dimanche 31 mai 2009

Marcel Béliveau et la France

C’est en écoutant les nouvelles de TF1, en France, que j’ai appris la mort de Marcel Béliveau. Toutes les chaînes nationales françaises ont rapporté la triste nouvelle. La radio de même. Les journaux régionaux comme « Vaucluse matin » y ont donné une place importante dans leurs colonnes.

Hier matin, le buraliste (chez nous, on dirait le propriétaire d’un dépanneur) où je vais acheter mes journaux quotidiens, m’a accueilli en me disant « votre compatriote québécois Marcel Béliveau est mort ». Je suis actuellement dans un petit village du sud-est de la France et j’ai été surpris d’entendre cette personne me parler de Marcel Béliveau. Et son épouse, qui partage avec lui le travail du bureau de tabac, en réponse à ma question « vous le connaissiez ? » de me dire, « bien sûr, qui ne le connaît pas. Nous avons écouté toutes ses émissions de Surprise sur prise, nous étions des fans assidus ». Et d’autres clients, de me signifier aussi leur accord.

Son émission humoristique a été fort populaire en France et comme Marcel Béliveau y participait personnellement, il a été un des québécois les plus connus des Français. Ils ne l’ont pas oublié !

Je ne l’ai malheureusement pas connu personnellement, mais j’ai suivi sa chronique dans Planète Québec et j’ai été fort impressionné par son courage et sa détermination devant la maladie qui l’accablait. Ce sont les mêmes qualités qui, avec son imagination fertile, lui ont permis d’atteindre ses grands succès d’affaires.

J’offre ma sympathie sincère à sa famille et encourage tous ceux qui le peuvent à aller mercredi au salon funéraire lui rendre l’hommage qu’il mérite pour nous avoir si bien représentés à l’étranger.

Bravo Marcel Béliveau et merci des bons moments que tu nous as permis de vivre.

Claude Dupras

samedi 30 mai 2009

Un maire à notre mesure

L’élection municipale de Montréal se tiendra en novembre prochain et le sujet principal des conversations actuelles, c’est "qui sera le candidat à la mairie ?".

Mérités ou non, les déboires récents qui s’abattent sur le maire actuel Gérald Tremblay affectent sérieusement sa popularité et diminuent sa possibilité d’une nouvelle victoire électorale. Plusieurs observateurs s’amusent depuis à établir le profil du maire parfait pour Montréal.

Pour moi, la réponse est simple, c’est un nouveau Jean Drapeau. Je sais que ce n’est pas une proposition réaliste car un maire comme lui, on en obtient un, comme l’écrit une de mes lectrices, qu’une fois tous les cent ans.

Aujourd’hui, la conjoncture économique menace de nous briser le dos et le maire devra avoir la force de caractère nécessaire pour gérer la période très difficile qui s’annonce.

Il sera aussi nécessaire que le prochain maire comprenne :

Que les citoyens de Montréal recherchent surtout une bonne qualité de vie qui s’exprime par une ville propre, des parcs bien entretenus, de bons services municipaux… un endroit sain pour élever leur famille;

Que les citoyens de Montréal veulent être consultés et qu’ils ont plein d’idées pratico-pratiques sur la vie communautaire, prêtes à cueillir;

Que les Services municipaux doivent être sensibles à ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et épauler les organismes de charité qui les aident;

Que la démographie changeante de la ville nécessite que les néo-montréalais soient heureux et puissent élever leurs enfants normalement. Il doit réaliser que ces derniers seront le Montréal de demain;

Que le civisme est essentiel car une ville sans civisme n’est pas une ville où il fait bon vivre;

Que la culture est de prime importance et un atout important pour le développement de l’économie de Montréal;

Que l’architecture et l’urbanisme ont un impact direct sur la qualité de vie des citoyens de Montréal;

Qu’il doit être pédagogue pour convaincre la population de la justesse des fins qu’il poursuivra et qu’il devra parler politique et non entretenir l’illusion;

Qu’il doit avoir des qualités de diplomate pour assurer la défense des intérêts de sa ville, qu’ils soient d’ordre stratégique, économique ou social;

Qu’il lui faudra le courage de résister aux pressions extérieures ou intérieures, surtout s’il croit qu’elles vont à l’encontre du bien public;

Que le Mont-Royal demeure le joyau de Montréal et doit être protégé intégralement;

Que le passé et l’histoire de Montréal méritent que l’on protège les bâtiments patrimoniaux et les maintienne en bonne condition;

Qu’il doit être ouvert au monde;

Que les décisions du comité exécutif et du conseil municipal doivent être conformes aux lois du Québec et aux règlements de la ville et que les responsables doivent agir avec neutralité et intégrité, en tout temps;

Que tout contrat de la ville doit être accordé au plus bas soumissionnaire, suite à des appels d’offres publiques honnêtement organisés et justes pour tous;

Qu’il doit respecter tous les employés municipaux et les encourager à augmenter leur niveau de productivité tout en sachant que comme un paquebot, « à court terme il est impossible d’infléchir sa trajectoire mais à plus long terme, un bon capitaine peut lui assigner le cap qu’il désire »;

Qu’il se doit d’aider les promoteurs immobiliers et les autres promoteurs d’activités culturelles, sportives ou autres, surtout les jeunes, à développer leurs projets, au vu et au su de la population, sans se cacher;

Qu’il doit présenter, en tant que chef de parti, une équipe unie et composée de personnes compétentes;

Enfin, qu’il doit savoir déléguer, faire confiance à ses collaborateurs et accepter la responsabilité de leurs actes.

Un programme électoral avec de gros projets n’est pas nécessaire dans la conjoncture actuelle car il risque de ne pas se réaliser. Ce qui est important, c’est que les candidats nous démontrent qui ils sont, le dynamisme qui les anime, leur sens d’intégrité, leur vision du futur, leur courage devant l’adversité, leur autorité et leur influence morale. Ils doivent aussi nous assurer qu’ils ont un jugement sûr, droit et averti; un esprit ouvert, une exigence intellectuelle rigoureuse et une capacité d’analyse et de décision. Ainsi, nous pourrons entrevoir leur potentiel de leadership.

Le prochain maire peut avoir 37 ans ou 77 ans car aujourd’hui les jeunes font des choses surprenantes et les « vieux » ne sont plus « vieux ».

Le métro, l’Expo67, les Jeux Olympiques n’ont pas fait l’objet de programmes électoraux. Le maire Drapeau avait été élu pour faire le ménage de la ville, mais il avait des qualités exceptionnelles et a su réaliser de grandes choses lorsque les opportunités se sont présentées. C’est cela un grand leader politique.

Ce texte n’est pas un plaidoyer en faveur de l’un ou l’autre des candidats ou candidates actuels ou qui s’annoncent, ni pour ou contre le maire Gérald Tremblay. Ce n’est qu’un résumé de mes réflexions sur le choix important que nous devrons faire en novembre prochain.

Claude Dupras

mardi 26 mai 2009

Un Montréalais est mort

Mon ami Claude Prince est mort. Il est décédé le 22 mai à l’institut de Cardiologie de Montréal. C’est l’Internet qui a permis notre première rencontre. Puis, Claude m’a introduit à son copain Gérard St-Denis et c’est ce dernier qui m’a ouvert la porte à ma chronique sur Planète Québec.

