dimanche 18 décembre 2011

Un Canadien : castor ou ours polaire ?

Ce matin, j’ai lu dans BBC News, le texte d’une journaliste montréalaise, Lorraine Mallinder, sur le symbole canadien qu’est le castor. Avec l’insistance que le gouvernement canadien conservateur met pour répandre les symboles de la couronne britannique au Canada, j’ai été surpris d’apprendre qu’il semble vouloir s’attaquer aussi au castor.

D’origines chinoise-mauricienne-écossaise, Lorraine Mallinder a vécu au Royaume-Uni, à l’île Maurice, en France, au Mexique, en Palestine, en Belgique et vit maintenant au Canada.

Bosseuse, elle a rempli toutes sortes d’emplois manuels pour devenir enfin, après ses études, conférencière, traductrice et professeure au secondaire. C’est le journal anglais The Economist qui lui a donné sa vraie première chance en l’engageant à Bruxelles pour le représenter auprès de l’Union Européenne. Elle se retrouva ainsi près de joueurs politiques et de lobbyistes chevronnés.

Depuis 2008, elle est résidente de Montréal et vit avec sa fille dans l’est de la ville au milieu d’un quartier francophone. Elle est devenue journaliste indépendante et ses articles sont recherchés par les médias anglais et canadiens de langue anglaise.

Lorraine Mallinder indique que les conservateurs sont à la recherche d’une nouvelle identité pour mieux représenter les Canadiens dans le monde. En effet, la sénatrice conservatrice Nicole Eaton vient de proposer de remplacer le castor qu’elle qualifie de « rat aux mauvaises dents » par l’ours polaire blanc. Pour elle, ce dernier reflète mieux l’esprit de la nation. Le débat se résume à ceci :

Le castor, humble et travailleur, représente l’époque coloniale durant laquelle les coureurs de bois le tiraient difficilement des forêts pour satisfaire les goûts et la demande de fourrures de riches européennes.

C’est cette poursuite acharnée des chasseurs qui fut à la base de l’expansion du pays. « Époque révolue » crient les détracteurs, « nous sommes fatigués d’être perçus comme des trappeurs repentants ».

Quant à l’ours polaire, ces derniers le décrivent comme « une créature majestueuse » tout en tenant sous silence que c’est un prédateur impitoyable, un persécuteur de la nature.

Le Canada est depuis la Confédération un pays de gens modérés et travaillants. De vrais castors. Mais, soudainement, le pays change. Il devient, sous la gouverne de Stephen Harper, plus dur. Les dépenses militaires augmentent, la défense de l’exploitation des sables bitumineux est plus forte malgré les torts à l’environnement, les budgets dédiés aux arts sont diminués, de « super prisons » sont sur les planches à dessin suite au bill omnibus sur le crime, la défense et le développement du territoire de l’Arctique sont programmés…

De plus, le ton du reportage politique devient plus radical comme le démontre le fait que trois quarts des journaux canadiens ont endossé les conservateurs lors de l’élection du 2 mai dernier. Un nouveau réseau anglais de télévision « Sun News network » est en ondes avec comme but de combattre les médias « aux cœurs saignants ». Un vrai Fox News canadien. Même Don Cherry, le commentateur no. 1 de hockey à la CBC (réseau anglais de Radio Canada) a traité de dégueulasses les amateurs qui s’opposent à la violence au hockey suite aux nombreuses commotions cérébrales comme celle dont est victime le joueur-vedette Sidney Crosby. Un présentateur télé a traité de « fou de gauchiste » un récipiendaire du prix Pulitzer pour son opinion favorable des « occupants de Wall Street ».

Mais qu’est-ce qu’un Canadien ?

Durant l’ère Trudeau, nous étions favorables à la paix dans le monde et au désarmement nucléaire. John Lennon et Yoko Ono sont venus à Montréal pour leur spectaculaire « bed-in » pour la paix. Fidel Castro a été bien accueilli et le Canada a aidé Cuba. Élizabeth Taylor et Richard Burton se sont mariés à Montréal. Nous étions libres de nos pensées politiques et même opposés souventes fois à celles de notre voisin du sud, ce qui n’était pas de tout repos. Nous étions nous-mêmes.

Aujourd’hui, plusieurs Canadiens, hors Québec, ont adopté la pensée conservatrice républicaine américaine qui les influence. Ils semblent manquer de compassion, de la volonté de s’excuser lorsqu’ils sont bousculés inopinément, d’être passifs devant l’agression. Il n’est pas surprenant que ceux-ci voient en l’ours polaire un symbole pour leur identité actuelle.

