L’image la plus révélatrice de toutes celles qui nous sont parvenues d’Iran depuis l’élection présidentielle, fut captée le jour de la prière à la grande mosquée de Téhéran où le Chef Suprême du pays, Ali Khamenei, décida d’aller prêcher le sermon. Devant des dizaines de milliers de fidèles, il s’adressa à tous les Iraniens en leur demandant de cesser les manifestations publiques en rapport avec le résultat électoral. « Je veux ceci, je veux cela …» disait-il, autoritairement.
Mahmoud Ahmadinejad, le président supposément réélu avec une très grosse majorité lors de cette élection à laquelle participa 85% de l’électorat, était accroupi au premier rang de la foule, écoutant béatement. Il était comme un p’tit chien au sol, les yeux levés vers son maître qui énonçait ses volontés. Cette photo démontre bien qui est le patron en Iran, que cette élection ne fut qu’une parodie de la démocratie et que le pays est en fait une dictature théocratique. Ce sont les religieux, les mollahs comme on les appelle en Iran, qui dirigent le pays car, prétextent-ils, le pouvoir politique vient de Dieu.
Pourtant, il y a 10 jours, c’est dans la joie que les Iraniens se sont prononcés en très grand nombre dans cette élection chaudement disputée, nonobstant qu’elle était sans pluralisme politique, durant laquelle le débat fut extraordinairement ouvert et intense. Les observateurs ont ressenti durant cette période qu’un changement profond était pour s’exprimer. Une souveraineté populaire semblait vouloir émaner du processus électoral.
J’ai eu l’impression que le peuple en avait assez des théories de 1960 de l’Ayatollah Khomenei (ne pas confondre avec le Chef Suprême actuel Khamenei) venu de France pour renverser le régime du Shah d’Iran, ainsi que de la constitution qu’il a imposée alors pour créer l’état islamique d’Iran et se faire nommer le Chef Suprême. Cette constitution, toujours en vigueur, définit que le Chef Suprême a la responsabilité des politiques générales de la République islamique d’Iran et est le commandant en chef des forces armées. De plus, elle lui attribue toutes les opérations liées à la sécurité, précise qu’il est le seul qui a le pouvoir de déclarer la guerre et qu’il est aussi responsable du pouvoir judiciaire.
En plus, elle a créé un « Conseil des Gardiens » pour veiller à la compatibilité des lois avec la Constitution et avec l'Islam. Il est composé de douze membres dont six mollahs nommés directement par le Chef Suprême et de six juristes, aussi des mollahs, nommés sur proposition du pouvoir judiciaire qui dépend de qui, pensez-vous ? Eh oui, du Chef Suprême ! Donc, c’est ce dernier qui nomme tous les membres du conseil des Gardiens.
Puis, il y a l’« Assemblée des experts » dont les 86 membres, tous des mollahs, sont élus pour huit ans au suffrage universel. Son rôle est d’élire le Chef Suprême. Elle peut aussi le démettre de ses fonctions mais c’est fortement improbable puisqu’il est nommé à vie et le pouvoir personnel qu’il exerce le rend tout-puissant. Lors de la dernière élection en 2006, l’opposition boycotta le scrutin et traita l’élection d’une farce. Qui choisit les candidats, pensez-vous ? Eh oui, le Chef Suprême… encore lui !
Enfin, il y a « le Conseil de discernement » qui arbitre les litiges entre le parlement et « le Conseil des Gardiens « et peut édicter des solutions. Composé de qui ? De six membres du conseil des Gardiens auxquels s’ajoutent le chef du parlement, le chef des pouvoirs judiciaires, le président de la république et une dizaine de personnalités iraniennes, toutes nommées par le Chef Suprême. Seuls le chef du parlement et le président du pays ne sont pas nommés, en principe, par le Chef Suprême.
Il est clair que le parlement de 290 députés élus et le président, n’ont pas de pouvoir réel. Ils jouent le jeu et ne sont, en somme, que les porte-paroles du Chef Suprême.
Seul un président intelligent, astucieux et avec du caractère comme le fut l’ancien président Mohammad Khatami de 1997 à 2005 ou comme aurait pu l’être Mir-Hossein Mousavi, le candidat perdant de l’élection récente, peut faire la différence et libérer peu à peu l’Iran de l’omniprésence du Chef Suprême et sa constitution afin de vraiment changer les choses.
Je discutais hier avec un ami français de cette structure politique et religieuse de l’Iran et sa réaction m’exprima bien ce qu’est cette mise-en scène démocratique iranienne : C’est dingue !
Claude Dupras
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