mercredi 31 juillet 2013

François, l’emballant rebelle

Ce pape-là est à mon goût. On peut dire merci aux cardinaux qui en conclave ont démontré leur sagesse en nous donnant le pape François. Dès sa sortie sur le balcon central de St-Pierre de Rome, on a ressenti une fraicheur nouvelle et envahissante. Et ça continue….

Quel passage à Rio de Janiero ! Quelle foule ! Quelle foi démontrée par les trois millions de jeunes réunis en ces Journées Mondiales de la Jeunesse ! Il s’est passé quelque chose entre le pape et eux. Une mystérieuse alchimie, une osmose réelle. Et la télévision nous a tout montré, en direct.

François sait comment faire. Son caractère latin, ses gestes avec son « pouce en l’air », son amour évident des enfants et des pauvres, ses propos simples et porteurs de vérité, son indisputable logique si bien adaptée aux vrais problèmes de l’époque, etc… générèrent un enthousiasme profond qui éclata au grand jour avec des cris, des hurlements et des « olas » sincères. Dès le début de chacune de ses prédications, les jeunes devenaient bouche bée pour écouter chacun de ses mots, comprendre chacune de ses phrases.

Malgré les problèmes d’organisation dus en grande partie au climat, les JMJ furent un succès à la hauteur des espérances des organisateurs et cela en très grande partie à cause du pape François qui parla avec « des images, un langage simple, sans piétisme ni religiosité », tout comme un prédicateur. Il ne mâcha pas ses mots, ne fut pas moralisateur et n’a pas craint de bousculer, par son franc-parler, la hiérarchie de son Eglise. Il a montré son côté rebelle, avec une énergie remarquable. Tout comme un curé de paroisse, il a proposé aux jeunes de « secouer l’Église et de semer la pagaille. Je veux un fouillis, des troubles dans les diocèses ». Des sueurs froides devaient sûrement perler aux fronts des évêques présents et de ceux de ses collaborateurs du Vatican. Mais qu’ils ne soient pas craintifs, car il a aussi démontré qu’il est pape avant d’être rebelle, en commentant une manifestation violente qui se déroula à Sao Paulo alors qu’il terminait le chemin de la croix : « Entre l’indifférence égoïste et la protestation violente, l’option toujours possible est le dialogue ».

François compte sur les jeunes pour conserver les fervents catholiques à son Eglise, reconquérir ceux qui l’ont quittée et évangéliser ceux qui recherchent la foi. Pour lui, les jeunes c’est l’avenir. Il les veut pour que son Eglise soit dynamique, Ceux-ci ne se laissent pas naïvement trompés car ils connaissent les limites de sa fonction. « Les paroles de François », dit l’un d’eux, « apportent du réconfort et il ne peut changer les choses, mais elles feront pression sur les politiciens qui ont le pouvoir ». Un autre ajoute : « On a appris le vrai sens du partage en venant à Rio, gratuit et sans aucune attente de retour, de belles leçons de charité ». Ils reconnaissent que leur foi, et cela fut souventes fois démontré à Rio, ouvre leur vie à la réalité, à leur sens de responsabilité, à la solidarité, au bonheur.

C’est loin des textes de certains chroniqueurs du journal La Presse de Montréal, comme Patrick Lagacé, qui ne manquent jamais une occasion pour dénigrer ceux qui ont la foi et qui croient en la religion catholique au Québec comme s’ils étaient des arriérés. Encore récemment, il expliquait comment devenir catholique, il s’agit simplement « de plonger un bébé dans l’eau et il en ressort catholique ». Il ne semble pas comprendre que les symboles dans les religions sont des facteurs importants à leur compréhension.

Évidemment, ces journalistes pratiquent la religion du matérialisme. Il voit les religions comme contraires à la raison et synonymes de superstition. Pour eux, tout est simple, clair et net. Tout s’explique comme une règle d’arithmétique. Qu’importe si une vaste majorité des mondes occidental, nordique, asiatique, sud-américain, africain et autres ont la foi et pratiquent une religion, tels le christianisme, l’islam, le bouddhisme, le taôisme, l’hindouisme, ou autres, ces journalistes pensent être les seuls à avoir le pas. Il faut avoir voyagé de par le monde pour réaliser que la foi est présente et importante partout même si elle est exprimée de manières très différentes.

