mardi 21 juin 2011

La « démonisation » des chefs politiques

Aujourd’hui, être chef de parti n’est pas une sinécure. Que l’on soit au pouvoir comme Stephen Harper à Ottawa ou Jean Charest à Québec, on est la cible de toutes les critiques. Et les partis d’opposition s’en donnent à cœur joie !

Après sa tentative de prendre le pouvoir avec la coalition Libéral-NDP-BQ, le Bloc Québécois (BQ) n’a cessé de salir Harper au point qu’il a réussi, puisque les Québécois n’aiment vraiment pas le premier ministre canadien. Le Québec a été la seule province canadienne à réduire son nombre de députés PC lors de la récente élection.

De même à Québec, le Parti Québécois (PQ) a fait fondre la popularité de Jean Charest de 51%, où elle se fixait il y a un peu plus de 18 mois, à 25% aujourd’hui en le calomniant et en cherchant à faire croire que le premier ministre du Québec est un homme corrompu.

On ne peut que constater que ces tactiques de dénigrement sont venues des séparatistes élus aux deux niveaux de gouvernement.

Mais comme il y a de la justice dans ce bas monde, l’électeur ne s’est pas seulement retourné contre les attaqués mais aussi contre les attaquants et n’accorde plus sa confiance à aucun. Il en a soupé de la démagogie.

Le Bloc est disparu le soir des élections et son chef n’est plus en politique. Quant au NDP, avec un chef qui a toujours maintenu ses critiques du gouvernement et de ses dirigeants au niveau des idées et du respect, il a été récompensé en récoltant une manne providentielle de comtés.

De son côté, le PQ connaît actuellement une impensable et difficile traversée du désert alors qu’il y a à peine un mois, une sensation de parfaite joie et d’optimisme l’avait envahi, suite au vote de confiance de 93% accordé à son chef Pauline Marois. Aujourd’hui, le leadership de cette dernière est en péril et on parle même d’implosion du PQ. Cinq députés ont quitté le parti : quatre en accusant le parti de ne pas faire de l’indépendance du Québec sa priorité ; l’autre en affirmant le contraire en reprochant au parti de donner trop d’importance à la séparation tout en ne s’occupant pas suffisamment des problèmes qui affligent la société québécoise. Jour après jour, la marée de critiques envers Marois devient tsunamienne et cette dernière subit, à son tour, les effets de la « démonisation ». On dit n’importe quoi sur elle.

Pourtant les arguments des opposants de Pauline Marois ne tiennent pas la route. Alors que le Parti Libéral du Québec (PLQ) est depuis longtemps au pouvoir et que celui-ci s’use à la longue, les sondages indiquent que le PQ est bien placé pour reprendre le pouvoir. Pour ce faire, le PQ doit être en mesure d’obtenir des votes fédéralistes. Comme René Lévesque en 1976, Marois réclame le pouvoir afin de créer et de diriger un bon gouvernement en reléguant à plus tard le débat sur la séparation. Les « purs et durs » séparatistes rejettent cette tactique et veulent à tout prix faire de la prochaine élection une élection référendaire. Pourtant les sondages sont clairs. Une majorité de Québécoises et de Québécois n’est pas d’accord et le parti risque de retourner dans l’opposition et de perdre plusieurs comtés s’il s’engage dans cette voie. « Tant pis » disent les séparatistes, « il faut faire ce que l’on doit faire ». Cette réaction ridicule démontre un sens d’irresponsabilité, un manque de sérieux et une incompréhension totale de la capacité d’agir que le pouvoir donne à un parti politique qui l’exerce.

Le PQ est le parti le plus démocratique du Québec. Mais si ses membres ne veulent pas suivre leur chef et reconnaître qu’elle propose une stratégie électorale responsable pour accéder au pouvoir, eh bien ! qu’ils la chassent ! Les fédéralistes, comme moi, seront très heureux de la tournure des évènements.

Je soupçonne que ce branle-bas péquiste a comme source la montée dans les sondages de l’ex-ministre François Legault. Depuis que ce dernier a quitté le PQ, il s’est dédié à analyser les problèmes principaux qui confrontent l’avenir du Québec et à trouver, avec des collaborateurs chevronnés, des solutions pratiques. À ce jour, il va bien, comme je l’ai affirmé dans un billet précédent. Ses propositions sont bien accueillies.

