dimanche 26 septembre 2010

Belgique : comment en est-on arrivé là ?

Les conflits politiques actuels en Belgique peuvent amener ce pays à éclater en deux États indépendants. Certains politiciens du Québec, dont l’ancien premier ministre Bernard Landry, ont commenté cette situation et y voient un exemple pour les Québécois en rapport avec la séparation du Québec de l’ensemble canadien. Un ami, Jean Pierre Renard, Belge d’identité et de cœur, a accepté mon invitation de traiter, sur mon blog politique, de ce qui se passe dans son pays pour le bénéfice de mes lecteurs. Je l’en remercie. Claude Dupras.

Voici son texte :


Belgique : comment en est-on arrivé là ?

La Belgique est née en 1830. Au fil des siècles, nos régions ont été colonisées par les Espagnols, les Autrichiens, les Française et les Hollandais.

C’est une révolte populaire contre l’occupant hollandais chez nous depuis 1815, suite à la chute de Napoléon de Waterloo, qui a permis notre indépendance.

La création de ce bouclier de Paix au centre de l’Europe, à la place d’un éternel champ de bataille entre blocs antagonistes, a été appuyée par toutes les grandes puissances du moment (Angleterre, Prusse, Autriche, Russie et aussi la France).

Le français était alors la langue parlée dans tout le pays par ceux qui jouaient un rôle dans les échanges, le commerce, l’administration et la bourgeoisie éclairée dominante. Le français est donc devenu la langue officielle de la Belgique.

En Flandre, nord de la Belgique, il existait des patois d’origine germanique parlés par les gens de la campagne et le petit peuple. En Wallonie, sud de la Belgique, les patois étaient d’origine romane, avec des mots dérivés du latin et du grec.

Une évolution lente et constante a amené les patois flamands à devenir une langue flamande à part entière reconnue comme telle par « la loi d’égalité » seulement en 1898. En Wallonie, les patois n’ont pas évolué et le français, langue universelle, a été adoptée par tous.

La Flandre a vu se développer une identité qui lui est propre et un sentiment de revanche contre le français considéré comme l’expression d’un colonialisme ravageur.

Le meilleur exemple actuellement est Bruxelles, située en terre flamande, où plus de 85% de la population parle français et qui fait tache d’huile sur les communes périphériques de la capitale au grand désarroi des autochtones flamands et attise leur haine du français.

D’où les nombreuses lois qui furent votées pour garantir l’intégrité linguistique de la Flandre et la fixation en 1963 d’une frontière linguistique officielle séparant horizontalement la Belgique en deux et confirmant la loi de 1921 divisant le pays en trois entités : la région unilingue francophone (Wallonie), la région unilingue flamande et une région bilingue (Bruxelles).

Les élections de juin 2010 ont vu le NV-A, parti nationaliste flamand prônant la scission de la Belgique, gagner avec 30% des voix dans le nord du pays. Au sud, les socialistes ont remporté haut-la-main les élections et leur parti est resté largement majoritaire.

Il était donc normal que les deux vainqueurs du scrutin négocient un nouveau gouvernement fédéral avec l’aide d’autres partis politiques. La Flandre exige plus d’autonomie à tous les niveaux et ne veut plus participer financièrement à la solidarité qui existe entre les deux communautés depuis toujours.

Jusque dans les années 1960-70, c’est la Wallonie qui était riche et qui participait au développement tant du nord que du sud.

Mais la situation a changé.

Au sud, les charbonnages ont fermé et les industries sidérurgiques et métallurgiques ont subi la récession. La reconversion du sud du pays progresse favorablement mais lentement et l’apport des investissements étrangers est tout aussi important actuellement que dans le nord du pays.

Dans le nord, l’esprit d’entreprise et les industries de pointe qui se sont développés lui ont apporté la richesse. Il profite aussi de débouchés grâce à Zeebruges pour les matières énergétiques et Anvers pour l’ouverture sur le monde.

Scission ou pas de scission du pays ?

Un tabou est tombé en Wallonie.

On ose en parler ouvertement se rendant compte que tout céder aux Flamands amènerait immanquablement à une scission du pays au détriment des francophones. « La lucidité n’est pas la résignation ».

La Wallonie ne le souhaite pas mais il est de bonne guerre qu’elle s’y prépare.

Si une nation flamande se dessine, cela reste problématique pour la Wallonie qui ne serait viable qu’en formant un État Wallonie-Bruxelles.

Les Flamands lâcheront-ils Bruxelles dont ils on fait leur capitale malgré leur minorité linguistique (entre 5% et 10%)?

Deux problèmes se profilent en cas de scission :

1. Le partage de la dette publique, qui se monte à 330 milliards d’euros, éventuellement au pro rata de la population :

+/- 6,5 millions de Flamands
+/- 3 millions et demi de Wallons
+/- 1 million de Bruxellois.

2. Le chômage :

17% en Wallonie (en voie de résorption)
7,5% en Flandre

Il y a cependant des éléments positifs pour le futur État Wallonie-Bruxelles :

1. Une population plus jeune
2. Un redressement significatif de la situation économique
3. Un PIB plaçant le nouvel état au 8ième rang européen sur 27.

