mercredi 8 décembre 2010

Assange et Goliath

On dit que l’australien Julian Assange est le fondateur de Wikileaks, le site internet qui depuis un bon moment sème la terreur dans les gouvernements et les entreprises. Mais en réalité, il semble que Wikileaks ait pris son origine vers « 2006 et ait été fondé par des dissidents chinois, des journalistes, des mathématiciens et de nouvelles compagnies informatiques ».

Julian Assange en est l’âme dirigeante depuis 2007. Le site n’accepte que des informations politiques, diplomatiques, historiques et d’éthique mais exclut tout matériel qui a déjà été publié. C’est un site idéal pour dissidents. Le site à un bureau de conseillers techniques et politiques venant de différents pays dans le monde. Il ne faut pas penser que tout est rose parmi ces conseillers car, souventes fois, il y a désaccord sur la stratégie à suivre. Mais, en général, l’opinion d’Assange prime et il a perdu plusieurs conseillers à cause de telles situations.

Wikileaks est une organisation de charité selon la loi allemande. Des dons peuvent être faits à la fondation. Ils sont remis à Wikileaks en remboursement de dépenses confirmées payées. Seules les dépenses pour des équipements informatiques, de voyages et de services internet sont remboursés par la fondation. On parle d’un budget de 200,000 euros par an. Aucun salaire ni rémunération ne sont payés payé directement ou indirectement. Assange et ses collaborateurs font un travail volontaire. Les serveurs de Wikileaks sont principalement en Suède à cause de la protection qu’assure la constitution suédoise à de telles opérations, d’autres de relais sont dans le monde. Mais il a des problèmes avec ces derniers qui sont en France et aux USA. Amazon vient de le sortir de son réseau. Assange contemple maintenant de s’installer définitivement dans la neutre Suisse à l’abri de tous les politiciens qui cherchent à lui faire cesser ses opérations.

L’objectif de Wikileaks est de dénoncer les systèmes politiques oppressifs dans le monde ainsi que les agissements, contraires à l’éthique, des dirigeants et des fonctionnaires des pays. Des informateurs anonymes soumettent à Wikileaks des milliers de documents normalement identifiés « secret » et non disponibles. Les informations qu’il reçoit sont vérifiées par un comité spécial avant d’être reconnues comme valables pour publication. Wikileaks établit une stratégie pour leur dévoilement au monde entier. Chaque opération a l’effet d’une bombe dans le milieu touché par les révélations.

Wikileaks a été le récipiendaire de prix de mérite pour son travail passé. En 2008, le prix « new media » du Magazine Economist, en 2009, le prix « UK media award » d’Amnistie international et récemment, en novembre 2010, le journal américain New York Daily News le qualifiait de « site internet capable de changer totalement les nouvelles ». De plus, une coalition de journaux importants, américains, français et autres, appuie financièrement Wikileaks.

Actuellement, après avoir démontré que des soldats américains avaient tué des citoyens et des journalistes en Irak, Wikileaks dévoile 250,000 documents, au goute à goutte, sur les relations diplomatiques des USA avec les pays du monde et principalement avec ses alliés des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Il y a là un parallèle entre « les papiers du Pentagon » qui étaient légalement protégés et qui avaient été révélés par Daniel Ellsberg en 1971 du temps du président Nixon. Aujourd’hui, ce même Ellsberg rejette les critiques de Wikileaks et affirme que « la vie d’aucun soldat ou informateur n’a été mise en danger suite aux informations relâchées par Wikileaks ».

Les révélations font régulièrement la Une des journaux et des autres médias. Elles font mal. Elles soulignent des renseignements qui ont toujours été inconnus des médias internationaux. Elles révèlent le travail du secrétariat d’état américain et ses stratégies. Ce n’est pas toujours beau et presque toujours embarrassant pour la diplomatie américaine. D’ailleurs, Hillary Clinton ne cesse de s’excuser, au nom de son pays, auprès des chefs des autres pays, des révélations qui sont faites quotidiennement. Elle s’applique à démoniser Julian Assange et le qualifier de terroriste dangereux. Elle défend à tous les fonctionnaires américains d’accéder à Wikileaks. Elle l’accuse d’espionnage et veut le poursuivre. Le gouvernement d’Obama annonce qu’il veut le faire arrêter. Un proche conseiller du PM canadien Stephen Harper a même exprimé l’idée qu’Assange soit assassiné. Ailleurs, dans d’autres pays, Assange et les membres de son bureau de conseillers sont harassés par les douaniers lorsqu’ils arrivent aux frontières.

