dimanche 26 juin 2011

Fonctionnaires canadiens, sur vos gardes…

Le gouvernement conservateur canadien de Stephen Harper n’y va pas avec le dos de la cuillère. Sa loi de retour au travail des travailleuses et travailleurs de Postes Canada a finalement été adoptée hier par le parlement canadien suite au plus long débat qu’ait connu la Chambres des Communes depuis sa création. Il a duré 58 heures sans interruption. Un marathon exceptionnel qui a permis à la jeune et nouvelle députation du NDP d’acquérir sa première expérience parlementaire.

J’ai suivi de près ce débat, durant une dizaine d’heures, précisément pour analyser la valeur des nouveaux députés néo-démocrates. En général, ils ont bien passé leur premier examen et je dirais qu’à peine 10% d’entre eux n’ont pas été à la hauteur de la tâche. C’est compréhensible, car devenir député du jour au lendemain sans préparation antérieure n’est pas une mince tâche.

La fermeture temporaire de la Société canadienne des postes par lock-out fut décidée par l'employeur, en réponse aux grèves rotatives instituées par les employés. Elle avait de toute évidence été autorisée par le bureau du PM. Ces grèves furent organisées par le syndicat de façon à ne pas nuire à la livraison du courrier dans tout le pays. Elles créaient des ralentissements mineurs, localisés et changeaient de province tous les jours. Le but était de rappeler à l’employeur les demandes de ses syndiqués. En résumé, nous assistons à un retour au travail, forcé par le gouvernement, après un arrêt obligatoire du travail, autorisé par le même gouvernement. C’est une situation inhabituelle et ridicule.

Stephen Harper justifia sa décision par la nécessité d’assurer la reprise économique du pays, alors que le NDP, les quatre députés du Bloc et les libéraux défendirent la liberté de négociation entre patron et employés. Le NDP a fait prolonger le débat sachant que certaines négociations continuaient pour rapprocher les deux parties. Mais le projet de loi incita les dirigeants de Postes Canada à rester fermes sur leurs positions.

Le projet de loi fixe les salaires des employés des postes plus bas que ceux acceptés précédemment par Postes Canada. De plus, il réduit les salaires des nouveaux employés de la Société, en plus de retarder de cinq ans la pension de ceux-ci. Donc, pour le même travail, les employés n’auront pas les mêmes salaires ni les mêmes pensions. Et cela malgré que Postes Canada ait réalisé l’an dernier un surplus de près de 300 millions de $.

Ces salaires négociés dans le passé et acceptés par les parties sont revus à la baisse unilatéralement par le gouvernement et sans discussion. Le syndicat et les fonctionnaires sont contraints d’accepter de se soumettre sous peine d’une amende de 100 000 $ pour le syndicat en cas de désobéissance et de 1 000 $ par jour pour les employés. N’ayant pas les moyens financiers de défier la loi spéciale, ils se soumettent. On peut imaginer le genre d’atmosphère de travail que ces décisions vont créer.

Je ne suis pas du genre à applaudir les syndicats de fonctionnaires. Mais dans le cas qui nous concerne actuellement, je pense que le gouvernement est injuste et se trompe.

C’est du vrai conservatisme américain à la teaparty. On n’a qu’à se rappeler la décision du gouverneur républicain du Wisconsin et sa majorité, il y a à peine quelques mois, qui ont décidé de couper unilatéralement de façon appréciable les salaires de tous les fonctionnaires afin de réduire le déficit de l’État. D’autres États suivirent et cherchèrent à copier le Wisconsin. C’est un autre cas qui démontre combien notre gouvernement canadien ne fait que calquer les politiques de la droite de la droite américaine. On a même entendu des accusations de « socialistes » et de « communistes » dans la bouche des debaters conservateurs. Le mot « socialiste » résonne comme si c’était un vrai péché mortel dans la tête d’un grand nombre d’anglophones du pays.

Et moi qui croyais que le PM Harper se resituerait plus près du centre et contribuerait à calmer la « démonisation » des chefs de parti au Parlement Canadien. En fait, il refuse de reconnaître que le NDP est beaucoup plus social-démocrate que socialiste.

Le PM Harper rassure tous les opposants que la loi remet dans les mains d’un arbitre, l’obligation de choisir entre l’intégralité de la position des dirigeants des postes ou de celle des syndiqués. Ce n’est que de la foutaise car l’expérience démontre que toujours, c’est la position patronale/gouvernementale qui est choisie.

Si j’étais un fonctionnaire canadien, je serais inquiet des gestes récents du gouvernement et je craindrais qu’éventuellement mon salaire et peut être ma pension soient aussi affectés.


