lundi 7 mars 2011

Jusqu’au dernier dictateur arabe….

Les intellectuels arabes comme l’écrivain algérien Boualem Sansal et les scientifiques arabes ne sont pas très écoutés en Arabie. Pourtant dans le passé, ils ont maintes fois donné des signaux d’alerte à leurs concitoyens pour chercher à les faire réagir. Malheureusement, les gouvernements de la Ligue arabe s’assuraient toujours que leurs opinions n’aient pas d’échos. Même en Occident, elles étaient volontairement ignorées.

Un exemple frappant est le rapport des Nations Unies de 2002 traitant du développement humain chez les arabes. Il a été préparé et rédigé par un groupe d’intellectuels arabes sous la direction d’un statisticien de renommée internationale, l’égyptien Nader Fergany. Les constatations de ces chercheurs ont démontré combien il sera difficile pour les Arabes de s’adapter à la démocratie.

Le rapport conclut que le monde arabe en comparaison avec l’Occident a trois grands manques : en éducation, dans le respect de la liberté et dans l’accès des femmes au travail.

Les statistiques démontrent le triste retard du monde arabe. Le produit domestique brut total des 330 millions d’Arabes est moindre que celui des 47 millions d’Espagnols. Per capita, les dépenses en éducation dans les pays arabes ont été de 20% dans les années ’80 et de 10% dans les années ’90, de celles des pays industrialisés. Les documents scientifiques émis dans ces pays (par million de personnes) ont été près de 2% de ceux des pays industrialisés. Le monde arabe a traduit 330 bouquins par année, soit le cinquième de ce qui s’est fait en Grèce. Au point de vue de la liberté individuelle, les pays arabes sont les derniers sur les échelles de comparaison. A l’aube du 21ième siècle, il y avait plus de 60 millions d’adultes illettrés en Arabie, dont la majorité sont des femmes. On prédit que dans 10 ans, le Yemen sera le premier pays du monde à manquer d’eau. Et encore….

Ce bilan désastreux est celui des dictatures des pays arabes. Voilà ce que les despotes qui les dirigent qualifient de « stabilité ». En réalité, cela ressemble plus à des sociétés prises dans un sable mouvant.

Nos gouvernements occidentaux portent aussi le blâme pour ces chiffres honteux. Au lieu de favoriser la transformation des sociétés arabes pour les aider à sortir leurs habitants de la misère, nos leaders politiques ont flatté et cajolé leurs dirigeants-oppresseurs, n’agissant ainsi que pour assurer et protéger l’alimentation en pétrole de nos pays respectifs. Que les peuples arabes n’aient pas de droits fondamentaux, que la corruption soit généralisée au vu et au su de tous, que leurs femmes soient illettrées et non respectées, que leurs familles demeurent dans la misère, que leurs jeunes n’aient pas l’éducation nécessaire pour obtenir des emplois motivants, que l’intolérance soit prêchée dans les mosquées, etc… rien de tout cela n’était important car seule l’alimentation en pétrole comptait et… compte toujours.

Aujourd’hui, les jeunes arabes n’en peuvent plus. Ils se soulèvent et crient leur faim de liberté et leur besoin d’accès au monde moderne. S’ils réussissent à obtenir une vraie démocratie pour leur pays, ils en seront les premiers bénéficiaires et le monde se portera mieux. Mais soyons réalistes, ce ne sera pas facile. Il y aura beaucoup de soubresauts, mais le temps fait bien les choses et finalement ils prévaudront et réussiront à s’adapter. Ce n’est pas une mince tâche qui les attend. C’est le prix de la liberté.

Ils devront être vigilants pour empêcher que de nouveaux tyrans viennent les tromper, reprennent le pouvoir et confisquent leur nouvelle démocratie, comme ce fut le cas pour les jeunes algériens de 1990 qui après avoir réussi leur révolte ont vu les généraux ressaisir le pouvoir suite aux élections démocratiques de 1992 et le conserver jusqu’à ce jour.

