dimanche 6 décembre 2009

Malbroute s'en va-t-en … Copenhague

Le PM Harper, notre Malbroute national, qui de ces temps-ci voyage dans le monde pour réparer les pots qu’il a cassés depuis que les Conservateurs sont au pouvoir, ira à Copenhague pour la grande conférence de l’ONU sur les changements climatiques. Pour lui, c’est comme aller en guerre puisqu’il est attendu de pied ferme par les écologistes du monde entier qui ont beaucoup à lui reprocher. Y sera-t-il le bon jour ? En tous cas, c’est possible puisque son modèle américain le président Barack Obama, qu’il copie sans honte, a changé sa date de visite du 6 pour le 18 décembre, soit le dernier jour de la conférence afin d’être présent au moment où les grandes décisions doivent être prises par les chefs d’États. Si le PM Harper n’est pas là le 18, on comprendra….

On peut dire merci au président français d’avoir réussi à convaincre le président Obama de changer sa date. Nicolas Sarkozy s’est révélé comme le plus ardent défenseur de l’environnement avec la venue de cette conférence importante. Non seulement a-t-il amené l’Union Européenne à accepter des objectifs sévères pour toute l’Europe, il s’est allié avec des pays importants comme le Brésil pour mieux faire valoir ses politiques environnementales. Il s’est même retrouvé à Trinidad-et-Tobago pour la conférence du Commonwealth britannique, où un président français n’était jamais allé. Le but était de rallier les pays en développement à la cause et aussi définir avec eux l’aide future que les pays riches devront leur accorder pour leur lutte contre le réchauffement climatique. Une entente majeure sur l’environnement a été acceptée à cette réunion.

Je ne m’attends pas à rien de spectaculaire de la part du PM canadien car il a les mains et les pieds liés au lobby pétrolier canadien et, qu’à ce jour, il n’a rien fait pour que le pays rencontre les objectifs de Kyoto. Au contraire. Alors que le Canada avait accepté de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6 % d’ici 2012, voilà qu’aujourd’hui les émissions canadiennes ont augmentées de 26 %. Pendant ce temps-là, celles de la France diminuaient de 5 %. Le Canada est devenu un des pays les plus pollueurs de la planète. Et cela à cause de l’exploitation accélérée des sables bitumineux de l’Alberta autorisée par le PM Harper et ses comparses.

Le “Centre for Public Integrity in Washington, D. C.” a mandaté l’“International Consortium of Investigative journalists” pour analyser les effets des lobbies internationaux sur les politiques traitant du réchauffement climatique. Pour le Canada, leur rapport est révélateur. Tout se passe à Ottawa où les deux lobbies, soit les groupes environnementaux et celui des compagnies pétrolifères et leurs alliés, se combattent pour influencer les politiques du gouvernement canadien.

Depuis 1996, plus de 1 570 lobbyistes ont parcouru les corridors du parlement. Ceux des producteurs de pétrole et de gaz naturel, des producteurs de charbon et autres, furent les plus nombreux avec 465 lobbyistes, soit le tiers. Leur pression sur les politiciens a été persistante afin d’amenuiser la législation anti-réchauffement climatique. Le résultat est stupéfiant. Les scientistes affirment que depuis le traité de Kyoto de 2002, le Canada n’a pris aucune action « mesurable » pour contrer les GES.

La majorité de GES est émise en Alberta. Pourtant, la population de cette province représente 10% de celle du pays mais elle produit 70% du pétrole canadien. Ses entreprises productrices crachent dans l’atmosphère 33 % des GES du Canada. On prédit que ce sera 50 % en 2025.

Les congés de taxes et les nouvelles technologies ont encouragé l’exploitation massive des gaz bitumineux. Des projets de 100 milliards $ pullulent dans la région de l’Athabasca.

Les lobbyistes ne visent que le gouvernement canadien puisque celui de l’Alberta est à 100 % acquis à l’idée de l’exploitation immédiate des sables. De plus, ils savent ce que ce dernier dit au gouvernement Harper : « Ecoutez, même si nous sommes frères politiquement (l’Alberta a aussi un gouvernement conservateur), que la majorité du cabinet des ministres canadiens est albertaine, ne vous mêlez pas de nos affaires. Retirez-vous ! Ne nous importunez pas ! »

Suncor, une des plus importantes compagnies exploitantes des sables, prédit qu’en 2012 ses GES auront doublé. Un analyste fédéral renommé affirme : « Le gouvernement ne dit rien car comme tous les autres du passé, il ne veut pas interférer dans les projets des compagnies pétrolifères

Le président de Suncor et ses officiers ont eu 48 rencontres avec les hautes instances gouvernementales dont sept avec le ministre actuel de l’environnement Jim Prentice, une avec le PM Harper et huit avec les ministres des ressources naturelles du Canada.