Claude Dupras


Ps. Comme je le disais au début de ce billet, les nouveaux députés du NDP m’ont généralement impressionné. Il y en a un entre autres qui est vraiment exceptionnel. C’est Roméo Saganash. Il a remporté la circonscription québécoise d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou par une avance de 22 points de pourcentage sur son adversaire conservateur.

Saganash est un homme bien éduqué, calme et possédant un charisme naturel et débordant. J’ai trouvé qu’il est un excellent debater et d’une logique à toute épreuve qui vient probablement de sa longue expérience au service des siens et des Premières Nations du Canada. Il est fort impressionnant.

Né en 1962 sur la réserve indienne du lac Waswanipi, il fonde en 1985, le Conseil des Jeunes de la Nation Crie. En 1989, il devient le premier diplômé d'origine crie à obtenir un baccalauréat en droit au Canada. Entre 1990 et 1993, il a joué le rôle de vice-grand chef du Grand Conseil des Cris du Québec. Puis, directeur des relations des Cris avec le Québec et le monde. En 1997, il a présidé le comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James. En 2003, il a reçu un prix de reconnaissance de l'UQAM pour avoir joué un rôle majeur dans les négociations de l'entente historique, la Paix des Braves, signée le 7 février 2002 entre le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris. Depuis son élection au parlement canadien, il est le porte-parole de l'opposition officielle du Canada pour les ressources naturelles. C’est une homme fort impressionnant.

En regardant évoluer Roméo Saganash, je me suis mis à rêver de voir cet homme distingué et racé devenir le premier ministre du Canada. Il serait le premier autochtone à l’être et il me semble que ce serait bien normal qu’un membre des Premières Nations, dirige enfin son pays… et le nôtre. Un rêve ? Peut être… mais qui sait… puisqu’il est de toute évidence bien préparé pour une telle responsabilité. A vous Canadiens qui me lisez, je recommande de syntoniser les débats de la Chambre des Communes à la chaîne parlementaire CPACF dès la reprise des travaux, après les vacances, où vous pourrez le voir, l’entendre et juger de sa compétence. CD

mardi 21 juin 2011

La « démonisation » des chefs politiques

Aujourd’hui, être chef de parti n’est pas une sinécure. Que l’on soit au pouvoir comme Stephen Harper à Ottawa ou Jean Charest à Québec, on est la cible de toutes les critiques. Et les partis d’opposition s’en donnent à cœur joie !

Après sa tentative de prendre le pouvoir avec la coalition Libéral-NDP-BQ, le Bloc Québécois (BQ) n’a cessé de salir Harper au point qu’il a réussi, puisque les Québécois n’aiment vraiment pas le premier ministre canadien. Le Québec a été la seule province canadienne à réduire son nombre de députés PC lors de la récente élection.

De même à Québec, le Parti Québécois (PQ) a fait fondre la popularité de Jean Charest de 51%, où elle se fixait il y a un peu plus de 18 mois, à 25% aujourd’hui en le calomniant et en cherchant à faire croire que le premier ministre du Québec est un homme corrompu.

On ne peut que constater que ces tactiques de dénigrement sont venues des séparatistes élus aux deux niveaux de gouvernement.

Mais comme il y a de la justice dans ce bas monde, l’électeur ne s’est pas seulement retourné contre les attaqués mais aussi contre les attaquants et n’accorde plus sa confiance à aucun. Il en a soupé de la démagogie.

Le Bloc est disparu le soir des élections et son chef n’est plus en politique. Quant au NDP, avec un chef qui a toujours maintenu ses critiques du gouvernement et de ses dirigeants au niveau des idées et du respect, il a été récompensé en récoltant une manne providentielle de comtés.

De son côté, le PQ connaît actuellement une impensable et difficile traversée du désert alors qu’il y a à peine un mois, une sensation de parfaite joie et d’optimisme l’avait envahi, suite au vote de confiance de 93% accordé à son chef Pauline Marois. Aujourd’hui, le leadership de cette dernière est en péril et on parle même d’implosion du PQ. Cinq députés ont quitté le parti : quatre en accusant le parti de ne pas faire de l’indépendance du Québec sa priorité ; l’autre en affirmant le contraire en reprochant au parti de donner trop d’importance à la séparation tout en ne s’occupant pas suffisamment des problèmes qui affligent la société québécoise. Jour après jour, la marée de critiques envers Marois devient tsunamienne et cette dernière subit, à son tour, les effets de la « démonisation ». On dit n’importe quoi sur elle.

