vendredi 20 mars 2009

Le parti conservateur et le Québec

Rien ne va plus au Québec pour le parti conservateur du Canada sous la direction du PM Stephen Harper. Les derniers sondages indiquent que la cote de popularité du parti est descendue à 10% et que s’il y avait élection aujourd’hui, il perdrait plusieurs des 10 sièges qu’il détient dans la belle province.

Rien n’a jamais été facile au Québec pour le parti conservateur. Les canadiens-français n’ont jamais oublié la pendaison de Louis Riel par les Conservateurs de John A. Macdonald et la conscription obligatoire imposée par les Conservateurs lors de la première guerre mondiale. Cela fit en sorte que le parti ne gagna que deux fois au Québec. En 1958, le chef du Parti Progressiste-Conservateur du Canada (PPC) John Diefenbaker, issu de l’ouest Canadien, y fit élire 50 députés. En 1983 et après, le Québécois Brian Mulroney obtint deux mandats majoritaires à la Chambre des Communes.

Diefenbaker fut la plus grande surprise, car non seulement il ne parlait pas le français, on le qualifiait en plus, mais à tort, d’anti-canadien-français. Il prit le pouvoir en 1957, sans le Québec. C’est là que les Québécois se rendirent compte que ce qu’on rapportait sur ce personnage n’était pas exact. De plus, le PM Québécois Maurice Duplessis, ancien conservateur, décida à l’élection de 1958 de mettre toute la force de sa machine électorale au service de Diefenbaker pour défaire les libéraux qui lui faisaient la vie dure. Ce fut la différence qui assura la très grande victoire-surprise.

Après Diefenbaker, le parti fit de grands efforts pour se donner des politiques réalistes allant même, avec Robert Stanfield, à reconnaître officiellement que le Canada comprenait deux nations, au grand dam des canadiens-anglais, et que la constitution canadienne devrait être modifiée en conséquence. De grands leaders politiques comme Marcel Faribault et Claude Wagner ne réussirent pas à changer la donne. Et depuis Mulroney, c’est la débandade, sauf pour la période, il y a trois ans, qui suivit l’important scandale qui affecta le parti libéral du Canada en rapport avec le programme des commandites, et permit au parti conservateur d’Harper de faire élire 11 députés québécois. À l’élection suivante, il y a moins d’un an, le parti perdit des votes et un député. Et depuis, la descente aux enfers continue.

Le chef et les dirigeants du parti ne savent plus quoi faire. Le parti n’a pas de structure démocratique au Québec. Pourtant, il y en a eu une dans le passé. Le parti venait de subir une cuisante défaite à l’élection de 1973. À ce moment-là existait une structure provinciale pour le parti qui datait du temps de Diefenbaker et à la tête de laquelle se succédèrent, entre autres, comme président, le politicien Rodrigue Bourdages, l’architecte Paul Trépanier et l’homme d’affaires Léopold Carrière, l’avocat Claude Nolin. Ils faisaient de leur mieux mais ils avaient peu d’influence au niveau fédéral.

J’entrepris de réunir les états généraux (limités) au Québec afin de mettre sur pied un parti vraiment démocratique. Une constitution fut écrite et adoptée. Le nom devint l’Association Progressiste-Conservatrice Fédérale du Québec (APCFQ). La structure était décentralisée dans les régions tout comme celle de la plupart des organismes du Québec, tels : le Jeune Commerce et la société Saint-Jean-Baptiste. Un congrès de fondation fut convoqué à l’hôtel Le Reine Élizabeth de Montréal auquel assistèrent plus de 500 personnes. J’y fus élu le premier président. Le conseil provincial était composé de l’exécutif formé de 5 personnes : Jean-Marc Lavoie de Chicoutimi, Jacques Blanchard de Québec, Ken Morris de Montréal, Roland Julien de Trois-Rivières et le docteur Gaétan Lemyre de Sainte-Anne des Monts, des présidents des conseils régionaux et des présidents d’action-jeunesse et d’action féminine. Tous élus par les membres du parti.

