Même
l’économie est en mutation rapide et ce faisant se donne de nouvelles facettes
avec de nouveaux noms : Économie participative, économie collaborative,
économie contributive.
Je préfère utiliser
le nom « économie collaborative » qui regroupe tous. Elle est basée sur
un principe simple : le « partage »
dans toutes les sphères de la collectivité.
On vient de
vivre les chocs qu’occasionnent dans l’économie du tourisme le site Airbnb (logement privé dans le monde
pour un soir ou plus) et les disputes des propriétaires de taxis générées par Uber (par lequel n’importe qui peut
devenir un genre de conducteur de taxi à son compte). Et ce n’est que le début.
Telle une
avalanche, une importante masse de nouvelles idées, de nouveaux projets, de
nouvelles entreprises dévale des flancs de l’informatique avec le potentiel
d’entrainer dans la boue des entreprises que l’on jugeait indéracinables. Elles
prennent le nom de Blablacar
(co-voiturage), Zilok (objets
quotidiens), TashRabbit, (services
d’aide à la personne), La Ruche qui dit
oui (Alimentation), Fablabs (la
production, la réparation ou le recyclage d’objets), Lendopolis (le prêt direct de particulier aux entreprises), Kickstarter et Crowdfunding (le financement entre particuliers), Kijiji ou Leboncoin (petites annonces gratuites pour la vente de n’importe
quoi), Troc ton jardin, La Remise (coopérative d’entreposage et de prêts d’outils d’usage commun), L’Accorderie (l’échange de services), Wikipedia (une encyclopédie), Sweech et Monkeyparking (marché de sous-location pour des places de parking),
Streetbank (le prêt entre voisins), le
Couchsurfing (hébergement gratuit
chez l’habitant), etc… (Note : plusieurs sont françaises avec
noms anglais selon l’habitude des Français)
Les
« partageurs », c’est le nom que je leur donne, se sont rencontrés
pour définir des règles de fonctionnement du « nouveau monde sans marché,
sans état ». De l’utopie, non. L’autogestion devient le mode de l’économie
collaborative où le marché libre, la planification étatique, la hiérarchie au
travail et les notions de profit et de l’entreprise privée n’existent pas. La
société de partage s’alimente de la mise
en commun de l’usage des biens de consommation et crée une rupture avec la
société industrielle dans le sens que le consommateur n’est plus passif mais
devient à la fois producteur et consommateur ou co-créateur. Elle a aussi des
préoccupations écologiques et sociales. En somme, elle est une réelle
alternative économique qui se construit au fur et à mesure qu’elle grandit et elle
perturbera éventuellement des secteurs entiers de l’économie actuelle. Déjà des
chaînes hôtelières ressentent les effets, et, par exemple, le président de la
française Accord a reconnu avoir négligé l’importance de la compétition de ces
nouveaux services et se dédie à trouver des solutions pour marier les deux.
La plateforme
Web, les technologies du numérique et la mise en réseau, dopée par internet,
permettent en temps réel de mettre en relation les offreurs et les demandeurs et
sont la base de lancement de cette économie. On peut ainsi faire du local à
grande échelle et rendre rentable une économie de proximité. Quant aux importants
aspects de la confiance et de l’évaluation du risque, on y répond par des
statistiques émanant de systèmes de notations capables de rassurer les usagers
et les prêteurs. On ne loue pas n’importe quoi de tout croche et on ne met pas
son logement à la disposition de n’importe qui ! Airbnb propose 800 000 logements sur son site et 20 millions
de voyageurs en ont déjà bénéficié. Ça marche ! Sûrement il y a des problèmes mais
des services de médiation et d’assistance juridique se forment. Une solution, le
site de micro-assurance Peerby.
Les idées ne
manquent pas : louer une auto lorsque non utilisée ; louer une partie de terrain
non occupée à un individu qui recherche un endroit pour un jardin ; louer des
espaces de storage au garage ou dans sa maison, partager des cuisines pour la
préparation de mets ; créer des bibliothèques virtuelles pour les échanges, la
vente, l’achat ou l’emprunt de livres des membres ; faciliter les prêts locaux,
les dons, le partage ou le troc de biens ou de services entre individus ; créer
un atelier d’outils communautaires bien équipés pour les bricoleurs, un atelier
collaboratif où des travailleurs informatiques autonomes peuvent travailler
ensemble et créer des prototypes d’objets
fabriqués à partir d’équipement informatique, etc… Ainsi, ces économies génèrent
des diminutions de coûts sur l’achat d’équipement coûteux, la réduction du
transport, des frais d’énergie moindres, etc. Bref, l’important n’est plus de posséder quelque chose mais d’avoir la
garantie de pouvoir y accéder n’importe où et n’importe quand.
