Marcel Côté est né dans la ville minière de Malartic du nord-ouest québécois. Après ses études élémentaires, secondaires et collégiales, son intérêt porte sur la culture scientifique, la technologie et l’économie. L’Université d’Ottawa l’accueille et il obtient un baccalauréat en sciences physiques. Puis, il s’enrôle à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburg où, trois ans plus tard, il termine avec succès une maitrise en sciences économiques.
Avec ce bagage de diplômes, Marcel Côté enseigne aux universités de Sherbrooke et de Montréal et, quelques années plus tard, fonde la société SECOR, conseil en stratégie et management. Avec le temps, la firme couvre le Canada avec des bureaux à Québec, Toronto et Vancouver. Puis, elle s’internationalise en installant des antennes à New York et Paris. Son succès vient du fait qu’il est un brillant économiste dont l’approche conservatrice est recherchée dans le monde. En 1986, il reçoit le titre de Fellow du centre des affaires internationales de l’université d’Harvard.
Sa mort récente lors d’une randonnée cycliste au Québec a bouleversé notre société. Ses concitoyens n’ont cessé de parler de la dimension hors de l’ordinaire de cet homme simple, racé, ouvert et compétent, lui rendant ainsi un hommage grandement mérité. Les parlementaires québécois ont souligné à l’Assemblée Nationale son apport à notre société et le maire de Montréal qui avait confronté Marcel Côté comme candidat-adversaire à la dernière élection municipale et s’en était fait, depuis, un bon ami, a déploré le départ de cet homme brillant, solide en soulignant que Marcel Côté avait collaboré étroitement avec lui et le président du comité exécutif de la ville pour les aider à bien orienter Montréal vers le futur, et cela bénévolement.
Membre de nombreux conseils d’administration, de mouvements d’affaires, de culture, de charité et de sport, il ne refusait jamais d’aider et de participer activement au développement positif de ces groupes que ce soit le YMCA, la fondation du Grand Montréal, l’institut de recherches en politique publique, l’orchestre symphonique de Montréal, les amis de la montagne, Montréal en lumière, Action Canada, la fondation neuro-Canada, la compagnie de danse Marie Chouinard, la table d’action en entreprenariat de Montréal et des dizaines d’autres. Compétent et généreux de son temps et de son argent, il s’est avéré un grand philanthrope, un homme de vision, un bon dirigeant, un excellent conseiller de premiers ministres, un individu qui aimait le genre humain qui possédait un sens naturel de la justice et qui cherchait constamment a améliorer le sort de ses semblables par des dons et par la fondation ou le soutien d’œuvres de toute nature pertinentes à leurs besoins. Toujours sans rechercher le profit et de manière désintéressée.
Il y a quelques mois, je lui ai demandé d’aider le fils d’un ami français qui voulait rejoindre les rangs de la compagnie KPMG, qui avait acheté SECOR, où Marcel Côté agissait toujours comme membre du conseil d’administration. Ce garçon voulait simplement avoir l’opportunité d’être admis à un examen d’entrée pour travailler dans ce groupe important, en Europe. Marcel Côté a accepté et dans un voyage à Paris a fait en sorte qu’il puisse faire valoir ses qualités devant le comité de recrutement de la firme. Malheureusement, le jeune n’a pu démontrer qu’il était à la hauteur de ses attentes. Cette décision m’a démontré, encore une fois, sa dimension humaine et son impartialité.
Montréal va manquer son grand citoyen Marcel Côté.
Au même moment, une bouffée d’air frais nous est venue de Cannes où se déroulait le festival annuel de films.
Un jeune cinéaste montréalais Xavier Dolan devenait, subitement, la coqueluche de la croisette et une vedette montante mondiale. Ce n’était pas son premier festival malgré ses 25 ans. Son nouveau film « Mommy », le cinquième qu’il produisait, est devenu un « hit » au point qu’une ovation de 12 minutes suivit sa projection. Mais ce qui est encore plus révélateur est le niveau de popularité qu’il a acquis. Les journalistes et photographes s’arrachaient non seulement ses commentaires et des « clichés » intéressants mais sollicitaient son autographe, pour eux-mêmes et leurs proches. C’est la vedette de son film, Anne Dorval, qui témoignait de la reconnaissance acquise par le jeune montréalais : « les gens criaient son nom. C’était impressionnant de voir les gens hurler comme s’il s’agissait de Mick Jagger. Les filles pleuraient, je n’ai jamais vu une chose pareille ».
Né à Montréal d’un immigrant égyptien devenu auteur-compositeur-interprète et comédien québécois, Manuel Tadros, et d’une mère, Geneviève Dolan, chargée des admissions dans un collège de la métropole, il est dès l’âge de 4 ans une petite vedette dans les réclames des pharmacies Jean Coutu, puis il double la voix de Ron dans Harry Potter et joue dans la série « Omerta » à sept ans, etc. Il n’aime pas l’école car son attention est ailleurs. Il aime l’action du monde cinématographique.
