaux. Ce sera un mauvais calcul de la part de ces derniers puisqu’il ne tiendra pas compte que la bataille électorale est en réalité un commerce d’images et d’illusions.

Pour l’organisation de sa primaire, le PS s’est inspiré de celle du parti démocrate qui a choisi Barack Obama. Il semble qu’il n’ait rien compris. À cette «primaire» américaine, aucun candidat ne s’est désisté en faveur d’un autre. Au contraire, ils se sont livrés jusqu’à la dernière minute une bataille de titans. Ce sont les délégués de tous les états américains qui ont analysé, décidé et choisi leur candidat à la présidence américaine. La confrontation entre les candidats fut dure et intense et ce n’est qu’après l’annonce du vote que les candidats défaits se sont ralliés à Obama. Le parti démocrate sur lequel toute l’attention du monde entier s’était concentrée est sorti gagnant à cause de toute la publicité médiatique que la rivalité entre ses candidats a générée. Les démocrates ont réussi non seulement à faire élire Obama lors de l’élection générale mais aussi une majorité de représentants à la Chambre et une majorité de sénateurs au Sénat. Ces résultats démontrent bien que ce n’est pas uniquement le candidat à la présidence qui bénéficie des retombées médiatiques d’une telle «primaire» mais tous les candidats de son parti.

On me dit souvent que l’approche électorale en France n’est pas comme celle des USA ou du Canada. J’ai toujours montré mon désaccord devant une telle affirmation. Un électeur est un électeur et, où qu’il soit, il suit d’un œil distrait l’évolution de la politique qui le concerne. Mais lorsque son attention est attirée par des ondes positives ou négatives qui sont émises par un incident ou un personnage politique, il réagit en conséquence.

La finale de la «primaire» socialiste française doit être l’aboutissement d’un affrontement sain et réel entre tous ses candidats qui aspirent à devenir président de la France. Ils ont plus de six mois pour se faire valoir. Ce faisant, ils attireront à la longue l’attention de plus en plus de futurs électeurs et les influenceront. Si cette «primaire» est sabotée par des stratèges de cuisine ou par l’intérêt personnel des dirigeants du parti, le PS manquera la marque et cette belle opportunité qui s’offre à lui s’envolera en fumée.

Claude Dupras

mardi 4 janvier 2011

Oh! Là! là! Lula

En 2009, le journal « le Monde » le nomme personnalité de l’année. En 2010, la revue américaine « Time » le qualifie de dirigeant le plus influent du monde. Pas mal, pour un homme né dans la pauvreté et la misère, d’une famille de 8 enfants, qui grandit sans père, quitte l’école à 10 ans pour aider sa famille à survivre en devenant cireur de chaussures, vendeur de cacahuètes, tourneur dans une usine d’automobiles pour être finalement ouvrier métallurgiste. On l’a connu comme Lula, président du Brésil.

Son nom exact est Luiz Inacio Lula da Silvaaudio. Le 1er janvier 2011, il a quitté son poste, obligatoirement à cause de la constitution brésilienne qui limite tout président à deux mandats, et a remis ses charges à son successeur Dilma Rousseff, son chef de cabinet depuis les cinq dernières années et ex-ministre. Elle est la première brésilienne à accéder au faîte de la nation.

Lorsque Lula fut élu, en 2002, président de la cinquième plus grosse nation du monde, je doutais de son succès. Je ne voyais pas dans le résumé de sa biographie l’expérience requise pour diriger un pays qui souffrait tant malgré son potentiel exceptionnel. Encore une fois, j’ai compris qu’il ne faut pas se fier aux apparences !

Dans les années ’60, les travailleurs brésiliens sont mal payés et ne profitent pas de la croissance économique que connaît leur pays. Cela offusque Lula. Petit à petit, il se radicalise. Bon tribun, il joint un syndicat de métallurgistes pour faire avancer les choses. Quelques années plus tard, à ses 30 ans, il est élu président du syndicat. Il réinvente les grandes manifestations publiques délaissées à cause de la dictature militaire du pays des 10 années précédentes. Il se retrouve vite en prison. Après cinq ans d’actions spectaculaires, il quitte le syndicalisme pour la politique, crée le « parti des travailleurs » et le situe à l’extrême gauche. En 1982, il est défait aux élections au poste de gouverneur de l’État de Sao Paulo. Il est finalement élu député fédéral en 1986.

En 1988, la constitution brésilienne est modifiée. Un régime présidentiel et le suffrage universel sont instaurés.

En 1989, Lula se présente sans succès à la présidence. En 1994, il se présente à nouveau mais n’obtient que 27% des suffrages. En 1998, l’économie a repris et il est candidat à nouveau, mais est battu à cause de son discours trop radical. L’establishment a peur de lui.