Elle peut être comprise comme une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité, en ce sens elle se rapporte à la philosophie. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique.

Ce n’est pas parce que les dirigeants passés de l’Eglise catholique québécoise l’ont dirigée de façon très stricte et sévère qu’il faut se moquer de ceux qui ont toujours la foi, qui se reconnaissent dans son histoire, ses réalisations passées pour la société, sa définition, la pratique de son culte, son enseignement et ses exercices spirituels. Où serait le peuple francophone du Canada, sans elle ? Les 66 000 Canadiens du lendemain de la conquête auraient-ils pu se maintenir ensemble, conserver leur langue, leurs traditions devant le conquérant sans leur religion et la solidarité qu’elle prêchait. Il est indéniable que cette dernière nous a amené où nous sommes aujourd’hui. Suite à la révolution tranquille et au concile du Vatican, l’Eglise catholique québécoise a laissé tomber les bras permettant ainsi à des groupes religieux, plus attrayants, de la remplacer dans le cœur de beaucoup de Québécois, alors que plusieurs autres Québécois ont simplement maintenu leur foi et que certains ont tout laissé tomber.

François a affirmé à Rio, « Pour certains, les relations humaines sont régulées par deux dogmes modernes : efficacité et pragmatisme. Que la solidarité soit aussi un gros mot ! ». Cela résume bien le passé récent du Québec et un bon guide pour son avenir. À mon avis, le pape François frappe le clou sur la tête ! Vive le pape !

Claude Dupras

mardi 23 juillet 2013

Un Premier ministre bien ordinaire

C’est à son arrivée à Lac Mégantic, que j’ai revu Stephen Harper. Encore une fois, je l’ai trouvé terne, incolore, inodore et sans saveur. Quelle image désolante pour un premier ministre (PM) du Canada, au pouvoir depuis près de 8 ans ! Est-ce cela qui explique qu'il n'a que 8% d’appuis au Québec, alors que Robert Stanfield, chef du Parti progressiste-conservateur qui aussi avait peu d’image, mais était un progressiste, en avait 21% ? Qu’en est-il vraiment ? Pour mieux comprendre, je crois qu’une comparaison s’impose avec les faits et gestes de ses prédécesseurs : John George Diefenbaker, Lester Pearson, Pierre-Elliot Trudeau, Brian Mulroney et Jean Chrétien.

John Diefenbaker né en Ontario, adolescent en Saskatchewan, soldat de la 1ière guerre mondiale, en revient pour pratiquer le droit. Amant de la politique, tribun extraordinaire, il perd sept élections avant d’être député, ministre et PM du Canada. Il le sera 6 ans. Traduction simultanée, première femme ministre, premier amérindien sénateur, plus de points d’impôts aux provinces, protection des agriculteurs de l’Ouest et des pauvres de la société sont ses actions. Il fait adopter la déclaration canadienne des droits et des libertés fondamentales. Il veut l’indépendance économique et politique du Canada des USA. Refuse l’implantation sur le sol canadien de missiles nucléaires américains Bomarc. En 1958, il gagne 50 députés au Québec, malgré qu’il soit unilingue anglais. Persuasif, convaincu et convainquant, « the chief » est un leader sincère, franc et a de la couleur. Pour le PM Joe Clark : « Ce fut un homme indomptable qui changea la nature profonde de son pays et la changea pour toujours ».

Lester Pearson devint Nobel de la paix. Diplômé de l’U de Toronto et d’Oxford, athlète, pilote à la guerre 1914-18, il devient ministre, s’oppose à l’intervention militaire du Canada dans le monde et propose, à l’ONU, la formation des « casque bleus ». PM en avril 1963, il le sera 5 ans, il instaure l'accès universel aux soins de santé, les prêts aux étudiants, le bilinguisme officiel, le régime de pensions des canadiens, etc.. et le drapeau du Canada. Il légalise le divorce, décriminalise l'avortement et l'homosexualité. Combiné à son travail innovateur à l'ONU et en diplomatie internationale, Pearson est l'un des Canadiens les plus influents du XXe siècle. Il a fait sa marque partout.