J’ai bien aimé ce nouvel ami qui s’est avéré un homme vrai, intelligent, simple, sincère, solide, jovial, aimable, enthousiaste et Montréalais dans l’âme. Un Montréalais comme je les aime. Originaire du quartier Rosemont, il fit sa carrière comme haut fonctionnaire à la Ville de Montréal où il participa activement, entre autres, à l’organisation des Floralies internationales de Montréal en 1980. Autodidacte, il avait, depuis sa jeunesse, une passion pour les livres et possédait une bibliothèque importante. Il savait apprécier le beau. Écrivain, il nous a laissé des anecdotes sur sa jeunesse, sa famille, le Montréal d’hier et une biographie du Mahatma Gandhi. Il en a surprit plus d’un en produisant ce dernier ouvrage.

J’ai pensé qu’il serait intéressant pour mes lecteurs, de quelque pays qu’ils soient, de lire une de ses anecdotes. Je l’ajoute à la suite. On y retrouve une partie de l’histoire d’un très grand nombre de familles montréalaises ainsi que celle du Montréal d’antan. Elle s’intitule : Mon père me disait...

Mon père était un homme taciturne et austère. La crise économique des années '30 l'avait brisé et humilié. Chômeur pendant six ans avec une femme et huit enfants à nourrir, il avait perdu tout espoir de s'en sortir et s'était refermé sur lui-même. Il n'a jamais retrouvé sa fierté.

Catholique convaincu, sa foi sans failles l'a soutenu dans l'adversité et la passion qu'il avait pour le chant liturgique lui aura rendu la vie plus acceptable. Durant plus de 60 ans, il a chanté les messes tous les matins sans manquer une seule fois. Il a aussi chanté le "Requiem" et le "Dies Ire" au service funèbre de toutes les personnes décédées dans la paroisse Saint-Jean-Berchmans de Montréal entre 1920 et le début des années '80.

Plus instruit que la moyenne des gens de sa génération, il était particulièrement fier de son diplôme de professeur de chant grégorien obtenu avec distinction de La Scola cantorum de l'Université de Montréal.

Cet homme si humble en toutes autres circonstances, avait fait encadrer son parchemin et l'avait placé bien en vue sur le mur du salon. Il y est resté durant plus de 50 ans dans tous les logements où nous avons habité.

Sa seule passion à part le chant grégorien, était Montréal. Pour donner un peu de répit à notre mère, le dimanche après-midi, il nous amenait mon frère cadet et moi visiter SA ville... Chaque année, il nous faisait faire le tour de la ville dans le "p'tit char en or". La Montreal Tramway Company offrait deux itinéraires et nous les parcourions tous les deux dans la même journée.

Nous habitions alors dans la vieille partie du quartier Rosemont près du tunnel Papineau, du dépotoir municipal et de l'incinérateur des Carrières (l'ancien, celui qui puait).

Lorsque nous allions quelque part, mon père s'arrêtait devant un immeuble ou sur le coin d'une rue, et il disait : ... dans mon temps, la rue des Carrières s'appelait "le Chemin des Pieds noirs"; ce chemin sinueux commençait à l'intersection de l'avenue du Mont-Royal et de la rue Henri-Julien, empruntait l'actuelle rue Gilford, traversait St-Denis passait par ce qui est devenu la rue Saint-Grégoire, rejoignait la partie qui porte aujourd'hui le nom de Des Carrières et allait finir au coin du Boulevard Rosemont et de la 2e avenue. Le Chemin des Pieds noirs n'était pas pavé; il zigzaguait entre les nombreuses carrières qui, depuis, ont été comblées et sur lesquelles sont bâties toutes les maisons que l'on y voit aujourd'hui. On l'appelait ainsi en signe de dérision car les gens qui travaillaient dans ces carrières avaient toujours les bottines couvertes de poussière.

Mon père disait aussi : ... dans mon temps, la rue Papineau finissait à la hauteur de la rue Masson. Le tunnel qui passe sous la voie ferrée et la rue des Carrières n'existait pas. La rue se prolongeait en chemin de terre battue jusqu'au Chemin des Pieds noirs. Plus haut que ça, au nord et à l'est des carrières, c'était la campagne...

Une autre fois, alors que nous nous dirigions vers l'Île Sainte-Hélène, mon père disait : ... moi lorsque j'étais jeune, pour aller sur la Rive-sud, il n'y avait que le Pont Victoria . Le pont Jacques-Cartier dont le nom officiel est le Pont du Havre, n'était pas encore construit. En été pour aller dans l'île, il fallait prendre le bateau et en hiver, dès que le fleuve gelait nous le traversions à pied ou en carriole.

Pire encore, mon père disait : ... moi quand j'étais petit, chez-nous, on n'avait pas encore l'électricité; on s'éclairait à la chandelle ou avec une lampe à l'huile comme celle que maman utilise lorsqu'il y a une panne d'électricité. On n'avait pas l'eau chaude ni même l'eau courante dans la maison; les toilettes étaient dehors près de la grange, on n'avait pas la radio, on ne recevait pas le journal, on ne voyait jamais d'automobile, le cinéma n'existait pas, le téléphone n'était pas encore inventé, etc., etc., etc.

Après avoir pris connaissance de tout ce qui n'existait pas lorsque mon père était jeune, mon frère et moi on s'est dit: "Y peut ben être vieux l'bonhomme... y vivait avant le déluge..." et nous nous comptions chanceux de vivre dans un monde moderne où tout existait, y compris Simpson's, Dupuis & Frères et le Parc Belmont.

La ville de Montréal était toute bâtie; toutes les rues étaient pavées et bordées de trottoirs en dalles de ciment. Non seulement avions-nous le tunnel Papineau, nous avions le tunnel de Lorimier, le tunnel Iberville et tous les ponts qu'il nous fallait.

Nous étions pauvres chez nous, mais nous avions l'eau courante (chaude et froide), les toilettes, un immense bain, la radio et le téléphone.

Maman n'avait presque jamais besoin de sortir sauf pour faire sa commande d'épiceries et aller à la messe. Tout ce dont nous avions besoin nous était livré directement à la maison. Les quotidiens du matin : Le Canada et l'Illustration étaient livrés avant le déjeuner et La Presse nous arrivait au début de l'après-midi. Le boulanger, le laitier, le marchand de glace, le « guenillou » et les "commerçants" offraient leurs marchandises ou leurs services de porte en porte; un représentant de la compagnie Castle Blend livrait le thé, un libraire venait livrer et reprendre les livres qu'il offrait en location, etc. Comme si n'était pas assez, l'agent d'assurance passait chaque semaine collecter ses primes et c'était impressionnant de le voir inscrire les montants perçus dans son gros livre noir.

Nous achetions à peu près tout le linge de maison et les vêtements pour la famille à crédit dans un commerce de la rue St-Laurent. Chaque semaine, le "Juif" comme l'appelait affectueusement ma mère venait percevoir un acompte sur ce que l'on lui devait. Le facteur passait deux fois par jour et le médecin de famille venait à la maison quand un des enfants était malade ou faisait semblant de l'être...

Nous, les « ti-culs boule-à-mites », de temps en temps, nous arrêtions de jouer pour laisser passer une automobile ou regarder voler un avion dans le ciel. Il ne restait plus rien à inventer; on vivait dans un monde moderne : on avait tout, tout et tout.

Le temps a passé...

