Le 11 juin 2008, j’écrivais un blog intitulé la « taxe verte ». C’est aujourd’hui, la « taxe carbone ». J’étais alors en faveur et je le suis toujours. Le gouvernement français veut appliquer une telle taxe dès la rentrée parlementaire et un tollé s’élève du côté de l’opposition contre cette nouvelle taxe. Malgré qu’’elle soit demandée et expliquée par les écologistes comme un moyen efficace pour réduire les émissions de CO2 , qu’elle ait prouvé son efficacité en Suède, au Danemark, au Royaume-Uni, en Finlande, en Norvège, en Nouvelle-Zélande ou à Costa Rica où elle est appliquée depuis plusieurs années, le parti socialiste français, avec Ségolène Royal en tête, et les autres partis de gauche, sauf les écolos, ont décidé de combattre cette mesure écologique. Ils élèvent le spectre de la peur de nouvelles taxes, déjà très hautes en France.
Est-ce simplement une opposition pour faire de l’opposition, ou est-ce que cette position est réaliste et honnête ? La question est difficile à répondre.
La taxe carbone est à mon avis mal nommée à cause du mot « taxe » qui la rend hostile aux contribuables. Son but est d’influencer Monsieur, Madame tout-le-monde et les entreprises à diminuer leur consommation d’énergie générée par le pétrole, le gaz et le charbon afin de réduire la production de gaz à effets de serre néfastes pour le climat de notre planète. Le principe est de rendre le coût de l’énergie plus cher, au point qu’elle soit moins consommée et que ses utilisateurs se voient obligés de modérer leur consommation et de chercher des solutions alternatives moins coûteuses et moins polluantes.
Ça marche, et l’exemple est la France où le prix de l’essence est actuellement le double de celui du Canada. Le résultat est que les Français roulent dans de petites voitures qui font beaucoup plus de km au litre que les grosses voitures canadiennes. Au double du prix à la pompe, je suis certain que les Canadiens remplaceraient vite leur automobile énergivore pour une à l’appétit moins grand et moins polluant. D’ailleurs, on a vu leurs réactions dans ce sens, l’an dernier, lors de la flambée des prix du pétrole.
Même si la France s’engage dans le sillon de la taxe carbone, le résultat ne changera presque rien au niveau de l’émission mondiale des GES puisque les gros pollueurs comme les USA, l’Inde, la Chine, la Russie et le Canada ne participent pas à cet effort et refusent l’idée de taxer pour motiver. Les dirigeants politiques de ces pays, surtout motivés par l’intérêt politique ou personnel, veulent protéger leurs entreprises, créatrices d’emplois, contre les augmentations importantes de taxes mais surtout s’assurer que leurs électeurs ne se révoltent pas suite à des augmentations radicales des coûts d’énergie. Ils ont appris qu’ « un politicien qui taxe est un politicien qui se fait battre » et c’est pourquoi ils craignent la taxe carbone, comme la peste.
Nous, les Canadiens, avons vécu un tel débat lors de notre dernière élection générale alors que le chef de l’opposition libérale fit de la taxe carbone le principal objet de sa plateforme électorale. Stéphane Dion savait de quoi il parlait. Il avait présidé avec brio la conférence universelle des Nations Unies à Montréal sur le réchauffement climatique et avait su rallier les délégués à des positions importantes et difficiles. Il connaissait tous les aspects de cette idée déjà implantée ailleurs et qui a fait ses preuves. Il a, contre l’avis des stratèges du parti, engagé ses troupes dans ce combat et proposé la taxe carbone en assurant les électeurs que tous les argents collectés par cette taxe seraient intégralement redistribués à ceux qui en souffriraient. En somme, le gouvernement ne bénéficierait d’aucune nouvelle entrée fiscale pour son budget.
Son adversaire, le Premier ministre Stephen Harper, député de l’Alberta, la province la plus polluante du Canada à cause de sa mauvaise exploitation des sables bitumineux, s’est évidemment opposé à cette idée de Dion et l’a accusé de vouloir taxer sur tout et partout. Il a ainsi fait oublier sa propre politique sur l'environnement qui était et est toujours déplorée par les grands écologistes du monde. Ce qui fut plus grave c’est que notre PM, pour défendre sa province et gagner ses élections, a réussi à réduire le débat sur cette question cruciale, à une question de taxe. Il a démontré alors qu’il était irresponsable.
Dion perdit son pari et le parti libéral obtint son plus bas score électoral depuis des décennies. Certes, il y avait d’autres sujets qui n’aidaient pas Dion, mais c’est la taxe carbone qui créa la crainte profonde chez les électeurs et les détourna du parti libéral.
Nicolas Sarkozy, le président français qui a montré beaucoup de courage dans le passé en prenant des décisions impopulaires et difficiles, affirme que la taxe carbone sera instaurée bientôt en France.
A-t-il raison de proposer cette contribution fiscale pour combattre l’émission de CO2 même si son effet ne modifiera qu'à peine un iota la production mondiale des GES? Tenant compte que les autres grands pays ne bougent pas sur cette question, nous pouvons nous demander s’il est raisonnable que les Français, en pleine crise économique, soient appelés à payer cette taxe carbone même si le président assure que l’intégralité du revenu qu’elle générera sera affectée aux entreprises, aux particuliers, aux ruraux et aux plus défavorisés. Les Français hésitent car, dans le passé, ils se rappellent que les revenus d’autres nouvelles taxes furent attribués à des fins autres que celles pour lesquelles elles furent adoptées. Il est normal qu’ils soient méfiants.
Par contre, la France est un leader dans le monde. Si elle ne bouge pas, pourquoi les autres pays bougeraient-ils ? Et puis, il y a l’importante conférence de l’ONU à Copenhague où des décisions importantes doivent être prises pour la suite de l’accord de Kyoto sur le réchauffement climatique. La France peut y être un grand joueur.
Je crois Nicolas Sarkozy lorsqu’il assure que la taxe carbone sera fiscalement neutre. C’est un homme politique très réaliste, électoralement parlant. Son parti UMP est bien sorti des récentes élections européennes. Mais le parti écologiste a aussi fait bonne figure en dépassant le parti socialiste. À l’horizon, il y a les élections régionales françaises en 2010 et la prochaine élection présidentielle en 2012. Le président Sarkozy ne peut oublier la dimension électorale en prenant ses décisions politiques. Pour gagner la faveur publique lors de ces scrutins, il se doit de respecter ses positions avancées. Il n’a pas vraiment le choix.
La Planète n’a pas non plus le choix et a besoin de leadership. La France, un des pays les moins polluants de la planète, peut devenir le leader recherché. Sarkozy a démontré, dans le passé, sa capacité de persuasion. En prenant son pays comme exemple, il sera à même de démontrer, aux représentants des citoyens du monde réunis à Copenhague, le niveau de courage requis et la façon d’agir pour contrer le danger qui menace notre planète.
Je crois que les Canadiens seront impressionnés par une telle politique adoptée en France. Ils comprendront davantage que c’est la démagogie qui a fait foi de programme politique pour le parti conservateur lors de la dernière élection nationale. L’adoption de la taxe carbone en France affectera, jusqu’à un certain point, le débat lors de la prochaine élection canadienne. Il en sera de même ailleurs.
Claude Dupras
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