Les campagnes « anti » ne sont pas nouvelles. Selon plusieurs organisateurs politiques, il n’y a rien de mieux pour gagner une élection. Pour réduire son adversaire, on invente, on insinue, on ment, on fabrique des arguments contre sa personne et on les répète sans cesse. Finalement, cela a l’air vrai et de plus en plus de monde y croit, même si en très grande partie c’est faux !
La première campagne de ce genre dont j’ai été témoin fut l’anti-duplessis des années ’50. Pour un très grand nombre de ses adversaires du temps, il n’y avait rien qui avait du sens dans ce que faisait ou disait le premier ministre Maurice Duplessis. Malgré ses nombreuses réalisations, ses grandes victoires fiscales et autonomistes contre le gouvernement fédéral, tout ce qu’il faisait était interprété négativement. Un slogan a même été inventé, « la grande noirceur », pour qualifier cette période de la vie politique québécoise. Cela en était rendu au point que s’il pleuvait, Duplessis en était le responsable. C’est là que j’ai compris que par une campagne « anti », on visait à faire voter les Québécois « contre » l’adversaire et non « pour » leur candidat.
L’élection présidentielle française est un autre bon exemple. Dès le lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, le parti socialiste (PS) a compris ce que devait être sa stratégie pour avoir une chance de gagner la prochaine élection, celle du 22 avril prochain, contre ce candidat hors de l’ordinaire que s’avérait être le nouveau président Sarkozy. Il se devait de le salir de toutes les façons possibles. C’est là qu’est né l’anti-sarkozysme. Et ça a fonctionné.
Le Fouquet’s, le yacht de Bolloré, le supposé favoritisme envers les riches, le « tasse-toi pauv’con », etc… sont devenus les prémisses d’une campagne de « salissage » extraordinaire visant à influencer les Français. Finalement, un très grand nombre d’entre eux y ont cru. Intoxiqués par le négatif vomi sur la personne Sarkozy depuis quatre ans, ils voient dans son rejet la seule vraie façon d’obtenir une France meilleure et cela nonobstant tout ce qu’il a fait pour réformer en profondeur leur pays et l’Europe. Que Hollande soit sans sa couleur et sans saveur importe peu Que son programme ne tienne pas compte de la situation économique actuelle n’est pas important. Il leur faut vitement réagir à la campagne anti-sarkozyste. Voilà pour eux une belle façon d’envisager l’avenir !
Dès le début de la présente campagne, Sarkozy s’est défendu face aux accusations de ses adversaires. Il a fait le point, s’est bien expliqué sur chacune des insinuations portées envers lui et a réussi à calmer les esprits. La presse a rapporté ses propos et ils eurent l’effet espéré sur le public. Le socialiste François Hollande a alors mis de côté son argumentation anti-sarkozyste et décida de « prendre de la hauteur », comme il a dit, dans le but de démontrer qu’il était présidentiable. Ses nouveaux discours tombèrent à plat et en peu de temps, Sarkozy le dépassa dans les sondages. Face à la tournure des évènements, Hollande décida de reprendre ses attaques anti-sarkozystes. Depuis, il a regagné les quelques points de sondage qu’il avait perdu et est redevenu le favori. C’est la plus récente démonstration que les campagnes « anti » payent. « Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque chose » écrivit Beaumarchais dans le Barbier de Séville.
Hier, j’écoutais Mitt Romney, candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, qui lors d’une conférence de presse expliquait sa stratégie pour vaincre Barack Obama. Pour satisfaire la galerie des groupes d’intérêts, il sera très conservateur et sympathisera avec les teapartyers et les détenteurs d’armes. Et, plus important encore, il annonça sans honte qu’il entreprendra une campagne anti-Obama, comme s’il était normal d’agir ainsi. Déjà, ce qu’il dit d’Obama est tout croche, exagéré et faux en très grande partie. On peut imaginer ce qui s’en vient.
Depuis Duplessis, rien n’a changé à ce niveau au Québec. Le plus récent exemple fut la campagne anti-Marois organisée par les « purs et durs » séparatistes. Cheffe démocratiquement élue du Parti Québécois (PQ), cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée Nationale québécoise suite à sa défaite de la dernière élection, Pauline Marois devint la cible des « purs et durs » de son parti malgré le vote de confiance de 93% que lui accorda le congrès du parti. Insatisfaits de sa proposition de « gouvernance souverainiste », qui remet à plus tard un vote sur la séparation du Québec du Canada, les contestataires entreprirent une féroce campagne anti-Marois pour la forcer à démissionner. Il n’y a rien qu’ils n’ont pas dit pour ternir sa réputation. Au point, que dans un billet de mon blogue, moi qui suis loin d’être séparatiste, je me suis sentis la responsabilité de venir à sa défense. Mais, ils avaient oublié que « la Madame » avait foi en elle, qu’elle avait « la couenne dure » et de l’expérience politique. Malgré les démissions de députés qui s’accumulèrent et les prises de positions publiques, dont la plupart démagogiques, contre elle de la part de personnages importants du parti qui se laissèrent prendre au piège de la campagne anti-Marois, elle résista et finalement gagna. Son attitude suscita l’admiration d’un grand nombre de Québécois et Québécoises et depuis les sondages ont tourné en sa faveur au point que sa position s’en retrouve fortement renforcée.
Les campagnes « anti » pullulent. Ainsi, il y a l’anti-Paul-Desmarais, qui devient « le prédateur »; l’anti-Lucien-Bouchard, l’ex-premier ministre (PM) PQ, « le traître »; l’anti-Pierre-Marc-Johnson, l’ex-PM PQ, « le vendu » ; l’anti-André-Boisclair, l’ex-chef PQ, le « schisteux »; l’anti-Jean Charest, le PM actuel, dont on anglicise le nom à « John James » pour des raisons évidentes, etc…
Si un ancien chef politique, un camarade du passé ou un individu défend une position politique qui va à l’encontre de ce qu’on pense, il devient l’ennemi et est, sur-le-champ, sali par des insinuations mensongères et des quolibets honteux. On invente des récits, des scénarios, on les présente comme véridiques. Plusieurs y croient « dur comme fer » alors que ce n’est que de la pure fabulation !
En France, au Québec et aux USA, la nature des campagnes électorales est devenue un problème dans la démocratie d’aujourd’hui, à tous les niveaux.. Trop de personnes ne veulent pas y mettre les pieds de crainte d’être salies injustement. Les membres des partis politiques et particulièrement leurs chefs ont la responsabilité de maintenir un débat politique sain où les citoyens peuvent trouver les bons et vrais arguments pour juger des situations politiques qui se présentent. Jouer sur des faussetés comme le fait François Hollande en insistant pour promouvoir l’anti-sarkozyste est inacceptable parce qu’injuste et calomnieux.
Il faut arrêter de telles bêtises !
Claude Dupras
2 commentaires:
La société actuelle est ainsi faite et c’est odieux. Ce n’est pas seulement en politique que nous voyons cela. C’est dans tous les domaines où il y a de la concurrence.
Comment arrêter de telles aberrations quand il s’agit d’adultes qui sont contre tout ce qui les empêche d’arriver à leur but. Une fois au pouvoir, ils se prendront pour le Tout-puissant. Nous en avons déjà un bon exemple. Les antis, nous les retrouvons aussi dans les écoles et on fait quoi pour contrer ce chantage qui est néfaste.
merci pour l'information
Enregistrer un commentaire