De leur côté, les groupes environnementaux ont aussi accès à ces bonzes de la politique canadienne mais ils ne sont pas traités sérieusement et qualifiés de « gauchistes » comme le fut David Susuki. Le PM Harper refuse de les rencontrer. La dernière rencontre remonte au temps qu’il était dans l’opposition. Par contre, ces groupes ont rencontré trois fois le ministre Prentice et 11 fois le négociateur-en-chef Michael Martin en vue de rencontres onusiennes.

Suncor est un bon exemple du fonctionnement du lobby à Ottawa. La compagnie a 16 lobbyistes très actifs sur la colline parlementaire dont quatre sont d’anciens conseillers du gouvernement.

Avec le temps, Suncor a exprimé des craintes que sa crédibilité corporative et environnementale soit en jeu. Mais elle maintient quand même ses liens étroits avec la puissante « Association Canadienne des Producteurs de Pétrole » qui, avec ses 51 lobbyistes, continue à vouloir réduire sans merci l’effet des lois sur les émissions de GES. Il est reconnu, dans le milieu, que ses dirigeants peuvent en tout temps appeler le PM et lui dire « Tu ne fais pas ceci ou cela, sinon.... ». Durant la dernière année, le président de l’association a rencontré 95 fois des politiciens et de hauts fonctionnaires, dont le négociateur Martin, en vue de Copenhague. Un des membres de l’association, propriétaire d’une compagnie qui exploite les sables bitumineux, a même écrit une lettre publique pour qualifier l’idée d’une banque de carbone de « cancer envahissant sur l’économie canadienne ».

Le travail des lobbyistes a évolué avec le temps. Les principales compagnies pétrolifères ont créé ICO2N, une société de lobbyistes pour l’obtention de subsides gouvernementaux pour financer un système de « capture et de stockage des carbones ». Cette société de Calgary a six lobbyistes dont trois qui furent conseillers politiques auprès du PM Harper. Et tout cela a eu ses premiers effets, puisque récemment les PM du Canada et de l’Alberta ont annoncé des subsides de 1,6 milliards $ pour l’installation de deux systèmes à deux usines thermiques au charbon qui chauffent l’eau pour le lavage des sables. C’est l’argent des taxes qui va financer ces transformations alors que les pétrolières se remplissent les poches. Et même si toutes les usines étaient munies de tels systèmes, cela réduirait le total des GES émis que de 2,6 % pour un coût de 16 milliards $. Mais le tout sera vite balayé par l’autorisation d’un projet additionnel d’exploitation des sables bitumineux comme pour Suncor.

Tout cela démontre bien que le Canada n’est pas au bout de ses peines en rapport avec l’environnement. Il y a là-bas, en Athabasca, un trésor enfoui qui appartient à tous les Canadiens. Une réserve pétrolière pour le monde entier plus grande que celles des Saoudiens. Malheureusement, nous n’avons pas encore trouvé le procédé permettant de soustraire proprement le pétrole des sables bitumineux. Le vrai défi est technologique. Et c’est sur cet aspect de la question que le PM Harper devrait concentrer les efforts du gouvernement. Pour ralentir le réchauffement climatique, l’exploitation des sables bitumineux, telle qu’elle se fait aujourd’hui, doit arrêter. Un jour, lorsque ce sera possible d’extraire le pétrole sans polluer l’air et l’environnement, le monde entier et les générations futures de Canadiens profiteront de cette richesse incroyable.

Entre temps, le PM Harper s’en va à Copenhague. Je serai fort surpris s’il se libère des liens qui le retiennent, change son approche sur l’environnement et revient de là-bas un héros. S’il le fait, je serai un des premiers à l’en féliciter. On a découvert un nouveau Harper en rapport avec les relations internationales, connaîtrons-nous un nouveau Harper en rapport avec l’écologie ? Je me permets d’espérer.

Claude Dupras

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