Heureusement, tous les Canadiens et Canadiennes ne sont pas comme ça ! La majorité est reconnue pour avoir de bonnes vertus, telles : le fair play, la recherche du compromis, l’ouverture d’esprit, la générosité et le travail.

A mon avis, ces qualités nous identifient mieux au castor qu’à l’aigle américain et à l’ours polaire, deux prédateurs majestueux et féroces.

Qu’en pensez-vous ?

Claude Dupras

Ps.
.1 Il me semble que le gouvernement conservateur canadien a beaucoup d’autres choses à faire que de chercher à changer le castor par l’ours polaire pour marquer notre identité.

.2 Merci Lorraine Mallinder, (http://mallinder.wordpress.com), de son texte que j'ai adapté pour ce billet.

5 commentaires:

Georgette D. J. a dit…

Cher M. Dupras,

Ayant quitté le Québec en 1967 pour suivre un mari très voyageur, je n'ai cependant pas coupé le cordon ombilical. J'ai bien apprécié votre rubrique sur le castor ou l'ours polaire. Cela m'a rappelé un incident cocasse que l'invitation de mon mari à un étudiant germanique mais à l’Université de Montréal, en pharmacologie clinique avait suscité. A notre maison, en compagnie de plusieurs de ses collègues ainsi que plusieurs musiciens amis, en levant son verre il a dit : "Aux Canadiens-français" qui gagnent leur vie avec leur queue comme le castor." Ceci proféré devant une assistance "mixte" au temps de grandes discussions de séparatisme n'a guère enchanté l'auditoire et quelqu'un lui a dit : "C'est mieux que les étrangers qui viennent à nos frais apprendre l'art de vivre avec sa queue". Sans commentaires. Ceci dit, je crois que le castor devrait survivre car j'ai souvent vu son comportement au lac de mon père et admiré sa persistance ... tout comme celle des Québécois minoritaires au Canada. Comme vous le dites si bien, "la braise séparatiste n'est pas éteinte". Ayant moi-même fait carrière en pays étranger, j'ose espérer qu'elle ne se ranimera pas car je crois sincèrement que l'union des deux factions est préférable à l'isolement. Etant traductrice français-anglais survivante de poste d'enseignante en français aux conditions pitoyables, j'apprécie l'union et non la désunion.

Je serais honorée de continuer à recevoir vos communications et vous en remercie à l'avance.

Margo D. a dit…

Une vieille admiratrice qui vous lit toujours veut vous féliciter pour ce magnifique billet.

J. Rene B. a dit…

Merci de me tenir au courant.  Très intéressant.  Pour moi le castor est un exemple de détermination dans le travail et de volonté de terminer ce qui est commencé. Soyez assuré que je vais faire circuller et inviter mes gens à vous lire et à commenter.

Liane a dit…

Il y a déjà quelques semaines que j’ai lu : le castor contre l’ours blanc et j’ai réfléchi. Tout de suite j’ai pensé au castor qui ne cessait de travailler : il bâtit des digues qu’il refait à chaque fois qu’elles sont détruites. Ces digues leur servent d’habitat et de protection contre les prédateurs. Il est herbivore, se nourrit de brindilles et de feuilles. Déjà on l’utilisait pour sa fourrure qui est très belle. Mais on sait tout cela depuis belle lurette. Reste à savoir pourquoi on devrait le changer pour l’ours blanc. L’Internet nous dit qu’en 1851, sir Sandford Fleming a assuré la postérité au castor à titre de symbole canadien lorsqu’il a choisi de le représenter sur le premier timbre-poste canadien le «Castor de trois pence». Il a été élevé au rang d’emblème officiel du Canada le 24 mars 1975 lorsqu’une loi portant reconnaissance du castor comme symbole de la souveraineté du Canada reçut la sanction royale. Monsieur Harper ignore-t-il ce fait, lui qui n’en a que pour la Reine. Le castor vit tout près de nous tandis que l’ours blanc vit au grand nord. Ses dents n’ont rien a voir avec son apparence; c’est ce qui lui permet de survivre.

Andre P. a dit…

Bonjour Claude et bonjour à tous les castors!

Voilà le bon message et la bonne nouvelle qu'il faut répandre! ''Désormais, nous travaillons tous ensemble''

Bravo Claude