... je me suis marié
et à mon tour, j'ai eu des enfants. Un jour, au cours d'une promenade, je me suis surpris à leur dire : ... dans mon temps, la rue Papineau se terminait à la hauteur de la rue Bélanger. Plus haut que cela, il y avait bien, ici et là, quelques maisons mais ensuite c'était la campagne. Parfois, à cause du manque de passagers, le tramway 44 écourtait son itinéraire normal et tournait à hauteur de la rue Masson. Le conducteur criait : "Tairrr minus", "teurr minus" - tout le monde débarque... (sans la traduction, les Anglais n'auraient pas compris et ils seraient peut-être restés dans l'p'tit char jusqu'au lendemain matin)...

Le boulevard Rosemont finissait à la 26e avenue, l'autoroute Métropolitaine n'était pas construite, le tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine non plus, etc.

Et puis une autre fois : ... quand j'étais petit, il n'y avait ni télévision ni ordinateurs ni guichets informatiques; les grands magasins étaient fermés le dimanche et les jours de "fête obligatoire" comme le 8 décembre, jour de l'Immaculée Conception; les automobiles n'avaient pas l'air conditionné, La Ronde n'était qu'une île minuscule, le métro n'était pas construit et au lieu de la Gare Centrale et de la place Ville-Marie, il n'y avait qu'un immense trou chaque côté d'un pont hideux sur le boulevard René-Lévesque qui dans le temps se nommait la rue Dorchester.

C'est difficile à croire... mais quand j'étais jeune, les marchands de hot-dogs « steamés » et de patate frites sillonnaient les rues de la ville dans des voitures hippomobiles ou dans des camions transformés en « snack-bar ». L'équipement était rudimentaire : une glacière pour le Coca-cola et le Pepsi-cola, une friteuse à gaz pour cuire les frites et un réchaud à vapeur pour les hot-dogs « steamés ».

Au milieu de la soirée, à l'heure où les familles s'entassaient sur le perron pour respirer un peu d'air frais, souvent précédé par l'odeur de friture, le sifflet se faisait entendre et c'était la cohue. Tout le monde se ruait autour de la voiture pour acheter des frites et des hot-dogs. On repassera pour l'hygiène : le marchand se lavait les mains avant de partir et les relavait le soir en faisant sa toilette avant de se coucher. Le peu d'eau qu'il apportait, la même pour toute le journée... servait à rincer les patates et à faire boire le cheval.

Le bon maire Jean Drapeau, soucieux du bien-être de ses citoyens à mis fin à ce commerce.

Et ceci… et cela… et encore ceci… puis cela…

Enfin, comble du comble, un jour qu'un petit-neveu est en visite chez-nous à Montréal-Nord, j'entends mes enfants lui dire : ... quand nous étions petits, nous demeurions sur la rue Delorimier près du boulevard Rosemont et le tramway numéro 10 passait devant chez-nous. Lorsque nous sommes déménagés à Montréal-Nord, le boulevard Rolland n'était pas pavé; ma classe était située dans une roulotte temporaire parce que l'école était trop petite et le curé disait la messe dans cette l'école parce que l'église paroissiale était trop loin. Il n'y avait pas encore la télé couleur; on n'avait pas de vidéo et les lecteurs CD n'étaient pas inventés...

Comme disait l'autre : "Rien ne se perd et rien ne se crée dans la nature." Chaque fois qu'un "vieux vieux " meurt, un "jeune vieux" est tout de suite là pour le remplacer.


Merci Claude Prince pour cet intéressant texte qui rappelle aux plus ainés leur jeunesse et donne aux plus jeunes une idée de la vie passée de leurs ascendants. Tu demeureras pour toujours dans nos souvenirs.

Claude Dupras

Ps. On peut lire les autres anecdotes et la vie de Gandhi, par Claude Prince, sur son site « Souvenirs d’un vieux Montréalais » : http://pages.videotron.com/prince9/souvenir.html.

samedi 23 mai 2009

Il était une fois… les olympiades de Montréal

La ville de Paris a tout fait pour obtenir les Jeux Olympiques de 2012. Les dirigeants municipaux ont dépensé plus de 70 millions de $ pour faire la promotion de leur ville, mais le Comité International Olympique a choisi Londres. C’est ainsi à tous les 4 ans, les grandes villes du monde se battent férocement pour obtenir le privilège de tenir les Olympiades à l’intérieur de leurs murs.

Suite à l’Expo67, le maire Jean Drapeau avait obtenu l’estime d’innombrables personnages politiques et d’affaires dans le monde qui appréciaient sa valeur personnelle. C’est grâce à cette bonne réputation, à son dynamisme et à sa ténacité qu’il a su persuader les membres du CIO de tenir la XXIème Olympiade à Montréal en 1976. Que Montréal ait obtenu les Jeux de 1976 face à Moscou et Los Angeles, représentant les deux superpuissances, cela tient du prodige. Peu d’observateurs chevronnés du monde olympique nous accordaient la moindre chance.

Je me rappellerai toujours la fierté et le grand bonheur que j’ai ressentis le jour de l’annonce de cette décision en 1970. J’avais toujours rêvé de pouvoir un jour aller aux Olympiques pour assister, entre autres, à la cérémonie d’ouverture et à la course du 100m, et je sautais de joie de savoir que les jeux olympiques auraient lieu chez nous.

Je revois le lancement du projet du stade lorsque Drapeau fit une spectaculaire conférence de presse, à laquelle je fus invité, et qu’il dévoila la maquette et un film sur le projet dans lequel on voyait le toit être rétracté et redéposé. La centaine d’invités en étaient sortis bouche bée.

Par contre, je n’oublie pas la surprise et l’indignation qui m’avaient envahi lorsqu’à la veille de l’ouverture des Jeux, 19 pays africains décidèrent de les boycotter pour des raisons politiques même si leurs athlètes étaient déjà en grande partie rendus au village olympique. Nous ne méritions pas cet affront qui nous enleva l’opportunité de voir courir les meilleurs du monde et d’impressionnants boxeurs.

En tout, 92 nations participèrent à nos Jeux. La cérémonie d’ouverture, accompagnée de la musique d’André Mathieu, fut mémorable, la gymnaste roumaine de 14 ans, Nadia Comaneci, nous fit vite oublier l’absence des Africains, car dès le début des Jeux elle fit sensation aux barres asymétriques et obtint la perfection qui lui mérita un 10.0, une première dans l'histoire. Et ce ne fut pas le seul 10.0 qu'elle reçut. Les Jeux furent un grand succès. En reconnaissance, les Montréalais et Montréalaises se levèrent spontanément pour crier longuement leurs nombreux mercis au maire Drapeau lors de la cérémonie de fermeture lorsqu’il transmit le drapeau olympique au maire de la prochaine olympiade. J’ai vu à ce moment-là, plusieurs de mes concitoyens avec des larmes aux yeux.

Montréal et les villes voisines héritèrent d’installations sportives de grande qualité. Un très grand nombre d’entre-nous furent motivés à devenir plus actifs dans tous les sports. Un exemple fut le marathon de Montréal qui, à tous les ans, regroupait plus de 12,000 coureurs au départ sur le pont Jacques-Cartier. J’y étais, j’avais 50 ans, je courais mon premier marathon et jamais je n’aurais cru cela possible. J’ai alors compris que cette masse d’individus était stimulée, tout comme moi, par les performances des athlètes olympiques que nous avions vues.

