vendredi 25 mars 2011

Le coût de la langue française

Au Québec, on parle le français! Plus qu’avant, mieux qu’avant. La langue française est prédominante partout, même à Montréal où vivent plus de citoyens de langue anglaise.

Avant la loi 101, statuée en 1977, c’était un free for all. Par exemple, au début de ma carrière d’ingénieur-conseil en 1958, la très grande majorité des grands entrepreneurs en plomberie, chauffage, ventilation et électricité était de langue anglaise. Lors de soumissions publiques pour la construction d’écoles, ils étaient presque toujours bas soumissionnaires au détriment des entreprises francophones qui souffraient d’une carence de personnel expérimenté et de moyens financiers. Un autre cas fut la construction du siège social de l’Hydro Québec, inauguré en 1962. Pour ce projet important entrepris par le gouvernement du Québec, les plans et devis d’architecture, de mécanique et d’électricité furent préparés uniquement en langue anglaise, et cela par des firmes-conseils francophones. Ces exemples démontrent bien que les droits linguistiques des Québécois et Québécoises étaient mal définis malgré qu’on affirmait alors que le Québec était la seule province du Canada à pratiquer le bilinguisme anglais-français au niveau institutionnel.

Avec la loi 101, quasi constitutionnelle, la langue de la majorité, le français, est devenue la langue officielle de l’État.

Le Québec a aussitôt changé, puisque ses objectifs nous donnaient le droit de communiquer en français avec le gouvernement, les ordres professionnels, les associations d’employés et les entreprises québécoises établis au Québec. De même, dans les assemblées délibérantes. Nos travailleurs pouvaient exercer leurs activités en français, les consommateurs être informés et servis en français, et les personnes aptes à l’enseignement le recevoir en français. C’était simple et normal.

Cette loi arriva au moment où le Québec commençait à former des individus techniquement capables d’entreprendre, de gérer des entreprises et même de prendre des risques financiers. En effet, les écoles scientifiques et commerciales bénéficiant de nouveaux bâtiments, lancés par Maurice Duplessis, pour l’université de Sherbrooke en 1954, l’École Polytechnique en 1956, la faculté des sciences à Québec inaugurée en 1962 et les HEC de Montréal, produisaient enfin un nombre grandissant de diplômés. L’atmosphère de la révolution tranquille ajoutait à l’enthousiasme et on vit germer partout sur le territoire de nouvelles entreprises de toutes catégories, propriétés de francophones. Plusieurs acquéraient des entreprises anglaises.

La peur de la loi 101 a cependant créé un tort appréciable au Québec, dit « le brain drain ». La société anglophone devint inquiète de son avenir. Ses familles les plus enracinées demeurèrent au Québec, mais un très grand nombre de leurs jeunes hommes et femmes d’affaires, diplômés universitaires, jeunes et moins jeunes, crurent bon de se réinstaller hors Québec. De 788 000 membres, la communauté anglaise diminua à 600 000 en 1971. De plus, depuis 1971, près de 20% des anglophones nés au Québec, bilingues et possédant des doctorats, continuent à nous quitter pour gagner ailleurs leur vie. Nous avons perdu une richesse de talents incroyables et j’ai mal en imaginant ce que seraient Montréal et le Québec si toutes ces personnes, qui nous connaissaient bien, étaient demeurées ici avec leurs descendants (qui aujourd’hui seraient bilingues).

Et il y a l’immigration. Un débat s’élève sur le critère de la connaissance et de l’apprentissage du français dans la grille québécoise de sélection des nouveaux immigrants. L’an dernier, le Québec a accueilli 53 000 nouveaux arrivants dont 33 000 travailleurs qualifiés et 2 000 gens d’affaires. 68 % maitrisaient bien le français. La majorité venait d’Afrique, particulièrement du Maghreb. Malheureusement, cette immigration s'est avérée insuffisante pour répondre à la demande des employeurs québécois pour des travailleurs de haute technicité.

En Ontario, et particulièrement à Toronto, les immigrants sont d’Asie. Ils sont plus riches, plus nombreux et plus techniquement qualifiés que ceux qui viennent au Québec. D’ailleurs, ça se répercute par le boom immobilier que Toronto connaît actuellement. Par exemple, une des nombreuses nouvelles tours à condos en construction est un édifice de 65 étages dont l’appartement le moins cher se vend environ 600 000$. Le promoteur est le montréalais Jonathan Weiner qui affirme avoir vendu en quelques semaines plus de 50% des condos. « On se bousculait pour les acheter et les acquéreurs sont de nouveaux arrivants asiatiques hautement instruits et compétents ». En général, ces derniers ne parlent que l’anglais comme langue seconde et Toronto est plus facilement accessible pour eux que le Québec comme porte d’entrée au Canada.