Ces jeunes
qui bousculent le statu quo, se demandent s’ils doivent toujours posséder des avoirs
et les accumuler dans une économie où la seule constance est le changement ? Ils
rappellent que de tout temps des
communautés locales dans le monde se sont auto-organisées pour mettre en
partage les ressources, les gérer de façon collective et coopérative et
inventer des règles pour les protéger. En fait, rien de neuf ! Est-ce que
l’économie collaborative peut déboucher sur des entreprises en biens communs,
« sans profit » ?
Ces
partageurs comprennent qu’une foule de gens recherchent les mêmes choses et qu’il
est possible de leur permettre de les obtenir à de meilleurs coûts, à des prix
abordables en agissant en groupe, rapidement, plus facilement et de reprendre
le contrôle sur leur consommation de façon indépendante des grandes
institutions et de secteurs où les prix sont trop élevés et parfois exorbitants.
L’économie collaborative rapproche le producteur du consommateur comme le site La Ruche qui dit oui ! qui met en
contact des individus et des producteurs alimentaires locaux ayant des
pratiques bio ou artisanales. Ils comprennent ainsi ce qu’ils consomment et en
font le choix en toute connaissance de cause.
Et pour coordonner
la génération des idées, des solutions, des moyens et encore, il existe une
communauté mondiale nommé OuiShare, créée
en France, pour favoriser l’économie de
partage en impliquant des gens de tous les milieux et démontrer
que l’informatique peut servir la communauté et être utile à tout le monde.
Aujourd’hui, elle regroupe des milliers
d’adeptes dans plus de 20 pays dont le Canada au Québec à Montréal. Ouishare Québec a comptabilisé plus de
170 programmes très variés (voir lien à la fin pour liste) initiés par beaucoup
d’individus qui travaillent généralement indépendamment l’un de l’autre. L’important,
c’est de les amener à œuvrer ensemble en réseau afin que leurs solutions soient
disponibles au plus grand nombre de personnes possibles et d’organismes locaux.
Il y a aussi
le partage des connaissances favorisé par un programme informatique de
rencontres entre individus de différentes expériences de vie pour élargir le potentiel de connaissances de
chacun. Comme on peut le constater, rien n’est laissé au hasard.
Actuellement
tout cela existe en partie et est en pleine formation, mais les lois et les
systèmes de taxation existants ne tiennent pas compte de l’action des
partageurs. On a vu le chaos créé par ce manque pour Uber et Airbnb. C’est une
étape prochaine et essentielle au Québec et au Canada car, comme en France,
l’État et les dirigeants des grandes entreprises solliciteront sûrement éventuellement
les services des partageurs en lançant des appels d’offres auprès des réseaux de
leurs ateliers collaboratifs que sont les Fab
Labs. Plusieurs collectivités sont actuellement de plus en plus impliquées
dans de tels réseaux qui fabriquent autrement et à moins cher, telle la ville
de Barcelone. L’exemple actuel de la réussite la plus symbolique est la
création de la Wikispeed, une voiture à
basse consommation, construite en dehors de l’industrie automobile par 44
personnes issues de 4 pays différents et financée par le crowdfunding.
La
chroniqueuse française du monde numérique Chrystèle Bazin explique que
« l’économie collaborative est une économie horizontale, non
hiérarchique dans laquelle le nombre d’intermédiaires entre les parties est
réduit au minimum. Sa structure est
une forme d’auto-organisation spontanée, sans gouvernance centrale. Elle remplace autant que possible l’emploi
rémunéré par l’automatisation et la participation gratuite de ses utilisateurs
ou des indépendants précaires ». La conséquence peut être la
destruction massive d’emplois et la libéralisation du travail. L’économie
collaborative qui est progressiste peut créer à moyen terme des problèmes à notre
société qui devra s’adapter pour suivre l’évolution du nouveau monde.
Claude
Dupras
Liste des
170 : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1WgRqW2bW6YlfBCz9zVGnhNAstmP5qnpt_nwmXOzV__8/htmlview?pli=1#gid=1094618288.
7 commentaires:
Wow ! ça devrait être publié dans les journaux !
Super intéressant!
Cher Claude Dupras,
Ne voulant pas m'acharner contre vous je me tais. Mais ! Mais ! mais ! Il y en a long à réfuter contre ce que vous venez d'écrire...! Foi de Patrick !
Patrick
Loin de moi l’idée que vous vous acahrnez contre moi. Bien au contraire. J’aimerais bien avoir votre opinion sur ce sujet important. Du choc des idées…
Alors j’attends….
Claude
OK. Je dois travailler demain toute la journée mais, dimanche je vous ferai part de mon point de vue .
Cordialement
Patrick
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