De toutes les installations olympiques, seul le stade fut un problème dans l’esprit des Montréalais. Son coût excessif par rapport au budget initial devint un sujet de discussion. La réalité, c’est que notre stade n’était pas semblable autres stades olympiques ni à d’autres construits ailleurs dans le monde, durant ces années. En plus d’être un stade pour l’athlétisme, il avait été conçu pour répondre aux normes du baseball, du football américain et du soccer. De plus, il incorporait le centre de natation olympique, les stationnements souterrains pour des milliers d’automobiles, les liens aux métros de Montréal et une tour élevée, équivalente à 40 étages, où logeaient les mécanismes pour ouvrir le toit du stade au ciel en plus d’être pour les touristes une plateforme d’observation de Montréal.

Le maire Drapeau jugea qu’aucune firme d’architectes de Montréal n’avait l’expérience pour dessiner un tel ensemble. Afin d’obtenir le meilleur résultat possible, il décida de choisir un architecte français qui avait réalisé, avec succès, le fameux parc des Princes à Paris. C’était une décision sage.

Malheureusement, le concept de l’architecte Taillibert s’avéra très difficile à réaliser. De plus, le temps disponible pour le type de construction compliqué qu’il proposa était très court. Enfin, les syndicats des travailleurs agirent avec égoïsme et incivisme en profitant du délai fixé par la date de l’ouverture des Jeux et en imposant leur loi et leurs grèves afin d’obtenir des avantages excessifs pour leurs membres. Tout cela engendra des retards qui se transformèrent en une augmentation appréciable des coûts pour reprendre le temps perdu.

Plusieurs opposants, journalistes (comme Lysiane Gagnon, aujourd’hui) ou autres, blâmèrent Drapeau sans tenir compte des circonstances et réclamèrent une enquête. Leur indignation était injuste. Il me semblait évident que Jean Drapeau avait agi dans le meilleur intérêt de la métropole, mais réalisait probablement, jour après jour, les difficultés qui se présentaient. Regretta-t-il sa décision qui créait ces problèmes qui semblaient insurmontables? Je crois que oui, mais il ne l’a jamais laissé paraître, se réconfortant dans la pensée que Montréal hériterait d’un complexe sportif hors-pair à l’architecture belle et unique. Finalement, l’ensemble du projet se réalisa tel que prévu, sauf pour la partie haute de la tour qui ne fut pas complétée pour les olympiades. Le budget fut largement dépassé mais éventuellement comblé par le gouvernement du Québec qui créa la Régie des Installations Olympiques pour prendre charge de l’ensemble des installations pour le futur. Le mat fut terminé. Son coût et le déficit furent payés par une taxe sur les cigarettes au grand bonheur des payeurs de taxes montréalais qui s’en tirèrent bien, malgré tout.

Je me permets de penser au jour en 1968, lorsque le maire Jean Drapeau créa une taxe volontaire, sous forme de loterie, pour combler le déficit du budget municipal. C’était une première au Canada. Elle dura 19 mois jusqu’à ce qu’un jugement de la Cour Suprême la déclara illégale. Montréal perdit ainsi de gros revenus annuels et c’est le gouvernement du Québec qui en bénéficia puisqu’il créa, sur-le-champ, Loto-Québec. Si Montréal avait pu maintenir sa loterie, elle aurait pu payer pour le stade. Il était donc normal, jusqu’à un certain point, que Québec en défraie le déficit, d’autant plus qu’il bénéficiait largement de l’idée de loterie du maire.

Comme pour l’Expo 67, le maire Drapeau obtint du comité organisateur des Jeux de Montréal un grand festival populaire canadien composé d'expositions, d'art littéraire, de cinéma, de concerts, d'opéras, de spectacles et de théâtre qui se déroula du 1er juillet au 1er août 1976.

Lorsqu’un maire agit avec responsabilité et prend ses décisions dans le meilleur intérêt de tous, et que ça tourne mal, il est facile alors de devenir pisse-vinaigre. Il y en eut beaucoup à Montréal, mais jamais ni l’honnêteté, ni l’intégrité de Jean Drapeau n'ont été mises en cause.

C’est à cause des coûts du stade Olympique de Montréal que certains journalistes et adversaires politiques collent encore le qualificatif de « maire mégalomaniaque » sur Jean Drapeau. Ils semblent penser que c’était une tombola que Montréal devait organiser. Ils oublient que l’organisation des Jeux Olympiques est une très grosse affaire (Londres prévoit un coût total de $20 milliards de $, alors qu’à Montréal la note fut de 4,5 milliards de $). Ils oublient aussi que tout cet argent s’est retrouvé dans les poches de nos travailleurs, nos artistes, nos professionnels, nos entrepreneurs, nos entreprises reliées au domaine de la construction et toutes sortes d’autres domaines tels, la restauration, l’hôtellerie... Ils oublient que cette injection de capital a fait rouler dynamiquement l’économie de Montréal et d’ailleurs durant toute cette période. Ils oublient qu’une très large part de cet argent a été remise aux gouvernements de Québec et du Canada sous forme d’impôts et de taxes de toutes sortes. Non, il n’y a pas eu de mégalomanie dans la construction du stade olympique. Il y a eu un homme qui était à la hauteur de la situation: Jean Drapeau.

Nous avons été profondément touchés de recevoir les Jeux Olympiques chez nous. Nous avons eu la chance de bien recevoir tous les athlètes du monde. La qualité de vie de notre ville et de notre accueil hospitalier a été publicisée dans tous les recoins de la planète. La confirmation de Montréal comme ville internationale a été renforcie largement, et cela a été très bénéfique par la suite comme en témoignent, entre autres, la venue des Expos de Montréal et celle des floralies internationales.

Claude Dupras

mercredi 20 mai 2009

Mélomane et non mégalomane

Le maire Jean Drapeau était un homme cultivé, racé, bien instruit et un grand amant de la musique, particulièrement la musique classique. À chaque fois que j’ai eu le privilège de le rencontrer à son bureau particulier, l’ambiance de son lieu personnel de travail était baignée des sons des œuvres des grands compositeurs passés, interprétées par les meilleurs artistes du monde ou les plus grands orchestres.

Il éprouvait des sentiments d’admiration pour le beau et voulait que ses concitoyens partagent avec lui le plaisir qu’il y trouvait. Il voulait les associer à ses sentiments élevés pour l’esthétique et on a pu constater, tout au long de sa gouvernance de notre ville, ses efforts pour ce faire.

L’Expo67 fut pour Jean Drapeau l’occasion de démontrer ce qu’il était capable de faire. Il est vrai que l’idée originale d’une exposition était venue du Sénateur canadien Mark Drouin qui le jour du Canada, à l’exposition internationale et universelle de Bruxelles de 1958, avait énoncé l’idée qu’il serait merveilleux si un tel évènement pouvait être tenu au Canada pour marquer le centième anniversaire de la confédération canadienne.

J’étais alors président de la Chambre de Commerce des Jeunes du district de Montréal et j’ai sauté sur cette proposition pour former le premier comité qui fit la promotion d’une telle exposition pour Montréal. Le maire d’alors, Sarto Fournier, nous donna un appui total et avec la collaboration de l’Office d’Initiative économique et touristique de Montréal nous avons pu préparer un document complet, sur les avantages d’une telle exposition pour notre pays et Montréal, pour le présenter au PM canadien John Diefenbaker. Celui-ci accepta de demander au Bureau des Expositions Internationales, à Paris, l’obtention du droit de tenir une exposition à Montréal. Malheureusement Moscou fut choisi. Quelques années plus tard, le gouvernement de l’URSS, pour des raisons politiques, se désista et c’est alors que Jean Drapeau, redevenu maire de Montréal, pu, toujours avec l’accord de Diefenbaker et du PM québécois Jean Lesage, obtenir l’Expo.