En conclusion, on peut penser que la scission n’est pas pour maintenant mais serait envisageable dans les années qui viennent, plus ou moins 10 ans. En effet, il reste une étape intermédiaire : celui d’une Confédération Belge où chacun aurait plus de liberté économique, financière et sociale.

En attendant, je dis « Vive la Belgique » qui reste une valeur sûre sur le plan international.

Jean Pierre Renard

3 commentaires:

La Goutte a dit…

Assez beau résumé de la situation. Néanmoins, je ne parlerai pas de révolution populaire mais de révolution tout court. A l'instar de la France, je parlerai même plutôt de révolution bourgeoise. Celle-ci a été initiée par une alliance (contre-nature) entre catholiques et libéraux qui avaient trouvé un intérêt commun pour foutre les hollandais dehors. Pour les premiers, la cause est le protestantisme des provinces du nord et pour les libéraux, les libertés (de la presse notamment) diminuées par Guillaume d'Orange. C'est cette alliance qui a donné naissance à la devise belge : "L'union fait la force". Elle fait en effet référence à l'union entre catholiques et libéraux et non entre flamands et francophones...

J.Al. a dit…

Une excellente approche de la part de Mr Renard cependant, je dois signaler qu'il ne parle pas de l'entité de langue "allemande" en Belgique. Une partie de notre pays qui elle vit sans aucun problème. Les hollandais ne sont pas mieux placé que nous car, ils n'ont pas non plus de nouveau gouvernement depuis les élections.
De mon avis une entente ne pourra pas être trouvée entre les deux grandes communautés et nous irons une nouvelle fois aux urnes. Tout cela est tellement navrant pour un si petit pays qui est le nôtre ! Je me rappelle d'une interview du président Tshombé du Katanga et a qui un journaliste demandait pourquoi les congolais ne s'entendaient pas et sa réponse était superbe : comment voulez-vous que nous nous entendions il y a tellement de différentes composantes et de langues différentes et vous ici en Belgique vous n’avez que trois langues : le français, le flamand et l’allemand et vous ne vous entendez même pas. Il avait tout à fait raison.
Il serait tellement simple de faire tous les documents officiels dans les trois langues et comme cela tout le monde pourrait comprendre et ce ou qu’il se trouve sur le territoire. Egalement de parler les trois langues dans tout le pays. Mais, cela ne se fera jamais et ce par la « FAUTE » des politiciens qui veulent toujours tirer la couverture à eux et surtout se remplir les poches sur notre dos. Sans parler de toutes les magouilles du parti socialiste ! C’est à se demander comment il se fait qu’autant de gens votent encore pour ce parti « infréquentable » ?
De plus en Belgique il y a environ 11.000.000 d’habitants et nous avons 6 gouvernements différents et pas moins de 55 ministres ! Un vrai scandale. En France il y a 63.000.000 d’habitants et 1 seul gouvernement et 15 ministres. Il n’est pas difficile de chercher les erreurs !

Jean-Pierre Renard a dit…

Réponse à ton correspondant qui notait la non présence des germanophones de Belgique dans mon article.
Il a parfaitement raison . Si je n’ai soufflé mot des germanophones de Belgique c’est que mon article visait principalement le contentieux Flamands – Francophones.
Or,la Communauté germanophone regroupant 70.000 personnes dans l’Est de la Belgique, en frontière avec l’Allemagne, fait partie intégrante de la Région Wallonne dont elle dépend et vit en parfaite harmonie avec les Wallons et le restant de la Belgique.
En 1970, Trois Communautés ont été créées officiellement avec des pouvoirs étendus sur toutes les activités culturelles et linguistiques.
1) La Communauté française de Belgique
2) La Communauté flamande
3) La Communauté germanophone
Chaque Communauté possède un exécutif, sorte de gouvernement, et une assemblée.
La Communauté germanophone est soudée,riche et prospère et nombre de frontaliers travaillent en Allemagne .
Son Histoire est jalonnée de péripéties.
Déjà en 1815 , chute de Napoléon à Waterloo, le deuxième traité de Paris RATTACHE à la PRUSSE ces cantons de l’Est ( Eupen, Saint-Vith, Malmédy Waimes etc).
Cette domination prussienne durera 104 ans. Ce n’est que par le Traité de Versailles en 1919 que ces cantons dits « rédimés »( du latin signifiant restitués) seront rendus à la Belgique.
Mon grand-père et parrain Albert Renard devenu sénateur belge en 1921 a été le premier journaliste politique à solliciter ce rattachement à notre pays.
Ses relations privilégiées avec Georges Clémenceau et la Commission Wilson ont facilités les choses .
Enfin, lors de la seconde guerre mondiale en 1940, l’Allemagne nazie à de nouveau annexé ces territoires qui payeront un lourd tribut en Hommes par l’incorporation de ses enfants dans les troupes allemandes présentes en Russie.
Cette mise au point était effectivement nécessaire car il fallait rendre justice à mes compatriotes germanophones
bedsuse