Voilà pourquoi Toronto a enlevé à Montréal, le titre de la grande ville canadienne qui compte le plus de sociétés nationales et internationales de haut niveau.

La question que plusieurs se posent maintenant est la suivante : « Doit-on, au Québec, davantage tenir compte des besoins des employeurs et accorder moins d’importance à la maîtrise initiale de la langue française ? ». En somme, doit-on favoriser l’immigration économique ? Cela ajouterait un nombre d’immigrants plus riches et plus éduqués à l’économie québécoise qui serait ainsi mieux soutenue.

Les indépendantistes québécois par la bouche du député péquiste Pierre Curzi répondent : « …le français est menacé, particulièrement dans la région de Montréal, il est tout à fait inadmissible de chercher à supprimer le critère de la langue française dans la sélection des nouveaux arrivants ». Leurs opposants diront que les nouveaux arrivants qui contrôlent moins bien le français devront de toute façon faire éduquer leurs descendants dans les écoles françaises du Québec et ceux-ci deviendront éventuellement des parlant français. Entretemps, l’économie québécoise aura profité de leur apport et sera plus forte pour tout le monde.

Comment calculer le coût de la langue française pour les Québécois ?

Au point de vue des objectifs de la loi 101 pour l’individu et sa langue, des nouvelles générations d’entrepreneurs francophones, du visage français de Montréal et de l’amélioration de la langue parlée et écrite, ce fut un gros gain.

Au point de vue de l’économie de Montréal et du Québec suite au « brain drain », au déménagement des entreprises à Toronto et de la constance depuis dans l’apport supérieur des immigrants à l’économie de la Ville-reine, ce fut une perte pour Montréal qui a été évidée de sa vigueur économique.

Doit-on modifier la loi 101 pour favoriser l’économie québécoise ? C’est la question actuelle. Pas facile à trancher…

Claude Dupras

9 commentaires:

Alain L. a dit…

J'pense que votre ville de Montréal doit arrêter à la rue St-Laurent. Faut faire un tour ou avoir de la parenté dans le West Island pour constater que même des québécois de souche francophone s'adressent à nous en anglais. Une bande de colonisés »

Liane a dit…

On ne peut pas changer la loi 101. Oh! le conflit! C’est aux francophones d’insister pour qu’on leur réponde en français. Oui, mais beaucoup de francophones comprennent ou parlent l’anglais; alors c’est simple de ne pas se compliquer la vie et parler anglais lorsque l’occasion se présente. En général, c’est ce qui se produit. Il faut les écouter lorsqu’ils font l’effort de parler français et leur parler en français.
Et puis, il faut toujours blâmer quelqu’un! Pourquoi les francophones ne sont-ils pas plus nombreux à parler anglais. C’était défendu d’enseigner cette langue dans les écoles alors que les enfants peuvent apprendre plus d’une langue étant très jeunes. Et ceux qui l’interdisaient en étaient parfaitement conscients. C’était incompréhensible et ce l’est toujours. C’est plutôt récent que les enseignants, qui ont réussi à bien l’apprendre savent le bien enseigner. Même après le départ des anglophones, les responsables n’ont rien compris et l’enseignement de la langue anglaise a continué d’être interdit. Devinez qui étaient les responsables?
Je crois que les jeunes francophones n’ont besoin de personne pour comprendre ce qu’ils ont à faire. Mes enfants l‘ont appris en écoutant la télé en anglais. À 4 ans, mon aînée était parfaite bilingue et a toujours bien parlé le français.

Alain L. a dit…

"Votre texte est de la même mourutre que les jésuites m'ont appris plus jeune. Conclure sous forme de question, afin de ne jamais se prononcer sur un sujet. Sans l'avouer, vous êtes prêt à accepter les plus Rhodésiens des anglophones parce qu'ils nous apportent du cash. Au diable notre langue, en autant que le cash entre. Ma réponse à votre question de jésuite : It's my way (le français absolu) or the highway (Toronto)."

Liane a dit…

Alain
À qui votre réponse de Jésuite s’adresse-t-elle? Je ne comprends pas votre réponse.