Pourtant les arguments des opposants de Pauline Marois ne tiennent pas la route. Alors que le Parti Libéral du Québec (PLQ) est depuis longtemps au pouvoir et que celui-ci s’use à la longue, les sondages indiquent que le PQ est bien placé pour reprendre le pouvoir. Pour ce faire, le PQ doit être en mesure d’obtenir des votes fédéralistes. Comme René Lévesque en 1976, Marois réclame le pouvoir afin de créer et de diriger un bon gouvernement en reléguant à plus tard le débat sur la séparation. Les « purs et durs » séparatistes rejettent cette tactique et veulent à tout prix faire de la prochaine élection une élection référendaire. Pourtant les sondages sont clairs. Une majorité de Québécoises et de Québécois n’est pas d’accord et le parti risque de retourner dans l’opposition et de perdre plusieurs comtés s’il s’engage dans cette voie. « Tant pis » disent les séparatistes, « il faut faire ce que l’on doit faire ». Cette réaction ridicule démontre un sens d’irresponsabilité, un manque de sérieux et une incompréhension totale de la capacité d’agir que le pouvoir donne à un parti politique qui l’exerce.

Le PQ est le parti le plus démocratique du Québec. Mais si ses membres ne veulent pas suivre leur chef et reconnaître qu’elle propose une stratégie électorale responsable pour accéder au pouvoir, eh bien ! qu’ils la chassent ! Les fédéralistes, comme moi, seront très heureux de la tournure des évènements.

Je soupçonne que ce branle-bas péquiste a comme source la montée dans les sondages de l’ex-ministre François Legault. Depuis que ce dernier a quitté le PQ, il s’est dédié à analyser les problèmes principaux qui confrontent l’avenir du Québec et à trouver, avec des collaborateurs chevronnés, des solutions pratiques. À ce jour, il va bien, comme je l’ai affirmé dans un billet précédent. Ses propositions sont bien accueillies.

De plus, la volte-face récente, spectaculaire, inimaginable et surprenante de l’électorat québécois en faveur du NDP fédéral a marqué profondément d’un fer rouge les députés et les organisateurs du PQ. Ils semblent subjugués par cet évènement et croient en la possibilité qu’un effet similaire se reproduise lors de la prochaine élection provinciale. Ils craignent Legault, de plus en plus, mais croient possible, qu’avec un chef capable de générer un tel engouement massif, ils seront en mesure de recréer une vague similaire en faveur de la séparation du Québec. D’autres, plus opportunistes, comme d’ex députés et organisateurs du BQ, voient un Legault vainqueur et se collent à lui simplement par intérêt personnel.

Ces politiciens actuels ou en devenir oublient que la politique est un commerce d’images et d’illusions. Malheureusement pour lui, Legault manque de charisme naturel. Il est hésitant et n’a pas l’autorité d'un chef basée sur l'éloquence, la mise en scène et la fascination. Je ne vois pas en lui le prestige d’une personnalité exceptionnelle capable d’exercer son ascendant sur les autres. Je ne vois pas chez lui les qualités nécessaires pour se maintenir au haut des sondages. Ce n’est ni un Trudeau ni un Lévesque ni un Bouchard ni un Mulroney ni un Jean Charest (à ses débuts). Il est loin de l’image positive et entraînante que projette Jack Layton. D’ailleurs, depuis un certain temps, la cote de Legault diminue, même si ses idées sont bonnes et qu’il a une presse très favorable.

Pauline Marois, comme François Legault, souffre aussi d’un manque de charisme. Jean Charest demeure un premier ministre blessé et j’ai l’impression, si les sondages ne changent pas, que ses jours sont comptés et que le PLQ devra se choisir un nouveau chef suite à sa démission. Le chef de l’ADQ, pour sa part, ne démontre pas encore qu’il a l’étoffe nécessaire pour être premier ministre du Québec. Amir Khadir de Québec Solidaire, trop à gauche, impressionne de moins en moins. Quant aux « purs et durs » s’ils n’obtiennent pas la démission de Marois, ils disent vouloir présenter leur propre candidat. On peut prévoir qu’aucun de ces chefs n’aura un ascendant sur les autres.

Les péquistes ne doivent donc pas perdre les pédales ni remplacer leur chef, car la prochaine élection québécoise s’annonce comme une des plus serrées de l’histoire du Québec et l’organisation électorale comptera alors pour beaucoup. Ce sera un « free for all » et personne à ce jour ne peut prédire qui sera le gagnant ou la gagnante. Quant à moi, j’ose avancer, si la tendance se maintient, que le résultat sera un gouvernement minoritaire.

Tout ce qui arrive est pour le mieux. La politique sera dorénavant plus civilisée et les politiciens cesseront de dire n’importe quoi simplement pour obtenir la manchette des médias. L’électeur devient à nouveau souverain.

Claude Dupras

lundi 13 juin 2011

DSK a-t-il été traité équitablement ?

