Il y a partout dans
les villes françaises, des parcs, des rues, des bâtiments, des garages
souterrains, comme à Avignon,… portant le nom de Jean Jaurès. Il est donc un
personnage important du passé qui a marqué l’imaginaire politique des Français et
qui continue à le faire si j’en juge par tout ce qui se raconte actuellement en
France à l’occasion du centenaire de son assassinat. Mais qui est-il ?
Fils de petits paysans du Tarn, Jaurès est professeur
de philosophie et de psychologie lorsqu’à vingt-cinq ans, il est élu député à
Toulouse en 1885. Il est ni socialiste ni marxiste mais du côté des
républicains. Quatre ans plus tard, il perd son siège et revient à ses amours d’enseignant,
tout en étudiant pour obtenir un doctorat en Lettres.
La vie politique l’intéresse de plus en plus, il
y participe et écrit ses pensées dans un quotidien de Toulouse de tendance
radicale. Hanté par elle, il devient conseiller municipal et maire-adjoint de
la ville de Toulouse. A ce moment-là, les ouvriers ont beaucoup de difficultés
et Jaurès est marqué par leur solidarité. Puis, une grève de mineurs deviendra
un point tournant où il confirmera ses convictions.
Cette grève est déclenchée suite au
licenciement d’un ouvrier et leader socialiste, devenu maire de Carmaux. Ce
sont les absences de l’ouvrier–maire, nécessaires pour remplir ses obligations
politiques, qui sont le prétexte de son congédiement. Les mineurs y voient un
refus des droits de la classe ouvrière à être actif en politique. 1 500
soldats sont envoyés par le président de la république pour maintenir l’ordre,
indiquant ainsi qu’il prend parti pour le patronat. Jaurès soutient la grève et
accuse les capitalistes de ne pas respecter les mineurs. C’est l’occasion pour
lui de définir ce qu’est la lutte des classes et le socialisme. Finalement,
l’ouvrier-maire gagne sa demande et obtient un congé illimité pour servir ses
concitoyens.
En 1893, un siège de la Chambre est libéré par
un député démissionnaire et Jaurès est élu comme socialiste indépendant grâce
au vote ouvrier et malgré une massive opposition de la classe rurale. Il s'affirme
comme un tribun remarquable. Il accompagne les luttes sociales très dures face
à un patronat brutal.
Durant cinq ans, il devient le grand défenseur
des mineurs, des ouvriers et des paysans en général, qui sont en lutte contre
leurs patrons. Homme de terrain, il va sur place se rendre compte des
situations qui affectent les travailleurs. Il s’attaque aux anarchistes, à la brutalité
des patrons, à la répression du gouvernement, à la censure des journaux et des députés
socialistes, à la police qu’il traite d’agent provocateur… Il défend la paix.
Il est courageux.
Puis vient l’affaire Alfred Dreyfus. Ce
capitaine de l’armée française, juif, est condamné en 1894 au bagne à
perpétuité pour avoir livré aux Allemands des documents secrets. Au début, Jaurès le croit coupable mais en
août 1898, il devient son défenseur passionné suite à une nouvelle révélation
qui démontre qu’un autre commandant est le vrai traître. Alors que le
socialiste et marxiste Jules Guesde juge que le prolétariat n'a pas à défendre
un bourgeois, Jean Jaurès s'engage en sa faveur, écrivant : « Nous ne sommes pas tenus, pour rester dans
le socialisme, de nous enfermer hors de l'humanité ». L’innocence de
Dreyfus sera finalement reconnue et il sera libéré pour servir encore dans
l’armée. Suite à ses discours, son action et son succès, l’influence politique
de Jaurès devient nationale. Malgré tout, les patrons réussissent à le faire
battre aux élections de 1898.
Intellectuel, il écrit de nombreux ouvrages
politiques et historiques, dont « les preuves de l’affaire Dreyfus »
et dirige une équipe pour la rédaction de « l’Histoire socialiste de
la France contemporaine », incluant la partie qu’il rédige lui-même sur la
révolution française. Il soutient le gouvernement républicain qui a nommé un
socialiste au commerce et à l’industrie. En 1902, il est un de ceux qui fondent
le « Parti socialiste français » et il reconquiert son siège de
député et le gardera pour les trois prochains mandats jusqu’à sa mort.
Orateur hors pair, il devient le porte-parole
du petit groupe de députés socialistes à l’Assemblée nationale. Il regroupe
tous les partis de gauche dont les marxistes, appuie le gouvernement qui est de
droite, mais le critique pour son incapacité à appliquer rapidement des réformes
sociales. Il défend la liberté de conscience et propose la séparation des
Églises et de l’État.
Il crée un journal, l’Humanité, auquel participent ses alliés de toujours et des
écrivains comme Anatole France et Jules Renard. Son but est l’unité socialiste.
Il l’atteint en 1905 grâce à son acceptation d’une direction bicéphale du
mouvement (lui et un leader marxiste) et de l’abandon de son appui au
gouvernement. Il dialogue avec succès avec les syndicats révolutionnaires qui
lui deviennent sympathiques. A l’élection de 1914, son groupe socialiste
obtient 17% des voix et 101 députés. Une belle victoire relative.
