De jour en jour, on découvre, de plus en plus, l’envergure du scandale de l’augmentation des coûts de construction à Montréal et dans les alentours. Hier, les médias nous apprenaient qu’un km de route coûte au Québec 35% de plus que dans la province voisine de l’Ontario. Cela veut dire que pour le même montant nous avons 35% moins de travaux civils chez nous. C’est énorme et cela représente des milliards en taxes.
Je ne suis pas surpris car depuis longtemps j’analyse ce qui se passe et j’écris à un et à l’autre pour souligner ce scandale. J’ai d’ailleurs publié le 14 mai dernier un texte sur le sujet intitulé « Rien ne va plus » et j’ai fait un copié-collé, que j’ajoute au présent, pour l’information de mes lecteurs car il est de plus en plus d’actualité.
Il est temps que le PM du Québec Jean Charest se réveille et déclenche la « Commission d’enquête publique sur les coûts de construction » dans notre province que je réclame depuis longtemps. Ce ne sont pas les quelques enquêtes policières sur des cas précis qui vont changer globalement la situation, car le problème devient systémique.
Un aspect qui m’intrigue est le rôle des ingénieurs dans tout ce branle-bas. J’en ai été un toute ma vie professionnelle de 40 ans et j’ai toujours respecté notre code de déontologie qui nous oblige à assurer que par nos actes nous protégeons la société. Pourquoi, les ingénieurs-conseils civils qui ont fait les plans et devis pour les soumissions publiques de travaux publics, préparé les estimations budgétaires et finales pour leur clients, analysé les soumissions et fait les recommandations au donneur d’ouvrage, ne disent-ils rien ? Pourquoi, les ingénieurs du gouvernement ou des villes qui supervisent l’ensemble de l’évolution des projets, ne disent-ils rien ?.
Pourquoi les élus ont-ils accordé tous ces contrats dont les budgets étaient littéralement défoncés ?
Tous ces personnages sont des témoins importants et il devient urgent de les entendre répondre aux questions des enquêteurs.
Cette situation anormale nous coûte cher. Nous perdons la face dans les autres provinces et dans le monde où le mot corruption commence à s’identifier avec le nom de Montréal et celui du Québec. Il est temps que cela cesse. Quand même, nous ne sommes pas une république bananière !
Même si tous ces intervenants de la construction, entrepreneurs, fournisseurs, ingénieurs et autres souscrivent à la caisse du parti libéral du Québec, ce n’est pas une raison pour ne pas déclencher l’enquête car il y va de l’intérêt public et de notre réputation comme Québécois. C’est la seule façon de se débarrasser du « cancer » qui envahit notre société.
SVP, M. Charest, le temps est arrivé.
Claude Dupras
Rien ne va plus
Jeudi le 14 mai, 2009
Rien ne va plus dans les coûts de construction à Montréal. Les dépassements des estimés prévus pour les grands projets d’infrastructures et de bâtiments importants sont incompréhensibles. Tout passe du simple au double quand ce n’est pas au triple.
Nous avons tous constaté la flambée des prix de la construction de l’extension du métro à Laval, du projet de l’autoroute Ville-Marie, du contrat des compteurs d’eau de la ville de Montréal, des prévisions budgétaires pour les garages et les centres d’entretien pour l’Agence métropolitaine de transport (AMT), du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) pour ne mentionner que ceux-là car il y en a des dizaines d’autres. Les observateurs avertis sont surpris de cette situation tout comme le sont les citoyens qui y voient augmentations futures de taxes foncières et autres.
Que se passe-t-il ? Sommes-nous victimes de fraudeurs ? Les estimateurs sont-ils de complets ignorants ? Y-a-t-il une mafia qui s’est installée dans le domaine de la construction avec comme but de souffler les prix et les profits ? Ce ne sont pas les questions qui manquent…
J’ai oeuvré dans le domaine de la construction durant plus de 40 ans. J’ai créé, avec des associés, un bureau d’ingénieur-conseil qui fut très actif dans le domaine de la mécanique et d’électricité, en informatique et en gérance de travaux de construction. Nous avons réalisé un très grand nombre de projets importants allant du village Olympique, au Journal de Montréal, à l’hôpital Charles-Lemoyne, au Complexe ex-Centris. Jamais ai-je été témoin d’augmentation si sauvage des coûts de construction !
