jeudi 5 mars 2009

Le Canada et Gaza

Le Canada pré-Harper a toujours été reconnu comme un ami d’Israël tout en ayant des positions équilibrées sur les questions touchant le Moyen-Orient. C’était une politique sensée qui tenait compte de la réalité, du respect de chacun des antagonistes, et laissait une porte ouverte à une négociation canadienne pour le règlement du long conflit qui affecte profondément autant les Israéliens que les Palestiniens.

Depuis la venue du PM Harper à la tête du Canada, notre pays a adopté des positions idéologiques totalement pro-Israël. Pour Harper, Israël ne peut avoir tort. Et cela, malgré l’avis du Conseil de sécurité des Nations-Unies qui juge qu’Israël agresse militairement la Palestine, vise les civils dans ses attaques et est coupable de violations aux droits de l’homme. De même, nos diplomates et nos ambassadeurs admettent qu’ils ont perdu beaucoup de crédibilité face à leurs collègues étrangers. Une telle situation n’est sûrement pas bonne pour l’avenir.

Comme je l’ai souligné dans un blog récent, le Canada a été le seul de 47 pays à voter contre la résolution du conseil des Nations-Unies sur les droits de la personne qui reprochait à Israël son action unilatérale lors du dernier conflit à la bande de Gaza (il en a résulté plus de 1,000 morts et de 4,000 blessés palestiniens). Ce jour-là, j’ai ressenti un sentiment de honte car j’ai toujours cru que le Canada se devait d’être neutre et de chercher une solution réaliste à ce conflit interminable qui fait tant de mal non seulement au Proche-Orient mais partout en Occident. La politique unilatérale du Canada dans ce cas est injuste, irréaliste et improductive.

Un ami étranger m’écrivait récemment son opinion sur le PM Harper : « Il ne fait pas de doute que le premier ministre canadien Harper est un animal politique hors de l'ordinaire. Il l’a démontré au monde lors de son récent interview sur le réseau international de CNN et surtout lors de la conférence de presse avec Barack Obama, à l’occasion de la visite récente de ce dernier à Ottawa. Obama, chef du monde soi-disant libre, a brillé et a montré sa carrure de chef d'État mais c'est votre PM qui fut la vraie vedette. Alors qu'Obama bafouait souvent lorsqu’on qu'on lui posait une question importante, Harper a apparu comme un chef d'État en connaissance de tous les enjeux mondiaux que le monde occidental devait affronter, des guerres contre les islamistes à la crise économique et financière mondiale. Franchement, il a été impressionnant. Même concernant le problème de l'Afghanistan, Harper a réussi à cacher son passé politique dans cette affaire et s'est retrouvé une soudaine virginité politique. Il faut le faire. »

Mais est-ce le vrai Harper ? Certainement pas en rapport avec la question du conflit israélo-palestinien. Et cela a été, encore une fois, clairement démontré, la dernière semaine, lors de la réunion de 90 pays et organisations, convoqués conjointement par le président égyptien Hosni Moubarak et le président français Nicolas Sarkozy, en vue de cueillir des fonds pour aider « l’économie palestinienne et la reconstruction de la bande de Gaza, ravagée par l’offensive israélienne de janvier contre le Hamas ». Plus de 4,5 milliards de $ d’engagements nouveaux ont été promis. Cette argent doit être remis à l’autorité palestinienne dirigée par le président Mahmoud Abbas.

Et le Canada a promis de contribuer combien ? ZÉRO ! Rien.

Le ministre canadien des affaires extérieures, Lawrence Cannon, a annoncé que le Canada s’en tenait aux promesses monétaires d’aide de 2007, qui, en passant, ne sont pas encore toutes versées. Tous les pays avaient contribué en 2007, mais, face au désastre incroyable de janvier à Gaza, ils ont décidé d’ajouter le montant supplémentaire mentionné précédemment. De plus, le secrétaire de l’ONU, le président français et d’autres ont réclamé que le blocus de Gaza par Israël cesse afin de laisser « les travailleurs humanitaires entrer et apporter les denrées essentielles pour les Gazouis ». Sur ce dernier sujet, pas un mot du Canada. En somme Gaza est une prison à ciel ouvert et le Canada ne dit rien….

Mon ami étranger parlait de Stephen Harper comme « d’un chef d'État en connaissance de tous les enjeux mondiaux ». C’est peut être vrai, mais il se révèle un chef d’État qui laisse son idéologie prendre le dessus sur ses connaissances et les vraies solutions à apporter aux vrais problèmes. Il se montre insensible et porteur de visières horizontales et latérales.

Enfin, je crois que c’est une erreur d’avoir mis de côté le Hamas et qu’il n’ait pas fait partie des négociations. Hillary Clinton, secrétaire d’état américain, a déclaré aujourd’hui que l’autorité palestinienne est la seule organisation démocratique de la Palestine et par conséquent la seule qui doit recevoir et distribuer les nouveaux dons. C’est faux ! Le Hamas a défait le parti Fatah de Mahmoud Abbas dans une élection démocratique bien organisée et surveillée par l’ONU. Abbas n’est pas représenté à Gaza et y est mal vu car il n’a jamais accepté l’élection du Hamas. Ne pas reconnaître le vrai pouvoir élu de Gaza torpille d’avance sa reconstruction.

Les USA traitent le Hamas d’organisation terroriste depuis le 9 septembre 2001, même si le Hamas n’a rien à voir avec Al-Qaïda. Malheureusement, aujourd'hui, il y a une confusion entre les intentions internationales d’Al-Qaïda et les mouvements islamiques réellement nationalistes comme le Hamas en Palestine. En fait, cet amalgame ne fait que renforcer les islamistes les plus extrémistes qui sont rejetés par la grande majorité des musulmans à travers le monde et nuit aux nationalistes.

Tant que la réalité de la légitimité du Hamas ne sera pas reconnue par l’Occident et Israël, le désaccord israélo-palestinien perdurera. Par ailleurs, il ne sert à rien d’espérer, comme je le faisais il y a quelques années, que le Canada intervienne pour aider à solutionner ce conflit puisqu’il a perdu toute crédibilité dans le monde arabo-musulman.

Claude Dupras

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