mercredi 21 septembre 2011

Une commission d’enquête sur la construction au Québec : Oui ou Non ?

Le 13 mai 2009, j’ai réclamé dans mon blog une enquête sur les augmentations vertigineuses des prix de la construction dans les projets publics au Québec. Mon billet intitulé : « Des prix de fous! » faisait état de « la flambée des prix de la construction de l’extension du métro à Laval, du projet de l’autoroute Ville-Marie, du contrat des compteurs d’eau de la ville de Montréal, des prévisions budgétaires pour les garages et les centres d’entretien pour l’Agence métropolitaine de transport (AMT), du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) pour ne mentionner que ceux-là car il y en a des dizaines d’autres ».

Comme ingénieur qui a œuvré dans le domaine de la construction durant plus de 40 ans, je ne pouvais m’expliquer les augmentations aussi considérables et je voulais les souligner à mes lecteurs. En conclusion, j’en étais arrivé à proposer « la mise sur pied par le gouvernement du Québec d’une commission d’enquête sur les coûts de construction » et j’ajoutais « Il est urgent de bien comprendre ce qui se passe afin de faire les corrections nécessaires car le Québec va entreprendre dans les cinq prochaines années plus de 45 milliards $ de travaux d’infrastructures ».

En 2010, l’opposition à l’Assemblée Nationale a finalement ressenti ce qui se passait dans le domaine de la construction et a réclamé sans relâche une enquête du domaine de la construction et ses effets sur le financement des partis politiques. Malheureusement, les attaques du PQ étaient trop teintées de partisannerie pour avoir les effets qu’elles méritaient. Mais, heureusement, de nombreux groupes et individus se sont levés pour dénoncer la situation et le PM Jean Charest, en bon politicien et après de longues hésitations, a finalement décidé d’agir. Il a donné le mandat à Jacques Duchesneau, ex-chef de police de Montréal, de diriger l’Unité Anti-collusion du ministère des Transports et de faire rapport sur la situation. De plus, il a créé l'Unité Permanente Anti-Corruption (UPAC) avec pouvoirs d’enquête et recommandation.

Même si depuis 2009, j’avais alimenté mon blog de plusieurs billets pour insister et démontrer la nécessité de la mise sur pied d’une enquête publique, j’en étais venu à la conclusion que finalement ces nouveaux organismes gouvernementux, mis-sur-pied par le gouvernement, pouvaient faire la lumière sur ce que je dénonçais comme un scandale extraordinaire de corruption. J’en concluais que la commission d’enquête publique serait longue, coûteuse, avec des témoins protégés par la loi, et n’aboutirait pas aussi rapidement que la police pour mettre fin au scandale. En somme, il me semblait que l’on pouvait atteindre les mêmes résultats plus facilement et rapidement avec les Unités. Depuis, comme tous les Québécois et Québécoises, j'ai attendu. Peu de résultats ont émané des responsables de ces Unités.

Et, comme je commençais à désespérer, voilà, il y a une semaine, que Jacques Duchesneau a présenté son rapport à son ministre. Ce document est accablant et résume une situation dans la construction qui frise le crime organisé, où la vraie concurrence n’existe pas, où les prix sont fixés... et où les partis politiques semblent être récipiendaires d’une partie de ces fonds pour leurs besoins électoraux. Dans un premier temps, le PM Charest a pris le tout comme un grain de sel et a recommandé aux Québécois de ne pas croire toutes « les allégations » du rapport car il n’est pas truffé de preuves. Il est difficile de croire que Duchesneau, dont la carrière policière et la réputation sont sans tache, se soit amusé à produire un rapport simplement pour écrire des mots. La conclusion est simple : Duchesneau a frappé le clou sur la tête et ça fait mal…. Il a raison. Et le gouvernement le sait.

Le PM veut remettre le rapport Duchesneau à l’UPAC pour continuer l’enquête et porter les accusations qui s’imposent. Que Jean Charest le fasse, s’il le veut, mais qu’il sache que face à une telle situation, unique dans son genre, qui sent mauvais et qui porte les soupçons d’un scandale d’une envergure jamais connue au Québec, la vraie solution est d’assurer que les Québécois soient totalement renseignés et sensibilisés sur tous les aspects de cette situation. Nous devons connaitre les vrais coupables qu’ils soient de la pègre, du gouvernement, de la fonction publique, d’entreprises de construction, de fournisseurs de matériaux, de firmes d’ingénieurs, etc…. La seule façon de tout découvrir et de tout comprendre est une enquête publique. La démocratie l’exige. Le scandale des commandites nous l’a bien démontré.

Ce sont les Québécois qui payent…Ce sont eux qui sont les dindons de la farce… Et avec les besoins grandissants de notre population, ça suffit le vol de nos deniers.

M. Charest, je ne vous blâme pas de cette situation. Je crois vraiment que nous nous sommes tous fait avoir par ces bandits. Mais, dans les circonstances actuelles, vous n’avez pas d’autre alternative. Si non, vous semblerez être un complice de ce système pourri qui mine davantage, de jour en jour, notre société.

