Note : mon dernier blog date du
3 octobre 2015, moment où j’ai dû, pour des raisons personnelles, arrêter
d’écrire mes textes. Les choses s’étant améliorées, il me fait plaisir de
reprendre mes écritures. Merci à mes fidèles lecteurs et de commenter. Claude
Dupras
Le 22
février 2016
Le phénomène Trump
La politique
américaine actuelle devient, jour après jour, de plus en plus intéressante.
Elle se situe aujourd'hui dans la course pour le choix des candidats
républicains ou démocrates pour la présidence du pays. Et celui qui ajoute
davantage de piment dans ce brouhaha quotidien est le constructeur newyorkais
Donald J. Trump qui vise à devenir président des États-Unis sous l’étiquette
républicaine.
C’est au
début des années 80 que j’ai entendu parler, une première fois, de Trump. Il
avait 36 ans et venait de construire le « Trump Tower » à New York. La
réputation de la qualité architecturale et des caractéristiques de ce projet
était devenue un sujet de conversation dans le milieu de la construction, particulièrement
à Montréal où j’œuvrais. J’étais surpris de ce qu’avait pu réussir ce jeune
entrepreneur dans la « Big Apple ».
Pour
construire sa tour, Trump avait dû démolir un édifice art deco, sur la 5e
avenue, qu’il avait acheté à la surprise de plusieurs. Faisant fi des exigences
municipales de conserver les anciennes façades sculptées du bâtiment existant,
il voulait donner une allure contemporaine à son nouveau bâtiment qu’il imagina
de 57 étages, une vingtaine de plus que ne le permettait le règlement sur un
site si petit.
Trump
proposa son plan mais les autorités le refusèrent. Pour les convaincre, il imagina
l’idée, révolutionnaire pour l’époque, d’un bâtiment à multiples occupations.
Il en dédia une partie pour des grands magasins et boutiques de détail, une autre
pour des bureaux d’affaires et une dernière pour des résidences de haute
qualité. Il convainquit IBM, propriétaire de l’édifice voisin à l’est, de
relier leur bâtiment au sien par une arcade et fusionna ses étages inférieurs
aux leurs. Il acheta les droits aériens de l’autre édifice voisin, propriété de
Tiffany’s, imagina construire un immense atrium et en fit un espace public
respectant les codes municipaux du temps. L’accès aux bureaux supérieurs s’y fera
aussi. Cet ensemble plut à la ville et Trump obtint son permis. Mais, il n’avait
pas fini car il voulait que la construction soit de très grande qualité afin
d’attirer le plus grand nombre possible de personnes du public à son bâtiment.
Ainsi, il recouvrit l’espace public de marbre blanc avec veines, de miroirs et
de laiton avec sa couleur cuivre-jaune-or dominante. Il ajouta une attraction d’envergure,
soit une chute d’eau de cinq étages sur une des parois du hall, visible des
boutiques, des cafés, du pont qui traverse l’étang au bas des chutes et des
escaliers mobiles. Le tout couronné d’une immense verrière. Dans les années ’80,
c’était époustouflant pour un bâtiment commercial privé.
Trump
réussit son pari et la « Trump Tower » devint dès son ouverture, un
arrêt obligatoire pour les touristes newyorkais. Ce que mon épouse et moi
firent, dès l’ouverture du complexe, et nous ne l’avons pas oublié.
Trump
continua sa carrière de promoteur et de constructeur et prêta son nom à des
projets de qualité partout dans le monde, incluant Toronto et Vancouver. Il
devint aussi une vedette de la télévision américaine avec l’émission The apprentice. Il est très connu et estime
valoir aujourd’hui huit milliards $. C’est un success story hors de l’ordinaire qui démontre le talent de cet
individu et ses qualités d’administrateur et de promoteur imaginatif et persuasif.
Cette année,
Trump a décidé de plonger dans les « primaires présidentielles
américaines » pour le Parti Républicain. À ce jour, il mène la course et
les pronostics sont très bons pour lui, au grand désespoir de l’establishment du parti qui juge qu’il mine
la crédibilité de leur parti et qui cherche par tous les moyens à dérailler sa
campagne qui progresse trop positivement, à leur grand souci.
Trump arrive
au moment où une grande majorité de républicains est choquée de ce qu’elle
qualifie du peu de progrès de leur pays. Pour elle, le gouvernement gruge
continuellement dans sa vie personnelle, la dette nationale dépasse toute
proportion raisonnable, la politique étrangère est inquiétante, la pauvreté
s’étend, les manufacturiers quittent pour d’autres cieux…
Elle
reproche à Obama d’avoir fait des ententes cordiales avec Cuba et l’Iran, le blâme
de la poussée islamiste de Daech qui devient menaçante dans le monde entier, craint
la modernisation de l’armée russe de Poutine et sa politique étrangère qui prend
de plus en plus de place et d’importance sur l’échiquier mondial.