Appuyons ces révolutionnaires qui vont changer non seulement leur monde mais aussi le nôtre. Appuyons-les aujourd’hui, demain et après-demain car ils sont sérieux. En effet, les jeunes Égyptiens et les jeunes Tunisiens nous le démontrent encore chaque jour. Ils n’acceptent pas n’importe quoi de ceux qui les dirigent temporairement et restent dans la rue pour exiger des changements réels, profonds et durables.

Les autres contestataires de Lybie, de Bahreïn, d’Oman et du Yémen combattent toujours. Ce matin, les dépêches nous rapportent que l’Arabie Saoudite défend toute manifestation dans le pays et que l’armée de Bouteflika apeure les jeunes et les empêche de manifester à Alger et à Oran. N’est-ce pas là la démonstration que la liberté n’existe pas dans ces pays ? Ces actions irraisonnables auront à la longue un effet boomerang qui fera en sorte que ceux qui, à ce jour, demeurent supporteurs des régimes actuels, se retourneront à leur tour contre les autocrates qui les persécutent.

Supportons-les. Que nos dirigeants politiques collaborent avec eux, et avec les autres qui s’ajouteront dans les mois prochains, pour assurer que le grand chambardement de tout le monde arabe devienne une réalité. Faisons en sorte que ce peuple arabe qui a déjà été grand, puisse se débarrasser des parasites qui l’ont entraîné dans les entrailles de l’enfer où il se trouve, et qu’il ait les instruments pour le redevenir.

L’objectif final de cette lutte sera atteint, comme l’a écrit Sansal : « … lorsque tombera le dernier dictateur et que sera brisé ce machin absurde, l’Arabie Saoudite, club de faux princes arrogants et cruels, qui se pose en gardien de la mythique race arabe et du véritable islam, et que disparaîtra la Ligue arabe, club fantoche mais combien pernicieux avec sa vision raciale et raciste du monde ».

C’est possible !

Claude Dupras

6 commentaires:

Mansour a dit…

Merci pour tes commentaires concernant l'avenir de l'Algérie. Je suis entièrement d'accord avec tes souhaits pour l'avenir de l'Algérie. Mais malheureusement, et comme tu le dis si bien, la société algérienne d'aujourd'hui, malgré les derniers événements a travers le monde arabe, n'est pas du tout prete a commencer a mutation nécessaire.

Je voudrais tout d'abord te dire que je ne sais vraiment pas ce que la nouvelle génération des arabes veut. On répète constamment que la jeunesse arabe veut se débarrasser des régimes qui les étouffent pour enfin avoir des régimes démocratiques. Mais en dehors de la Tunisie et de l'Égypte je ne vois pas ou les autres jeunes arabes veulent aller. Il faut tout de même admettre que les révoltes a Bahreïn par exemple sont tout simplement une nouvelle phase de la lutte ancestrale entre les chiites et les sounis a travers le monde arabe. Les mouvements en Jordanie sont particulièrement bases sur des différents tribaux.

Il ne fait pas de doute que la jeunesse algérienne est la mieux placée pour vraiment lancer une révolution démocratique, a cause de ses contacts profonds avec la France en particulier et le reste de l'Europe en général. Mais le drame de l'Algérie c'est qu'elle a un autre problème socioculturel qu'aucun autre pays arabe n'a. Je parle du problème politique et culturel qui sépare les Kabyles d'un cote et le reste de l'Algérie qui est fondamentalement entièrement arabo-musulmane. A mon avis tant que nous avons a gérer ce conflit ancestral je ne vois comment la jeunesse algérienne d'aujourd'hui puisse enfin lancer un mouvement national démocratique capable de nous libérer du régime militaro-policier de l'Algérie.

Regardes les résultats fâcheux des dernières manifestations organisées par le RCD, parti défendant les droits des kabyles, et l'association des droits de l'homme dirige bien entendu par un Kabyle. Alors que même le petit pays comme Bahreïn avait réussi a mobiliser des milliers de chiites depuis des semaines déjà, les manifestations algériennes a ce jour n'ont pas pu mobiliser plus que quelques centaines de manifestants a Alger. Mieux encore il n'y avait aucune manifestation dans les villes comme Constantine ou Oran dominées par les algériens supportant la vision arabo-islamique de l'Algérie.