Pierre-Elliot Trudeau, formé par les jésuites, étudiant en droit, obtient une maîtrise en économie politique d’Harvard. Outrancier, insolent et provocateur, il aime le canoë et les voyages, dont en Chine de Mao. Il s’intéresse à la grève d’Asbestos et aide les grévistes. Il joint « Cité libre » où il propose des « réformes sociales et une plus grande égalité ». Professeur de droit constitutionnel à l'U de M, il se lance en politique fédérale. Elu, il est ministre de la Justice. Une phrase le rend célèbre « L’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation ». Devenu PM, il le sera 15 ans. Il fait adopter la loi sur les langues officielles et oblige les institutions fédérales à offrir des services en anglais et en français à la grandeur du pays. Aux prises avec l’enlèvement du diplomate James Richard Cross et le meurtre du ministre Pierre Laporte, il ordonne à l'armée d’agir et proclame la « Loi sur les mesures de guerre ». Il aboli la peine de mort. En 1976, il apporte une aide financière au peuple cubain victime d’un embargo américain. Il gagne le référendum de 1980 contre les séparatistes québécois et rapatrie la constitution canadienne de Londres, nonobstant le refus du Québec. Intellectuel au caractère flamboyant, il a rehaussé la visibilité du Canada dans le monde.

Brian Mulroney, de Baie Comeau, devient avocat d’une firme montréalaise, commissaire de la Commission Cliche sur la construction et président de Iron Ore Company. Intéressé par la politique, il est élu PM progressiste-conservateur en 1964. Il le sera 9 ans. Il veut la signature du Québec sur l’acte constitutionnel de Trudeau et négocie l’accord du Lac Meach pour ce faire. Il vient à un cheveu près de réussir. Il privatise de nombreuses sociétés d'État dont Air Canada, ratifie le libre-échange avec les États-Unis, s’oppose au régime d’apartheid en Afrique du Sud et appuie la « coalition » durant la guerre du golfe. Il initie un accord sur les pluies acides avec les USA et est le premier répondeur occidental à la famine éthiopienne de 1984-1985. Il s’oppose à l'intervention des USA au Nicaragua, mais devient interventionniste dans des conflits en Yougoslavie, en Ethiopie et en Irak. Malgré qu’il sache l’impopularité pour son parti qui va en résulter, il impose une taxe de vente (TPS), décrète un moratoire sur la pêche à la morue et accorde le contrat d’entretien des F-18 au Québec. Sa forte et plaisante personnalité en fait un leader politique aimé par les grands de ce monde et cela a bénéficié au Canada.

Jean Chrétien est né à Shawinigan. Diplômé en droit de l’U de Laval, il est élu député fédéral en 1963. PM en novembre 1994, il le sera 10 ans. Il hérite d'un pays largement endetté. Avec son ministre des finances, Paul Martin, il procède à des compressions budgétaires importantes et élimine un déficit de 42 milliards $. Ses cinq budgets suivant sont excédentaires et il rembourse 36 milliards $ sur la dette. Il vote la plus grande baisse d'impôt de l'histoire. Lors du référendum de 1995, il dirige les fédéralistes à la victoire. Puis, il fait adopter la loi sur la clarté référendaire pour que toute question référendaire future soit « une question claire » qui doit obtenir « une majorité claire ». Il refuse que le Canada participe à la guerre d’Irak de 2003 et ratifie le Protocole de Kyōto sur les changements climatiques. Depuis sa retraite, la popularité de Chrétien ne cesse de grandir et il demeure un orateur puissant et aimé.

Stephen Harper, membre fondateur du Reform Party, parti de droite de la droite, est élu chef du parti (devenu Alliance Canadienne). En 2003, il conclut un accord avec le parti Progressiste-Conservateur pour fusionner les partis. Pour réussir, il doit renier ses politiques contre l’avortement et contre le bilinguisme. Le Parti Conservateur est créé (le mot progressiste étant trop choquant aux oreilles d’Harper). En 2006, il est élu PM et hérite d’un Canada prospère, dynamique et respecté sur la scène mondiale.

Pour respecter ses promesses électorales de 2006, Harper diminue la TPS de 2 %. De plus, il réduit l’imposition des sociétés de 6 %. Le PIB augmente de 13,6% et le Canada s’en tire mieux que les autres pays développés. En 2013, la croissance est de 2,5%, les exportations en hausse de 6% et la dette est moins élevée. 95 000 nouveaux emplois sont créés. Définitivement, un plus.