Depuis son arrestation le 14 mai dernier, Dominique Strauss-Kahn a payé beaucoup pour l’accusation qui pèse sur lui : publicité mondiale négative, arrestation humiliante, emprisonnement dans la minable prison de Rikers Island, démission forcée de la présidence du FMI, prestige international effacé, possibilité d’être président de la France évaporée, dépenses et frais extraordinaires d’avocats et de logement, camouflet blessant pour son épouse, amour-propre balayé … et ça continue.

Récemment, j’ai lu un billet « Ray Kelly’s french connection » du blog de Leonard Levitt, auteur et journaliste newyorkais qui se spécialise dans les affaires policières, spécifiquement celles de la police de New York (NYPD). Le nom de son blog NYPD Confidential figure sur mon blog dans la « liste de blogs intéressants » que je lis et que je recommande à mes lecteurs.

Kelly est le commissaire de la NYPD, donc le grand chef de la police. C’est un homme de principe qui protège ses policiers et exige beaucoup d’eux. Il ne tolère aucune fuite journalistique sur les affaires du NYPD. Par exemple, il y a quelque temps, suite au meurtre d’une étudiante de Brooklyn qui fut attachée et violée, les journaux de New York (NY) eurent vent de détails de l’enquête policière et les publièrent. Devant cet affront, Kelly fut impitoyable et entrepris une enquête générale par la police de la police de tout le bureau des détectives. Ces derniers et leurs patrons furent questionnés sous serment, les rapports d’appels des téléphones portables de chacun analysés, etc…

Les films policiers et les séries télévisées sur la « Big Apple » nous ont souventes fois démontré l’influence qu’exerce le commissaire de police de NY. On a vu ce personnage, à plusieurs occasions, poser des actes favorisant ou protégeant des amis ou des gens influents, même issus de la pègre. Mais Kelly n’est pas de cet acabit. Il passe pour un chef modèle dur et intraitable.

C’est pourquoi il est surprenant que les rumeurs de certaines informations préjudiciables à DSK soient venues du NYPD. Kelly répond que ce ne sont que des allégations fausses. Cet homme qui normalement ne laisse rien passer voulait-il discréditer DSK ? Question crédible ? À première vue, vous me direz NON. Voyons ce qui en est.

Comme Levitt, je n’aime pas les théories de conspiration et rarement je me laisse prendre, mais celle-ci est intéressante.

Celui qui avait un grand intérêt à voir DSK trébucher est Nicolas Sarkozy qui voyait en lui un rival quasi imbattable à la présidence française. Je ressens votre sourire ! Voyons ce que Levitt raconte.

Kelly et son épouse Véronica sont francophiles. Cette dernière voyage souvent en France pour des raisons d’affaires. Interpol est à Lyon et Kelly à cause des affaires anti-terrorisme du NYPD s’y rend fréquemment. En 2006, au consulat français de New York, Kelly a reçu des mains du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, la légion d’honneur, la plus haute décoration française. Les Américains qui reçoivent cet honneur sont rares et on retrouve dans le groupe : la cuisinière Julia Child, Walt Disney et le président et général Dwight Eisenhower. Kelly est donc en bonne compagnie.

L’été dernier, Kelly fut invité par Sarkozy à Paris pour la remise de la même décoration à Alain Bauer, le criminaliste français et expert en sécurité. Par la suite, Bauer convainquit Kelly d’assigner plusieurs de ses détectives à la police de Paris pour contrer les menaces terroristes.

Les allégations émanant du NYPD et qui ont créé le plus de tort à DSK, dès les premiers jours de son arrestation, furent : il fuyait par avion vers la France, il y a eu viol et les analyses de son ADN correspondent au sperme relevé sur l’habillement de la femme de chambre. On sait que la première, la supposée fuite, est fausse, mais on ne sait pas encore si les deux dernières sont vraies.

On peut être surpris du manque de réaction du chef Kelly sur ces allégations très graves contre DSK si on la compare aux actions draconiennes qu’il a prises en rapport avec la cas de l’assaut sexuel mentionné au début de ce billet et qui arriva avant qu’il soit décoré de la légion d’honneur.

Kelly a-t-il agi en reconnaissance à Sarkozy en fermant les yeux sur les allégations, venant de ses subalternes, sachant qu’elles blessaient politiquement à mort DSK ? Si non, les a-t-il lui-même ordonnées ? Voulait-il ainsi nuire au principal adversaire politique de son influent ami français, sans que ce dernier le sache ? Si oui, il a réussi car DSK n’est plus de la lutte.

S’il s’avérait que DSK soit déclaré non coupable, une enquête sur les agissements de Kelly durant les premiers jours de l’arrestation de DSK mériterait d’être engagée.

Le comportement de cet éminent policier, issu des milieux pauvres du « West side » de Manhattan, explique la raison pour laquelle Levitt, qui le connaît bien, se pose la question suivante : « Kelly est-il si impressionné par ses associations aux « rich and famous » qu’il perd tout sens des responsabilités ou de service public » lorsqu’il traite d’affaires qui les concernent ?