L’expo67 fut un grand succès grâce à Drapeau et aux gouvernements supérieurs. Mais, on se rappelle moins que Drapeau avait profité de l’occasion de la venue d’un si grand nombre de races de la planète à Montréal pour suggérer et obtenir de l’organisation d’Expo67 la tenue d’un grand festival de musique à Montréal. C’est ainsi que fut créé le Festival Mondial, évènement culturel parallèle à l’Expo auquel participèrent les meilleurs artistes musicaux du monde, de toutes catégories.

Plus de 3,5 millions de spectateurs assistèrent à 672 manifestations de 110 ensembles, totalisant environ 25 000 exécutants de 25 pays. Les manifestations se déroulèrent dans les trois théâtres de la Place des Arts ainsi qu'à l'Expo-théâtre de 2000 sièges construit sur le site de l'Expo 67 et à l'église catholique Saint-Jacques-le-Mineur.

Effectuant leurs débuts nord-américains, six des plus importantes compagnies d’opéra du monde, au grand complet, parmi lesquelles on retrouva La Scala de Milan et l'Opéra du Théâtre Bolchoï, présentèrent chacune des productions lyriques sur scène. Des concerts dirigés par les plus grands directeurs furent donnés par les quatorze meilleurs orchestres philharmoniques de la planète dont ceux de Vienne et de Melbourne. Les concerts des orchestres et des ensembles de chambre regroupèrent dix des plus renommés groupes dont l'Octuor de l'Orchestre philharmonique de Berlin et le Quintette Danzi des Pays-Bas.

Parmi les cinq chœurs de chants qui se firent entendre, il y eut celui de l'Armée rouge et celui de l'Université de Copenhague. Plus de seize troupes de ballet et de danse folklorique présentèrent leur spectacle dont ceux du Bolchoï, de l'Opéra de Paris, du Japon, de Cuba et les Grands ballets canadiens. Au nombre des autres manifestations ont figuré un concert gala par les lauréats du concours des Jeunesses Musicales Canadiennes, une semaine de représentations d'Anne of Green Gables, plusieurs concerts de Duke Ellington et son orchestre avec Sarah Vaughan et un concert de sitar du plus grand artiste hindou.

Dans son ensemble, le Festival Mondial constitua l'un des plus imposants rassemblements de musiciens jamais tenu dans une même ville et sûrement le plus grand au Canada.

Jean Drapeau aimait l’art lyrique et était l’ami des plus grandes vedettes canadiennes qui étaient surtout francophones. Il voulait doter Montréal d’un bâtiment pour l’opéra. Voici un extrait de son message lors du grand concert lyrique de l'Université de Montréal, le 18 septembre 1966 :

« Ce soir nous serons heureux d'applaudir un grand nombre de nos artistes. Mais où sont les Duval, Forrester, les London, les Simoneau, les Quilico, les Stratas, les Vickers et combien d'autres ? Ils ne figurent pas au programme parce qu'ils travaillent en ce moment loin de chez nous. Et nous ne pourrions même pas entendre Bisson, Hurteau, Rouleau, Savoie, Turp, s'ils n'étaient venus expressément de Paris et Londres. Colette Boky repart dans quelques jours pour Vienne, Huguette Tourangeau fait toujours partie de la Compagnie Nationale du Metropolitan Opera.

Mais alors que manque-t-il ?

Déjà, nous possédons véritablement tous les éléments nécessaires à la création permanente d'opéra. Nous avons en effet des chanteurs solistes, des chœurs, des musiciens d'orchestre, des metteurs en scène, des créateurs de décors, des spécialistes de l'éclairage, du son et de la régie, des danseurs, un public, une salle bien appropriée, des techniciens divers (constructeurs, peintres, couturiers, électriciens, éclairagistes, maquilleurs, perruquiers, etc.).

Il ne manque qu'une structure pour réunir tous ces éléments. Il s'agit uniquement de les grouper. Et je me refuse à croire que cette tâche nous est impossible, après avoir réussi à bâtir Expo 67 ».


Les gouvernements supérieurs n’engageaient, dans ce temps-là, qu’une faible partie de leur budget pour la construction de nouveaux bâtiments culturels.
Malheureusement, Jean Drapeau ne put obtenir, à son grand dam, leur accord pour donner à nos artistes lyriques, et aux Montréalais et Montréalaises, une salle d’opéra à leur mesure.

À la fin du règne de l’ex PM québécois René Lévesque, Drapeau obtint l’accord de ce dernier pour la construction d’une nouvelle salle pour loger l’orchestre symphonique de Montréal. Une séance de levée de première pelletée de terre eut lieu, au terrain à l’intersection des rues Berri et De Montigny, avec le maire, le PM et l’entreprise Sofati qui s’était engagée à construire la salle pour un montant ferme de 30 millions de $. Malheureusement, cette dernière se rendit compte rapidement qu’elle avait sous-estimé sa proposition et réclama une augmentation du budget. Québec refusa et Drapeau estimant que la ville de Montréal ne pouvait en faire plus, annula le projet, à contrecœur.

Malgré tous ses efforts, Drapeau voyait s’envoler en fumée deux des projets qu’il caressait le plus, parce qu’il voulait respecter les budgets de la ville et maintenir à Montréal un niveau de taxes foncières compétitif et le plus bas possible. Il agissait toujours avec un sens de responsabilité élevé nonobstant ses préférences personnelles.

Une autre démonstration de son amour pour la musique fut son aventure avec « le Vaisseau d’or ». Sur la rue Peel, au cœur de la ville, Jean Drapeau décida d’offrir aux Montréalais un restaurant de haute cuisine où, durant les repas, des chanteurs lyriques de haut niveau ou des ensembles de chambre venaient exécuter leurs numéros. Le restaurant fut un succès jusqu’au jour où des membres du syndicat des cols bleus de Montréal, insatisfaits de la tournure des négociations avec la ville de Montréal, décidèrent de planter une bombe dans l’escalier qui donnait sur le restaurant. Ce fut la fin de l’incursion de Drapeau dans le domaine culinaire.

Il est clair qu’en rapport avec les arts et la culture, Jean Drapeau était un mélomane et non un mégalomane. C’est un autre exemple qui démontre la position injuste de la journaliste Lysiane Gagnon sur la carrière de Jean Drapeau comme maire de Montréal.

J’aimerais bien que le prochain maire soit un homme qui aime le beau.

Claude Dupras

dimanche 17 mai 2009

Le maire mégalomaniaque ?

Une récente chronique de Lysiane Gagnon du journal La Presse de Montréal, traitait des qualités que devrait avoir le prochain maire de Montréal. Elle a commencé drôlement son écrit en définissant ce que ne devra pas être le prochain maire : un nouveau Jean Drapeau. Traitant le règne de ce dernier de mégalomaniaque, elle invite les Montréalais et les Montréalaises à se méfier d’un tel candidat s’il venait à y en avoir un qui brigue les suffrages. Le moins que l’on puisse dire de l’opinion de Mme Gagnon c’est qu’elle est erronée parce que Jean Drapeau ne surestimait pas sa valeur intellectuelle, ni sa puissance et encore moins ne souffrait pas de délire de grandeur à cause de troubles psychiatriques.