Le 27 octobre 2002, l’autodidacte Lula est finalement élu et devient le premier président de gauche du Brésil. Pour ce faire, il a modifié son discours. Il a proposé des idées neuves comme la conciliation et la négociation avec « le grand capital », le respect des engagements internationaux du Brésil, la stabilité, le maintien des acquis, l’urgence sociale. En somme, une révolution tranquille. 61% des Brésiliens lui ont fait confiance.

Il hérite d’un pays endetté jusqu’à la moelle et dès son accès au pouvoir, il surprend en ne remettant pas en question les contraintes budgétaires de son prédécesseur ni les directives du FMI. Malgré son passé trotskiste, il opte pour l’économie du marché afin d’attirer les investissements. En 2004, les objectifs du FMI sont satisfaits et les Brésiliens respirent à nouveau. La croissance revient et le chômage diminue. Lula combat la faim et la pauvreté.

En 2005, la fièvre aphteuse bovine coupe dans l’exportation de la viande brésilienne. La corruption et la violence amplifient.

En 2006, malgré une campagne électorale pour le salir, Lula est réélu pour un deuxième mandat sur la promesse que « les pauvres seront traités comme des êtres humains ». Vite, il débloque 2,5 milliards $ dédiés à améliorer la qualité de vie dans les favelas via de meilleures infrastructures : égouts, aqueduc, asphaltage, salubrité… Nonobstant l’opposition du pape Benoit XVI et des menaces d’excommunication, Lula favorise la légalité de l’avortement. Il décrète, malgré l’opinion des généraux, un programme national des droits de l’homme.

Lula a quitté la présidence avec un appui total des Brésiliens et un respect international remarquable. Tous ont reconnu en lui un grand chef politique.

Il était devenu le chef de file des pays de l’Amérique latine et a redonné une nouvelle vigueur à leur économie en favorisant une reprise en main par chacun de leur destin en contrepoids de l’influence américaine.

Sa critique de la mondialisation, son idée de créer un fonds mondial contre la pauvreté, sa dénonciation des paradis fiscaux ont fait de lui un champion sur la scène mondiale.

Il a créé un espoir véritable chez les Brésiliens qui croient toujours en ses objectifs déjà en grande partie accomplis : faim zéro, éducation pour tous, réforme agraire et lutte contre la pauvreté.

Avec Lula, le Brésil est devenu un des grands pays du monde.

Comment ne pas être admiratif devant un tel homme politique. Un autodidacte qui a démontré qu’au manque d’éducation on peut suppléer une grande intelligence et accomplir des choses remarquables. C’est Lula !

Claude Dupras

dimanche 2 janvier 2011

Pauvre Afrique, quand s’en sortira-t-elle ?

Le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, s’accroche au pouvoir. À la récente élection générale, son adversaire Alassane Ouattara a obtenu une majorité de 8%, selon la Commission Électorale Indépendante (CEI). Mais, la Commission constitutionnelle du pays a examiné le rapport du CEI et a rejeté plusieurs bulletins de votes, au point qu’elle a déclaré Gbagbo gagnant. Ça ne sent pas bon !

Depuis, les Nations Unies, les USA, la France, l’Afrique du Sud, le Canada et presque toute la communauté occidentale reconnaissent la victoire d’Ouattara et demandent au président Laurent Gbagbo de faire de même, de démissionner afin que son adversaire soit assermenté nouveau président de la Côte d’Ivoire.

Tout semble bien clair et simple. Mais Gbagbo, qui a été jadis le bébé gâté de l’ex-président français François Mitterrand et des socialiste français, refuse et prétend qu’il est le président légitime, puisque la Commission constitutionnelle, qui par la loi a la responsabilité de légitimer les élections, le déclare élu.

Ce qui m’a surpris, aujourd’hui, c’est l’intervention de deux éminents avocats français en faveur du président Gbagbo. Ce sont Me Jacques Vergès et Me Roland Dumas. Le premier est célèbre surtout à cause des causes qu’il a perdues. Le second a été ministre des affaires extérieures sous Mitterrand. Ce ne sont pas des « deux de pic ». On se rappellera que Vergès a été l’avocat, entre autres, du meurtrier Charles « le serpent » Sobhraj et de sa complice québécoise Marie-Andrée Leclerc, de l’irakien Tarek Aziz, de l’allemand Klaus Barbie, du terroriste Carlos, du kmer rouge Khieu Samphan, etc.