Sous prétexte que le Canada est devenu une « superpuissance énergétique éminente », Harper change radicalement la direction du pays en rapport avec l’environnement. Lui qui avait traité le protocole de Kyoto de « complot socialiste », annule les programmes d’actions volontaires, dont « le « défi d’une tonne ». Pour masquer son inaction, il annonce des programmes visant à baisser de 20%, en 13 ans, les GES. Les médias dénoncent la duplicité et le manque de sérieux du gouvernement. Trois ans plus tard, Harper retire le Canada de Kyoto, met la clef dans son programme d’une bourse de carbone et réduit son objectif de GES, qui ont augmenté de 7,4% au lieu de diminuer. Définitivement, un moins.

L’industrie du gaz et du pétrole représente 8% du PIB. Les sables bitumineux y compte pour 60%. Le monde entier s’élève contre l’exploitation des sables dont l’Union Européenne qui refuse ce pétrole « sale » sur son territoire. Aujourd’hui, la réduction de pollution est réelle mais chimérique au moment où Obama est pressé par Harper, au nom de la bonne entente USA-Canada, d’approuver le nouvel oléoduc Keystone XL. « Le transport se fera par oléoduc ou par rails », dit Harper au président, « à vous de choisir ». Après l’apocalypse du Lac Mégantic, on peut comprendre la force de cette menace. Pour Harper, l’impact économique au Canada et l’indépendance énergétique en Amérique du Nord, l’emporte sur le réchauffement climatique. Définitivement, un moins.

Bon conservateur, Harper introduit des modifications au code criminel pour le rendre plus sévère. Allongement de peines, peines minimales pour petit délit, mise en liberté sous condition annulée, libérations conditionnelles restreintes, etc... Il ferme six « fermes-prisons » de réhabilitation pour les détenus. La population carcérale augmente. Critiqué par les juges et les avocats, Harper ne bronche pas. Son modèle est les USA qui selon lui est l’endroit le plus sûr de la planète. Définitivement, un moins.

Toujours sur sa ligne à droite, il somme le Conseil national de recherches à mettre l’accent sur des recherches pratiques pour aider l’industrie au lieu de la recherche fondamentale. C’est une guerre contre la science qui peut coûter cher à long terme et qui fait en sorte que les meilleurs cerveaux nous quittent. Définitivement, un moins.

Il aboli le registre national des armes à feu mis sur pied à coup de millions $ par ses prédécesseurs, suite à la tuerie de Polytechnique. Définitivement, un moins.

Harper fait intervenir le Canada dans la guerre en Afghanistan. Il avait reproché à Chrétien d’avoir refusé de participer à la guerre en Irak. Le nombre de morts est grand. Les coûts aussi.
Définitivement, un moins.

Voulant limiter le jeu de l’influence avec l’argent, suite aux dons politiques, Harper instaure une interdiction de lobbysme de 5 ans aux ex-ministres, haut fonctionnaires. Il crée le poste de Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Définitivement, un plus.

Il modifie la loi électorale et instaure les élections générales à date fixe. Définitivement, un plus.

Il n’oublie pas ses politiques du Reform et nomme des unilingues à des postes qui requièrent des personnes bilingues. Il renie ainsi sa parole donnée au parti progressiste conservateur. Il coupe le budget pour le bilinguisme et est critiqué vertement par le vérificateur général. Définitivement, un moins.

Harper met fin à l’obligation des Canadiens de remplir le formulaire du recensement quinquennal, malgré l’opposition du directeur de Statistique Canada. Au recensement qui suit, le taux de réponse de 50% devient un empêchement pour obtenir des renseignements valides pour le développement urbain, la construction d’écoles, d’hôpitaux, de logement à loyer modique, de services aux immigrants. Tout devient plus compliqué et souventes fois impossible. Définitivement, un moins.

Sur la question de l’unité nationale, Harper dépose une motion reconnaissant « que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ». Le vote aux Communes est quasi unanime. Controverse au Canada Anglais que Harper apaise en lui affirmant qu’il y a plusieurs nations au pays. Finie l’histoire du Canada créé par deux nations, la francophone et l’anglophone. Que sont les francophones des autres provinces ? L’ile-du-Prince Edouard, une nation ? Ce n’est que de la petite politique qui n’a rien apporté à Harper aux élections qui suivirent. Il n’en parle plus. Pour certains un plus, pour d’autres un moins !