Il est bon de se rappeler que Jean Drapeau avait 38 ans lorsqu’il devint le candidat à la mairie pour la Ligue d’Action Civique qu’il avait contribué à mettre sur pied avec un groupe de citoyens (Pierre Desmarais, Lucien Saulnier, J. Z. Patenaude, Roger Sigouin, et autres) voulant assainir Montréal et la politique municipale. Ils étaient des hommes sincères décidés à combattre le crime organisé qui avait pris contrôle de la ville avec la collaboration de la police de Montréal et la protection de plusieurs politiciens. C’était le 8 octobre 1954, le jour même du dépôt du rapport du juge François Caron qui avait présidé la commission d’enquête sur le jeu et le vice commercialisé à Montréal (Drapeau y avait participé activement comme avocat). Vingt policiers furent condamnés et les deux derniers chefs de police déclarés coupables.

La campagne électorale fut dure et sale car son adversaire était appuyé par les propriétaires de cabarets, les bookies, les tenanciers de bordel, le monde interlope et plusieurs autres qui se sentaient menacés par la possibilité d’un Jean Drapeau maire. Le jour de l’élection, les machines de télégraphes (faux électeurs) furent à l’œuvre mais Drapeau était bien représenté dans les polls (j’étais un de ses représentants) et réussit à amoindrir les effets de ces manœuvres électorales frauduleuses. Il fut élu avec 49,7% des votes. Dans un premier temps, avec courage, il fit adopter des règlements municipaux pour interdire le jeu illicite, la prostitution, la vente d’alcool après deux heures le matin, etc… Il plaça à la tête des Services municipaux des hommes de haute compétence. Il prit des mesures importantes pour la rénovation d’habitations insalubres de l’est de la ville. Il lança l’idée pour la construction de la Place des Arts… Il avait son émission télévisée « le maire vous parle » où il traitait de ce qui se passait dans la ville et répondait aux questions des téléspectateurs. Il s’avéra un homme de décision et d’action qui voulait moderniser Montréal.

Puis, le maire Drapeau collabora étroitement avec le CNR pour cacher l’immense tranchée, creusée par la compagnie ferroviaire, qui allait de la rue Cathcart à la gare centrale, au coeur de Montréal. En 1955, la construction du plus grand hôtel de Montréal, le Reine Élizabeth, commença et le CNR présenta un plan d’ensemble pour couvrir le trou avec un développement immobilier d’envergure, dont son nouveau siège social. Le newyorkais William Zeckendorf, entreprit de construire la place Ville-Marie. Le rôle de Drapeau fut déterminant car il savait que ces grands projets insuffleraient un dynamisme inimaginable pour le centre-ville. Avec le président de l’exécutif, il décida de doter Montréal d’un métro et imagina une ville souterraine, la ville intérieure.

Il convainquit les promoteurs immobiliers de se joindre au nouveau réseau et présenta un plan d’ensemble pour son développement qui etait incitatif, efficace et favorisait la croissance. Par ses règlements particuliers pour la ville intérieure, l’hôtel de ville en devint le moteur. Ses attributions, par soumissions publiques, de baux emphytéotiques de parcelles importantes de terrain de part et d’autre du tunnel du métro constituèrent une formule avantageuse autant pour les promoteurs que pour la ville. Ses permissions aux promoteurs d’occuper le domaine public, pour loger les corridors sous les rues, en échange de servitudes pour l’accès du public dans leurs édifices aux heures d’ouverture du métro furent qualifiées de réalistes. Le partenariat et l’interdisciplinarité que la ville intérieure suscita avec l’opérateur du métro et les promoteurs immobiliers débouchèrent sur des projets multiples et bien réussis.

Aujourd’hui, la ville intérieure offre plus de 30 km de corridors et est devenue une attraction touristique dont on parle dans le monde entier. Les Montréalais et les Montréalaises qui subissent des hivers rigoureux, des accumulations de neige énormes, des étés de chaleur de canicule, d’une humidité approchant les 100% HR en profitent bien. J’y étais la semaine dernière et j’en suis revenu encore plus ébahi que la fois précédente en pensant à ses débuts, à ce qu’avait fait Jean Drapeau et fier d’avoir pu y participer humblement avec ma firme d’ingénieurs pour la construction de la station de métro Peel.

« Ce qui est encore plus extraordinaire pour les Montréalais et les Montréalaises c’est que cet équipement urbain unique a été réalisé sans que Montréal ait eu à investir un dollar pour le réaliser, pour l’entretenir et pour le surveiller ». En effet, tout a été fait aux frais des développeurs immobiliers et continue de l’être.

Par ailleurs, face à la compétition dynamique des centres commerciaux de banlieue, le réseau souterrain sauva le secteur immobilier commercial du centre-ville qui a pu garder sa vitalité nonobstant les crises économiques.

Le grand trou de Montréal que j’ai vu si souvent dans ma jeunesse est devenu le symbole de Montréal et le « germe de la ville intérieure » grâce à la détermination et à la vision de Jean Drapeau et de son équipe de l’Action Civique et éventuellement du Parti Civique.

Mégalomaniaque Jean Drapeau ? En tout cas, pas pour avoir chassé le crime organisé qui empoisonnait Montréal au début de son premier mandat, ni pour avoir créé la ville intérieure de Montréal qui fait sa réputation et a sauvé son économie.

Lysiane Gagnon dit que l’on ne doit pas vouloir d’un tel maire aujourd’hui ! C’est un mauvais conseil car, pour moi, son évaluation du maire Jean Drapeau n’est que de la bouillie pour les chats !

Claude Dupras

Ps. Je reviendrai dans une autre chronique sur les autres grands projets du maire Drapeau, le fondateur du Montréal moderne.

mercredi 13 mai 2009

Des prix de fous !

Rien ne va plus dans les coûts de construction à Montréal. Les dépassements des estimés prévus pour les grands projets d’infrastructures et de bâtiments importants sont incompréhensibles. Tout passe du simple au double quand ce n’est pas au triple.

Nous avons tous constaté la flambée des prix de la construction de l’extension du métro à Laval, du projet de l’autoroute Ville-Marie, du contrat des compteurs d’eau de la ville de Montréal, des prévisions budgétaires pour les garages et les centres d’entretien pour l’Agence métropolitaine de transport (AMT), du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) pour ne mentionner que ceux-là car il y en a des dizaines d’autres. Les observateurs avertis sont surpris de cette situation tout comme le sont les citoyens qui y voient augmentations futures de taxes foncières et autres.

Que se passe-t-il ? Sommes-nous victimes de fraudeurs ? Les estimateurs sont-ils de complets ignorants ? Y-a-t-il une mafia qui s’est installée dans le domaine de la construction avec comme but de souffler les prix et les profits ? Ce ne sont pas les questions qui manquent…

J’ai oeuvré dans le domaine de la construction durant plus de 40 ans. J’ai créé, avec des associés, un bureau d’ingénieur-conseil qui fut très actif dans le domaine de la mécanique et d’électricité, en informatique et en gérance de travaux de construction. Nous avons réalisé un très grand nombre de projets importants allant du village Olympique, au Journal de Montréal, à l’hôpital Charles-Lemoyne, au Complexe ex-Centris. Jamais ai-je été témoin d’augmentation si sauvage des coûts de construction !