De plus, la volte-face récente, spectaculaire, inimaginable et surprenante de l’électorat québécois en faveur du NDP fédéral a marqué profondément d’un fer rouge les députés et les organisateurs du PQ. Ils semblent subjugués par cet évènement et croient en la possibilité qu’un effet similaire se reproduise lors de la prochaine élection provinciale. Ils craignent Legault, de plus en plus, mais croient possible, qu’avec un chef capable de générer un tel engouement massif, ils seront en mesure de recréer une vague similaire en faveur de la séparation du Québec. D’autres, plus opportunistes, comme d’ex députés et organisateurs du BQ, voient un Legault vainqueur et se collent à lui simplement par intérêt personnel.

Ces politiciens actuels ou en devenir oublient que la politique est un commerce d’images et d’illusions. Malheureusement pour lui, Legault manque de charisme naturel. Il est hésitant et n’a pas l’autorité d'un chef basée sur l'éloquence, la mise en scène et la fascination. Je ne vois pas en lui le prestige d’une personnalité exceptionnelle capable d’exercer son ascendant sur les autres. Je ne vois pas chez lui les qualités nécessaires pour se maintenir au haut des sondages. Ce n’est ni un Trudeau ni un Lévesque ni un Bouchard ni un Mulroney ni un Jean Charest (à ses débuts). Il est loin de l’image positive et entraînante que projette Jack Layton. D’ailleurs, depuis un certain temps, la cote de Legault diminue, même si ses idées sont bonnes et qu’il a une presse très favorable.

Pauline Marois, comme François Legault, souffre aussi d’un manque de charisme. Jean Charest demeure un premier ministre blessé et j’ai l’impression, si les sondages ne changent pas, que ses jours sont comptés et que le PLQ devra se choisir un nouveau chef suite à sa démission. Le chef de l’ADQ, pour sa part, ne démontre pas encore qu’il a l’étoffe nécessaire pour être premier ministre du Québec. Amir Khadir de Québec Solidaire, trop à gauche, impressionne de moins en moins. Quant aux « purs et durs » s’ils n’obtiennent pas la démission de Marois, ils disent vouloir présenter leur propre candidat. On peut prévoir qu’aucun de ces chefs n’aura un ascendant sur les autres.

Les péquistes ne doivent donc pas perdre les pédales ni remplacer leur chef, car la prochaine élection québécoise s’annonce comme une des plus serrées de l’histoire du Québec et l’organisation électorale comptera alors pour beaucoup. Ce sera un « free for all » et personne à ce jour ne peut prédire qui sera le gagnant ou la gagnante. Quant à moi, j’ose avancer, si la tendance se maintient, que le résultat sera un gouvernement minoritaire.

Tout ce qui arrive est pour le mieux. La politique sera dorénavant plus civilisée et les politiciens cesseront de dire n’importe quoi simplement pour obtenir la manchette des médias. L’électeur devient à nouveau souverain.

Claude Dupras

5 commentaires:

Michel Dion a dit…

UI... et je me questionne: pourquoi Mme Marois veux le pouvoir coûte que coûte..? Au risque de "saboter" l'option souverainiste du parti... Son but premier est-il plutôt de devenir la 1ère femme Premier ministre du Qc et de passer à l'Histoire... au détriment de l'option numéro UN du PQ..?

Serge C. a dit…

Monsieur Dupras….que voulez-vous???  LES QUÉBÉCOIS  NAISSENT CHIALEUX ET LE RESTE TOUTE LEUR VIE……..Rien ne peut se créer au Québec sans CHIALAGE….que ce soit un pont, la réfection de l'échangeur Turcotte, le plan Nord, les éoliennes, la construction de barrage et même la venue du duc de Cambridge avec son épouse…… et que penser du CHUM  !!!!

Gérard Lam. a dit…

J'apprécie vos commentaires toujours intéressants sur l'actualité et vous me forcez à réfléchir. Voici ce que je pense de la situation de la politique  québécoise actuelle. J'aimerais pouvoir lire les commentaires des autres que vous devez receoir.