Comme on peut juger, le conservatisme de droite a pris charge de la politique canadienne. Les moins l’emportent sur les plus. Influencé par la politique républicaine américaine, Harper et son idéologie a amené le Canada dans une voie qui nous est étrangère. Certes, il met l’accent sur l’économie et réussit, mais un pays c’est aussi une foule d’autres choses aussi importantes.

Les premiers ministres qui ont précédé Harper ont bâti un Canada grand, propre, fier, fort, ouvert au monde, respecté, respectueux de la personne humaine et de ses droits, champion de l’environnement. Aujourd’hui, le Canada souffre, fait du sur place et les gens du monde nous demandent « Qu’est ce qui se passe chez vous ? ». La réponse est simple. « Nous avons un Premier Ministre bien ordinaire »

Claude Dupras

samedi 13 juillet 2013

Le « one man show » fatal

L’accident ferroviaire dans le village de Lac Mégantic aurait pu être évité si l’un des principaux responsables, Ed Burkhardt, président de la compagnie de trains Montreal-Maine and Atlantic Railway (MMA) impliquée dans le drame québécois, n’avait pas priorisé les profits de sa compagnie à la protection du public.

Hier, à Lac Mégantic, Burkhardt s’est présenté comme un personnage sympathique qui comprend bien les problèmes des gens et qui veut les aider à se sortir de l’enfer, dont il est le responsable. Oui, il est le responsable, et c’est devant le congrès américain en 1997 qu’il nous l’a démontré. À ce moment-là, il témoignait avec insistance devant un comité de la Chambre des représentants pour demander que la réglementation ferroviaire soit assouplie afin de pouvoir doter ses trains d’un seul conducteur qui serait assisté par un système de contrôle central à distance. Il voulait éliminer l’obligation d’avoir un ingénieur ferroviaire et au moins un conducteur par convoi. C’est à ce moment qu’un élu républicain, le représentant John Dobyns, bien décidé à lui barrer la route et outré de ce manque de responsabilité pour la protection du public affirma « « Ed Burkhardt se fiche de la sécurité du public. Il pense à ses profits, point final ». Dobyns réussit alors à faire rejeter sa proposition.

Mais en mai 2010, suite à des accords avec des responsables américains et canadiens, Burkhardt put enfin mettre en place sa vieille idée, dans l’espoir d’économiser 4,5 millions. Depuis l’accident, et hier encore, il a persisté dans la défense de sa décision et affirme que « le simple fait d’assurer la surveillance des convois aurait été trop coûteux et aurait fait perdre des contrats à sa compagnie ».

La théorie du contrôle à distance de Burkhardt, pour justifier un seul ingénieur ferroviaire par convoi, s’est envolée avec l’accident de Lac Mégantic. Il est clair que dans de tels convois qui parcourent des milliers de km et durent de longues heures, un conducteur « standby » additionnel, au minimum, est absolument nécessaire pour assurer la protection du public advenant un problème avec l’ingénieur ou le convoi. Fini le « one-man show »!

Seules deux compagnies ferroviaires sont autorisées au Québec à faire circuler des convois avec un seul ingénieur ferroviaire à bord. Ce sont MMA et Quebec North Shore and Labrador (QNS). La première est dédiée au transport de pétrole par wagons-citernes et l’autre, la QNS, œuvre sur la Côte-Nord québécoise pour le transport de minerai. MMA part du Dakota Nord, traverse villes et villages du Canada pour le livrer dans l’État du Maine de l’est américain, avec des convois de 1,5 km de longueur sur une infrastructure de ligne mal-entretenue dont la condition est de qualité moyenne. QNS origine au grand nord Québécois, traverse des régions sauvages et roule sur une infrastructure en excellente condition jusqu’au fleuve St-Laurent, avec des convois de 3km de long.

Il y a en plus, au Québec, deux autres compagnies ferroviaires, moins importantes, qui utilisent des chemins de fer de juridiction québécoise dont une pour le transport de minerai de Port Cartier à Fermont. Celles-là ont l’obligation d’avoir à bord un minimum d’un ingénieur ferroviaire et d’un conducteur. Il y a donc une différence importante entre les législations américaine, canadienne et québécoise. Cela démontre que le lobby pétrolier, qui a appuyé fermement Burkhardt, conjointement avec les politiciens américains et canadiens qui ont accepté, sur leur territoire, l’application d’une dérégulation permettant de limiter à un ingénieur ferroviaire des convois de cette importance, doivent aussi porter une part de la responsabilité de l’apocalypse du Lac Mégantic.