Je ne crois pas que l'Algérie pourra se consacrer aux grands problèmes universels comme les droits de l'homme et du citoyen tant qu'elle n'a pas résolu son problème culturel entre le berbérisme et l'arabisme de l'Algérie.

Claude B. a dit…

Je ne sais pas si tu as vu l’émission The Fifth Estate de CBC sur la Lybie mais il y a là une preuve tangible de la complaisance de nos pays à l’endroit de ces régimes d’apparat qui règnent sur le monda arabe. On y parle de la conversion de Kadhafi dans les années 90 avec témoignages à l’appui, notamment Tony Blair qui fait l’apologie du dictateur. Je crois que le doc s’intitule Kadhafi, The Last Days. Notamment on montre les rapports entre la police secrète du Guide avec ceux de la Grande Bretagne, photos à l’appui avec le témoignages des ambassadeurs de l’ époque. Incroyable. Il y a même le témoignage d’un ancien diplomate américain qui faisait partie de l’ équipe de Reagan au moment du bombardement de la tente de Kadhafi qui a coûté la vie à un de ses fils dans les années 80. Ce même gars a été embauché par le Guide dans les années 2000 pour redorer l’image de Mouamar en Occident. Il raconte tout bonnement comment il a contribué au redressement de l’image du pays. Tony Blair raconte comment c’est lui en personne qui s’est envolé auprès de Kadhafi pour signer l’entente de fourniture de pétrole au nom de Shell vers 2003.Un document sans appel qui nous fait comprendre le silence de plusieurs états occidentaux lorsque les troubles se font jour dans le monde arabe.

Liane a dit…

Que doit-on penser de la manifestation des islamistes à Londres. Ces gens-là ne sont pas prêts à se laisser faire. Au contraire, les problèmes ne sont pas tous résolus, même avec les succès de quelques pays. Les uns, sincères ou pas, veulent la liberté d’agir, d’autres la refusent. Pourquoi? Ils sont habitués à faire ce que l’on exige d’eux. Que veulent les femmes dans ces conjonctures, elles qui sont traitées comme des parias. Ça viendra sans doute quand ils seront vraiment dégoutés de vivre dans la crainte. Quand ils réaliseront qu’il y a mieux pour eux. Alors, ils se décideront à essayer de déloger leurs dictateurs. Espérons que ça ne sera pas trop différé.

Mansour a dit…

Cher ami,

Je suis en général d'accord avec ton dernier blog. Ceci étant dit je voudrais ajouter a ton analyse quelques réflexions.

Tout d'abord il faut reconnaitre que la situation de la femme arabe, du Maroc au golf persique ( à l'exception de l'Arabie saoudite!!!) a drôlement évolue entre les années 60 et aujourd'hui. L'analphabétisme des filles arabes était pratiquement total au début des années 60 et aujourd'hui non seulement l'alphabétisation des filles a rejoint celui des garçons mais la place de la fille arabe a l'université a non seulement rattrape celui du garçon arabe mais l'a totalement déplace depuis quelques années. Plus de 60% des étudiants universitaires en Algérie par exemple sont des filles. Mieux encore la grande majorité des étudiants en médecine en Algérie est composée de filles. Et plus de 60% des diplômés du secondaire sont des filles depuis déjà des années en Algérie.

Il est vrai que la situation de la femme algérienne professionnellement n'est pas encore au même niveau que celle de la femme européenne mais il faut tout de même reconnaitre que les secteurs de l'éducation ou de la médecine sont de plus en plus domines par les femmes algériennes. Même les administrations algériennes sont de plus en plus investies par les nouvelles générations de filles algériennes mieux éduquées que leurs frères.