À 15 ans, son père change de compagne. Xavier Dolan quitte l’école, est désabusé, se pense devant rien mais possède 150 000$ venant de ses cachets de comédien mis de côté par ses parents. Il cure son mal en écrivant le scénario de son premier film « J’ai tué ma mère ». Il le propose à plusieurs producteurs qui le refusent. Finalement, il décide de le faire lui-même… Dans ce travail, il n’a pas le temps d’être indulgent et le démontre par son intransigeance, son impatience et ses crises violentes. Il est exigeant jusqu’à la cruauté. Il sait ce qu’il veut et ne peut se satisfaire de moins. Vivre intensément est son besoin urgent. Réaliste, il réclame vivement la critique. Il fait toutes les « jobs » : acteur, scénariste, producteur, monteur, chef décorateur, costumier, éclairagiste, directeur artistique… En 2009, il se retrouve à Cannes pour la projection de son film. C’est un succès… mitigé. Un premier. Depuis, il a fait un film par an et en plus de Cannes, il est aux Oscars, aux Césars, au festival de films de Toronto, au Mostra de Venise… où il remporte des nominations importantes et des prix.
La bouffée d’air frais n’est pas venue de tout ce branle-bas spectaculaire, mais des propos qu’a tenus Xavier Dolan suite à son récent succès à Cannes dont à l’émission 24/60 de Radio Canada que j’ai eu l’occasion d’écouter. Une phrase m’a particulièrement frappé : « Il n’y a rien comme l’art, en fait, pour imprimer dans l’imaginaire mondial l’existence d’un peuple » démontrant ainsi que l’art est aussi important que la politique et la science dans la société. Quelle vérité, mal comprise par trop de Québécois!
Il dénonce les blogueurs démagogues qui traitent les artistes « de parasites qui vivent aux crochets de l’État et qui font la grande vie à Cannes » et espère que ses succès permettront de faire évoluer les mentalités. Il s’est adressé particulièrement aux gens de sa génération en les encourageant à avoir confiance en eux et à ne pas être pessimistes quant à l’avenir. « Rien n’arrête quelqu’un qui est travaillant, quelqu’un qui espère ».
À l’animatrice de l’émission, Anne Marie Dussault, qui l’interrogea sur les idées politiques de sa génération, il a spontanément répondu : « Ma génération s’est détournée du Parti Québécois, mais pas du projet d’indépendance, qui n’est pas mort ». Je crois qu’il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation et ce devrait être un avertissement à tous ceux qui croit que la question nationale est définitivement enterrée.
Quant au rêve d’obtenir la Palme d’or de Cannes, Dolan a démontré sa sensibilité en affirmant qu’il ne l’espérait pas « pour satisfaire son ego mais plutôt mais pour nous tous (Québécois) comme image, comme métaphore de notre identité, pour qu’on nous reconnaisse ».
Québécois dans l’âme, il déclare : « J’ai suivi le Québec qui nous suivait. On a senti la vague d’amour, de la part des cinéphiles et de tout le monde. Nous avons senti leur soutien et leur amitié ».
Xavier Dolan ressentait le besoin de retourner aux études avant le succès qu’il a connu à Cannes. Mais il veut maintenant surtout ne pas pénaliser son film « Mommy » en assurant, de façon ordonnée, sa distribution dans le monde. Il semble ne pas se formaliser de sa nouvelle célébrité, malgré qu’il ait reçu des offres concrètes de grands studios américains.
Quel plaisir de suivre l’évolution de ce jeune homme ! Quel style ! Quelle bonheur de l’entendre expliquer ses points de vue dans un langage châtié, en français ou en anglais ! Quel magnifique personnage!
Montréal a perdu un grand Montréalais en Marcel Côté mais en a gagné un nouveau, différent mais aussi de grande qualité, en la personne de Xavier Dolan.
Claude Dupras
9 commentaires:
AT a écrit ce qui suit:
Claude, J'ai été moi aussi choqué d'apprendre la mort innattendue et subite de Marcel Côté dont les circonstance ne sont pas sans rappelé celle de Lévis Sauvé que tu m'as relaté, On parle tellement de cancer qu'on oublie que les crises cardiaques continuent à être un fléau; à chosir entre les deux je préfère la crise, c'est au moins une mort rapide ! Dans mes fonctions à HQ, j'ai eu l'occasion d'avoir plusieurs scéances de travail avec Marcel Côté sur des projets de commercialisation technologique. C'était un homme entier, direct et efficace. Contrairement à d'autres consultants ( surtout les avocats ! ), il était expéditif; on tournait pas autour du pot avec lui on rentrait vite dedans !!! Il faut qu'avec des tarifs à 1500 $/hr dans les années 1990, il fallait qu'il soit drôlement efficace!