De plus, elle
veut abolir le nouveau programme de santé d’Obama, l’Obamacare, qui dérape à
cause des honoraires des médecins et des prix de médicaments qui s’envolent. Elle
est désespérée de constater que la politique libérale d’Obama s’engrange dans
le public et que même les élus républicains, majoritaires au Sénat et à la
Chambre des représentants, collaborent avec Obama comme ce fut le cas lors de
l’adoption du dernier budget.
De son côté,
la droite religieuse est choquée de constater que les maisons de planification
familiale, où se déroulent des avortements, persistent et prospèrent.
Et encore…
L’avantage
de Trump est qu’il a bien saisi l’inquiétude de la droite américaine. Il sait
quoi dire et comment le dire. Il est la voix de l’opposition la plus agressive.
Il est le seul qui est vraiment écouté. Il s’élève contre la Presse qu’il
qualifie de mensongère et odieuse. Il est intéressant à écouter, à regarder et
partout, dans les différents états où il réunit les républicains, les arénas
débordent. Il aime à dire aux foules qu’il attire « this is fun ». Oui,
ses grandes assemblées sont joyeuses et tout le monde s’amuse au dépend d’Obama,
de la Presse, des leaders républicains et des autres candidats dans la course.
Ses discours sont à teintes racistes, à propositions souventes fois ridicules
sans toutefois affecter son image, bien au contraire.
Trump
finance sa propre campagne contrairement à ses adversaires qui reçoivent des
centaines de millions de $ de compagnies qui se réunissent dans des groupes
nommés SuperPac. Jeb Bush, par
exemple, fils et frère d’anciens présidents, a dépensé plus de 100 millions de
US$ depuis le début de la campagne qu’il a affectés à de la publicité négative
contre Trump majoritairement et contre Marco Rubio, le candidat qui suit ce
dernier. Résultat : Bush vient de démissionner de la course, faute
d’appui.
La Presse,
que Trump bafoue, transmet ses discours, son image. Il est la vedette de
l’heure, celui qui affecte le plus positivement les cotes d’écoutes. Les
dirigeants des médias le savent et le réclament. Il est un phénomène rare en
politique car finalement, c’est la Presse qui le honnit qui répand son message
et fait sa campagne.
Trump n’est
pas un idiot. Il sait ce qu’il fait et ça marche. Il sait saisir les
manchettes, même avec des propositions irréalistes comme la construction d’un
mur entre le Mexique et les USA ainsi que l’arrêt total de la venue de tout
musulman dans son pays. Il se maintient en tête des sondages et cela va
continuer. Après Iowa (où il a terminé presque premier), New Hampshire
(premier) et South Carolina (premier), il est en avance dans les sondages au
Nevada et dans tous les prochains états qui voteront bientôt.
La mer de ses
supporteurs réagit positivement et aveuglement à ses nombreuses attaques contre
ceux qui influencent le pouvoir comme l’establishment
et les grandes corporations. La réaction de haine que Trump suscite,
souventes fois justifiée, contre ces personnes ou ces groupes alimente sa
popularité. Mais cela ne veut pas dire que Trump est le meilleur choix. Ce
n’est qu’au moment où ses partisans mettront de côté leurs émotions pour penser
à bien servir le conservatisme et la cause de leur pays que nous saurons
vraiment si Trump a des chances de gagner la mise en candidature. Peuvent-ils
lui faire suffisamment confiance pour lui confier les codes nucléaires ? Ses
faux pas, ses positions libérales comme l’assurance santé pour tous (il a
louangé le système canadien), sont-elles acceptables par les conservateurs du
parti républicain ? De plus, comment déporter 11 millions de Mexicains illégaux
et les laisser rentrer sans engendrer des dépenses gouvernementales extraordinaires
? Comment faire payer le mur par le Mexique ? Comment empêcher les musulmans
d’entrer aux USA sans réactions mondiales coûteuses ? Comment gagner le vote
espagnol et le vote arabe avec de telles politiques? Comment décentraliser le
pouvoir, comme le réclament les conservateurs, s’il veut tout faire à partir de
Washington ?
Actuellement,
Trump a mis l’establishment dans sa
petite poche. Peut-il continuer ainsi car toutes les questions précédentes
demeurent et méritent réponses ? Trump peut-il demeurer le « candidat
teflon », qu’aucune de ses affirmations affecte, jusqu’au 18 au 21 juillet
prochain lors de la convention républicaine à Cleveland dans l’Ohio ?
La rage des
gens de la droite américaine contre la Presse libérale et la direction
inefficace du parti républicain est justifiable. Mais une rage incontrôlée
alimentée par un candidat flamboyant, erratique, mal renseigné qui parle fort,
cru, qui change d’idée et qui émet des idées libérales par moment sera
difficile à gober et risque d’éclater avec les républicains en congrès. Est-ce
là que les négatifs de Trump l’emporteront sur ses positifs? Ses propositions
irréalistes et flagrantes peuvent-elles être oubliées ? Ses partisans en ont
fait un héros capable de sauver l’Amérique mais l’establishment du parti le voit comme un candidat à qui on ne peut confier
l’immense pouvoir qu’a un président américain, réussira-t-il à l’arrêter ?
Je n’en suis
pas certain.
Claude
Dupras