Ceci étant dit le secteur de l'éducation a travers tout le monde arabe est médiocre compare aux secteurs de pays comme ceux de l'Asie ou même de l'Amérique du sud. Et la faillite de ce système de l'éducation du monde arabe était prévisible des le départ, à cause des décisions politiques prises dans les années 50/60 a travers le monde arabe. Pour te donner un exemple de cette faillite je voudrais souligner les expériences de l'Égypte, la Tunisie, le Maroc et aussi l'Algérie. Au départ l'Égypte avait un système éducatif qui favorisait la promotion du français et de l'anglais. Toute l'élite égyptienne des années 60 était multi-linguale. Même dans les années 70 tous les cadres administratifs égyptiens d'âge avance étaient très a l'aise avec le français en particulier et l'anglais. Mais les jeunes administrateurs égyptiens étaient incapable de communique dans une langue autre que l'arabe.

L'histoire de l'Egypte a été revécue en Tunisie avec la généralisation de l'utilisation de la langue arabe dans tout le système éducatif a tel point que même le français qui était pratiquement la seconde langue nationale du pays avait totalement disparu dans ce pays. Mais le plus grand drame a été l'histoire du système éducatif algérien. En 1962 nous avions déjà un embryon de système éducatif bilingue très performant. Les jeunes algériens qui ont eu la chance de faire leurs études dans les Medersas maitrisaient totalement non seulement la culture arabo-musulmane mais aussi la culture française. Mon frère Ali en est l'exemple. Mais des 1962, et durant la course au pouvoir Ben Bella déclarait que l'Algérie devait reprendre son héritage arabe et divorce de la culture occidentale. Ainsi du jour au lendemain le système des medersa avait été déraciné et remplace par un système progressivement arabo-musulman de l'enseignement élémentaire a l'université aujourd'hui.

En conclusion le monde arabe n'a malheureusement pas eu un Ata Turk pour non seulement récupérer l'indépendance politique mais aussi préparer de nouvelles nations ouvertes sur le reste du monde.

Je suis absolument pour le déracinement de tous les pouvoirs dictatoriaux du monde arabe, a commencer par l'Arabie saoudite. Mais je t'avoue l'élimination des dictatures actuelles n'est pas la fin en elle-même pour enfin mettre le monde arabe sur la bonne voie de progrès et démocratie. J'attends toujours qu'un vrai leader arabe avec charisme d'un ata Turk sortir des rangs de ce monde pour enfin commencer a avoir un peu d'espoir dans l'avenir de ce monde.

claude dupras a dit…

Mansour

Merci. Je suis heureux de tes commentaires. Ils sont à point. Par contre j’ai une question pour toi : les statistiques que j’ai énumérées dans le billet de mon blog sont-elles exactes. Je crois que oui parce qu’ils viennent d’un rapport des Nations Unies. Est-ce possible qu’il y ait erreur ou exagération ? Merci de m’éclairer sur cette question.

mansour a dit…

Non je crois pas avoir dit que le monde arabe est au meme niveau de d eveloppement economique et social que le monde occidental. Tout ce que je voulais ajouter a ton blog est une reevaluation de l'evolution du monde arabe dans les domaines de l'education et surtout du revenu par tete d'habitant a travers tout le monde arabe. Je revenu par tete d'habitant en tunisie et en egypte etait a peine au meme niveau du niveau des pays africains. Ces deux pays etaient en 1960 eligibles aux credits de l'IDA de la banque mondiale. Aujourd'hui ces deux pays ont des revenus par tete d'habitant de plus de 1500 dollars.L'analphabetisme en egypte et l'algerie en particulier etait plus de 50% alors que maintenant nous avons pratiquement ellimine l'analphabetisme dans ces deux pays. Ceci etant dit je suis le premier a denoncer la strategie de tout le monde arabe dans le domaine de l'education. Nous avons efffectivement ellimine l'analphabetisme des nouvelles generations mais la qualite de l'enseignement que nous donnons aux enfants arabes est des plus mediocres. La constante approche de la massification de l'enseignement accompagnee par une evolution demographique qui continue a etre un frain a tout effort de developpement des societes arabes et le refus de se tourner vers le lancement d'un systeme education plus selectif et qualitatif est a mon avis le plus grand obstacle a l'evolution des societes arabes. Il est peut etre temps au monde arabe de revoir l'histoire du japon par exemple ou de tous petits tigres d'asie pour peut etre trouver une solution a l'amelioration de la qualite de l'enseignement dans ces pays.