lundi 2 mars 2009

L’Afghanistan : mission impossible

Le PM Stephen Harper a déclaré hier, dans une interview à CNN, que l’OTAN ne peut gagner sa guerre en Afghanistan. Ce fut une entrevue bien intéressante où Harper a paru comme un homme politique intelligent et bien renseigné. Pour une fois, j’étais en accord avec toutes ses affirmations. Il avait des airs d’Obama. Notre caméléon canadien a vite oublié son rôle GWBush.

Harper a reconnu publiquement, enfin, la réalité en rapport avec l’issue de la guerre. Il n’a fait que répéter ce qu’une vaste majorité de Canadiens lui disait depuis les premiers jours de l’engagement de notre pays dans ce conflit. Nous savions que si l’ancienne URSS avec plus de 235,000 soldats et l’Empire Britannique aux siècles précédents étaient rentrés bredouilles des guerres qu’ils avaient entreprises dans le pays Afghan, une armée de l’OTAN de moins de 75,000 hommes ne pourrait réussir davantage.

Après la mort de plus de 100 soldats et d’un très grand nombre de femmes, d’enfants et d’autres Afghans, après plusieurs milliers de blessés, après des coûts directs estimés à 11,3 milliards de $ (sans compter les autres milliards investis pour moderniser notre armée), après avoir envoyé au front notre armée sans les équipements essentiels à sa protection comme des véhicules tout terrain adéquats et des hélicoptères (rapport Manley), le PM Harper reconnaît maintenant sa grave bêtise.

Alors qu’il expliquait que notre participation à la force de l’OTAN était un acte humanitaire et de reconstruction, il n’investissait que seulement 10% des coûts directs à ces fins. Aujourd’hui, il affirme que le nouvel objectif est de « placer au pouvoir un gouvernement afghan en mesure de gérer la présente situation ». Pourtant, c’est lui, qui il n’y a pas tellement longtemps, recevait et flattait dans tous les sens le président afghan Hamid Karzaï nonobstant le fait que ce dernier soit reconnu comme un homme corrompu qui dirige une bande de ministres corrompus. L’Afghanistan n’ayant jamais eu un gouvernement central fort, et cela depuis des siècles, je crois illusoire de penser que l’Occident pourra créer un tel gouvernement pour « gérer » le pays, assurer son propre développement et la protection des droits de toute sa population.

L’armée canadienne aurait pu, dès cette année, demander d'être remplacée par un autre pays de l’OTAN, mais le PM Harper en a décidé autrement en prolongeant, pour une deuxième fois consécutive, le mandat de notre armée jusqu’en 2011. C’est impardonnable surtout après l’exemple de l’ex-PM Jean Chrétien qui refusa de participer à la guerre de l’Irak.

C’est l’administration de GWBush qui a poussé les membres de l’OTAN à modifier sa vocation et à se lancer dans la guerre contre l’Afghanistan. Plusieurs pays ont alors accepté avec beaucoup de réticence ce changement de direction et c’est ce qui explique, aujourd’hui, leur refus de participer pleinement à l’effort de guerre. Par exemple, tous les pays, sauf, enfin, les USA, hésitaient à remplacer éventuellement le Canada dans le sud du pays, la partie la plus dangereuse.

Le PM Harper prétend que l’Afghanistan est « un test important pour l’avenir de l’OTAN ». En prédisant l’échec de la guerre, comme il vient de le faire, il exprime le sentiment que le rôle futur de cet organisme, créé après la deuxième guerre mondiale, devra être remis en question et revenir à ses objectifs initiaux, soit la protection des pays-membres. Ou, encore, se faire hara-kiri, comme plusieurs pays européens le pensent et l’espèrent, afin de laisser les Nations-Unies s’occuper, comme il se doit, des problèmes mondiaux. Le temps de L’OTAN est dépassé.

Quant à la possibilité de reconsidérer la date de 2011 pour la sortie de nos troupes, le PM Harper a exigé de l’OTAN et particulièrement des USA, une stratégie de sortie réaliste de ce conflit, clairement établie. Sans cela, il n’est pas prêt à modifier quoi que ce soit. De toute façon, s’il change cette date, je crois qu’Harper fera une erreur politique capitale. Mais, il ne faut pas s’inquiéter, car cela n’arrivera pas puisque le secrétaire américain à la défense, Robert M. Gates, a déclaré récemment, avant Harper, que cette guerre était ingagnable. Il me semble clair que la future stratégie américaine tiendra inévitablement compte de la conviction de son secrétaire expérimenté.

Nous sommes pris dans cet engrenage jusqu’en 2011. D’ici là, espérons que les commandants de notre armée feront tout pour éviter les morts et les blessés et se concentreront sur l’aide aux Afghans.

Claude Dupras

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis d'accord surtout avec la conclusion de votre texte: « espérons que les commandants de notre armée feront tout pour éviter les morts et les blessés et se concentreront sur l’aide aux Afghans. » Je crois que c'est l'essentiel: moins d'argent pour la guerre ,davantage pour la paix.

Qu'aurait-on pu faire pour les Afghans avec les 18 milliards $ qui ont été dans la guerre?