C’était hier, les élections pour tous les députés au parlement européen. En France, seulement 40% des électeurs ont voté, alors que dans tous les autres pays membres de l’Union Européenne le score est à 41,5%. C’est pitoyable et un affront à la démocratie qui m’a fait penser au mot d’ordre de voter « blanc » aux élections présidentielles. Alors que le parlement européen a de plus en plus de responsabilités, les Européens votent de moins en moins. Hier, le pourcentage était plus bas qu’à la dernière élection et celui de cette année-là était encore plus bas que la précédente.
J’ai suivi de près la campagne électorale française et j’ai constaté que les électeurs ne montrent pas d’intérêt pour l’Europe parce qu’ils la connaissent peu. J’ai même détecté un sentiment anti-européen chez plusieurs. Malheureusement pour eux, la période électorale ne fut pas un moment pour apprendre. Au contraire elle fut une non-campagne, presqu’une farce. Elle s’est terminée sur le plateau de France 2, la veille du jour de l’élection, où le spectacle offert par les représentants des partis fut déplorable, dégradant et insignifiant. Des bouffons n’auraient pas mieux fait.
Alors qu’on espérait de cette émission télévisée qu’elle éveille les électeurs et les encourage à aller voter, ce fut pour eux une douche froide qui les a éloignés davantage des bureaux de votation. Les participants s’invectivaient, palabraient tous en même temps, ne parlaient pas de l’Europe, pratiquaient l’antisarkozysme à plein, ne montraient aucun respect pour le poste de président de la France pas plus qu’entre eux d’ailleurs. Seuls deux ou trois étaient calmes, dont Xavier Bertrand président de l’UMP et la socialiste Martine Aubry qui, malgré son attitude, trouva quand même le moyen de traiter le président Sarkozy de menteur. Le tout culmina sur des échanges de bas niveau, de ruelle, entre François Bayrou, chef du Mouvement Démocrate, et Daniel Cohn-Bendit, leader du groupe Europe Écologie. Peut-on vraiment être surpris que les jeunes français ne s’intéressent pas à la politique lorsqu’ils voient leurs ainés agir de la sorte à la télé, en couleurs et en HD ?
Le grand gagnant fut l’UMP, le parti sarkozien, avec 28%. La surprise fut la montée d’Europe Écologie qui arriva à égalité avec le parti socialiste à 16 % alors que le Modem chuta à 8,5%. Comme ces élections sont à la proportionnelle et à un tour de votation, les partis obtiennent chacun le nombre de députés européens en proportion de l’appui qu’ils ont gagné. Ainsi toutes les opinions sont représentées au parlement européen. C’est un système juste et équitable qui m’a rappelé l’élection des Progressistes-Conservateurs que j’organisai au Québec du temps de Robert Stanfield. Nous avions obtenu plus de 28% des suffrages mais fait élire que deux députés avec une pluralité de votes. Avec un système proportionnel, notre nombre aurait été de 21 députés et les Québécois qui avaient voté « bleu » auraient été représentés au parlement canadien. Mais ça c’est une autre histoire…
Le jour de l’élection, au marché du dimanche de mon village, j’ai rencontré, séparément, trois amis français qui venaient de voter. Je savais qu’ils étaient de bons socialistes. À ma grande surprise, les trois m’avouèrent la même chose, ils venaient de voter pour Europe Écologie. « Pourquoi ne pas avoir supporté votre parti, le parti socialiste ? » leur demandai-je. Leur réponse, fut presque similaire, « c’est un parti en déroute qui va s’effondrer et l’écologie est de prime importance en ce moment, surtout pour l’ensemble de l’Europe » en me précisant « mais nous sommes toujours socialistes ». Le soir, à l’annonce des résultats, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas les seuls à penser ainsi.
La défaite importante du parti socialiste m’a remémoré la surprise que j’avais ressentie lors de l’élection de Martine Aubry comme premier secrétaire du parti socialiste. Je ne comprenais pas alors cette décision. La femme des 35 heures qui ont fait si mal à la France, revenait à la tête des affaires de son parti après avoir été la cause de la baisse en popularité du gouvernement Jospin, coûté à ce dernier la présidence et relégué le parti socialiste profondément dans l’opposition. Les Français n’ont pas oublié cette erreur magistrale et ne veulent pas de Martine Aubry. Hier soir, le parti s’est englué encore plus. Ce ne peut être plus clair. Elle doit démissionner et être remplacée immédiatement. Non pas par un autre membre de la vieille garde, « les éléphants » comme on les appelle, mais par un des nombreux brillants jeunes députés socialistes qui œuvrent dans ce parti. Il me semble que c’est la seule façon que la direction de ce parti puisse vraiment se rajeunir, se réorganiser et proposer des idées qui correspondent aux besoins des Français d’aujourd’hui. Contrairement aux « éléphants », ces nouveaux dirigeants seront écoutés et deviendront des pédagogues crédibles pour bien expliquer les nouvelles politiques socialistes aux Français.
Le parlement européen devient de plus en plus important car il participe davantage aux décisions de l’UE. Il vote des lois en codécision (avant il n’agissait que sur une base consultative seulement) avec le conseil de l’UE (composé des chefs de gouvernement ou des ministres), accorde ou retire sa confiance à la Commission (composée d’un commissaire par État-Membre), adopte le budget et contrôle son usage. Dans les domaines de l’environnement, du transport, de l’immigration clandestine, le parlement a le pouvoir d’agir. Il peut recevoir des pétitions d’européens. Il a un pouvoir de contrôle en politique étrangère et dans le domaine de la coopération policière et judiciaire. Le parlement est la base démocratique de l’UE et ses députés sont élus tous les 5 ans. Il est fort important. Que les Français, tout comme la majorité des Européens, ne s’intéressent pas davantage à ce corps politique qui touche de si près leur vie, me renverse. Par exemple, il vient d’adopter la politique climatique la plus audacieuse du monde.
Il est à espérer dans l’intérêt de tous, incluant les Nord-Américains, que les Français se réveillent, acceptent que le parlement européen soit aussi leur parlement et qu’ils s’en occupent.
Claude Dupras
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