Depuis 10 ans, il discourt contre la venue
d’une guerre. Inquiet, il constate la montée du nationalisme dans les pays
voisins et les rivalités entre les grandes puissances. Il préconise d’organiser
la défense nationale en préparant militairement l’ensemble des Français. Pacifiste,
il voit dans une nation armée le moyen d’obtenir la paix. Il s’oppose au
service militaire obligatoire dont la loi sera finalement votée, malgré lui. En
1914, il estime que les possibilités de guerre se sont amenuisées puisque celle
des Balkans est terminée. Mais ce n’était pas compter sur l’attentat de
Sarajevo qui deviendra l’étincelle du déclenchement de la première guerre
mondiale à cause de l’accroissement des tensions qu’il crées entre les grandes
puissances.
Il devient l’ennemi des « nationalistes »
qui veulent leur revanche contre l’Allemagne et qui sont favorables à la
guerre. Jaurès, pour sa part, veut absolument la paix et se rallie à l’idée
d’une grève générale si une guerre est déclenchée. Il organise des
manifestations et réclame de l’Internationale socialiste qu’elle intervienne. «
Il n'y a plus qu'une chance pour le
maintien de la paix et le salut de la civilisation, c'est que le prolétariat
rassemble toutes ses forces (pour écarter) l'horrible cauchemar ».
Le 31 juillet 1914, il se lève à la Chambre
des députés, puis au ministère des Affaires étrangères pour faire arrêter le
début des hostilités. Il se rend à son journal et rédige un article allant dans
le même sens. Puis, il s’en va dîner avec ses collaborateurs au « Café du
Croissant », rue Montmartre. Il est assis près d’une fenêtre lorsqu’un étudiant
nationaliste approche, le voit et tire deux coups de feu de la rue. Il est
abattu à bout portant. Une émotion considérable s’empare des Français. Ils ne l’oublieront
jamais.
Le lendemain, l'Allemagne déclare la guerre à
la Russie alors que la France décrète la mobilisation générale. Puis, le 3
août, la France et l'Allemagne sont en guerre, et les socialistes, n’ayant pas
le choix, se rallient au gouvernement d'union nationale pour combattre l’ennemi,
respectant ainsi ce que Jean Jaurès avait dit : « Il n'y a aucune contradiction à faire
l'effort maximum pour assurer la paix, et si cette guerre éclate malgré nous, à
faire l'effort maximum pour assurer l'indépendance et l'intégrité de la nation
».
En 1924, Jean Jaurès entre au Panthéon.
En terminant, cette courte biographie de Jean Jaurès, voici quelques-unes
de ses paroles : « Et vous vous
étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations !
Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence ! Songez
donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des
hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et
de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère :
ils se taisaient. Puis un commencement de liberté républicaine est venu. Alors
nous parlons pour eux, et tous leurs gémissements étouffés, et toutes les
révoltes muettes qui ont crié tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en
nous, et éclatent par nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous
ne comprimerez pas toujours. »
L'historien Michel Winock rappelle : « Ce qui est remarquable, c'est qu'il rend hommage à tous les camps. Ce
n'est pas un sectaire. Par exemple, à propos des droits de l’homme et du
citoyen, les marxistes disent que ce sont des droits formels, un masque qui
rejette dans l'ombre les vraies motivations, c'est-à-dire la défense des
intérêts de la bourgeoisie. Ce n'est pas du tout l'avis de Jaurès ».
Voilà pourquoi, après cent ans, on parle encore abondamment de cet homme
politique remarquable qui a marqué la France.
Claude Dupras
6 commentaires:
CERTES
le drame est celui de fêter le début d'une guerre
pour JAURES et l'identification je coris que comme aucun homme politique n'est capable d'avoir une vision aujourd'hui ils se réclament des penseurs du passé
sinon il reste la fameuse question "pourquoi ont ils tué JAURES?"
je vous invite sur le site chansons de mémoire ouvrière
fabrice lançon
Merci de cette étude sur J . Jaures….j’ai beaucoup appris
L'homme à la pensée universelle.
Jacques
Jean Jaurès avait des convictions qu'il n'a jamais reniées et évidemment ne plaisaient pas à tous. C'était un homme qui voulait la paix plus que tout et il a fini par l'avoir à cause d'un malade. Dommage! Encore aujourd'hui, il faut combattre pour suivre sa propre conscience.
Bonjour,
Je ne sais pas trop pourquoi je reçois souvent vos mails. Mais c'est bien. Toujours est-il qu'en France nos hommes politiques n'ont plus de programmes politiques parce qu'ils n'ont guère d'idées sur l'économie, le prix du pain, les besoins de ma concierge. Leur seul programme est de trouver le marché public le plus juteux pour eux-même, le coin de paradis le plus sûr pour mes économies qu'ils ont réussi à me soutirer au détour d'une nouvelle loi ou autre, le meilleur profil pour la photo qui sur un scooter, qui en faisant du jogging !!! Ils n'ont guère de culture non plus, trop occupés à changer de femme, de maîtresse... Le Président actuel nous ayant même offert une maîtresse comme première dame de France, puis en même temps une deuxième, tout en nous disant qu'il allait choisir !!!! Je n'ai pas vu vraiment les mouvements féministes (souvent de gauche) le vilipender ! Vive l'infidélité portée comme valeur exemplaire pour nos enfants etc...
Alors ils se raccrochent tous au premier nom connu : Jaurès en fait partie.
Ce regard permanent vers l'arrière, leur évite de parler de notre avenir. Je crains même que notre avenir ne les intéresse guère.
J'arrête car je vais finir avec un ulcère à l'estomac.
Bien cordialement
Danièle amusée mais de moins en moins.
Danièle Rubio
Liane
"Encore aujourd'hui, il faut combattre pour suivre sa propre conscience". Bien dit !
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