Déjà 5 morts aux mains des troupes israélites, en 24 heures. Des jeunes, dont Mohammad 15 ans… Osaid 17 ans… qui lançaient des pierres pour manifester contre la construction illégale de 1 600 logements sur une terre de Jérusalem-Est, propriété des Palestiniens envahie par Israël. On les a trouvés avec des petits trous dans la tête et dans le corps. Pourtant, et comme toujours, l’armée nie avoir utilisé des balles vivantes mais des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc. Les médecins de l’hôpital confirment que ce sont des balles de métal.
Le secrétaire-général des Nations-Unies s’est rendu à Gaza pour affirmer que la construction des logements est illégale et dénoncer la décision du gouvernement d’Israël. Il arrivait d’une rencontre avec le quartette USA-Union Européenne-Russie-ONU qui de Moscou avait demandé au Premier ministre Bibi Netanyahou d’annuler le projet. La réponse de ce dernier a été arrogante : « nous construisons depuis 42 ans dans ce coin du pays et nous n’arrêterons pas. Si on construit à Tel Aviv, on peut construire à Jésuralem-Est ». Pour lui, la justification est simple, Jérusalem est « une » ville et elle est israélite, puisqu’il y a 2 000 ans elle était juive. Il a décidé que le territoire de Jérusalem-Est, occupé en 1967 par l’armée israélienne, fait partie d’Israël. Et, parce qu’il est arabe, il ne faut qu’augmenter suffisamment le nombre de juifs y vivant pour changer la majorité. Ceci est fortement contesté par les Palestiniens, la Ligue Arabe et tous les pays du monde, sans exception, qui n’acceptent pas les dires d’Israël sur cet envahissement d’un territoire étranger. Même le gouvernement canadien de Stephen Harper a critiqué Israël, et c’était une première, sur la question de la construction des logements.
C’est triste de constater le « timing » de l’affaire des logements. En effet, au moment où le président Barak Obama s’est donné comme objectif de régler le conflit israélo-palestinien qui pourrit toutes les relations des USA avec les pays du Proche et du Moyen Orient et qu’il accepte l’idée, émise par son prédécesseur et l’ex-PM Sharon, de créer deux nations indépendantes vivant côte-à-côte sur cette terre bénie par le temps, le hasard a voulu que ce soit Netanyahou qui devienne le premier ministre d’Israël. Ce dernier, un dur parmi les durs, n’accepte pas l’idée des deux nations. Suite à son élection, j’ai écrit mon blog du 11 juin 2009, intitulé « Netanyahou le pas bon ». À le voir évoluer, depuis son élection, je n’ai pas changé mon opinion de ce triste personnage. Le Guardian de Londres affirme aujourd’hui que c’est lui Netanyahou qui a ordonné l’assassinat à Dubaï du membre du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh. Il semble qu’au lieu de négocier avec ses adversaires, il les fait tuer.
Obama et son secrétaire d’État Hillary Clinton ont choisi l’ex-sénateur George Mitchell comme envoyé spécial pour négocier la paix auprès des deux parties. C’est un des meilleurs et avec lui tout avançait lentement mais bien, jusqu’à l’incident de la construction des nouveaux logements. Le président Obama a réagi fortement, Mme Clinton encore plus, le vice-président américain Joseph Biden s’est montré insulté puisqu’il était en visite officielle en Israël et reçu par Netanyahou qui ne lui a pas glissé mot de sa décision. La situation s’est vite refroidie et a résulté en un début de crise diplomatique amère, entre les USA et Israël, la pire depuis des décades.
L’équipe d’Obama a dénoncé la nouvelle violence qui découle de l’affaire des logements et qui nuit aux aspirations de paix des Juifs et des Palestiniens. Elle a demandé l’arrêt des hostilités et suggéré aux deux parties de cesser leur bagarre et de se reconnaître l’une et l’autre.
C’est alors que la droite américaine, les Républicains en tête, sous l’impulsion de l’important lobby juif pro-Israël de Washington a commencé une campagne d’insinuations contre le président prétextant qu’il prenait partie pour les Palestiniens, qu’il était un faible et qu’il n’avait la couenne assez dure pour faire face à de telles situations. Obama a riposté que « son engagement pour la sécurité et le futur d’Israël est immuable comme un rocher solide » mais qu’il se devait de rappeler les parties à l’ordre, incluant Israël, afin que les objectifs de paix soient maintenus. Mme Clinton d’ajouter : « la vérité doit être dite lorsque nécessaire, même entre amis ».
