Depuis mon voyage de juin dernier au Vietnam, je suis profondément touché par le sort des Vietnamiens et Vietnamiennes qui réclament la liberté d’expression dans leur pays.
Hier, j’ai pu, finalement, parlé avec Mlle Lê Thi Công Nhân directement de sa résidence de Hanoi. Elle va bien. Elle m’a appris que le jour où je l’ai rencontrée au « Highland café » de Hanoi, alors que je fus témoin de son interpellation par la police secrète du gouvernement communiste de son pays, qu'elle a été effectivement arrêtée et trainée vers la prison où elle a été retenue jusqu’à tard dans la soirée. Depuis, elle a regagné son domicile où elle est assignée obligatoirement pour les trois prochaines années. Les seules sorties qui lui sont permises sont pour l’achat de nourriture et de produits de première nécessité. Elle n’a pas le droit de travailler (elle est avocate) ni de circuler hors de la maison. Nonobstant cette situation déplaisante, elle maintient un bon esprit et espère que sa voix et celle de ses compatriotes qui veulent une démocratie pour le Vietnam soient entendues.
Nous avons parlé durant plus d’une heure et notre conversation sera retransmise sur les ondes de radio Viet Tan dans le pays. C’est une personne intelligente, engagée, persuasive, bien renseignée et surtout convaincue de la nécessité de continuer son travail. Elle est prête à faire le sacrifice de sa vie pour la liberté de son peuple.
Alors que d’autres personnes sont toujours dans les prisons Vietnamiennes, simplement pour avoir réclamé la liberté de parole sur les affaires du pays, les pays occidentaux agissent comme si de rien n’était, sauf pour quelques mots, de temps en temps, pour décrier cette situation comme les propos récents d’Hillary Clinton, secrétaire d’état américain. Malheureusement, une fois dit, c’est « business as usual ».
Le Canada est fortement impliqué au Vietnam. Le premier ministre vietnamien a été accueilli à Toronto lors du dernier G20. Le ministre des affaires étrangères du Canada a visité le Vietnam en juillet dernier. Le nombre d’étudiants Vietnamiens dans nos universités augmente rapidement car le Canada veut devenir pour eux une destination privilégiée d’études internationales. Notre pays aide l’agriculture et appuie la réforme économique. Il collabore à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie en milieu rural. Plus de 550 millions de $ d’aide ont été versés à ce jour par notre pays. Le commerce entre les deux pays croît rapidement et approche les 2 milliards de $ dont plus de 30% d’exportations canadiennes. Au point de vue investissement, le Canada est le cinquième investisseur au monde dans ce pays. De nombreuse négociations et rencontres bilatérales sont en marche dans plusieurs domaines dont le commerce, le juridique, le législatif et le judiciaire incluant la lutte contre la corruption. Nos sociétés privées sont à l’œuvre dans l’agriculture, l’agroalimentaire, la formation, l’industrie forestière, les technologies de l’information et des communications…
Que les choses ont changé depuis quelques décennies, alors que les boycotts se succédèrent ! On se rappelle celui des USA envers les Jeux Olympiques de Moscou pour raisons politiques; celui des pays occidentaux envers l’Afrique du Sud qui pratiquait l’apartheid; celui des USA, du Canada et d’autres versus la Corée du Nord suite à la guerre entre les deux Corée et qui continue; celui du temps du rideau de fer des pays d’Europe de l’est et celui de la Chine de Mao à cause du communisme; celui des USA envers Cuba qui perdure depuis 1959, etc…
Aujourd’hui, la Chine est devenue un collaborateur, un ami, un exemple. Pourtant c’est le même régime politique communiste qu’avant, sauf qu’il s’est ouvert à l’économie de marché. Rappelons-nous que suite aux refus des Soviets d’accorder la liberté économique aux peuples de l’URSS et des pays sous son joug, ces derniers se sont soulevés pour renverser leurs gouvernements, supposément indéracinables, en quelques mois.
Il me semble clair que les Vietnamiens auraient réagi de la même façon, si le parti communiste vietnamien avait suivi la politique de ses frères russes. Ce parti a eu l’intelligence de parer à un tel renversement en décrétant la grande réforme de l’économie du marché. Ce faisant, il a conservé le pouvoir et a attiré l’intérêt des pays occidentaux, comme le Canada, qui voient dans le nouveau Vietnam une place importante pour faire des affaires.
Il devient évident que c’est le capitalisme qui a sauvé les partis communistes de la Chine et du Vietnam.
Pendant ce temps, le peuple vietnamien, très occupé à gagner sa vie, ne critique pas le parti communiste au pouvoir craignant le système de terreur mis en place pour le faire taire, avec des lois arbitraires et imprécises qui briment ses droits humains les plus élémentaires.
Certes, le gouvernement du Canada critique quelque fois le gouvernement communiste Vietnamien, mais ce n’est que du bout des lèvres, beaucoup plus pour satisfaire la très active communauté canado-vietnamienne du Canada que pour régler le problème. Le Canada est plus intéressé à négocier un accord de protection et de promotion de son investissement que de sauver les innocentes personnes qui sont arrêtées pour avoir réclamer la liberté d’expression. Aucune de ses actions d’aide, de support ou d’affaires n’est conditionnelle à ce que les systèmes juridique et judiciaire accusatoire vietnamiens soient modifiés pour assurer la liberté d’expression et le respect des droits de la personne. Et le Canada n’est pas le seul à agir ainsi.
Lê Thi Công Nhân est un bel exemple de ce qu’est la liberté du vietnamien d’aujourd’hui. Plusieurs de ses collègues sont encore en prison et elle risque d’y retourner en persistant à continuer son action pour la démocratie dans son pays.
Il est temps que le Canada fasse sa part pour protéger les Vietnamiens et Vietnamiennes qui veulent s’exprimer publiquement et librement sur les affaires de leur gouvernement et la démocratie. Tout comme il a été un leader pour la chute de l’apartheid, il pourrait devenir un chef de file pour l’implantation d’une vraie démocratie au Vietnam.
Si la pression ne vient pas de l’étranger, la situation perdurera indéfiniment au Vietnam car la « gang » du parti communiste vietnamien est trop forte et emploie des méthodes quasi-staliniennes pour assurer sa main mise exclusive sur le pouvoir.
Claude Dupras
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