Comment se fait-il que ces deux avocats expérimentés acceptent d’aller défendre un potentat désavoué par la communauté internationale pour des raisons de droit et d’équité. Certains diront que c’est leur devoir d’avocat de défendre ceux qui réclament leurs services et que c’est normal. Mais les avocats peuvent-ils oublier les exigences de la vérité et de la justice. Dumas peut-il, après avoir servi au plus haut niveau international le gouvernement français qui a aidé Gbagbo, se retourner aujourd’hui pour accuser son pays d’ingérence parce que la France réclame le respect du résultat de l’élection ivoirienne? C’est évident que Vergès et Dumas inventeront des arguments pour justifier leur présence et leurs actions, mais leur défense ne pourra pas porter sur l’aspect moral de la situation. Pour créer le doute, ils invoqueront des interprétations techniques, dont plusieurs seront inventées de toutes pièces. D’ailleurs, ils ont déjà commencé à affirmer de telles ambigüités, si j’en juge par la conférence de presse qu’ils viennent de donner à Abidjan et que j’ai écoutée.

Cette élection, qui avait été bien préparée avec l’aide de la communauté internationale, était la solution attendue pour sortir la Côte d’Ivoire de la crise permanente dans laquelle elle était plongée depuis une décennie marquée de conflits militaro-politiques entre le nord du pays et le sud. Il faut craindre que la situation s’envenime de plus belle et que les deux parties, qui sont bien armées, continueront à s’entretuer.

Vergès et Dumas rendent un bien mauvais service aux Ivoiriens, à l’Afrique et à la communauté internationale. Au lieu d’utiliser leur pouvoir de persuasion auprès de leur ami Laurent Gbagbo afin qu’il accepte le résultat de l’élection, ils l’encouragent à continuer à s’accrocher au pouvoir et à défier le monde sans se soucier des nombreux morts futurs que les nouveaux conflits généreront.

Pauvre Afrique, quand s’en sortira-t-elle ?

Claude Dupras

samedi 1 janvier 2011

Bye Bye 2010 : pas fort !

Je viens d’écouter le Bye Bye 2010. C’est la dernière émission de l’année de la télévision française de Radio Canada, sous forme d’une revue humoristique des évènements de l’année qui s’achève. Elle est en ondes depuis 1968 sauf pour les années 1999 à 2006 et est l’émission la plus attendue par les Québécois et les Québécoises.

Elle a connu de grands moments inoubliables comme en 1970 lorsque le comédien Olivier Guimond personnifia un soldat de l’armée canadienne qui garde, la veille du jour de l’an, le domicile d’un bourgeois anglophone de Westmount durant la crise du FLQ. L’homme riche sort à l’extérieur pour prendre un verre avec le soldat qui ne crache pas sur la bouteille. On en rit encore. (voir YouTube : Bye Bye 1970).

Puis il y a eu l’exceptionnelle comédienne et humoriste Dominique Michel qui participa à 17 Bye Bye et donna toujours des prestations remarquables.

Malheureusement, les Bye Bye ne sont pas tous à la hauteur de leurs attentes.

Pour celui d’hier soir, le Bye Bye 2010, la barre n’était pas haute. Malgré que tous les comédiens furent exceptionnels et quelques bons sketchs, l’ensemble manquait de décorum et la majorité des textes étaient tendancieux, insultants, d’une écriture facile et pas drôles. Plusieurs manquaient d’imagination.

Il semble qu’au Québec aujourd’hui, on ne peut faire rire que si on utilise avec force tous les jurons ayant rapport avec notre tradition religieuse, que si on parle un « joual » pire que le « joual » du passé québécois, que si on se moque du clergé (« le sketch : les arriérés ») et que si on tourne méchamment en ridicule les politiciens. Pourquoi, de nos jours, ces auteurs cherchent-ils à nous abaisser ainsi. De plus, je dénonce les libertés qu’ils prennent en moussant, dans une telle émission, les messages politiques dans lesquels ils croient personnellement.

Olivier Guimond et Dominique Michel n’utilisaient jamais un tel langage et savaient se moquer sans mépris par la justesse de leurs mots, de leurs expressions, de leurs gestes et de leur ton. Les scripteurs du temps savaient faire rire tout en étant respectueux de leur auditoire.

Je ne vois plus l’utilité de ce genre d’émission de fin d’année. C’est une dépense inutile. Comme alternatives, il y a le « Bye Bye du Web » où des humoristes donnent leur spectacle et c’est gratuit, et de plus, les fêtes dans nos grandes villes, comme Montréal et Québec, où la télévision de Radio-Canada pourrait permettre à ses téléspectateurs de partager l’arrivée de la nouvelle année avec les centaines de milliers de Québécois et Québécoises qui fêtent avec joie sur les places publiques l’arrivée du nouvel an. Les temps changent, adaptons nous !

Bonne année 2011 à tous.

Claude Dupras