Nous voulions être indépendants du parti national tout en lui assurant notre entière collaboration et loyauté. Pour nous financer, nous entreprîmes de tenir annuellement un grand diner-bénéfice. Chacun fut fort bien réussi et l’argent, au lieu de se retrouver dans les coffres à Ottawa, restait dans le compte de banque du l’APCFQ pour financer, entre autres, le nouveau secrétariat permanent de l’Association dirigé par Yvon Sirois, ex-employé de la Chambre de Commerce provincial, comme secrétaire général. Le conseil se réunissait à tous les mois et les membres étaient invités à assister. La commission politique était active et composée d’individus versés et expérimentés en politique. Nous étions de plus en plus nombreux à participer aux activités du parti national où notre présence commençait à se faire sentir.

Ma présidence dura plus de quatre ans, ayant été réélu à chaque congrès annuel tenu à Trois-Rivières, Québec et Granby où l’assistance augmentait d’année en année pour atteindre près de 1 200 personnes à Granby, et cela malgré que nous étions dans l’opposition. Tout ça pour dire que la structure était vivante, démocratique et progressait mais il restait encore beaucoup à faire. Roch Lasalle prit la succession.

Puis vint la victoire de Mulroney, et tous nos efforts de démocratisation furent emportés par la prise du pouvoir d’un Québécois avec l’argument de son entourage "à quoi ça sert L’APCFQ puisqu’avec Mulroney on est bien représenté à Ottawa". Mulroney dura dix ans puis il partit. Le PPC retourna dans l’opposition et son aile québécoise se retrouva sans organisation. Finalement, le parti disparut lorsqu’il se fusionna avec les réformistes de l’Alliance Canadienne pour former le nouveau Parti Conservateur du Canada (PC). Au Québec, seuls quelques sénateurs et une poignée d’organisateurs assurèrent l’intérim jusqu’à Harper.

Il est clair que le premier ministre craint une organisation québécoise avec une certaine indépendance d’esprit et d’action. La sénatrice et présidente du sénat, Marjorie le Breton, vient de le confirmer à nouveau en affirmant « oui à une structure québécoise mais qui dépend du parti national ». Je connais bien Marjorie puisqu’elle était secrétaire du parti du temps de Stanfield. C’est une personne exceptionnelle et qui fait un très bon travail dans l’équipe du PM Harper et pour le Canada. Elle a connu l’APCFQ et sait jusqu'à quel point tout progressait. Mais son chef, Stephen Harper, ne veut rien savoir car il veut éviter les dérapages. Il a perdu l’avocat Michael Fortier qui était compétent et un de ses supporteurs dévoués. Il a aussi perdu confiance en son député beauceron Maxime Bernier qui lui n’hésitait pas à lui faire part de sa pensée même si elle ne plaisait pas toujours au premier ministre.

Aujourd’hui, le lieutenant québécois du PC, Christian Paradis, veut réinventer la roue. Pour réussir, les Québécois du parti devront ressentir un besoin de participation et avoir un mot à dire. Non pas pour obtenir des faveurs du pouvoir mais pour contribuer à l’évolution de la politique canadienne avec, entre autres, ses sensibilités face au Québec. Les authentiques membres du parti seront ces derniers et non pas les néoconservateurs qui le hantent aujourd’hui et qui le quitteront vite dès qu’il perdra le pouvoir.

Malheureusement, ce défi est impossible à réaliser sérieusement à court terme et Paradis présentera une structure organisationnelle qui ne sera, en fait, qu’une fumisterie en vue de la prochaine élection et non un instrument démocratique permettant aux membres de participer activement à l'évolution du parti. Cette structure ne mènera nulle part dans l'avenir. Un vrai parti au Québec a besoin de racines et celles-ci exigent beaucoup d’années pour se développer. Il faut aussi une volonté politique au plus haut niveau du PC pour un tel effort. Est-elle là ? Il est clair que non.

Pour garder le pouvoir et obtenir une majorité, le PM Stephen Harper devra donc, à court terme, changer son approche politique. Depuis qu’il a pris le pouvoir, ses positions ont trop souvent confronté la pensée québécoise : environnement, guerre, culture, représentation parlementaire, armes, etc.. De plus, sa tendance quasi extrême-droite a brusqué les Québécois. Il est temps qu’Harper fasse les compromis raisonnables pour démontrer, sans aucun doute, qu’il veut diriger un gouvernement pour tous les Canadiens.

S’il est incapable de gagner de 20 à 25 sièges à la prochaine élection fédérale au Québec, le parti Conservateur du Canada ne sera pas majoritaire à la Chambre des Communes. Et s’il se retrouve encore une fois minoritaire, je crains que ce soit le chant du cygne du premier ministre.

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