mercredi 16 septembre 2009

Le bonheur national brut

À son arrivée à la présidence française, Nicolas Sarkozy créa une Commission sur « la mesure de la performance économique et du progrès social ». En somme, le président voulait savoir comment établir la performance de la société française, hors le PIB (produit intérieur brut) qui mesure annuellement la production d’un pays et indique son niveau de croissance, ou de récession. En fait, Sarkozy recherche des instruments plus justes pour mieux comprendre les enjeux.

La Commission composée de 25 experts internationaux et présidé par l’Américain et Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, incluait aussi un autre lauréat du prix Nobel, l’Indien Amartya Sen. Après 18 mois d’études, la commission a remis son rapport au président français, lundi dernier, à la Sorbonne. Elle arrive à la conclusion qu’« un seul chiffre (le PIB) ne peut pas, à lui seul tout synthétiser ».

Par exemple, le PIB place parmi les pays les plus riches, les USA premier, la France 5ième et le Canada 11ième. Par contre, l’IDH (indice de développement humain) calculé à partir de l’espérance de vie, du taux d’alphabétisation et du PIB par habitant de chaque pays, place le Canada 4ième, la France 10ième et les USA 12ième parmi les pays les mieux développés.

La crise économique actuelle a mis en évidence que « le PIB ne donnait pas la température de la maladie de nos économies ». Par exemple, les USA dépensent 15 % de leur PIB pour la santé, un record mondial, mais il y a 45 millions d’Américains qui n’ont pas de protection sociale. Le prix du carbone n’est pas vraiment $15 la tonne, comme le dit le marché, c’est beaucoup plus si on veut contrer le réchauffement climatique. Stiglitz conclut que « la confiance au marché nous aveugle ».

L'économiste affirme que « le PIB a été créé pour calculer l’activité des marchés, malheureusement, il a été utilisé davantage pour étalonner la mesure du bien-être ou de la qualité de vie ». Or, la performance d’une société doit s’évaluer aussi par des « mesures subjectives comme l’environnement, la sécurité personnelle ou économique, l’habitat, etc.».

Pour lui, nous devons avoir des « indicateurs qui nous permettent de savoir l’état de notre économie et de notre société ». Comment avoir un programme sur les inégalités si on ne les mesure pas ?

La Commission a résumé, à douze, les pistes qu’il faut suivre pour mieux mesurer les performances économiques et le bien-être social de nos sociétés. Elles sont : les revenus et la consommation, la perception des « ménages », le patrimoine, la répartition des revenus, les activités non-marchandes, le bien-être, les inégalités, la qualité de vie, les ressources, le capital humain et social et l’environnement. En somme, les gouvernements devraient « mesurer aussi le bien-être, sinon le bonheur, et pas seulement la production aux prix des marchés ».

Au PIB on pourrait ajouter « le BNB, le bonheur national brut », écrit en plaisantant un éditorialiste français.

En sachant mettre l’accent sur la richesse humaine plutôt que sur la seule croissance des biens, les gouvernements seraient alors en mesure d’infléchir leurs politiques pour mieux aider leur population.

Le président Sarkozy a été impressionné par la thèse du rapport de la Commission au point qu’il y voit un point tournant de la politique mondiale. Il projette d’en devenir le « porte-parole » dans le monde afin de persuader les organisations mondiales à modifier leur système statistique. De son côté, l’économiste Joseph Stiglitz s’est montré heureux de constater, qu’enfin, un « gouvernement de poids » comme la France donnera de la prestance aux propositions des membres de sa Commission.

Cela rejoint l’argumentaire de mon récent blog « la taxe carbone » à l’effet que la France, en l’adoptant, se donnera la capacité de devenir le leader recherché pour la faire adopter par les grands pays du monde.

Le président Sarkozy démontre de plus en plus ses qualités, hors de l’ordinaire, de chef de nation responsable.

« C’est en mettant davantage l’accent sur la mesure du bien-être sous toutes ses dimensions que sur le seul prisme de la production économique que l’on changera les comportements » conclut le président français ».

Claude Dupras

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