Louis de K. a dit…

Vous écrivez que l'exode de certains éléments anglos est une grande perte pour le Québec. Sans doute, et le jour que l'université Mc Gill pliera bagages le sera encore plus. Ma réponse est que nous devons créer nous-mêmes les compétences qui nous manquent. Attribuer la prospérité relative de l'Ontario à l'exode d'anglophones causé par la loi 101, me semble forcer la réalité un peu. Lorsque Montréal était la métropole du Canada, elle l'était comme ville anglaise. C'est vrai que l'exode d'entreprises anglaises commença (ou continua) lorsqu'elle commença à s'affirmer comme francophone.
A savoir que François Legault a fondé Air Transat me rassure un peu sur notre potentiel. Et le fait que le Québec a fourni les meilleurs premiers ministres du Canada depuis l'Union de 1840 devrait nous rassurer un peu.
Selon mes calculs, s'il n'y avait pas et d'immigration vers le Canada tel que limité aujourd'hui, la population serait à peu près égale à ce qu'elle est devenue. À vous de prouver le contraire: l'immigration anglaise commencée avec la révolution américaine, avait pour but d'établir assez d'Anglais pour minoriser les Français que nous sommes. Ce qu'.on réussit vers 1850. Ensuite on pouvait instituer un régime démocratique en toute sécurité. Et puisque le gouvernement d'Ottawa, successeur de celui de Londres, continue cette politique pour éliminer notre poids politique ici même au Québec. Processus qui est entrain de réussir même si nous sommes encore majoritaires.
Une autre chose: la langue française va survivre en autant qu'il existera une masse critique de francophones unilingues. Et vlan pour l'enseignement intensif de l'anglais en sixième

Claude Dupras a dit…

C’est plus de 100 000 individus qualifiés avec de l’argent qui sont partis. Sans compter les nombreux sièges sociaux des plus grandes compagnies canadiennes. Cela change vite une ville. D’ailleurs Montréal a perdu son titre de ville la plus importante du pays, après cet exode. L’auréole d’Expo 67 et des Jeux Olympiques s’est vite éteinte à cause de tout ce débat.

Notre poids politique diminue à cause de notre population qui croît moins que celle des autres provinces. Cela n’a rien à voir avec les partis fédéraux mais avec la loi qui est ainsi faite. Si nous avions gardé notre monde, notre poids serait plus grand. La baisse est une conséquence directe de cette migration vers l’Ontario et ailleurs. Combien représente de personnes aujourd’hui c’est 100,00 personnes partis dans les années ’70 et leurs descendants ? Et ça continue. C’est comme la détermination des comtés au Québec, tout dépend de la démographie. Les politiciens n’ont pas à intervenir et je déplore qu’ils le fassent. C’est la loi. C’est la démocratie. Il faut quand même être juste.

Il y a sûrement moyen de concilier le respect de la langue française et l’effort de garder nos gens chez nous, quelques soient leur langues. Il y a va de notre intérêt économique à moins qu’Old Harry nous apportent soudainement des milliards au moulin.

Je regrette de lire que vous favoriser l’unilinguisme. Vous emblez oublier que nous vivons en Amérique et que dans le monde la langue anglaise est celle des affaires. Un jeune québécois qui ne possède pas l’anglais est handicapé. C’est inimaginable que nous acceptions une telle situation. Cela n’a rien à voir avec la survie de notre peuple, de notre nation. Je suis autant nationaliste que vous mais je ne crains pas de respecter le Canada car je reconnais que c’est une chance unique de vivre dans un tel pays. J’aime le Québec et je l’ai toujours défendu, Je le veux fort. Je veux que ma langue soit protégée et je ne m’oppose pas à la loi 101. Je pense cependant qu’il faudrait, peut être, revoir quelques uns de ses aspects étant donné où nous en sommes. Partout où j’ai œuvré, j’ai été un ardent défenseur de notre nation, de notre langue, de mes compatriotes. Je crois que nous sommes un peuple solide, solidaire, entrepreneurs et fier. A nous de profiter de nos qualités et de prendre notre place dans ce grand et riche pays qu’est le nôtre. Je ne suis pas prêt à le donner aux autres. Je veux garder mon butin.

Mansour a dit…

J'ai lu très attentivement tes commentaires concernant le cout de la langue française et j'ai été un peu déconcerté par tes conclusions apparentes.