Cette situation doit être corrigée dans les plus brefs délais, car l’accident de Lac Mégantic a mis en relief et nous a fait comprendre la croissance illimitée du transport du pétrole. La Presse rapportait aujourd’hui des statistiques inquiétantes : au Canada, en 2008, plus de 500 wagons-citernes circulaient sur nos voies ferrées, alors qu’en 2013 le nombre dépassera 140 000. C’est inimaginable.

Nonobstant les critiques et les opposants au pétrole, sa production augmente de façon exponentielle, particulièrement en Amérique du Nord. Il faudra donc aller vers les oléoducs au plus vite car moins dangereux pour le public.

Le 4 janvier dernier, mon blog portait sur la question « le boom pétrolier canadien » et je suggère au lecteur de le lire (voir archives du blog) pour mieux comprendre l’importance que prennent les modes de distribution du pétrole. Voici un extrait de ce blog sur la question d’ « oléoduc versus rails » : « Les chercheurs de l’institut Manhattan ont comparé tous ces modes de transport. Ils ont analysé les incidents passés occasionnés par chacun. Ils sont arrivés à la conclusion que les possibilités de fuites de pétrole, de morts ou de blessures sont 34 fois plus grandes par rails que par oléoducs. De plus, « les trains créent des gaz à effets de serre pour l’énergie qu’ils consument et la quantité de pétrole qu’ils peuvent transporter n’est qu’une fraction de ce qu’elle peut être par oléoduc ».

En résumé, les vrais responsables du terrible accident du Lac Mégantic sont Ed Burkhardt qui a eu l’idée, le lobby pétrolier qui a pressurisé les politiciens et ces derniers, qu’ils soient américains ou canadiens, qui ont autorisé la dé-réglementation permettant un seul ingénieur ferroviaire sur chaque convoi.

Claude Dupras



mardi 9 juillet 2013

Election de Montréal: le bon choix

Les dés sont jetés. Le milieu des affaires a obtenu son candidat à la mairie de Montréal en la personne de l’économiste Marcel Côté. Il confrontera Richard Bergeron, Denis Coderre et Mélanie Joly. A mon avis, chacun de ces candidats a le potentiel d’être un bon maire.

L’entrée de Marcel Côté, entouré de joueurs importants de la métropole, a été bien préparée. On ressent qu’il connait bien la ville et qu’il a pour elle de grandes ambitions. Son site web, très bien fait, deviendra le point de repère pour ceux et celles qui voudront savoir ce qu’il pense et fera, s’il est élu. Cependant, j’ai été surpris par son idée de former une coalition avec Vision Montréal et des partis d’arrondissements qui n’existent pas encore et qu’il veut créer. Les problèmes de la dernière administration ont été la conséquence d’une telle coalition. Qu’il s’agisse de « Coalition Montréal » ou « Union Montréal », c’est du pareil au même, au départ. Même conclusion ?

L’alliance avec Louise Harel, chef de Vision Montréal et séparatiste de premier rang est surprenante car Côté est un fédéraliste convaincu. « Ensemble », dit-elle (oui, c’est elle qui parle), « nous créerons une coalition qui permettra à tous les Montréalais, anglophones ou francophones, résidents de l’est ou l’ouest de la ville et quelque soit leur position sur la question nationale », de se sentir à l’aise pour appuyer Marcel Côté à la mairie et pour voter pour les candidats, maires et conseillers, de Vision Montréal et ceux des futurs partis d’arrondissements prêts à appuyer Côté, là où Vision Montréal ne présentera pas de candidat. Il est clair que cet amalgame bizarre permettra à Harel, si Côté est élu, de jouer un rôle capital dans l’administration de la ville.

Opportuniste, Harel, en désespoir de cause, s’est jetée dans les bras de Côté. Trois maires d’arrondissements, élus sous sa bannière, l’avaient quittée pour joindre Denis Coderre, la dette de son parti dépasse les 500 000$ et les sondages montraient son impopularité. Son avenir n’était pas rose. Pour s’en tirer, elle se camoufle avec le mot « coalition », alors qu’il devrait être « arrangement ». J’ai été surpris que Côté accepte. En fait, c’est potentiellement un futur « nid à chicanes » car rien ne garantit que dans les moments de grande décision, Harel sera là pour l’appuyer. J’espère, pour lui, qu’il puisse faire élire une majorité de conseillers au conseil municipal, hors-Vision-Montréal.

