Ça va mal ! Hier, à la « période de questions » à la Chambre des Communes nous avons pu constater l’atmosphère surchauffée, survoltée et irréelle qui règne au parlement canadien. C’est la pire journée des temps modernes dans cette enceinte où notre destinée se forge. Ce n’est sûrement pas bon pour l’unité de notre pays.
Le premier ministre Stephen Harper, blâmé par une majorité des éditoriaux des journaux du pays pour sa petitesse politique qui a engendré la crise qui déchire les Canadiens, a perdu la confiance d’une majorité de députés de la Chambre. S’il veut continuer, il doit demander un vote de confiance.
Harper sait qu’il sera défait par ce vote et hier, durant la « période de questions », il a lancé des insinuations aussi grotesques que ridicules. Faisant allusion à l’entente signée par le parti libéral et le NDP et cautionnée par le Bloc pour former un nouveau gouvernement, il a affirmé que « le parti libéral a fait la pire erreur de son histoire » en acceptant d’être appuyé par les séparatistes Québécois. Si c’est la pire erreur des libéraux, alors comment qualifier l’accord fait par Harper avec les mêmes séparatistes en 2006 alors qu’il était dans l’opposition et cherchait à prendre le pouvoir sans élection en renversant le parti libéral en Chambre. Exactement la même situation. Était-ce alors la pire erreur de l’histoire des conservateurs ? Et que dire des nombreux votes du Bloc, lors du dernier parlement, qui ont permis à Harper de garder le pouvoir alors que son parti était minoritaire et que le parti libéral et le NDP lui avaient enlevé leur confiance. Est-ce que les séparatistes, qu’ils qualifient de méchants aujourd’hui, étaient alors de bons séparatistes ? Ses paroles d’hier, dites d’une voix haute au trémolo exagérément tremblotant sont en fait un danger pour la brisure du pays.
Le PM Harper agit de façon irresponsable et va à l’encontre de tout ce qu’il a dit dans le passé en rapport avec le respect des décisions des députés canadiens. C’est lui qui ne cessait de répéter au gouvernement de l’ex PM Martin que la Chambre des Communes est souveraine et qu’il fallait respecter ses décisions. Aujourd’hui, cela ne compte plus. Il a créé de toute pièce cette crise en voulant éliminer ses adversaires.
Jamais je n’ai entendu des réparties aussi incendiaires pour l’unité canadienne de la part d’anciens chefs du parti progressiste-conservateur du Canada que celles qu’a lancés Harper hier. Diefenbaker, Stanfield, Clark et Mulroney ont toujours bien pesé leurs mots et pensé à l’intérêt supérieur du pays avant de parler. Ils n’ont jamais crié des diatribes aussi déshonorantes et irrévérencieuses à leurs adversaires et aux partis d’opposition que celles qu’Harper fait.
Pour cacher sa bêtise, Harper est prêt à tout. Que le Canada brûle ! Seul son pouvoir personnel compte. Il vient de lancer une campagne publicitaire agressive, fausse et démagogique, dans les médias; son parti prépare une manifestation devant Rideau Hall, la résidence de la Gouverneure générale, comme si l’interprétation de la constitution pouvait être influencée par une démonstration publique; il salit, dans l’opinion canadienne, les députés du Bloc Québécois, et par conséquent le Québec, en insinuant envers eux les pires choses comme en disant que l’entente est un « deal avec le diable » et encore plus. Qu’Harper ne soit pas d’accord avec l’orientation politique du Bloc Québécois est compréhensible mais qu’il questionne le droit des députés du Bloc de s’associer avec d’autres partis ou de voter contre lui n’est pas acceptable ! Ils sont égaux devant la loi et représentent autant les gens de leur comté que les députés conservateurs. Leur vote est aussi bon que ceux des autres députés, quels qu’ils soient.
Harper est désespéré et efface d’un coup ses gains politiques passés au Québec. De plus, il nuit considérablement à sa crédibilité future et par conséquent à ses chances de gagner éventuellement l’électorat québécois. Je crois qu’il ne sera jamais majoritaire à la Chambre des Communes car il n’aura plus jamais le Québec avec lui.
Les Canadiens de l’ouest du pays sont choqués devant la tournure des évènements, eux qui ont voté à plus de 70% pour le parti conservateur. Ils sont d’autant plus révoltés que ce sont leurs provinces, les plus riches du Canada, qui financent en grande partie le système de péréquation pour le partage des richesses entre les provinces canadiennes. Si la coalition prend le pouvoir, je comprendrai leur frustration car le coup sera dur. Avec le temps, ils blâmeront le vrai responsable de cette débâcle, Stephen Harper, mais ce ne sera pas facile.
Je vois cinq solutions à cette crise :
1. La coalition négocie avec le PM Harper un programme de relance économique pour le pays et oublie ses plans de prendre en charge le gouvernement.
2. Le gouvernement du PM reconnaît qu’il n’a plus la confiance de la Chambre des Communes et démissionne. La gouverneure générale demande au chef de l’opposition de former le prochain gouvernement.
3. La gouverneure générale refuse la prorogation de la Chambre et le vote de confiance du 8 décembre a lieu tel que prévu.
4. La gouverneure générale accepte la prorogation et fixe la fin janvier pour la nouvelle session. Le gouvernement conservateur propose alors son programme de relance et les députés votent. Si le gouvernement est défait, le PM remet sa démission à la gouverneure générale et elle décide soit de demander à la coalition de former le gouvernement soit le déclenchement d’une nouvelle élection.
5. Le PM Stephen Harper démissionne immédiatement et un nouveau PM est choisi parmi la députation conservatrice. La coalition accepte le changement.
Je crois que la cinquième solution est la meilleure. Stephen Harper a perdu la confiance de la Chambre des Communes et son successeur peut la regagner. Le parti conservateur a gagné l’élection générale d’il y a deux mois et mérite de gouverner. Les Canadiens de l’Ouest méritent de voir leurs opinions respectées. Mais avant tout, les Canadiens ont besoin d’un plan important de relance économique et ce n’est pas le moment d’ébranler le pays et de perdre du temps précieux à débattre autre chose.
Claude Dupras
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