lundi 19 novembre 2012

Était-ce du vin italien ?

Lors de sa nomination à la Commission Charbonneau, chargée par le gouvernement du Québec d’enquêter sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, plusieurs médias et blogueurs ont souligné ce que disait, quelques mois avant, l’avocat Roderick Macdonald sur une commission publique. Maintenant que plusieurs témoins ont été interrogés, il me semble utile de le rappeler : "Les commissions publiques les plus désastreuses ont été celles qui examinaient le passé pour enquêter sur des crimes allégués. Une bonne enquête policière peut dévoiler des faits d'une manière bien plus efficace qu'une commission. En fait, les commissions publiques ont souvent l'effet de compromettre la preuve qui aurait été nécessaire pour assurer l'assise d'une accusation criminelle. Par ailleurs, une commission n'a pas le pouvoir de condamner un malfaiteur. Sans parler du cirque médiatique qui peut en découler. Nos commissions ressemblent davantage à des chasses aux sorcières qu'à des enquêtes ayant comme objectifs de renouveler nos politiques publiques: bon spectacle, mauvais résultat !"

A ce jour, le siège du sous-commissaire Macdonald est vide. On ne le voit pas. On ne l’entend pas. Il a une bonne raison. Me Macdonald a dû subir une opération chirurgicale et est en convalescence. A voir et à entendre ce qui se passe à la Commission, je dis bien humblement qu’il est urgent qu’il apparaisse pour la réorienter.

« Inquisition ou Commission», est le titre qui coiffait l’article du journal Le Devoir qui traitait de la position de Me Macdonald sur la valeur d’une commission d’enquête. Le mot inquisition est sûrement trop fort, mais aujourd’hui il souligne le malaise que plusieurs, comme moi, ressentent de l’allure de certaines interrogations des avocats de la Commission.

D’autre part, il devient évident, de jour en jour, que les frappes de l’escouade policière Marteau et les perquisitions de l’UPAC (Unité permanente anticorruption) à ville Laval et dans d’autres villes, sont percutantes. Enfin, nous saurons ce qui en est de l’odeur nauséabond que dégage le pouvoir politique municipal depuis trop longtemps dans trop d’endroits. Marteau et l’UPAC, qui ont été mises en place avant la Commission, nourrissent cette dernière de dossiers composés de preuves solides et de noms de personnages à interroger. Il devient clair qu’une bonne enquête policière peut dévoiler des faits d'une manière bien plus efficace qu'une commission.

Les témoins devant la Commission ont l’immunité judiciaire. Ils ne seront donc pas traduits devant la justice pour tout ce qu’ils diront d’incriminant devant les commissaires. Donc, un bandit comme Lino Zambito, qui a utilisé la mafia pour obtenir des contrats et qui a été une machine à corrompre de fonctionnaires, pendant de longues années, ne pourra se voir accuser suite à ses nombreuses révélations à la Commission. Heureusement, la justice le poursuit déjà pour d’autres méfaits du même genre. De plus, il est présumé que sa déposition, ayant été donnée sous serment, n’est que vérité. Il est de même pour tous les autres témoins. Or, à ce jour, quatre témoins (Dumont, Vézina, Thémens, Thériault) ont nié catégoriquement les affirmations de Zambito.

Qui dit vrai ? Qui croire ? Les médias, eux, n’ont pas de problème avec de telles questions. Ils choisissent les dires les plus frappants. Par exemple, les deux derniers témoins, surveillants de chantiers, sont d’humbles techniciens qui œuvrent à la ville de Montréal depuis plus de vingt ans. Ils ont affirmé n’avoir jamais été soudoyés par de l’argent d’entrepreneurs. Pourtant, dans l’heure qui suivit, un invité, enquêteur de son métier, est venu affirmer à l’émission télévisée de Mario Dumont, qu’après avoir entendu ces surveillants "il était convaincu qu’ils avaient perçu des « enveloppes brunes »". Affirmation sensationnaliste, gratuite et injuste qui fait de la bonne télé, mais c’est tout !

Personnellement, connaissant bien la construction et comprenant leur travail de surveillance de chantier, je suis convaincu qu’ils ont dit vrai. Le cirque médiatique qui découla des affirmations non prouvées de Zambito fit en sorte que ces techniciens virent leur emploi suspendu sans solde par la ville. Cette situation demeure malgré leurs témoignages. Est-ce correct d’agir ainsi ? Où est la présomption d’innocence ?