Claude Dupras

jeudi 9 juin 2011

Au Québec, rien ne se fait… aujourd’hui ?

La chronique d’aujourd’hui de Réjean Tremblay, l’excellent et légendaire chroniqueur sportif de La Presse, offre matière à discussion. Intitulée « Un Casino 2 ? », elle compare le projet de l’amphithéâtre de Québec à celui qui fut rejeté, en 2006, pour la relocalisation du Casino de Montréal au bassin Peel du port de Montréal. Il en conclut que depuis les derniers 20 ans, rien ne se fait au Québec. En somme, il sous-entend que trop d’oppositions s’élèvent contre les projets importants et que les élus se plient devant les contestataires et n’approuvent pas les projets.

Les deux projets, Casino et Amphithéâtre, ne se comparent pas, sauf pour ceux qui ne voient dans de tels projets que du développement immobilier. À Québec, les citoyens se sont prononcée pour leur projet tandis qu'à Montréal, les citoyens étaient contre le leur.

En 2005, je me suis opposé fermement et j’ai fait campagne contre le projet de relocalisation du Casino. Finalement, ce sont les Montréalais, les Montréalaises et un grand nombre de groupements sociaux qui, par leurs argumentations et leurs actions, ont réussi à l’arrêter. Les citoyens de Montréal ont exprimé leur bon sens.

Réjean Tremblay blâme le PM Jean Charest de ne pas avoir appuyé le projet en se ralliant au vœu de la majorité des Montréalais des arrondissements où il devait être implanté. Le premier ministre a eu l’intelligence de comprendre que le développement de Montréal ne passait pas nécessairement par des projets de promoteurs dont le seul but est de faire « une piastre vite » sans tenir compte des effets à long terme sur la ville et sa population.

Le projet de la relocalisation du Casino avait été imaginé par la société Canderel. Cette dernière avait réussi à convaincre les dirigeants de Loto-Québec, propriétaire du Casino, de déménager leurs pénates d’un endroit pittoresque et isolé de l’île Notre-Dame à un quartier populaire de Montréal. Et cela, malgré que des centaines de millions de $ avaient été investis pour transformer les pavillons de France et du Québec de l’expo67 en un casino exceptionnel. Nonobstant cela, ces dirigeants, prétextant que les revenus du casino diminuaient (on n’en a jamais eu la preuve), ont sauté sur l’idée du promoteur de reconstruire un nouveau casino sur son site pensant ainsi respecter leur mandat qui est d’augmenter les revenus à tous les ans.

Et les milliers de joueurs invétérés qui ont développé la « maladie du jeu », à cause de la venue du Casino dans notre ville, qu’en faisait-on ? Et les pertes financières de ces joueurs qui affectent directement leurs proches, femme et enfants, qui en souffre profondément ? Les statistiques sont là, connues et confirmées par des rapports d’experts médicaux qui ont constaté le ravage que fait le jeu chez trop de personnes. On n’a qu’à constater l’affluence qui augmente, au Casino et chez Loto-Québec, le jour de l’arrivée des chèques de bien-être social dédiés aux besoins minimums des familles nécessiteuses, pour comprendre.

Il est quasi-impossible de fermer le casino, comme beaucoup de gens le réclament, mais il faut se battre pour en limiter les dégâts et empêcher qu’il devienne plus attrayant. Le Casino de Montréal devrait, entre autres, cesser toute publicité et tout octroi de contribution à des groupes sociaux dans le but d’attirer de nouveaux clients. Le Québec n’a pas besoin de cet argent sale pour survivre.

Canderel avait obtenu l’accord tacite du Cirque du Soleil. Cependant, les dirigeants de ce dernier avaient annoncé ne vouloir mettre aucun sou dans le construction du projet. On lui a fait miroiter l’utilisation d’une salle de 2 500 places spécialement conçue pour ses spectacles, comme celles de Las Vegas. Il aurait pu, ainsi, présenter un spectacle de cirque dans ce mégacomplexe, durant quelques mois à tous les ans. Cette salle évidemment devait être construite et payée par le Casino de Montréal. Heureusement, devant les arguments des opposants et la pression qu’ils exercèrent sur la ville de Montréal et le gouvernement du Québec, le propriétaire du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, retira son accord au projet. Il était devenu sensible aux préoccupations de ces Montréalais. Dès la décision de Laliberté, la direction de Loto-Québec annonça sa décision de renoncer au mégaprojet dont le coût total était estimé, à ce moment-là, à 1,2 milliards $.

