vendredi 27 mars 2009

Vers un référendum-bidon

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) vient de tenir ses trois derniers jours de consultation sur la transformation du Mont-Jésus-Marie en condominiums. 95% des nombreux mémoires soumis oralement et déposés ont dit NON au projet du promoteur. Malheureusement, dans les OUI, on retrouve le mémoire du comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement d’Outremont (qui était fort divisé sur la question) et celui de la ville de Montréal qui a dit un "OUI-mais". Ce qui me fait dire que malgré la décision de l’OCPM, pour ou contre le projet, c’est la ville de Montréal qui décidera finalement puisqu’elle n’avait pas à se soumettre à cette procédure de consultation à cause de l’article 89 qui créa l’OCPM et qui se lit : « Le conseil de la ville peut, par règlement, permettre, malgré tout règlement adopté par le conseil d’arrondissement, la réalisation d’un projet relatif à un bien culturel… » Le Mont-Jésus-Marie tombe dans cette catégorie.

Logiquement, le conseil municipal de Montréal sera appelé à donner son accord à cette proposition conformément aux recommandations du mémoire présenté par la ville. Pour s’en laver les mains, il votera pour le projet à la condition qu’il soit accepté par un référendum où seront appelés à voter les électeurs des dix zones adjacentes au projet. En principe, cela semble bien, mais en réalité ce n’est que de la foutaise.

C’est de la foutaise parce que la ville de Montréal a déjà décidé des sujets qui seront soumis à l’approbation référendaire. Ils sont énumérés dans son mémoire. Elle ne veut pas d’une question simple comme « Êtes-vous pour ou contre la transformation du Mont-Jésus-Marie en condominiums ? ». Non, elle limite les questions aux électeurs à ce qui suit :
.1 L’usage communautaire de la chapelle et l’occupation accessoire à des fins d’enseignement et de recherche.
.2 Les dépassements mineurs de la hauteur et les agrandissements du bâtiment.
.3 Les stationnements souterrains et extérieurs dans les cours.
.4 Les usages permis dans les marges.
.5 Certains éléments de l’aménagement paysager.


En somme, relativement, des bagatelles !

En demandant aux électeurs s’ils veulent OUI ou NON un référendum sur ces questions, je doute qu’ils se déplaceront pour inscrire « Oui » au registre de la demande du référendum. Même si les questions de la ville ont une certaine importance, le fait qu’elles sont si éloignées du vœu de la majorité des gens des zones entourant le Mont-Jésus-Marie, fera en sorte que ces électeurs se révolteront contre la magouille de l’administration de la ville de Montréal et n’iront pas s’inscrire.

J’espère que le maire de Montréal et son administration se rappelleront qu’ils doivent faire face à l’électorat, dans huit mois, pour demander un nouveau mandat. Je sais que la mairesse d’Outremont et ses coéquipiers, membres du parti politique du maire de Montréal, sont inquiets. Celle-ci a négligé de persuader son comité consultatif qui s’est prononcé pour le projet du promoteur, mais après ce qui s’est dit lors des six jours de consultation durant lesquels un très grand nombre d’ « Outremontais » se sont opposés avec force et intelligence au projet, elle craint maintenant la réaction électorale de ses commettants qui font partie de l’intelligentsia québécoise et qui sont sensibles à ces questions importantes. Avec raison.

Toute cette procédure est révoltante. La politique des référendums a été acceptée pour permettre aux citoyens de s’exprimer sur des sujets importants qui touchent leur milieu. Les hommes d’affaires s’opposent aux référendums car ils affirment qu’ils nuisent au développement de Montréal. Aujourd’hui, j’apprends que le gouvernement du Québec s’apprête à plier devant le milieu des gens d’affaires et la Chambre de Commerce et envisage, par un prochain projet de loi, d’éliminer la loi sur les référendums à Montréal. S’il fait cela, il fera une erreur grave.

Les citoyens de Montréal ne sont pas opposés au développement de leur ville mais ils sont contre le promoteur qui vient tout bouleverser sans tenir compte de l’environnement et de la situation de leur société. Ils se sont prononcés, dans le passé, sur la question de la relocalisation du Casino près du centre de Montréal et ont réussi à arrêter heureusement ce projet infâme. Ils réussiront aussi à arrêter le grand projet de Griffintown, un vaste centre commercial, qu’un promoteur veut implanter dans ce quartier de Montréal alors qu’il devrait être dédié à l’habitation, selon les urbanistes et le bon sens. Encore là, je prédis que les citoyens gagneront contre les spéculateurs qui ne veulent utiliser Montréal que pour « faire une piastre vite ».

Quant au Mont-Jésus-Marie, Montréal doit changer son approche et poser la seule et vraie question. Je la répète : « Êtes-vous pour ou contre la transformation du Mont-Jésus-Marie en condominiums ? ».

On veut un vrai référendum pour conserver ce patrimoine qui touche particulièrement les femmes éducatrices du Québec par sa vocation passée et qui est un objet d’art global par son architecture, par les œuvres des grands artisans du passé qu’il contient et sa situation urbaine. Pas un référendum-bidon qui semble organisé avec, par et pour le promoteur.

Claude Dupras

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