dimanche 26 juin 2011

Fonctionnaires canadiens, sur vos gardes…

Le gouvernement conservateur canadien de Stephen Harper n’y va pas avec le dos de la cuillère. Sa loi de retour au travail des travailleuses et travailleurs de Postes Canada a finalement été adoptée hier par le parlement canadien suite au plus long débat qu’ait connu la Chambres des Communes depuis sa création. Il a duré 58 heures sans interruption. Un marathon exceptionnel qui a permis à la jeune et nouvelle députation du NDP d’acquérir sa première expérience parlementaire.

J’ai suivi de près ce débat, durant une dizaine d’heures, précisément pour analyser la valeur des nouveaux députés néo-démocrates. En général, ils ont bien passé leur premier examen et je dirais qu’à peine 10% d’entre eux n’ont pas été à la hauteur de la tâche. C’est compréhensible, car devenir député du jour au lendemain sans préparation antérieure n’est pas une mince tâche.

La fermeture temporaire de la Société canadienne des postes par lock-out fut décidée par l'employeur, en réponse aux grèves rotatives instituées par les employés. Elle avait de toute évidence été autorisée par le bureau du PM. Ces grèves furent organisées par le syndicat de façon à ne pas nuire à la livraison du courrier dans tout le pays. Elles créaient des ralentissements mineurs, localisés et changeaient de province tous les jours. Le but était de rappeler à l’employeur les demandes de ses syndiqués. En résumé, nous assistons à un retour au travail, forcé par le gouvernement, après un arrêt obligatoire du travail, autorisé par le même gouvernement. C’est une situation inhabituelle et ridicule.

Stephen Harper justifia sa décision par la nécessité d’assurer la reprise économique du pays, alors que le NDP, les quatre députés du Bloc et les libéraux défendirent la liberté de négociation entre patron et employés. Le NDP a fait prolonger le débat sachant que certaines négociations continuaient pour rapprocher les deux parties. Mais le projet de loi incita les dirigeants de Postes Canada à rester fermes sur leurs positions.

Le projet de loi fixe les salaires des employés des postes plus bas que ceux acceptés précédemment par Postes Canada. De plus, il réduit les salaires des nouveaux employés de la Société, en plus de retarder de cinq ans la pension de ceux-ci. Donc, pour le même travail, les employés n’auront pas les mêmes salaires ni les mêmes pensions. Et cela malgré que Postes Canada ait réalisé l’an dernier un surplus de près de 300 millions de $.

Ces salaires négociés dans le passé et acceptés par les parties sont revus à la baisse unilatéralement par le gouvernement et sans discussion. Le syndicat et les fonctionnaires sont contraints d’accepter de se soumettre sous peine d’une amende de 100 000 $ pour le syndicat en cas de désobéissance et de 1 000 $ par jour pour les employés. N’ayant pas les moyens financiers de défier la loi spéciale, ils se soumettent. On peut imaginer le genre d’atmosphère de travail que ces décisions vont créer.

Je ne suis pas du genre à applaudir les syndicats de fonctionnaires. Mais dans le cas qui nous concerne actuellement, je pense que le gouvernement est injuste et se trompe.

C’est du vrai conservatisme américain à la teaparty. On n’a qu’à se rappeler la décision du gouverneur républicain du Wisconsin et sa majorité, il y a à peine quelques mois, qui ont décidé de couper unilatéralement de façon appréciable les salaires de tous les fonctionnaires afin de réduire le déficit de l’État. D’autres États suivirent et cherchèrent à copier le Wisconsin. C’est un autre cas qui démontre combien notre gouvernement canadien ne fait que calquer les politiques de la droite de la droite américaine. On a même entendu des accusations de « socialistes » et de « communistes » dans la bouche des debaters conservateurs. Le mot « socialiste » résonne comme si c’était un vrai péché mortel dans la tête d’un grand nombre d’anglophones du pays.

Et moi qui croyais que le PM Harper se resituerait plus près du centre et contribuerait à calmer la « démonisation » des chefs de parti au Parlement Canadien. En fait, il refuse de reconnaître que le NDP est beaucoup plus social-démocrate que socialiste.

Le PM Harper rassure tous les opposants que la loi remet dans les mains d’un arbitre, l’obligation de choisir entre l’intégralité de la position des dirigeants des postes ou de celle des syndiqués. Ce n’est que de la foutaise car l’expérience démontre que toujours, c’est la position patronale/gouvernementale qui est choisie.

Si j’étais un fonctionnaire canadien, je serais inquiet des gestes récents du gouvernement et je craindrais qu’éventuellement mon salaire et peut être ma pension soient aussi affectés.


Claude Dupras


Ps. Comme je le disais au début de ce billet, les nouveaux députés du NDP m’ont généralement impressionné. Il y en a un entre autres qui est vraiment exceptionnel. C’est Roméo Saganash. Il a remporté la circonscription québécoise d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou par une avance de 22 points de pourcentage sur son adversaire conservateur.

Saganash est un homme bien éduqué, calme et possédant un charisme naturel et débordant. J’ai trouvé qu’il est un excellent debater et d’une logique à toute épreuve qui vient probablement de sa longue expérience au service des siens et des Premières Nations du Canada. Il est fort impressionnant.

Né en 1962 sur la réserve indienne du lac Waswanipi, il fonde en 1985, le Conseil des Jeunes de la Nation Crie. En 1989, il devient le premier diplômé d'origine crie à obtenir un baccalauréat en droit au Canada. Entre 1990 et 1993, il a joué le rôle de vice-grand chef du Grand Conseil des Cris du Québec. Puis, directeur des relations des Cris avec le Québec et le monde. En 1997, il a présidé le comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James. En 2003, il a reçu un prix de reconnaissance de l'UQAM pour avoir joué un rôle majeur dans les négociations de l'entente historique, la Paix des Braves, signée le 7 février 2002 entre le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris. Depuis son élection au parlement canadien, il est le porte-parole de l'opposition officielle du Canada pour les ressources naturelles. C’est une homme fort impressionnant.

En regardant évoluer Roméo Saganash, je me suis mis à rêver de voir cet homme distingué et racé devenir le premier ministre du Canada. Il serait le premier autochtone à l’être et il me semble que ce serait bien normal qu’un membre des Premières Nations, dirige enfin son pays… et le nôtre. Un rêve ? Peut être… mais qui sait… puisqu’il est de toute évidence bien préparé pour une telle responsabilité. A vous Canadiens qui me lisez, je recommande de syntoniser les débats de la Chambre des Communes à la chaîne parlementaire CPACF dès la reprise des travaux, après les vacances, où vous pourrez le voir, l’entendre et juger de sa compétence. CD

2 commentaires:

Liane a dit…

Comment peut-on travailler ? 58 heures sans interruption et être capable de trouver une solution équitable pour les employés (e)? Le grand Chef n’a pas fini de nous en faire voir. Ça ne fait que commencer.

Gérard Lam. a dit…

J'ai toujours craint l'élection d'un gouvernement réformiste conservateur avec Stephen Harper. Ses premiers agissements calqués sur le gouvernemnt américain républicain me donnent raison.

Rappelons -nous ce coup de force de Ronald Reagan losqu'il a congédié tous les contrôleurs aériens.
Attendons-nous à en voir de toutes sortes d'ici quatre ans.

Que voulez-vous, ce n'est pas la majorité des canadiens qui voulaient cela, mais avec le système électoral que nous avons,une minorité peut gouverner. Toute une démocratie!

L'acession de Saganash au rôle de chef du Canada serait un vrai retour des choses; j'aimerais cela.