Ses études
la mènent à l’université de Montréal où elle obtient un baccalauréat langues et littérature espagnoles et
italiennes. Durant et après ses études, elle démontre une sensibilité
particulière pour les femmes victimes de violence conjugale. Puis, les
dirigeants du réseau français de Radio-Canada la remarque dans un documentaire
de l’Office National du Film canadien et lui offre un emploi. Elle n’a que
vingt ans. Elle devient reporter et animatrice et sept ans plus tard lectrice
de l’émission de nouvelles « Le Téléjournal ». Elle est de plus,
interviewer de personnalités canadiennes et d’autres pays.
Son nom est
Michaëlle Jean et les Canadiens n’ont pas fini d’en entendre parler.
Elle épouse
un français, cinéaste et philosophe, Jean Daniel Lafond. Ils adoptent une jeune
fille haïtienne.
Bilingue
parfaite, la chaine anglophone de Radio-Canada, quatre ans plus tard, l’invite
à se joindre aussi à elle. Puis, elle devient animatrice du Téléjournal, et en
2004 anime sa propre émission « Michaëlle » diffusée en français.
En 2005,
une surprise attend tous les Canadiens. Le 4 août, le premier ministre Paul
Martin annonce que Michaëlle Jean devient Gouverneur Général du Canada, le 27ième.
Les canadiens-haïtiens sont fous de joie, les autres étonnés. Elle est la
première personne noire à remplir ce poste. Elle a 37 ans. Mais comme elle est
aussi de nationalité française, acquise lors de son mariage, elle doit renoncer
à celle-ci étant donné qu’elle sera la commandante-en-chef des Forces Armées
Canadiennes. Ainsi est faite la constitution. Elle rencontre, avec sa famille, la reine
Élizabeth à sa maison d’été de Balmoral pour respecter la tradition et devient
la vice-royale canadienne.
Son
discours inaugural met l’accent sur ce qu’elle identifie comme les « deux
solitudes » canadiennes. Elle veut instaurer un pacte de solidarité entre les
peuples fondateurs du pays. Mais son discours va plus loin, et touche les
relations entre les différentes communautés ethniques, linguistiques,
culturelles et de genre.
La nouvelle
Gouverneur générale est très active et représente la Canada partout : JO
d’hiver en Italie, festival d’Iqaluit au Nunavut, en Algérie, au Mali, au
Ghana, en Afrique du sud, au Maroc, en Argentine, en Haïti. Partout elle
encourage les droits des femmes, particulièrement dans les pays musulmans. En
Afghanistan, elle prend position pour la mission de paix affirmant que « le Canada est fier de faire partie des 37
pays qui ont entrepris de restaurer la stabilité et la reconstruction du pays ».
Elle est à Vimy pour la commémoration du 90ième anniversaire de la
bataille. Et encore…
Elle
rencontre les chefs d’état de multiples pays, dont la présidente du Chili,
l’héritier et nouveau roi d’Espagne, le président hongrois et des dizaines
d’autres.
En 2008,
elle doit gérer une crise politique inédite au Canada. Le gouvernement
minoritaire Harper est en difficulté après que l’opposition ait rejeté son
énoncé économique. Les partis d’opposition lui proposent de se substituer au
gouvernement en créant un gouvernement de coalition. Une première en politique
canadienne. Elle refuse et décide de proroger la session parlementaire de deux
mois jusqu’au dépôt du budget. Harper est sauvé.
À la fin du
mandat de Michaëlle Jean, Harper crée une surprise en ne le renouvelant pas. Elle
le voulait, il ne l’a pas voulu. Pourtant ses prédécesseurs l’avaient fait pour les
gouverneurs généraux du passé. Et cela, malgré que 57% des Canadiens approuvent
son travail et considèrent qu’elle les a toujours représentés dignement et avec
compétence. Harper est du genre conservateur-républicain-américain et veut
avoir le contrôle total sur les affaires de l’état et comme elle montrait un peu d'indépendance...
L’ONU qui a
remarqué les talents de Michaëlle Jean, la nomme « envoyée spéciale pour l’éducation,
la science et la culture en Haïti » dans le but d’obtenir des fonds pour
la reconstruction et l’éducation dans ce pays. Puis, le sénégalais Abdou Diouf,
secrétaire général de la Francophonie, la nomme comme « grand
témoin » pour les JO d’été de Londres afin de promouvoir la langue
française. Entre temps, elle préside le conseil d’administration de l’Institut
québécois des hautes études internationales à l’université de Laval et devient
la chancelière de l’Université d’Ottawa.