Un vrai parti politique est un ensemble de personnes ayant des opinions, des aspirations, des affinités communes et associées en vue d'une action politique.

Dans les années ’40 et ’50, Montréal a vécu des coalitions et ce ne furent pas ses périodes les plus roses. Ce qui se passait au conseil municipal était honteux. La venue du parti de l’Action Civique de Pierre Desmarais, devenu le Parti Civique de Jean Drapeau a permis d’éliminer la pagaille et la corruption. Montréal a alors été relancée grâce à l’unité de pensée et d’action des conseillers de ces partis. Forte d’une saine majorité au conseil municipal, Montréal a pu réaliser l’expo67, les JO de 1976, la construction du métro, etc…Ces conseillers savaient qu’en travaillant ensemble, la ville et les Montréalais seraient bien servis.

Au Parti Civique, le membership était limité à un seul membre par district électoral (58) plus le maire. Le parti a duré plus de 30 ans. A chaque élection, des légions de supporteurs motivés par ses actions se levaient pour l’aider à gagner. J’étais l’un d’eux.

Le RCM de 1986 comptait 25 000 membres grâce à l’union de différents groupes de citoyens qui réclamaient des changements à la vie urbaine de leur milieu. C’était un vrai parti démocratique. Il a été fortement élu. Une fois au pouvoir, ses dirigeants qui n’avaient pas une pensée commune ont oublié les points principaux de son programme politique au point qu’à l’élection de 1990, le parti n’avait qu’un peu plus de 4 000 membres, pour se retrouver en 1994 avec une poignée d’individus. Pour survivre, il s’est rallié au nouveau parti Vision Montréal de Pierre Bourque, qui devint maire. Depuis il a disparu.

Élu en 2001, le parti Union Montréal du maire Tremblay a fait, avec sa majorité, de grandes choses pour la métropole, mais malheureusement il a faussé le système en exerçant un patronage honteux et malhonnête visant à garnir sa caisse électorale. En 2013, après 12 ans de pouvoir, le parti a été dissout.

Aujourd’hui, un seul vrai parti démocratique montréalais demeure sur les rangs. C’est Projet Montréal, créé en 2004 par son chef Richard Bergeron, architecte et urbaniste. Ce dernier est à nouveau candidat à la mairie. Son malheur actuel est qu’il souffre d’un problème d’image. Plusieurs de ses prises de position des dernières années ont donné l’impression qu’il est irréaliste. Ses commentaires trop souvent bizarres ont arrêté l’ascension de sa popularité et depuis, son parti stagne dans l’opinion publique. J’espère, pour lui, qu’il saura dissiper ces soupçons.

Quant à Denis Coderre, ex-ministre fédéral et ex-député durant 16 ans, il propose une équipe portant son nom, sans structure démocratique, et bâti avec 50% d’ex-élus-transfuges. Il blâme la formule de parti pour la collusion et la corruption et affirme, avec raison, que Montréal a besoin pour progresser de l’unité de ses élus. La question qui se pose : « peut-on réaliser une telle majorité avec des vire-capots ».

Enfin, il y a l’avocate Mélanie Joly. Bien éduquée à Montréal et à Oxford, elle est une jeune femme brillante, impressionnante et nous entendrons beaucoup parler d’elle dans l’avenir et qui sait si un jour elle n’atteindra pas son ambition d’être maire de Montréal.

À ce moment crucial, Montréal a besoin d’un vrai chef politique pour diriger notre ville, appuyé par une équipe solide, unie, déterminée et… majoritaire. Les Montréalaises et les Montréalais se doivent, durant la campagne électorale qui s’amorce, de porter toute leur attention aux faits et gestes de chacun des candidats à la mairie et aux postes de conseiller, d’apprendre à les connaître, d’apprécier leurs idées, de déterminer leur sens civique et leur esprit d’équipe.

Avec internet, toutes les informations sur chacun des candidats sont maintenant à la portée de tous. Il n’y aura donc plus d’excuses pour ne pas déposer un vote sérieusement réfléchi. Finie la partisannerie aveugle… Un choix judicieux de nos prochains dirigeants devient d’importance capitale pour l’avenir de Montréal.

Claude Dupras