Par exemple, alors que la construction du stade Olympique a dépassé de beaucoup les coûts prévus (cela s’explique, en grande partie, par la complexité du projet, le court temps pour le réaliser et les problèmes syndicaux), le projet du village Olympique a rencontré ses budgets.
Au même moment, nous réalisions la gérance de construction de l’édifice de Bell Canada sur la rue Jean-Talon, près de la rue Casgrain. Je cite ce dernier exemple pour démontrer que nonobstant la crise de la construction des années 1970, la pression sur les prix et la grande demande de personnel découlant des grands travaux réalisés alors, comme le barrage de la Baie James et les installations olympiques, le budget de construction de ce projet fut quand même respecté. Et, c’était généralement le cas au Québec.
Le battage journalistique des derniers mois sur les différents projets de construction de la ville de Montréal et des autres organismes gouvernementaux, mentionnés précédemment, a marqué profondément une majorité des Montréalais qui y voient des scandales honteux. Les personnages impliqués par les médias sont venus, tour à tour, sur la place publique pour se défendre des insinuations qui pèsent sur eux et leurs entreprises.
Frank Zampino, l’ex-président du comité exécutif de la ville de Montréal, Jean-Pierre Sauriol, président du groupe d’ingénieurs-constructeurs DESSAU et les présidents des associations des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec (ACRGTQ) et de la construction du Québec (ACQ), se sont tous expliqués. Pour eux, tout est beau et « tout le monde il est gentil » car il n’y a pas vraiment de problèmes puisque tous les intervenants de leurs groupes respectifs sont qualifiés, efficaces, productifs, compétitifs et respectueux de l’éthique corporative et professionnelle. À peine quelques uns admettent-ils la présence de quelques moutons noirs dans leurs rangs mais ils seront vite, disent-ils, chassés de la bergerie.
La Sûreté du Québec fait actuellement enquête sur certaines entreprises et plusieurs y voient là la solution au problème actuel. Je ne le crois pas, car la police ne traitera pas de ce que j’estime être les racines du mal qui ronge la construction, soient : une collusion malsaine chez plusieurs fournisseurs de matériaux et d’équipements, une improductivité grandissante chez les travailleurs, une incompétence évidente dans la planification des projets, une inexpérience manifeste dans l’estimation des coûts des projets, un manque de contrôle et de surveillance chez les donneurs d’ouvrage, une complicité malsaine entre les politiciens, les entrepreneurs et les professionnels, un manque de respect du principe des soumissions publiques dans le domaine publique, une éthique inexistante chez plusieurs intervenants, etc…
Une vraie solution serait la mise sur pied par le gouvernement du Québec d’une commission d’enquête sur les coûts de construction. Il est urgent de bien comprendre ce qui se passe afin de faire les corrections nécessaires car le Québec va entreprendre dans les cinq prochaines années plus de 45 milliards $ de travaux d’infrastructures. Des hommes politiques mis-au-pas et qui comprennent mieux leur responsabilité en rapport avec la réalisation de projets d’infrastructures ou autres, plus un monde de la construction qui respecte les règles de l’art permettront d’économiser des centaines de millions de dollars.
J’ai été heureux ce matin d’apprendre que les fonctionnaires fédéraux prennent le temps de s’assurer que les projets présentés en catastrophe par les gouvernements des provinces et les villes sont bien ficelés avant de les approuver et d’autoriser la remise des argents votés par le parlement canadien. On les accuse de retarder les projets mais j’y vois une leçon découlant des suites de l’enquête du fameux scandale des commandites, d’il y a quelques années, durant laquelle les fonctionnaires se sont faits taper sur les doigts pour leur négligence. Je suis impressionné par ces employés de l’État qui résistent aux demandes pressées des politiciens du parti conservateur, pour faire leur « job ». Ce ne doit pas être facile pour eux, mais c’est nécessaire car cela permettra de s’assurer que l’argent fédéral sera bien utilisé et que les objectifs des investissements pour la relance de l’économie seront rencontrés. C’est un début. Espérons que le gouvernement du Québec et les villes feront de même chez nous.
Claude Dupras
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