La position pro-Israël passée du gouvernement américain a été influencée fortement par le lobby juif de droite que je mentionnais précédemment. C’est un groupe puissant, de 2,5 millions de membres et un budget de 2,5 millions $ par an. C’est l’AIPAC. Depuis toujours, il fait la cabale pro-Israël dans toutes les officines du congrès américain et à la Maison-Blanche. Pour eux, Israël a toujours raison. Je ne les blâme pas d’agir ainsi, c’est leur droit. Le problème c’est que leur puissance a fait plier les décideurs américains, plus d’une fois, en faveur d’Israël alors que l’intérêt des USA se trouvait plutôt du côté d’une politique neutre dans ce conflit. Ces positions partisanes ont amené le monde arabe à se méfier et petit à petit à perdre confiance en les dirigeants américains, ce qui n’a pas aidé à calmer les esprits dans ce coin du monde.
Malgré tout, je vois un nouvel espoir qui pointe à l’horizon. En effet, un groupe de juifs de gauche a créé l’an dernier un nouveau lobby à Washington. C’est le « J Street ». Il a profité de la campagne électorale présidentielle pour trouver des fonds afin de contribuer, contrairement à la stratégie d’AIPAC, au financement direct de candidats qu’ils soient démocrates ou républicains. 33 des 41 candidats choisis au Sénat et à la Chambre des représentants ont gagné leurs élections. Pensant, au début, collecter 50,000$, « J Street » a recueillit plus de $600,000$. Ce fut un succès inespéré et surprenant qui a motivé ses dirigeants à s’organiser de façon permanente. Leur objectif est de viser à modifier le débat américain sur Israël et les autres sujets qui touchent le Moyen-Orient. Il se qualifie de pro-Israël et pro-mouvement de paix, Il affirme que le débat à propos d’Israël est trop influencé par la droite et cela malgré les tendances de gauche des juifs américains. « J Street » approuve la « solution des deux-États » pour la Palestine et Israël et favorise la diplomatie à la force militaire.
Son approche qualifiée d’agressive est critiquée par la droite qui dénonce les positions de « J Street ». Elle comporte, selon la droite, trop de critiques des politiques d’Israël. Malgré la montée spectaculaire de ce nouveau groupe de pression, il semble que la droite ne s’inquiète pas de perdre son pouvoir car elle constate que « J Street » a trouvé des fonds chez un groupe relativement restreint de supporteurs contrairement à AIPAC qui en mène large chez les donateurs.
Les dirigeants de « J Street » affirment ne pas vouloir que leur organisation devienne aussi grosse qu’AIPAC, mais croient pouvoir avoir suffisamment d’influence pour modifier les paramètres du débat américain sur les politiques israéliennes. Ils visent les collèges américains. Ils n’espèrent pas changer le monde mais simplement remettre les choses à leur place.
Par exemple, « J Street » a critiqué fortement l’incursion récente de l’armée israélienne à Gaza suite à l’affaire des logements. Dans un message à ses membres, le groupe a déclaré : « Même si le lancement des roquettes sur les familles israéliennes ou l’envoi de porteur de bombes suicidaires n’est pas acceptable, il n’est pas plus acceptable de punir un million et demi de Gazois qui souffrent déjà pour les actions des extrémistes qui vivent parmi eux ». Cela me semble une bouffée d’air frais en politique israélo-palestinienne mais les critiques de « J Street » ne sont pas d’accord. Ils qualifient de naïfs et de moralement déficient l’approche de ce mouvement qui, selon eux, est loin des sentiments réels des juifs américains.
Il est à espérer que ce nouveau lobby juif puisse grandir et s’imposer car il émettra un son de cloche différent de celui qui a toujours influencé la pensée des politiciens américains sur le sujet israélo-palestinien. Il est un nouvel espoir pour ceux qui croient en l’importance de la neutralité des USA pour régler le conflit israélo-palestinien. J’en suis.
Claude Dupras
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