Les portoricains vivent l’enfer. Maria, l’effroyable ouragan
du siècle, a traversé et dévasté leur île de fond en comble et tout est atteint.
Maisons, services d’eau, électricité, communications, santé, éducation, écoles,
routes, terres agricoles, plantations de café, forêt tropicale, jungle… sont écrasés,
détruits partout dans l’île. Aujourd’hui,
26 jours plus tard, on compte plus de 60 morts, l’électricité est revenue pour
seulement 26% des maisons. De même pour l’eau domestique, les communications, les
routes, les services publiques, etc.. Et
cette situation perdurera encore pour un très grand nombre de mois, peut être des
années.… Oui, c’est l’enfer.
Ce drame ne pouvait arriver à un pire moment pour l’État de
Puerto Rico qui l’an dernier avouait ne pouvoir financer les services à sa
population à cause d’une dette magistrale accumulée avec les années. Il avait
déclaré faillite en juillet. Maria est venu ajouter incommensurablement à ce
problème. La prise sous tutelle temporaire et une aide financière américaine massive
sont les seuls moyens de remettre cet État sur rails. Un refus de l’administration
Trump, qui hésite encore, fera en sorte que la ruine de l’île enchanteresse,
comme la surnomme les portoricains, deviendra inévitable.
Les raisons de cette situation passée sont multiples et perduraient
avant Maria. Il y a près de 70 ans, grâce au programme « Bootstrap »
lancé en 1947 par son gouvernement, de nombreuses compagnies américaines et étrangères furent
motivées de venir s’installer à Puerto Rico, où elles avaient trouvé une main d’œuvre
compétente, bon marché et un territoire qualifié de « Commonwealth
américain » qui faisait de sa population des citoyens américains et éliminait
les barrières douanières entre le continent des USA et l’île. Aujourd’hui, les
industries pharmaceutiques du monde et quelques autres y sont encore mais la
majorité des entreprises venues sont reparties vers des destinations moins
chères à cause de l’augmentation incontrôlée des coûts des dernières années. Les
emplois et les revenus de l’État ont diminué en conséquence.
L’autre aspect négatif majeur est la migration constante des
portoricains vers le continent américain où ils trouvent plus de possibilités
de réussir et une meilleure qualité de vie. Parmi elles, on retrouve surtout des
jeunes bien éduqués, diplômés en médecine, optométrie, génie, droit, commerce… dont
plusieurs du MIT, qui quittent l’île pour le continent et s’y installent de
façon permanente en y créant des familles, y payant leurs impôts et les taxes.
Ils refusent de s’installer dans leur île pour l’aider, par leurs
connaissances, à se développer et améliorer la qualité de vie de leurs
concitoyens. Ils misent, par égoïsme, sur une meilleure qualité de vie, instantanée. La conséquence de cela s’est reflétée sur une baisse constante
de la croissance économique de l’île, d’année en année… Et ça continue, surtout
depuis Maria, puisque 75,000 portoricains sont partis vivre temporairement aux
USA grâce à l’aide d’États américains. On peut croire que peu reviendront et
que l’exode sera accentué.
De plus, contrairement à Cuba, à la République Dominicaine
ou à d’autres îles des Caraïbes, les touristes négligent l’île de Puerto Rico
car les coûts sont plus élevés qu’ailleurs. La cause ? La syndicalisation des
travailleurs qui n’existe pas ailleurs. Certes, plusieurs milliers de visiteurs
y viennent quelques heures par jour via de nombreux bateaux de croisière qui
accostent dans le port du vieux San Juan, mais cela n’alimente pas suffisamment
l’industrie touristique, ni l’économie. Puerto Rico, malgré tout ce qu’elle
offre en plages superbes, hautes montagnes spectaculaires, sites intéressants,
musique envoûtante, chants du pays, nourriture originale et de grande qualité, ambiance
chaleureuse, navigation de plaisance, monde sous-marin incroyable, soleil et
chaleur constante toute l’année demeure non compétitive pour ceux et celles qui
cherchent à aller au sud pour des vacances avec budgets serrés. Et les suites
de Maria ajouteront à cette situation.
C’est un problème insoluble car les syndicats sont
intraitables. Encore l’an dernier, ils ont boycotté l’hôtel San Juan pour une
question de salaires en s’en prenant inlassablement au bien être des nouveaux
clients qui venaient pour une première fois profiter des rénovations majeures
qui en ont fait un hôtel d’une haute qualité quasi unique. Plusieurs de ces touristes
ont quitté sur-le-champ en exigeant des remboursements et les autres ne reviendront
sûrement pas.
De plus, les casinos des hôtels étaient jadis fréquentés par
de nombreux joueurs américains qui aujourd’hui trouvent des casinos dans des états
américains plus près de chez eux. Cette clientèle perdue a créé un trou
important dans le niveau des touristes.
Il y a aussi les « snow bird » américains et
canadiens, propriétaires ou locataires de condos, dont le nombre jadis était
important mais qui a baissé appréciablement à cause de mauvaises connections dans
le transport aérien qui allongeaient appréciablement les heures de voyage. Venant
de Montréal, par exemple, on pouvait prendre 7-8 heures, et même plus, pour se
rendre à San Juan et souventes fois à des heures tardives. Aujourd’hui, en vol
direct, cela se fait en moins de quatre heures, en plein jour.
Puerto Rico est donc à la croisée des chemins et a besoin de
sa population pour sortir de ce marasme. Si le gouvernement américain l’aide,
si son propre gouvernement comprend l’importance d’établir un nouveau programme
pour attirer les entreprises manufacturières, si ses syndicats acceptent de
mettre de l’eau dans leur vin, si son industrie touristique collabore intelligemment,
si les portoricains font l’effort de rebâtir leur milieu, elle peut redevenir dynamique,
revaloriser son potentiel et garder ses jeunes. Sinon, le moral de son peuple s’effondrera
et l’exode continuera.
Une chose certaine, Puerto Rico demeurera toujours une des
plus belles îles des Caraïbes.
Claude Dupras
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