Il ne fait pas de doute que les canadiens anglophones nés et enracinés dans la province de Québec se retrouvent dans une situation où ils devaient s'adapter au nouveau : Québec ou prendre la valise (comme disaient les pieds noirs en Algérie, a la fin de guerre de libération). Mais ce qui m'a étonne c'est que tu n'as pas soulève les raisons réelles de l'émigration anglophone du Québec. A mon avis, les transformations économiques à elles seules ne peuvent pas expliquer cette fuite du Québec. Il ne fait pas de doute que le conflit culturel, ancestral, entre les anglophones et francophones, " is live and well" à ce jour. Les anglophones n'ont encore pas accepte la récupération de la culture française au Québec.

L'invasion des asiatiques de toute l'Amérique du nord est a mon avis renforcée par les lois d'immigration aussi bien aux USA qu'au Canada. N'est-il pas vrai qu'il faut plus d'un million de US$ pour autoriser automatiquement l'entrée des nouveaux immigrés dans ces deux pays. Et pour ce qui concerne la différence du niveau d'éducation entre les immigrés asiatiques et les Africains, y compris l'Afrique du nord, je pense que l'argument que je te suggère plus haut joue un rôle déterminant. Il n'y a pas des milliers d'ingénieurs, de médecins du Maghreb, capable de se payer une clinique médicale au Canada ou aux USA avant même de faire sa demande pour émigrer en Amérique du nord.

Si le Canada en particulier décidait du jour au lendemain a n'accepter que le niveau de formation comme critère de demande d'immigration, je suis absolument certain que ce pays aura autant de cadres supérieurs francophones d'origine de l'Afrique du nord en particulier, mais aussi d'autres pays d'Afrique francophones. Mais je doute qu'une telle approche sera considérée à court ou même à moyen terme. L'émigration et l’immigration, qu'on le veuille ou pas sont devenus un grand business qui profite malheureusement aux affairistes les plus immoraux de l'Amérique du nord.

Claude Dupras a dit…

Les anglophones du Québec sont là depuis plus 200 ans. Il y a eu la conquête où les Français ont mal défendu leur territoire après l’avoir négligé depuis sa découverte. Après, il y eut les tentatives d’assimilation par Londres des 66 000 français de la Nouvelle France, qui n’ont pas réussies grâce à la solidarité des canadiens français qui refusèrent de perdre leur langue et leur religion. Après, ce fut l’histoire du pays où les deux groupes se combattirent pour finalement arriver à une entente du nom de Canada.

Avant la loi 101, nous vivions en Français. Toute ma famille et les autres familles de canadiens-français vivaient et parlaient en français. Les écoles, les collèges, le gouvernement du Québec étaient en français. L’économie cependant ne l’était pas et ce milieu était difficile à transpercer par un Canadien-français malgré qu’un grand nombre d’entres nous étions parfaitement bilingues et compétents. La loi 101 a changé cela, à mon avis. Tout devenait français dont la langue du travail. Les affichages, tous les produits de consommation, les notices de produits, etc… ont été écrits en français. Un exemple, c’est la compagnie Kellogg qui a ajouté le français sur tous ses produits, comme le Corn Flakes, au point qu’aujourd’hui à Puerto Rico on peut lire les notices françaises sur ces boîtes. C’est de même pour un très grand nombre de produits vendus partout en Amérique. C’est grâce à l’application de la loi 101 au Québec.

Les anglophones ont acceptés difficilement de perdre des droits qu’ils avaient, comme envoyé leurs enfants dans des écoles anglaises à l’élémentaire. Ils le digèrent mal encore aujourd’hui. Je les comprends. Je n’étais pas à l’aise personnellement non plus. J’ai toujours dit que les Québécois francophones ne se grandiront jamais en mettant le pied sur la tête d’un Anglais.

À mon avis, maintenant que le français est bien intégré partout, l’on pourrait considérer d’apporter des changements à la loi 101. Non pas en changer le fond, qui demeure fort important, mais trouver des ajustements raisonnables pour calmer nos concitoyens anglophones.

Claude

Mansour a dit…

je crois que dans mon dernier message j'etais d'accord avec pratiquement toute ton analyse. Tout ce que je voulais ajouter etait le fait que la loi d'emmigration au canada et meme aux usa qui est toujours en vigueur favorisait grandement les riches du monde sous developpe et ne s'interessaient pas tellement de l'apport potentiel des cadres de l'afrique du nord en particulier, qui sont tous francophones mais qui sont issus de classes au mieux moyennes de cette region. Meme A.K. n'aurait probablement pas eu la possibilite d'emigrer au canada son tes interventions, car il n'avait pas les millions de dollars a deposer dans les banques canadiennes.
C'est tout ce que je voulais  te souligner dans mon dernier message.