Réjean Tremblay affirme que rien ne se fait aujourd’hui par rapport aux années 60’ et 70’. Il oublie que, dans ce temps-là, la dette n’existait pas et que le gouvernement québécois pouvait emprunter à volonté. De plus, le métro de Montréal, l’expo67, la Manicouagan et les jeux olympiques76 n’ont rien à voir avec le méga-complexe projeté au bassin Peel ou l’amphithéâtre de Québec. Les dires de Tremblay sont irréalistes lorsqu’on constate les milliards de $ actuellement investis dans d’innombrables infrastructures de toutes sortes sur tout le territoire du Québec et ceux pour les deux mégahôpitaux en construction à Montréal. Et que dire de l’extraordinaire barrage hydroélectrique de La Romaine, dont la construction débute, et qui est plus important que ceux de la Manicouagan et de la Baie James ?

Après avoir passé un savon à tous les intervenants du projet de l’amphithéâtre, Tremblay se reprend quelque peu en espérant que le PM Charest soit plus fort qu’il imagine et que le l’amphithéâtre de Québec puisse se réaliser. J’ai la conviction qu’il sera construit.

Le PM Charest a remis le débat à septembre. Deux mois et demi de délai. Ce n’est certainement pas la mer à boire… Il est impossible que le projet éclate à cause de cela.

Le débat des derniers jours a dégénéré en une mise en scène trompeuse qui a bouleversé un grand nombre d’individus. Quatre députés du Parti Québécois ont démissionné face aux agissements de leur parti. Le parti libéral est aussi ébranlé. La légalité du projet de loi a été rejetée par le barreau canadien et celui du Québec. La commission parlementaire est devenue une comédie tragique. Et tout cela pour une raison simple : le projet de loi de l’amphithéâtre, tel que présenté, était basé sur des fondements peu solides. Le responsable de ce gâchis est le gouvernement et le PM Charest doit en assumer la responsabilité. Heureusement, il a mis fin à cette mascarade qui devenait choquante pour tous les Québécois. Il a compris qu’il ne pouvait forcer, coûte que coûte, l’adoption de la loi protégeant le projet contre toutes contestations légales, seulement pour le plaisir du maire de Québec.

Le projet de loi doit être revu et tenir compte des points de vue des Québécois qui se sont exprimés en personne ou via les sondages sur le projet. Le vote pourra être pris sans que l’Assemblée Nationale brave ostensiblement et brutalement les principes de « la loi des cités et villes » et ceux de l’Assemblée Nationale.

Ne vous inquiétez pas M. Tremblay, l’amphithéâtre de Québec sera construit. Les Québécois de Québec le veulent, alors donnons-le leur. Ils obtiendront possiblement une équipe d’hockey professionnel. Je leur souhaite. Mais je crains que leur amphithéâtre devienne un éléphant blanc et un fardeau fiscal important pour eux.

M. Tremblay, rappelez-vous la pression exercée sur la commission parlementaire par le maire de Québec et le président de Quebecor. Ces derniers n’ont cessé d’affirmer que la période de temps pour voter la loi était courte et que si elle n’était pas respectée, la fenêtre d’opportunité pour obtenir la franchise d’un club d’hockey professionnel serait perdue. Aujourd’hui, suite à leurs dernières déclarations en rapport avec la remise du vote à l’automne, on se rend compte que tout n’était que du « bluff ».

Claude Dupras

lundi 6 juin 2011

Qui sera le prochain chef du Parti Québécois ?

Comme on dit au Québec : « Marois est faite ». Après la démission aujourd’hui de trois députés ténors du Parti Québécois (PQ), péquistes de la première heure, et l’insatisfaction grandissante qui se ressent au sein du caucus du parti, une seule conclusion s’impose : la chef Pauline Marois devra démissionner bientôt.

Cela se ressentait déjà, même, s’il y a peu de temps, elle obtenait un vote de confiance de 93% des délégués au congrès du PQ. Ce vote était en fait fabriqué, faux et non mérité. Constatant la descente du parti libéral du Québec et de son chef Jean Charest, les péquistes se sont ralliés tactiquement et massivement à leur chef, par opportunisme, pour chercher à faire croire aux Québécoises et Québécois qu’elle était la femme de l’heure. Ils n’y croyaient pas. Ne voyant aucune autre alternative pour prendre le pouvoir lors de la prochaine élection générale, ils ont opté pour un vote massif envers leur chef pour impressionner la galerie. L’électoralisme a primé et aujourd’hui, le parti paye pour son erreur de jugement.

Les trois députés, Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin, ont quitté le parti avec fracas. Beaudoin était un membre fondateur. Lapointe membre depuis plus de 30 ans en plus d’être l’épouse de Jacques Parizeau, l’ex PM et la vraie âme séparatiste du PQ. L’acteur Curzi était devenu à cause de sa prestance, sa sincérité, son éloquence et son amour vrai du Québec, l’un des députés les plus admirés de l’Assemblée Nationale.