Par exemple, alors que la construction du stade Olympique a dépassé de beaucoup les coûts prévus (cela s’explique, en grande partie, par la complexité du projet, le court temps pour le réaliser et les problèmes syndicaux), le projet du village Olympique a rencontré ses budgets.

Au même moment, nous réalisions la gérance de construction de l’édifice de Bell Canada sur la rue Jean-Talon, près de la rue Casgrain. Je cite ce dernier exemple pour démontrer que nonobstant la crise de la construction des années 1970, la pression sur les prix et la grande demande de personnel découlant des grands travaux réalisés alors, comme le barrage de la Baie James et les installations olympiques, le budget de construction de ce projet fut quand même respecté. Et, c’était généralement le cas au Québec.

Le battage journalistique des derniers mois sur les différents projets de construction de la ville de Montréal et des autres organismes gouvernementaux, mentionnés précédemment, a marqué profondément une majorité des Montréalais qui y voient des scandales honteux. Les personnages impliqués par les médias sont venus, tour à tour, sur la place publique pour se défendre des insinuations qui pèsent sur eux et leurs entreprises.

Frank Zampino, l’ex-président du comité exécutif de la ville de Montréal, Jean-Pierre Sauriol, président du groupe d’ingénieurs-constructeurs DESSAU et les présidents des associations des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec (ACRGTQ) et de la construction du Québec (ACQ), se sont tous expliqués. Pour eux, tout est beau et « tout le monde il est gentil » car il ne voit pas vraiment de problèmes puisque tous les intervenants de leurs groupes respectifs sont qualifiés, efficaces, productifs, compétitifs et respectueux de l’éthique corporative et professionnelle. À peine quelques uns admettent-ils la présence de quelques moutons noirs dans leurs rangs mais ils seront vite, disent-ils, chassés de la bergerie.

La Sûreté du Québec fait actuellement enquête sur certaines entreprises et plusieurs y voient là la solution au problème actuel. Je ne le crois pas, car la police ne traitera pas de ce que j’estime être les racines du mal qui ronge la construction, soient : une collusion malsaine chez plusieurs entrepreneurs, fournisseurs de matériaux et d’équipements; une improductivité grandissante chez les travailleurs; une incompétence évidente dans la planification des projets; une inexpérience manifeste dans l’estimation des coûts des projets; un manque de contrôle et de surveillance chez les donneurs d’ouvrage; une complicité malsaine entre les politiciens, les entrepreneurs et les professionnels; un manque de respect du principe des soumissions publiques dans le domaine publique; une éthique inexistante chez plusieurs intervenants, etc…

Une vraie solution serait la mise sur pied par le gouvernement du Québec d’une commission d’enquête sur les coûts de construction. Il est urgent de bien comprendre ce qui se passe afin de faire les corrections nécessaires car le Québec va entreprendre dans les cinq prochaines années plus de 45 milliards $ de travaux d’infrastructures. Des hommes politiques mis-au-pas et qui comprennent mieux leur responsabilité en rapport avec la réalisation de projets d’infrastructures ou autres, plus un monde de la construction qui respecte les règles de l’art permettront d’économiser des centaines de millions de dollars.

J’ai été heureux ce matin d’apprendre que les fonctionnaires fédéraux prennent le temps de s’assurer que les projets présentés en catastrophe par les gouvernements des provinces et les villes sont bien ficelés avant de les approuver et d’autoriser la remise des argents votés par le parlement canadien. On les accuse de retarder les projets mais j’y vois une leçon découlant des suites de l’enquête du fameux scandale des commandites, d’il y a quelques années, durant laquelle les fonctionnaires se sont faits taper sur les doigts pour leur négligence. Je suis impressionné par ces employés de l’État qui résistent aux demandes pressées des politiciens du parti conservateur, pour faire leur « job ». Ce ne doit pas être facile pour eux, mais c’est nécessaire car cela permettra de s’assurer que l’argent fédéral sera bien utilisé et que les objectifs des investissements pour la relance de l’économie seront rencontrés. C’est un début. Espérons que le gouvernement du Québec et les villes feront de même chez nous.

Claude Dupras

dimanche 10 mai 2009

La prison pour Guy Lafleur ?

Guy Lafleur a été un des plus grands hockeyeurs sur glace au monde. Il a fait la gloire du club « Les Canadiens de Montréal » et a des légions de « fans » non seulement à Montréal, mais aussi partout au Canada et dans un très grand nombre de pays. Infatigable sur la glace, il était rapide, intelligent, brillant. On le surnommait « la comète blonde », avec raison. Il a été un joueur qui a mérité le plus d’être au Temple de la Renommée du Hockey.

Suite à sa carrière de sportif, il s’est lancé dans la restauration où il s’est avéré un très bon administrateur et réussit très bien. Généreux, engageant, simple, dévoué, il participe au financement de nombreuses œuvres de charité et ne refuse jamais une invitation pour aller aider les plus démunis. C’est un citoyen modèle qui d’ailleurs a été décoré par les ordres de mérite du Québec et du Canada.

Mais, car il y a toujours un mais, Guy n’a pas bien réussi avec l’éducation de l’un de ses fils qui a fait face à 22 chefs d’accusation de voies de fait, d’agressions sexuelles, de séquestration et de menaces de mort à l’endroit d’une adolescente. Il a été trouvé en possession de drogues et est accusé d’en avoir fait le trafic. Tout ça entre 2004 et 2007.

Le fils a reconnu sa culpabilité dès sa comparution devant le juge sauf pour les chefs d’agressions sexuelles qui finalement n’ont pas été retenus contre lui. Il a été confiné, en attendant son procès, dans une maison de réinsertion sociale avec permission spéciale pour les weekends durant lesquels il pouvait vivre chez ses parents tout en respectant le couvre-feu. Il a été expulsé de cette institution à cause d’agissements inacceptables. Guy Lafleur a alors plaidé pour que son fils obtienne une libération conditionnelle avec obligation de vivre en tout temps à la maison familiale, sous la surveillance de ses parents. Malheureusement, son fils a violé les conditions de cette dernière libération.

C’est en rapport avec un bris de condition de la libération conditionnelle de son fils que Guy Lafleur, sous serment, a menti en donnant des témoignages contradictoires lors de différentes audiences de l’enquête pour la mise en liberté de son fils. Il a sciemment trompé la cour pour aider son fils et a été accusé à son tour. Au terme de son procès, Guy Lafleur vient d’être déclaré coupable et sa sentence sera rendue dans un mois.

Quelle sera-t-elle ? Guy Lafleur doit-il être pardonné parce qu’il est une icône québécoise ? Doit-on oublier que le parjure est un crime grave qui peut mériter une peine de 2 ans de prison ? Guy Lafleur n’a-t-il pas déjà payé suffisamment cette erreur suite à la médiatisation intensive qu’il subit et qui ternit sa réputation, jusque-là sans tache ? Le casier judiciaire qui en découle n’est-il pas un poids trop lourd à porter pour Lafleur qui se verra refuser, entre autres, l’entrée aux USA où il y travaille parfois ? L’arrestation abusive et publicisée de Guy Lafleur, pour laquelle tous les médias avaient été conviés et qui fut orchestrée par la police de Montréal, n’était-elle pas une injustice flagrante qui devrait effacer toute sentence ? Les Montréalais se divisent sur cette question.