D’autre part, leurs interrogatoires furent un vrai bal de bouteilles de vins, de billets d’hockey et de parties de golf. Ils ont admis, dès le début, avoir reçu des bouteilles de vins comme cadeaux de Noël, d’avoir accepté des billets d’hockey pour les matchs des Canadiens et d’avoir joué dans des foursome payés par les entrepreneurs lors de tournois de golf. Cela une, deux ou trois fois par an. Ils se sont défendus en invoquant le fait que c’était une coutume reconnue à la ville et qu’ils ne croyaient pas qu’il était mal d’accepter ces cadeaux. Pour eux, cela n’a pas influencé leur travail et leurs décisions. Malgré ces admissions et ces explications, les avocats de la Commission n’ont cessé, durant deux heures, de les harceler avec les mêmes insinuations. Un avocat a même demandé : "Était-ce du vin italien ?". Question non seulement insignifiante mais discriminatoire.

La très grande majorité des billets d’hockey et des loges du Centre Bell pour les matchs des Canadiens est achetée par des compagnies qui justifient ces frais d’acquisitions et ceux d’« entertainment » qui en découlent, comme des frais de représentations. Les gouvernements du Québec et du Canada les acceptent comme déductions pour le calcul de l’impôt. S’il n’en était pas ainsi, les Canadiens de Montréal n’auraient pas suffisamment de fonds pour maintenir l’équipe. Il en est de même pour les tournois de golf car sans eux, plusieurs clubs seraient en difficulté.

Quant aux bouteilles de vins, un très grand nombre de québécois en donnent en cadeau pour remercier les gens qu’ils apprécient. Ainsi, tous les ans, j’en donne une, entre autres, à la postière de Postes Canada de mon village pour la remercier de la bonne attention qu’elle porte à son travail. Une voisine donne une bouteille de vin à la maîtresse d’école de son fils pour signifier une reconnaissance de son dévouement. Je serais curieux de connaître le nombre, en milliers j’en suis certain, de bouteilles de vins qui sont donnés en cadeaux au Québec. On n’achète pas de faveurs avec une bouteille de vin d’une vingtaine de $. On exprime sa satisfaction et sa reconnaissance pour un travail bien fait! Les Québécois savent faire la différence entre ce qui est correct et ce qui est exagéré ! Nous ne sommes pas des « saintes-nitouches ».

J’aime bien le commissaire Lachance qui sait poser des questions pertinentes. Par contre, la commissaire Charbonneau, ne semble pas comprendre tout ce qui se dit et on peut le détecter par ses questions aux témoins. L’autre jour, entre autres, après un long interrogatoire d’un témoin, elle lui posa une question sur les « bons de commande ». Le témoin, surpris, la regarda longuement affirma ne pas comprendre sa question car il n’y avait pas de bon de commande dans son travail et n’en avait pas parlé durant son témoignage.

De plus, je crois qu’elle ne protège pas suffisamment les témoins, comme il se doit. Ces témoins sont interrogés avant de comparaître par les avocats de la Commission. Les avocats leur posent toutes les questions et connaissent toutes leurs réponses. C’est comme si c’était une répétition générale avant de rentrer en scène devant les caméras de télé. Nonobstant cela, les interrogatoires des deux surveillants de chantier furent exagérément poussées par les avocats de la Commission. C’est une démonstration de ce que j’avance. J’anticipe sur l’évolution de la situation au retour du commissaire Macdonald et espère qu’à ce moment-là, la Commission cessera d’être, par longs moments, une chasse aux sorcières.

Pendant ce temps, heureusement, Marteau et UPAC font leur travail. À la fin de tout ce processus, il me semble que ce seront les fruits du travail de ces organismes policiers qui permettront d’amener en prison les bandits qui ont trompé les Québécois et voler leurs biens. Quant à la Commission, on pourra lui donner le crédit d’un bon show télévisé !

Claude Dupras

1 commentaire:

Liane a dit…

Qui n’a pas déjà reçu des cadeaux à certaines occasions sans qu’on y perçoive du mal? La société a bien changé. Aujourd’hui, c’est devenu des faveurs achetées. Comment en est-on arrivé là? Pendant quatre ans, je n’ai pas manqué une partie des Canadiens, et quel jeu! Au temps de Maurice Richard, Elmer Lach et les autres, grâce aux billets que me donnait mon patron sans arrière-pensée. Et c’est autre chose que les millions pris dans les poches de tout le monde. Pourquoi les Commissions d’enquête? Les bandits sont connus et ils font ce qu’ils veulent sans que la justice n’intervienne. Ils sont condamnés à la prison et ils s’en sortent après quelques mois, même condamnés pour meurtre et on s’étonne qu’ils recommencent. Que valent nos lois aujourd’hui?