Claude Dupras

5 commentaires:

Liane a dit…

C’est connu depuis longtemps ces fraudes dans la construction. Pensons aux vols et tout ce qui est arrivé lors de la construction du stade olympique. On a donc rien appris de cette magouille. À partir de ce moment-là, il aurait fallu porter attention à ce qui ce passait dans ce domaine. On ne serait peut-être pas arrivé au point où on en est aujourd’hui. Pourquoi les gouvernements n’ont-ils rien fait avant aujourd’hui. Je me méfie des engagements du gouvernement. C’est épuisant d’agir et c’est plus facile et intéressant de dépenser notre argent dans des voyages, parfois utiles et plus souvent inutiles. Je n’ai pas de preuves de ce que j’avance, mais c’est ce que j’éprouve et il y en a beaucoup d’autres qui pensent comme moi. Espérons que nous n’attendrons pas 10 ans pour voir de l’ amélioration. Monsieur Charest,je vous souhaite du succès dans cette entreprise.

Michel Lambert a dit…

Bon blog M. Dupras. Félicitations d'être si éveillé et merci de nous transmettre cet éveil.

Gérard L . a dit…

M Dupras
Le gouvernement ne parle que de bandits et de pommes pourries.
Vous souvenez-vous lorsque le scandale de la torture des prisonniers à la prison d'Abou Graid, en Irak, en 2004, ou le président Bush et le sécrétaire à la défense Rumsfeld disait que ce n'était l'oeuvre que de quelques pommes pourries.
Nous avons su par la suite qu'ils étaient au courant de tout et en plus qu'ils avaient orchestré l'opération eux-mêmes.
Maintenant , chaque fois qu'un officiel de gouvernement parle de pommes pourries, je ne peux pas m'empêcher de penser à cet incident et de me poser des questions à savoir qui sont les vraies pommes pourries.

J'ai moi-même oeuvré dans le domaine de la construction, et M Duchesneau ne m'a pas appris beaucoup de nouveau, excepté, que l'état est menacé d'être pris en charge par la mafia.

Dans un livre de Pierre Lajoie, ancien président du bureau d'ingénieurs LMBDS de Jonquière, il en parle des pots-de- vins qu'il doit donner pour que les politiciens lui parlent et essayer d'avoir des contrats et de toutes les pirouettes qu'il doit faire pour avoir du cash pour satisfaire ces monsieurs.

Vous comprendrez que jamais Jean Charest va permettre une enquête de la construction.Il aurait du le faire seulement sur le sujet de la collusion  entre entrepreneurs, particulièrement dans la région de Motréal. Maintenant, s'il doit enquêter sur les dons des bureaux de professionnels, avocat, ingénieurs, informaticiens, ... il n'est pas sorti du bois.

La seule façon, je crois, pour forcer Charest à faire un commission d'enquête, ce serait l'enlèvement d'un membre du gouvernement.Ne pensez pas que je suis en faveur d'un telle option, mais à force de réfléchir, j'en suis venu à penser cette situation inacceptable pourrait le faire bouger.

Je crois que sa famille est menacée; alors, il ne peut pas bouger.

Yves R. a dit…

Tout le monde s’entend pour dire qu’il y a un ménage à faire dans le milieu de la construction. On dirait aussi que tous s’entendent, à une exception notoire près, sur la nécessité de tenir une commission d’enquête publique sur cette industrie. En ce qui me concerne je veux bien! Seulement, d’après ce que j’ai retenu des différentes commissions précédentes ça me laisse perplexe, étant donné les lacunes de chacune d’entre elles!

Prenons la commission d’enquête sur l’écroulement du viaduc de la Concorde à Laval : Comme tous et chacun étaient fautifs à la fois... personne ne fut tenue responsable de cette tragédie (il y a eu 5 morts et 6 blessés). Coût : 2 800 000 $

À propos de la fameuse commission Gomery sur le scandale des commandites, la leçon fut la suivante : Lorsqu’on est obligé de témoigner, rien ne nous oblige de dire quoi que ce soit! Remercions pour cela l’amnésique Jean Lafleur ("je ne me rappelle plus"), l’insignifiant Tony Mignacca ("j’étais accompagné de l’homme qui m’accompagnait"), le laconique Joe Morselli ("..."), etc. Coût : 80 000 000 $ d’après certaines estimations.

Deux mots à propos de Morselli, sans être un conspirationniste, son décès (crise cardiaque) survenu environ huit mois après la commission, m’a, à tout le moins, surpris! Surtout lorsqu’on emporte avec soi certains secrets! Enfin!

Sans oublier la commission Bastarache, qui nous aura appris (sans plus, il me semble) que le processus de nomination des juges au Québec est perméable aux interventions et aux influences de toutes sortes! Soulignons que M,Charest et M.Bellemare s’en sont sortis indemnes! Coût : Plus de 5 250 000 $

Je vais terminer cette liste en citant un autre dénommé Morselli (celui-ci est professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal) : "...l'analyse des témoignages entendus à la commission Gomery tend à montrer que ce genre d'enquête ne contribue que très peu à faire la lumière sur un problème de corruption."

http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/sciences-sociales-psychologie/la-commission-gomery-a-davantage-servi-a-maintenir-le-secret-qua-faire-connaitre-la-verite.html

Oui, les commissions ont leur utilité! Mais ce n’est pas l’outil parfait dont on serait en droit de s’attendre! Que devrait-on faire dans le cas de la construction? Et si notre premier ministre avait raison?

ouedkniss a dit…

Excellent point de vue que je partage en tout points.