Pour moi, il faut, dans un premier temps, séparer l’homme de la vedette. C’est l’homme qui est jugé et non la vedette. La justice dans notre pays nous permet de vivre normalement et la loi nous protège. On ne peut tolérer que la justice ne soit pas égale pour tous. On ne peut accepter que les jugements des cours soient basés sur des dépositions fausses. Notre système de justice doit être respecté et respectable. Les sentences doivent être équitables.

C’est pourquoi, je crois que Guy Lafleur, que j’aime toujours car il s’est mis dans ce pétrin pour son fils et non pas pour en bénéficier lui-même, doit avoir une punition qui correspond au crime. Cette condamnation doit faire mal.

Si le juge a le choix entre la prison et une amende sévère, je lui suggère l’amende. La prison n’aidera personne et nuira considérablement et inutilement à la vie de Guy Lafleur et à celle de sa famille. Par contre, une amende importante de $500,000 devant être versée à des œuvres caritatives, sera pour lui très difficile à verser. Mais cela lui permettra de continuer à travailler, de s’occuper de ses entreprises et de ses employés, de vivre auprès des siens et d’aider la société.

Claude Dupras

lundi 4 mai 2009

Sarkozy, la descente aux enfers

Le président Nicolas Sarkozy souffre d’un manque de popularité en France. Deux ans après son élection à l'Elysée, plus de six Français sur dix jugent son bilan négatif et décevant. Le sondage TNS Sofres/Logica publié pour Metro lundi dernier, précise que 63% des personnes interrogées estiment que le bilan du chef de l'État est "plutôt négatif" et 65% d'entre eux se déclarent déçus. Ils sont 28% à trouver son bilan positif, 9% ne se prononcent pas et 24% à se déclarer satisfaits.

Ce haut taux de mécontentement m’étonne, même si les Français aiment à répéter que « la France est ingouvernable » et que la crise économique les affecte profondément (le chômage dépassera bientôt les 10%). Je me rappelle du temps de l’ex-PM Lionel Jospin, au moment où le pays était en pleine prospérité et générait des surplus importants, que les Français manifestaient, quand même, dans les rues pour avoir, disaient-ils, leur part du gâteau. Ce n’est pas facile de gouverner en France.

Un ami de longue date, Richard LeHir, ex-ministre PQ du gouvernement du Québec, né en France et qui suit de près ce qui se passe là-bas, m’a écrit un commentaire suite à mon blog « Sarkozy, la cible ». Il décrit une image de Sarkozy totalement différente de celle que je vois et malgré que je ne sois pas du tout en accord avec son argumentation (voir les archives de mes blogs), j’ai pensé la soumettre à mes lecteurs pour qu’ils jugent de la justesse de ses interprétations :

Bonjour Claude,

Tu m'as demandé de te faire par écrit ma critique de Sarkozy. Comme je te l'ai dit, je n'apprécie ni le personnage, ni sa politique, et je crois qu'il est un mauvais président pour la France.

Pour ce qui est du personnage, c'est un ambitieux à fortes tendances narcissiques qui est obsédé par le besoin de paraître, et même de "flasher". Les médias français lui ont attribué le surnom de président "bling-bling". Il manque de classe. Tu te souviendras de cet incident survenu dans les semaines qui ont suivi son élection lorsqu'il avait rencontré Poutine. À l'issue d'un dîner particulièrement bien arrosé, il était sorti rencontrer la presse, et complètement ivre, il avait répondu aux questions des journalistes. Le spectacle était lamentable, et porté par YouTube, il a fait le tour de la terre en 24 hrs. On peut aussi trouver sur YouTube cet incident où lors d'une visite au Salon de l'Agriculture, à un visiteur qui refusait de lui serrer la main, il avait déclaré "Casse-toi, pauv'con". Cette réponse démontre non pas tant un mépris total pour la personne visée qu'une incompréhension des exigences de sa fonction. Ce n'est pas le genre de comportement que les Français attendent de leur Président.

Enfin, On se surprend à avoir à évoquer la vie privée du Président qui, pourtant, devrait relever justement du domaine privé. S'il faut le faire, c'est que Sarkozy lui-même en fait un étalage grossier, comme si son statut de Président lui conférait ipso facto un statut de vedette de cinéma. Il y a pourtant une différence. Sarkozy n'est pas Prince de Monaco. Il est Président de la France, et il prend la succession de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, et Jacques Chirac. Quels qu'aient pu être les défauts des uns et des autres, jamais ont-ils projeté une image qui portait ombrage à celle de la France.

La personnalité de Sarkozy se reflète également dans sa politique. Il est constamment à l'affut d'un "coup" dont il sera la vedette. Son cabinet a été choisi davantage pour épater la galerie que par souci d'efficacité. Plusieurs personnes en font partie pour jeter de la poudre aux yeux à certaines clientèles (Dati, Yadé, Kouchner, etc.). C'est bien beau de vouloir marquer une rupture, mais encore faut-il avoir quelque chose de solide à proposer. Après deux ans, on cherche encore quelque chose qui ressemblerait à un fil conducteur. Après quelques discours ronflants sur la crise qui allait amener à une refonte du capitalisme, on reste en attente de ce qu'il propose à la place.

Sur le plan de la politique internationale, il se targue d'avoir effectué un rapprochement avec les États-Unis. Mais on doit sérieusement s'interroger sur son sens du timing. Il aurait été beaucoup plus habile d'attendre le départ de Bush. Et il aurait été beaucoup plus utile de travailler à l'élaboration d'une politique européenne de défense commune plutôt que de s'abriter sous le parapluie d'une Otan dont la vocation originale n'a plus sa raison d'être, et qui se survit en tentant de s'en donner une nouvelle au coup par coup, de plus en plus à l'Est, sans qu'on sache trop pourquoi en fonction des intérêts européens, ni comment, parce qu'on n'est pas prêt à y mettre les moyens, ni surtout jusqu'où on est prêt à aller et comment on pourra s'en sortir. Les efforts de Sarkozy de faire avancer le projet de constitution européenne ont foiré. Il n'a pas compris que ce n'est pas une question de personnalités, mais une question de fond. Tant et aussi longtemps que les pays qui composent l'Europe ne seront pas prêts à renoncer aux composantes identitaires qu'ils expriment dans leur souveraineté, l'Europe ne pourra pas être autre chose qu'un marché commun. Et même la question du marché commun se pose de nouveau dans le contexte de la crise actuelle. À quoi sert un marché commun quand on ne peut plus consommer ou quand, par nécessité, il faut consommer moins et mieux.

Que Sarkozy ait remporté un succès d'estime pendant les six mois où la France était à la tête de la Communauté Européenne n'a aucune espèce d'utilité ou d'importance car son tour ne reviendra que dans quelques années, et il ne sera probablement même plus président.

Le seul bon point que je suis disposé à reconnaître à Sarkozy est sa gestion de la crise en Géorgie. Et encore, on peut se demander si la place qui lui a été laissée pour s'illustrer n'était pas essentiellement due au fait qu'elle est survenue en pleine campagne électorale américaine, ou pire, parce que les États-Unis, déjà engagés dans deux guerres, et en redoutant deux autres (Iran et Pakistan), ne se sentaient plus capables d'opérer sur autant de fronts à la fois (avec la crise économique, c'est encore plus susceptible d'être le cas maintenant).

Richard


Parmi les derniers présidents de la République, seul Jacques Chirac avait davantage mécontenté les Français, 24 mois après le début de son premier mandat, avec 65% d'insatisfaits en 1997. Pourtant il a été réélu et est demeuré président de la France, encore 10 ans.

Claude Dupras