Quand l'idée de la souveraineté du Québec a vu le jour, c'était une croisade, une cause pour ceux de notre génération qui se rendaient compte que les gens du Québec, professionnels, administrateurs, etc. n'avaient pas leur quotte part du gâteau canadien. Que la fonction publique fédérale était à peu près inaccessible aux canadiens français et toutes sortes d'autres injustices qui se perpétuaient.
Un des incidents qui a fait déborder le vase, fut la déclaration de Donald Gordon, président du CNR, disant qu'il n’avait pas trouvé un canadien français assez compétent pour remplir le poste d’un des 22 vice-présidents du CNR à ce moment-là.
Rappelons-nous que C'est Gilles Caouette et son groupe de créditistes qui ont exigé la traduction des débats à la chambre des communes. Le Québec partait de loin.
Les premiers souverainistes furent des gens foncièrement dédiés à  la cause et y ont sacrifié d'eux-mêmes. Je vous mentionne Marcel Chaput, Raymond Barbeau, André Dallemagne (qui a déchiré sa carte du PQ quand Yves Michaud a été condamné par les péquistes à l'assemblée nationale. Il fallait le faire contre un vieux routier comme Yves Michaud), Pierre Bourgault, Pierre Vallières, Raymond Villeneuve, Gilles Grégoire, René Lévesque pour ne nommer que ceux-là.
Après la prise du pouvoir en 1976, on s'est rendu compte que tous les élus n'étaient pas si chauds que ça pour la cause. Mais ils venaient d'avoir un job comme ils n'en avaient jamais rêvé. J'ai personnellement constaté le patronage comme avec les autres gouvernements; la souveraineté n'était pas nécessairement la chose prédominante excepté pour certains députés.
M Lévesque et son groupe ont réussi à faire des acquis importants pour le Québec; mais je crois que celui qui a fait le plus pour faire respecter les québécois c'est Raymond Villeneuve, les frères Rose et compagnie du FLQ. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais qu'est-ce que les mohawks ont-ils  fait pour se faire respecter? Avant qu'ils prennent les armes on se riait d'eux. Puis ils sont arrivés et ils ont dit" We mean business"; nous avons fini de nous faire piler sur la tête. Et la majorité a fini par les écouter.

Gérard Lam. a dit…

M Lévesque a constaté qu'il avait fait cheminer la souveraineté jusqu’à sa limite. Il a cessé de croire que les québécois voudront se séparer du reste du Canada et en toute logique, à mon sens, il a suggéré le beau risque. À mon avis, il avait raison et la suite des choses lui a donné raison.
Les ambitieux du pouvoir se sont révoltés, et rien n’a pas été tenté de convaincre la population de voter oui au referendum. On s'est vite aperçu que la nouvelle façon de gouverner était exactement la même que celle des autres partis. Jamais n'a-t-on vu autant de patronage et de petites faveurs accordées ici et là.
Les chefs sont devenus des petits dictateurs non fiables (Parizeau avec son histoire de homards), Landry avec son penchant pour les syndicats qui a fait engloutir 500, 000,000$ dans le projet de Chandler en plus d'avoir défiguré le zoo de Québec, une institution si chère aux Québécois. Les fusions municipales nous ont démontré qu'un gouvernement péquiste pouvait être dangereux pour la démocratie.

Il y a eu bien d'autres choses qui ont fait se retourner la population contre le PQ, mais la cerise sur le gâteau furent les démarches auprès de la commission du territoire agricole pour la construction du manoir de présente chef, et la prime de séparation de son mari de 300,000$ et sa pension à vie de 80,000$ par année pour avoir été à peu près trois ans au gouvernement et avoir fait subir une perte de plusieurs centaines de millions de dollars à la SGF
M Dupras, nous sommes loin des ambitions des Chaput, Bourgault, et les autres que j'ai nommés plus haut. La souveraineté est devenu seulement un prétexte pour permettre à certains de se faire élire à l'assemblée nationale. Elle n'aura pas lieu dans notre génération.
Comme vous le dites, les possibles leaders qui pourraient nous sortir de cette impasse de façon à ce que le PQ disparaisse avec son option, n'ont aucun charisme. Pas plus d'ailleurs que ceux qui occupent ces fonctions présentement.
Vous savez que le président américain n'était pas en faveur de la souveraineté. Je ne crois pas que tant que les États unis seront la puissance mondiale, la souveraineté ne pourra pas se faire.
Depuis certaines années, les canadiens français ont fait beaucoup de progrès dans la gouvernance  du canada et je ne crois pas que nous sommes si mal en point que la province devrait se séparer du reste du Canada. Vous savez, je crois que le petit peuple québécois a vécu mieux sous la gouverne des anglais qu'il ne l'aurait fait sous la gouverne des français; rappelez-vous de l'intendant Bigot.
Je crains comme la peste ces despotes à la Lucien Bouchard, à la Landry, à la Parizeau et maintenant à la Marois. Donnons-leur le pouvoir et ils vont nous chauffer le cul juste pour nous montrer qui est boss. Si les péquistes étaient conscients de la futilité de leur option, ils mettraient la souveraineté de côté, (qui ne se fera pas)  l'enlèveraient complètement de leur programme.

Jean L, a dit…

Voilà une analyse politique de qualité. J’aurais aimé la signer! Tu sais que je ne suis pas toujours d’accord mais cette fois tu tapes vraiment dans le mille.