Suite à cette déconfiture magistrale, Pauline Marois ne pourra survivre à la tête du parti. Ce rejet de son leadership est une blessure fatale. Toute l’atmosphère médiatique autour de cet évènement extraordinaire s'explique par le fait qu'elle a décidé, pour des fins strictement électorales, de mettre de côté une question fondamentale et élémentaire comme le droit à un individu de pouvoir contester une loi québécoise. C’est une erreur fatale. Elle devra démissionner à court ou à moyen terme puisque subitement elle a fait la preuve qu’elle était vieux jeu, vieux politicien, vieille « gamique » politique. Si elle s’accroche à son poste, le parti libéral de Jean Charest sera réélu.

Qui la remplacera ? Qui est à même de donner confiance aux Québécois de s’embarquer avec le Parti Québécois pour les quatre prochaines années et pouvoir voguer sûrement vers le progrès tout en exprimant et défendant clairement les avantages que le Québec devienne un pays?

Actuellement je ne vois que deux individus capables de prendre la direction du PQ et capables de l’amener, peut être, vers la victoire : Gilles Duceppe et Pierre Curzi.

Gilles Duceppe, l’ex-chef du Bloc Québécois qui vient de subir une dégelée sans pareille lors de la dernière élection générale fédérale, a vu son parti littéralement disparaître de la carte politique canadienne. Nonobstant cette grave défaite, je crois que Duceppe est un bon homme. Il est convaincu de la cause séparatiste. Il est sérieux, sincère, réfléchi, responsable et a du charisme. Même s’il est blessé profondément suite à sa récente défaite, je crois qu’il pourrait être convaincu de revenir à la tête du PQ, où il a toujours rêvé d’être, et diriger les séparatistes dignement lors de la prochaine élection provinciale.

Le député Pierre Curzi est une acteur aimé et scénariste renommé. Il a de très belles qualités. La principale est sa profonde sincérité de vouloir bien servir ses compatriotes,. Il croit profondément dans l’indépendance du Québec et à la nécessité pour ses compatriotes de créer un pays. Il est fort éloquent et a un charisme qui lui donne les couleurs d’un grand chef révolutionnaire. Son handicap, et je ne suis pas tout à fait certain que cela en soit un, est qu’il est un idéaliste et ne porte pas toujours sur terre.

Le chef du PQ doit propager l’idéal de ceux qui croient dans l’indépendance du Québec. Il doit être celui qui est le plus apte à convaincre ses compatriotes de la valeur des arguments positifs pour un pays indépendant. Si les séparatistes sont sérieux et veulent vraiment gagner des points, ils se doivent de choisir celui que le peuple écoutera et qu’il voudra suivre. Gilles Duceppe et Pierre Curzi sont deux bons choix.

Il y a aussi la possibilité qu’un des jeunes brillants députés actuels du PQ décident de briguer les suffrages pour devenir chef. C’est possible et la probabilité qu’il pourrait être élu existe. N’oublions pas que les Québécois aiment les jeunes chefs. On a qu’à se rappeler Robert Bourassa qui devint PM du Québec et Brian Mulroney PM du Canada qui furent plébiscités et obtinrent des votes majoritaires pour leur parti, même s’ils étaient jeunes.

Quant à moi, je ne vois pas d’avantage pour mes compatriotes à ce que le Québec devienne un pays. Je ne crois pas que nous devrions simplement donner notre part du pays Canada aux Anglais. Mon pays est trop extraordinaire pour cela.

Cette décision se règlera lors d’un prochain référendum. Entretemps, j’espère que le PQ choisira le meilleur chef afin que le futur débat référendaire soit le meilleur possible pour que mes compatriotes puissent décider de leur avenir en toute connaissance de cause.

Claude Dupras

vendredi 3 juin 2011

Les Québecois : pauvres ou riches ?

L’ex-ministre péquiste François Legault et démissionnaire du parti Québécois brasse la cage. Cet homme d’affaires, brillant et dynamique, devenu politicien avait co-fondé la compagnie de transport aérien Air Transat devenue fort importante avec son chiffre d'affaires de 1,3 milliard $ et ses 4 000 employés.

Legault, homme de vision, est préoccupé de l’avenir des Québécoises et des Québécois. Depuis son départ de la politique, il a réuni autour de lui dans une « Coalition pour l’avenir » plusieurs individus, penseurs, hommes d’affaires, professionnels et autres qui sont au fait des problèmes qui confrontent la société québécoise. Ils discutent et recherchent des solutions pratiques pouvant solidifier les fondements de notre société et proposer un plan d’action pour ce faire.