Julian Assange a accepté, la semaine dernière, de rencontrer les policiers Londoniens pour s’expliquer en rapport avec des accusations de viol portées contre lui par la Suède qui demande son extradition. Il a été arrêté en se rendant à cette rencontre et est retenu en détention préventive depuis, pour quelques jours à ce que dit la police. Assange nie ces accusations et parle de relations sexuelles consenties par sa partenaire.

Ces actions anti-Assange sont devenues plus systématiques depuis qu’il a annoncé que Wikileaks avait en main des documents internes d’une des plus grandes banques américaines et qu’il les dévoilerait bientôt. Ces papiers démontreraient l’irresponsabilité de cette institution bancaire dans l’engrenage qui a mené à la crise économique qui ébranle toujours le monde occidental. J’ai l’impression que les dirigeants de cette banque craignent comme la peste les révélations d’Assange et qu’ils font tout ce qui est possible, dans l'ombre, pour le faire arrêter. Ils font pression sur les gouvernements, coupent les dons monétaires à son site via Pay-Pal, etc.. Ils ont encore plus peur d’Assange que des gouvernements.

Que penser de tout cela ? C’est la question que je me pose depuis plusieurs jours. Julian Assange doit-il être arrêté, jugé et emprisonné ? Wikileaks doit-il être fermé ?

Est-ce lui le coupable ou sont-ce les personnes qui lui transmettent les documents ? Comme ce jeune militaire américain qui a copié les 250,000 documents des archives secrètes américaines qu’il avait à sa disposition de par son travail ? Dans ce dernier cas, je blâme le gouvernement américain de n’avoir pas suffisamment de contrôles sécuritaires pour empêcher qu’un jeune employé puisse copier des documents secrets et les transmettre à l’extérieur du gouvernement. Je blâme aussi ce jeune employé qui a renié son serment d’office de toujours garder secret son travail et les documents auxquels il avait accès.

Julian Assange est de prime abord pour la liberté d’information. Il est devenu le champion dans ce domaine. Il agit comme un vrai démocrate.

Aux USA, les medias peuvent « publier des informations confidentielles qui touchent l’armée ou la sécurité nationale, si ces informations n’ont pas été sollicitées ». Après les « Papier du Pentagon », la Cour Suprême américaine a statué que « seule une presse libre et non contrainte peut efficacement exposer la déception dans un gouvernement ». Voilà, à mon avis, ce qui justifie les actions de Julian Assange. Comme a dit le sénateur américain Paul : « Si dans notre société la vérité devient une trahison, cela voudra dire que l’on a de gros problèmes ».

Nous, qui sommes intéressés par les affaires politiques des pays du monde, avons le droit d’être bien informés. Ces politiques, même éloignées, peuvent influencer notre vie car leur répercussion peut revenir jusqu’à nous. Nous sommes des démocrates et chacun d’entre nous doit être en mesure de pouvoir décider intelligemment de l’avenir de notre pays.

Nous avons appris, suite aux dévoilements des documents de Wikileaks, qu’on nous a servi dans le passé des informations tronquées. En démocratie, le peuple est souverain. Il doit être bien renseigné afin de pouvoir porter un jugement sain sur les débats du jour. Si le peuple est manipulé par les politiciens, il ne prendra pas nécessairement la bonne décision puisqu’elle aura été prise sur la base d’informations soufflées par les politiciens. Cela est inacceptable. Wikileaks renforce notre démocratie !

En conclusion, il me semble logique que nous défendions des sites comme Wikileaks qui sont dédiés à bien nous informer sur la base de vraies documents.

Julian Assange doit être libéré dès que le cas d’agression sexuelle en Suède soit réglé. Il serait regrettable pour nous tous qu’il soit emprisonné ou tué pour protéger des informations que nous devons connaître.

Assange doit se battre contre les USA et contre l’Europe. C’est un combat inégal. C’est Assange contre Goliath. J’espère qu’il fera comme David et trouvera le moyen de gagner.

Claude Dupras

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