Abdou Diouf
démissionne de son poste en 2014 et Michaëlle Jean exprime son intention de le
remplacer. C’est un poste très important. Mais elle n’est pas seule à viser
cette nomination. Il y a aussi Pierre Buyoya, l’ancien président du Burundi, et
le socialiste Bertrand Delanoë, l’ex-maire de Paris. Buyoya mise sur les suffrages
de l’Afrique Centrale ce qui lui donne des créances démocratiques, tandis que
Delanoë compte sur le fait qu’il est socialiste et qu’il a appuyé le président
socialiste François Hollande lors des primaires de son parti pour le choix du
candidat.
Michaëlle
Jean ne désespère pas car elle a beaucoup d’atouts. N’est–elle pas un symbole
de la francophonie plurielle ? N’a-t-elle pas l’esprit de résistance de son
peuple comme elle l’a si bien démontré au Canada ? Ne s’est-elle pas investie
dans le combat social canadien en travaillant auprès de femmes en difficultés
? Malgré son travail intellectuel,
n’a-t-elle pas toujours montré son sens pratique pour aider les femmes
violentées ? Lors du terrible tremblement de terre en Haïti, n’a-t-elle pas transformé son
bureau en centrale téléphonique pour les initiatives de secours sur la base des
informations reçues ?
Comme les
Haïtiens dont la vie est difficile et qui souffrent, elle a démontré qu’elle
sait composer avec le chaos et qu’elle a une capacité de résistance et
d’organisation dans toutes situations. Tous les liens qu’elle a tissés avec les
pays africains, dans sa carrière de journaliste et de chef d’État, ont créé une
sympathie envers elle et naturellement Haïti, où étaient « menés des
millions d’Africains lors de la traite négrière ». Elle propose
aujourd’hui, une « francophonie de la diversité culturelle et du
pluralisme », dont elle est l’exemple, « assise sur la francophonie
politique, les valeurs démocratiques et l’état de droit » réalisés par les
présidents passés de l’organisme.
Elle met
surtout l’accent sur le développement économique qui est, pour elle, le vrai espoir
des jeunes. « A quoi sert de
produire des milliers de diplômés si c’est pour en faire des chômeurs ou des
demandeurs d’asile ? », demande-elle ?
Elle
réclame aussi le respect des droits de l’Homme qui pour elle « préservent les valeurs du peuple et son
rayonnement plus grand que ses ressources », citant le Sénégal comme
exemple.
Malgré que
le Canada appuie sa candidature, c’est aussi un aspect négatif pour elle à cause
du comportement offensif de sociétés minières canadiennes en Afrique. « J’entends mettre l’accent sur la
responsabilité sociale des entreprises… », assure-t-elle pour obvier à
ces craintes.
Michaëlle
Jean a toutes les qualités pour bien remplir l’importante tâche de secrétaire
générale de l’Organisation internationale de la Francophonie. Elle incarne la
francophonie du futur, celle du bon sens économique. Elle est la candidate
idéale pour être dans le monde, la femme du français.
Mais à ce
jour, la France la boude. Elle se montre sceptique aux propositions de
Michaëlle Jean, pour une francophonie plurielle et diverse qui s’ouvre sur le
monde. Le malheur pour la candidate canadienne est que la France assure plus de
70% du budget de l’organisation, ce qui fait que sa voix est prépondérante. Je
ne serais pas surpris que le gouvernement français opte pour un ses siens qui
se cherche un emploi, le socialiste Bertrand Delanoë, ex-maire de Paris. Ce
n’est pas le meilleur candidat, mais il est "du bon bord".
Claude
Dupras
3 commentaires:
Claude,
Le rôle de MJ comme représentante de la reine d'Angleterre au Canada la disaqualifie complètement pour accéder à la tête d'une organisation dont tous les membres qui avaient à le faire se sont émancipés de leur tutelle coloniale, ce que le Canada n'a pas fait. Le rapatriement de 1982 constitue une démarche d'émancipation incomplète. Nous avons gardé l'attachement à la couronne britannique. Voir à ce sujet l'article de Christian Rioux dans Le Devoir, reproduit sur Vigile http://www.vigile.net/La-Francophonie-merite-mieux
Richard
Tout à fait d'accord avec votre conclusion.
De surcroît, faudra -il que la France subsiste longtemps dans la Francophonie, compte tenu de son anglicisation ambiante et rapide tant dans les médias que dans la population. Monsieur Delanoe parlera-t-il encore le Français dans quelques mois ? De plus, il a saboté l'avenir de Paris en en faisant un parc d'amusement pour touristes, que fera-t-il avec la Francophonie ?
À anonyme,
Pourquoi la France perdrait-elle sa place dans la francophonie parce que quelques uns de ses citoyens parlent anglais. Je dirais qu'une grosse majorité des québécois parle anglais et nous sommes toujours une province française. Il y aura du chemin à faire pour que la France perde son français.
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