La Coalition est un mouvement apolitique. Pour elle, la relance du Québec passe par deux axes importants : le rétablissement de la confiance des Québécois dans leurs institutions publiques et la fin du débat indépendantistes/fédéralistes qui les divise. La Coalition dévoile ses propositions par volets. Après avoir présenté ses cahiers sur la santé et l’éducation, François Legault vient de déposer ses idées sur l’économie. Celui de la langue et de la culture suivra.

Le volet sur l’économie fait couler beaucoup d’encre et a engendré un des meilleurs débats de blogueurs que j’ai constatés depuis que j’écris mon blog, il y a déjà sept ans. Y participent, en plus de François Legault : le conseiller politique Jean-François Lisée, l’économiste Pierre Fortin, l’économiste Martin Coiteux, le journaliste Pierre Duhamel et des centaines d’internautes qui ajoutent leurs commentaires. On peut retrouver les liens pour tous ces blogueurs dans la liste des blogs que je recommande à mes lecteurs, à la droite de cette page.

Dans ce cahier économique, Legault et la Coalition proposent des idées pour rebâtir une économie de propriétaires, pour agir afin d’accroître la productivité, pour inciter la création de valeur et mettre fin à la spirale de l’endettement public.

Le débat a pris feu lorsque Legault a affirmé, pour décrire la situation actuelle au Québec, que « les Américains gagnent 45% de plus que les Québécois ». Lisée s’est vite levé pour dénoncer Legault, l’accusant d’affirmer « des statistiques fausses, erronées et trompeuses et de volontairement les utiliser à répétition ». Il ajouta « il est dommage qu’un homme de sa valeur… s’entête à tromper ainsi les citoyens ». « En fait », dit-il « ce sont les Québécois qui gagnent plus que les Américains ». Pourtant, Lisée admet ne rien connaître aux statistiques mais se fie à celles qu’il a demandées à l’économiste Pierre Fortin de fabriquer.

Lors d’un débat à la radio de 98,5FM à l’émission « puisqu’il faut se lever », où l’animateur Paul Arcand avait invité Lisée à débattre avec l’économiste Martin Coiteux, ce dernier a affirmé clairement que les chiffres qu’utilise Lisée « ne sont pas bons, sont incorrects » et lui a suggéré de « retourner à votre table de travail ». De plus, il a reproché à Lisée de répandre la rumeur que Legault veut briser le filet social, alors que jamais ce dernier n’en a parlé. Il a même affirmé le contraire.

Au lieu d’utiliser les données de l’OCDE, le PIB de chaque pays, comme le font tous les économistes, le couple Fortin-Lisée utilise des données de taux d’inflation urbains de Statistiques Canada alors qu’il sait que l’agence elle-même met en garde de ne pas les utiliser pour établir des comparaisons de coût entre les villes. De plus, Fortin et Lisée étêtent les chiffres en enlevant les plus hauts salariés (les riches) pour établir leurs propres statistiques.

Je suis surpris que l’économiste Pierre Fortin, professeur d'économie à l'UQAM, se prête à ce jeu, car il a été l’un des douze signataires du manifeste « Pour un Québec lucide » où il a affirmé que « le Québec court à sa perte s'il n'effectue pas un sérieux coup de barre économique et social ». C’est ce que propose Legault avec des propositions pratiques et réalistes.

Jean François Lisée est un homme intelligent, articulé, auteur et chroniqueur. Il a été le conseiller politique de deux premiers ministres péquistes québécois et demeure un ardent indépendantiste. Il jouit d’une influence certaine.

Lisée voit sûrement un danger politique en la personne de François Legault puisque de récents sondages placent ce dernier au pouvoir advenant une élection générale, alors qu’il n’a même pas de parti politique. Les Québécois ont soif de changement et ceux que propose la « Coalition pour l’avenir » de Legault leur plaisent. Ils ont confiance en cet homme simple, un peu timide, sérieux, passionné du Québec et qui veut aider notre société à se réorienter vers un avenir positif.

Cela explique la véhémence avec laquelle Lisée a attaqué François Legault. Lisée devrait être de la Coalition, mais non ! Il demeure un partisan politique, même s’il joue le chroniqueur objectif, et c’est avec cet œil qu’il juge les propositions de tous ceux qui veulent aider le Québec. « Si c’est bon pour le PQ, c’est bon, sinon c’est pas bon », est son slogan. Individus et idées sont dans le même sac. Et pour trouver des arguments pour étayer son point de vue, quel qu’il soit, il est un des meilleurs en ville.

C’est malheureux car Lisée pourrait contribuer grandement à un changement majeur au Québec. Mais, « que voulez-vous » comme disait un ancien premier ministre canadien, « la partisannerie rend aveugle ».

Claude Dupras