dimanche 29 octobre 2017

Puerto Rico, le paradis perdu ?

Les portoricains vivent l’enfer. Maria, l’effroyable ouragan du siècle, a traversé et dévasté leur île de fond en comble et tout est atteint. Maisons, services d’eau, électricité, communications, santé, éducation, écoles, routes, terres agricoles, plantations de café, forêt tropicale, jungle… sont écrasés, détruits partout dans l’île.  Aujourd’hui, 26 jours plus tard, on compte plus de 60 morts, l’électricité est revenue pour seulement 26% des maisons. De même pour l’eau domestique, les communications, les routes, les services publiques, etc..  Et cette situation perdurera encore pour un très grand nombre de mois, peut être des années.… Oui, c’est l’enfer.

Ce drame ne pouvait arriver à un pire moment pour l’État de Puerto Rico qui l’an dernier avouait ne pouvoir financer les services à sa population à cause d’une dette magistrale accumulée avec les années. Il avait déclaré faillite en juillet. Maria est venu ajouter incommensurablement à ce problème. La prise sous tutelle temporaire et une aide financière américaine massive sont les seuls moyens de remettre cet État sur rails. Un refus de l’administration Trump, qui hésite encore, fera en sorte que la ruine de l’île enchanteresse, comme la surnomme les portoricains, deviendra inévitable.

Les raisons de cette situation passée sont multiples et perduraient avant Maria. Il y a près de 70 ans, grâce au programme « Bootstrap » lancé en 1947 par son gouvernement, de nombreuses compagnies américaines et étrangères furent motivées de venir s’installer à Puerto Rico, où elles avaient trouvé une main d’œuvre compétente, bon marché et un territoire qualifié de « Commonwealth américain » qui faisait de sa population des citoyens américains et éliminait les barrières douanières entre le continent des USA et l’île. Aujourd’hui, les industries pharmaceutiques du monde et quelques autres y sont encore mais la majorité des entreprises venues sont reparties vers des destinations moins chères à cause de l’augmentation incontrôlée des coûts des dernières années. Les emplois et les revenus de l’État ont diminué en conséquence.

L’autre aspect négatif majeur est la migration constante des portoricains vers le continent américain où ils trouvent plus de possibilités de réussir et une meilleure qualité de vie. Parmi elles, on retrouve surtout des jeunes bien éduqués, diplômés en médecine, optométrie, génie, droit, commerce… dont plusieurs du MIT, qui quittent l’île pour le continent et s’y installent de façon permanente en y créant des familles, y payant leurs impôts et les taxes. Ils refusent de s’installer dans leur île pour l’aider, par leurs connaissances, à se développer et améliorer la qualité de vie de leurs concitoyens. Ils misent, par égoïsme, sur une meilleure qualité de vie, instantanée. La conséquence de cela s’est reflétée sur une baisse constante de la croissance économique de l’île, d’année en année… Et ça continue, surtout depuis Maria, puisque 75,000 portoricains sont partis vivre temporairement aux USA grâce à l’aide d’États américains. On peut croire que peu reviendront et que l’exode sera accentué. 

De plus, contrairement à Cuba, à la République Dominicaine ou à d’autres îles des Caraïbes, les touristes négligent l’île de Puerto Rico car les coûts sont plus élevés qu’ailleurs. La cause ? La syndicalisation des travailleurs qui n’existe pas ailleurs. Certes, plusieurs milliers de visiteurs y viennent quelques heures par jour via de nombreux bateaux de croisière qui accostent dans le port du vieux San Juan, mais cela n’alimente pas suffisamment l’industrie touristique, ni l’économie. Puerto Rico, malgré tout ce qu’elle offre en plages superbes, hautes montagnes spectaculaires, sites intéressants, musique envoûtante, chants du pays, nourriture originale et de grande qualité, ambiance chaleureuse, navigation de plaisance, monde sous-marin incroyable, soleil et chaleur constante toute l’année demeure non compétitive pour ceux et celles qui cherchent à aller au sud pour des vacances avec budgets serrés. Et les suites de Maria ajouteront à cette situation. 
   
C’est un problème insoluble car les syndicats sont intraitables. Encore l’an dernier, ils ont boycotté l’hôtel San Juan pour une question de salaires en s’en prenant inlassablement au bien être des nouveaux clients qui venaient pour une première fois profiter des rénovations majeures qui en ont fait un hôtel d’une haute qualité quasi unique. Plusieurs de ces touristes ont quitté sur-le-champ en exigeant des remboursements et les autres ne reviendront sûrement pas.

De plus, les casinos des hôtels étaient jadis fréquentés par de nombreux joueurs américains qui aujourd’hui trouvent des casinos dans des états américains plus près de chez eux. Cette clientèle perdue a créé un trou important dans le niveau des touristes.

Il y a aussi les « snow bird » américains et canadiens, propriétaires ou locataires de condos, dont le nombre jadis était important mais qui a baissé appréciablement à cause de mauvaises connections dans le transport aérien qui allongeaient appréciablement les heures de voyage. Venant de Montréal, par exemple, on pouvait prendre 7-8 heures, et même plus, pour se rendre à San Juan et souventes fois à des heures tardives. Aujourd’hui, en vol direct, cela se fait en moins de quatre heures, en plein jour.

Puerto Rico est donc à la croisée des chemins et a besoin de sa population pour sortir de ce marasme. Si le gouvernement américain l’aide, si son propre gouvernement comprend l’importance d’établir un nouveau programme pour attirer les entreprises manufacturières, si ses syndicats acceptent de mettre de l’eau dans leur vin, si son industrie touristique collabore intelligemment, si les portoricains font l’effort de rebâtir leur milieu, elle peut redevenir dynamique, revaloriser son potentiel et garder ses jeunes. Sinon, le moral de son peuple s’effondrera et l’exode continuera.   

Une chose certaine, Puerto Rico demeurera toujours une des plus belles îles des Caraïbes.


Claude Dupras

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