Antoine
AD a écrit ce qui suit:
Bonjour, Qu'est ce que Dolan a à voir avec notre grand Marcel Côté
Andréa
MPF a écrit ce qui suit:
Merci pour ces beaux témoignages. Je lis toujours avec intérêt vos articles. J'apprends beaucoup.
Merci
Marie-Paule F.
Qui décide de l'avenir d'une personne? Lorsque j'avais 20 ans, il y avait comme ouverture, l'enseignement, la médecine, pour les hommes; infirmière pour les jeunes filles ou religieuses. Aujourd'hui, les champs d'action se sont agrandis: de garde-bébés à astronautes. Que peut-on demander de plus? C'est pourquoi nous avions Marcel Côté en science et Xavier Dolan au cinéma et nous devons être fier(e)s de ces deux Québecois.
À Andréa
Faut-il que deux personnes soient semblables pour établir une comparaison? Ils ont tous les deux le mérite d'être connus chacun dans leur sphère.
Pourquoi choisir une profession ou un métier plutôt qu'un autre? Peut-être l'influence de la famille ou un rêve d'enfant. Autrefois, il y avait comme choix, la médecine ou l'enseignement. Aujourd'hui, les ouvertures vont de garde-bébés à astronaute. C'est pourquoi Marcel Côté a choisi la science et Xavier Dolan le cinéma et tous les deux ont réussi dans leur sphère. Nous vivons dans un période où nous pouvons être «suiveux» ou inventeur. Que demander de plus.
Marcel Côté nous a quitté pour un monde meilleur. Nous ayant laissé des souvenirs d'un long labeur et d'une grande bonté, on en parlera longtemps.
Xavier Dolan, très jeune, semble avoir trouvé sa voie. Il aura peut-être, lui aussi, un long chemin à parcourir pour arriver à la renommée. Bonne chance Xavier.
PMG m'envoie le message suivant:
« MARCEL, C’EST MARCEL »
J’ai connu Marcel Côté lors d’un congrès de la Chambre de Commerce de Montréal dont je
présidais le « Comité du programme » : nous l’avions invité comme conférencier en compagnie
de son Associé Roger Miller pour nous parler d’Innovation. C’était au début des années 1980,
… SECOR en voie de devenir le fleuron du conseil en management et stratégie que l’on a
connu.
Quelques mois plus tard, Marcel m’appelait pour que ma firme d’alors l’aide à recruter ses
équipes de consultants. Ses critères étaient simples : ses futurs collaborateurs devaient être
jeunes, travaillants et intelligents.
À l’invitation de Marcel , je me joins à SECOR à la fin des années 1990 et constate la qualité
des « jeunes de Marcel » qui se sont succédé avec les années. J’ai aussi constaté dès le
début et au fil des années que tous chez SECOR, jeunes et moins jeunes, lui sont redevables
de sa générosité à partager ses connaissances, … de vastes connaissances et ce dans tous
les sens du mot : son savoir et son réseau.
De mon coté quinze années de collaboration avec Marcel, dont la dernière, toute récente et à
l’image de nombreuses autres : Marcel m’invite à participer à un groupe de travail et dresse
les grandes lignes du projet, ... à nous de le développer. Tard la veille d’une réunion, je lui
envoie une copie du rapport que j’avais rédigé. À 7 heures le lendemain j’ai la réponse de
Marcel : non seulement avait-il lu mon document, il en avait fait une analyse serrée et réécrit
les phrases et paragraphes qui ne lui plaisaient pas !!! : À défaut d’être resté le plus jeune,
Marcel est toujours resté le plus intelligent et le plus travaillant.
Quand je fais le bilan de ma relation avec Marcel, je reste sous l'impression d'avoir eu une
relation unique / spéciale avec lui; ce qui est extraordinaire c’est que nous sommes nombreux
à avoir cette impression tellement qu'il nous a tous amenés à un moment ou l'autre dans le
tourbillon de ses passions. Quel choc aujourd'hui de réaliser qu'un homme si vivant soit
soudain réduit au silence de la mort.
Il y a quelques années lorsqu’il s’est retiré du management de la firme, j’avais proposé aux
Associés de nommer notre plus belle salle de réunion fraîchement rénovée la « Salle Marcel
Côté » : Marcel avait refusé malgré mon insistance : « Attendez que je sois mort », m’a-t-il dit.
Au-delà des innombrables témoignages que tu reçois aujourd’hui Marcel, … j’espère que tes
amis, collègues, clients, … tous ceux que tu as aidés à se développer, trouveront le moyen de
perpétuer ta mémoire.
Amicalement
Philippe Martel
Montréal, le 28 mai 2014
Lawrence a écrit:
« Et pendant ce temps la, le gouvernement dépense des millions en publicité pour les militaires qui retourneront a la vie civile et dépense encore plus de millions pour commémorer des guerres comme la guerre de 1812 ou encore la 2ème Guerre Mondiale »
L.
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